Andène (Andenne) - Noyé / lès traîrîyes (Noël / les trairies)

Joseph Selvais (Hin.meténe / Hemptinne), in : Cahiers Wallons, 6, 2006, p.177-178

 

A Andène, pont d’ Noyé sins traîrîyes

 

È l’ Walonîye, i n-a pont d’ Noyé sins cougnous. Tot l’ monde èl sét bén.

Mins à Andène, i n-a pont d’ Noyé sins traîrîyes nén pus. Qu’ èst-ce qui c’ èst co d’ ça

Djouwer lès traîrîyes, ça n’ si faît qu’ au Noyé, dins lès caba­rèts èt lès bolèdjerîyes èt afîye amon lès djins. C’ è-st-one ûsance come ça, dispôy dès-ans èt dès rasans ; qu’ i n-a nuk qui sâreût dîre, min.me dins lès pus vîs, quand-ce qui ça a c’mincî. Dins l’ timps, on-z-atakeûve à djouwer après l’ mèsse di méye-nêt. Lès cabarèts, on s’ âreût batu po-z-î intrer télemint qu’ i n-aveût dès djins. Èt ça dureûve jusqu’aus p’titès-eûres. Mins asteûre, come tot l’ monde ni va pus à mèsse, lès djins vont d’djà fé on toûr après l’ soper ou l’ révèlion.

 

One traîrîye, d’abôrd, c’ è-st-one quèwéye di cénk cougnous di difèrin.nès grocheûs ; li bolèdjî ou l’ cabaretî l’s-apwate à l’ tauve avou on djeu d’ cénkante-deûs cautes. Chake cougnou a on nom : li pus gros, c’ èst « li prum î» ; pwîs, c’ èst « l’ deûsin.me », « li trwèsin.me », « li quatrin.me » ; li raculot, on l’ loume « li trôye » : c’ è-st-on p’tit cougnou come on trove dins lès botikes. Bén sovint, au djoû d’ audjoûrdu, è l’ place dèe « prumî », c’ è-st-one buche avou dè l’ crin.me èt tôt ç’ qu’ i n-a d’ bon.

Po djouwer, i faut èsse à dîj ; on s’ assîd à l’ tauve èt chake djouweû dwèt mète à djeu dijans.n deûs-eûros, qui vont è l’ potche dè cabaretî ou dè bolèdjî. Adonpwîs, li ci qu’ a arivé l’ prumî mache lès cautes, li deûzyin.me côpe, li trwèsyin.me done lès cautes : one à chake. Adonpwîs, i r’toûne « li onzin.me » èt nén l’ cine qu ‘è-st-au cu dè djeu. Li ci qu’ a l’ pus hôte dins l’ coleûr dè l’ caute qu’ èst r’toûrnéye prind l’ pus gros cougnou, ou l’ buche.

Èt l’ djeu ric’mince en sûvant lès min.mès régues qui l’ prumî côp ; èt come ça jusqu’à tant qui « l’ trôye » è-st-èvôye. On comprind qu’ onk qu’ âreût dè l’ chance poureût raler è s’ maujone avou dès brèssîyes di cougnous ; èt qu’ on-ôte pourè djouwer plusieûrs traîrîyes èt fé bèrwète à chake côp. I faut dè I’ chance, qwè ! Là stî l’ timps, lès cougnous èstîn’ garnis avou tôtes sôtes di p’tits tchinis’ : one sitwèle di papî doré, on suke rôse, afîye one pitite plakète di têre qu’ on fieûve lès pupes èt qu’ èsteût mètoûwe è coleûr. I n’ faut nén rovî qu’à Andène, on-z-a faît dès pupes di têre dispôy todi.

Bran.mint dès djins qui sont natifs d’ Andène, mins qu’ ont bagué ôte paut, rivenèt ç’ djoû-là, parèt-i, rén qu’ po djouwer one traîrîye. Dès p’titès djins, mins dès gros ossi qui waîteront di s’ fé tirer en pôrtraît po-z-èsse mostrés su lès gazètes li samwin.ne d’après. Nos-admètrans qui c’ è-st-on djeu bén onête, èt qui n’ faît pont d’ twârt à pèrson.ne,… èt qui faît min.me de bén aus bolèdjîs…

 

 

in : Trad. Wall.,  Au pays des cougnous, cougnoles et coquilles, 1990

(p.46) Les Trêrîes à Andenne aujourd’hui

 

Les cougnous, ces petits pains, auxquels on attribue la forme d’un enfant em­mailloté qui serait le petit Jésus, étaient autrefois un des rares cadeaux qu’on offrait aux enfants à la Noël. Aujourd’hui encore nous pouvons les admirer à la fin de l’année dans les vitrines des boulange­ries. Sauf ceux de petite taille, ils sont déco­rés en général de ronds en plâtre, peints à la main, ou de petits Jésus en sucre.

Si cette tradition reflète bien un fond chrétien, son expression s’est transformée sous l’influence du milieu populaire. Rare­ment religieux, les thèmes illustrés sur les ronds de cougnous représentent en grande majorité les scènes de la vie quotidienne des paysans ou de la petite bourgeoisie. Jusqu’à rappeler les personnages des tableaux de Bruegel. On a du mal à croire, comme on le dit en certains endroits, qu’ils devaient décorer des cadeaux offerts par le petit Jésus aux enfants sages… De plus, le caractère populaire des cougnous s’affirme lorsqu’ils deviennent l’objet d’un jeu de cartes : les traîrîyes. Cette tradition existe à Andenne, où les habitants prati­quent encore maintenant ce jeu dont les origines ne sont pas bien connues. Il se déroule dans les ateliers des boulangers, dans les pâtisseries et dans les cafés. Autre­fois on le jouait aussi dans les maisons par­ticulières. Pour les Andennais, la traîrîye est une série de cinq cougnous de dimen­sions décroissantes. Le premier cougnou, li prumî, pèse 500 g, le deuxième, li deûzyin.me, 400 g, le troisième, li trèzyin.me, 300 g, le quatrième, li quatyin.me, 200 g et le dernier li trôye (la truie) ne pèse que 100 g. Le jeu se déroule à Noël, après la messe de minuit, dans les ateliers des boulangers qui avaient déjà préparé des tables et des cougnous à l’intention des joueurs. Ceux-ci forment des groupes de dix personnes dont chacune verse une somme donnée dans la caisse. On joue avec 52 cartes, un des joueurs les mêle, son voisin de droite les coupe et celui de gauche en distribue une à chaque joueur. La carte en dessous du paquet est retournée et le joueur qui pos­sède la carte la plus haute gagne li prumî : le plus grand cougnou. Ainsi le jeu conti­nue jusqu’à la distribution de la trôye. La soirée se prolonge souvent durant toute la nuit dans une ambiance animée. Il n’est pas rare de voir défiler jusqu’à trois cents joueurs dans un atelier car les visiteurs cir­culent de l’un à l’autre. Certains joueurs viennent de loin, de Liège et même de Bruxelles. Les boulangers andennais pas­sent, avant les fêtes de Noël, plusieurs nuits blanches pour préparer ces festivités. Ils commencent d’ailleurs à vendre leurs cou­gnous à partir du 15 novembre — la demande oblige…

Depuis quelques années cette coutume a subi une modification : sur l’initiative d’un pâtissier local, li prumî, le premier cougnou a été remplacé par une bûche de Noël. Mais ce changement n’est pas appré­cié par tous les habitants d’Andenne et le retour à la tradition n’est pas exclu.

 

(p.47) Les traîrîyes à Andenne autrefois

 

Coutume spécifiquement andennaise, le jeu des trairies se pratique à la Noël.

Une trairie est une série de cinq cougnous de taille progressivement décroissante et n’ayant d’autres noms que : li prumî, Hdeûzinme, litrwè-sinme, li quatrinme et… li trôye.

Le jour de Noël, après la grand messe, on se réunit chez les boulangers pour « jouer des trairies ». Dix personnes s’assemblent autour d’une table. Chacun verse la « mise ». (Avant la guerre : 30 centimes). On bat les cartes ; on en distribue une à chaque joueur, suivant un rite dont on ne peut se départir ; enfin on retourne la onzième carte. Celui qui a la carte la plus élevée dans la couleur de la retourne gagne le premier cougnou. Et le jeu recommence jusqu’à l’enlèvement de la trôye. Puis on joue une nouvelle trairie. Il y a 4, 6, 8 tables occupées en même temps. On joue dans le magasin, au salon, dans la cuisine ; on monte des trai­ries dans les chambres de l’étage et parfois le jeu s’étend jusque dans les cafés voisins. Ce n’est pas Noël pour un Andennais s’il n’a pas joué quelques trairies ; et ceux qui ont émigré reviennent à Noël pour jouer des trairies. Certains amateurs ne quittent la table qu’après avoir joué 10, 15, 20 trairies. L’attrait des trairies s’exerce sur toutes les classes de la société. La trairie amène le nivellement social. Autour de la table aux trairires, on se coudoie dans la franche fraternité andennaise. Tel ou telle qui, les 364 autres jours de l’année, hésiterait à porter un petit paquet dans la rue, sort à Noël de chez le boulanger avec deux énormes bras­sées de cougnous, qu’il porte avec la même fierté que le triomphateur sa couronne de lauriers.

 

Le temps de Noël, Tradition wallonne, Liège, 1992

 

Les traîrîyes

 

À Andenne, plus qu’ailleurs, le cougnou est resté le roi de la fête. Il demeure au cen­tre d’une pratique populaire fortement enra­cinée dans les mœurs associant le jeu et la gastronomie.

Durant la nuit de Noël, les Andennais se réunissent dans les boulangeries et les cafés pour jouer les traîrîyes. Rassemblés par groupes de dix autour d’une table, les joueurs, une fois la mise versée, reçoivent chacun une carte. On en retourne une on­zième : l’atout. Le joueur possédant la carte la plus haute dans la couleur retournée em­portera un cougnou. Le jeu recommencera à quatre reprises pour l’obtention d’un cou­gnou de grandeur inférieure au précédent, le plus petit, li trôye – la truie – provoquant moqueries et quolibets à l’encontre de son propriétaire.

Le mot trêrîe indiquait peut-être un tirage au sort des cougnous. Quoi qu’il en soit, les usages semblent avoir peu varié au cours du temps. René Dusépulchre (17) écrivait à la fin du siècle dernier qu’elles se jouaient à Andenne « de temps immémorial et que les personnes plus âgées avaient toujours connu le jeu tel qu’il se pratiquait.» À l’heure actuelle, le jeu et ses règles sont res­tés identiques. Il attire toujours les foules (18). Seule concession au modernisme, le plus gros cougnou est maintenant parfois remplacé par une bûche de pâtisserie.

 

ANDENNE – LES JEUX DES TRAIRIES

 

1. COORDONNEES.

Noël, après la messe de minuit. Lieu : Ancienne , dans les cafés et les pâtisseries de la ville. Type : jeux populaires.

 

2. DESCRIPTION.

Une trairie est une série de cinq cougnous de Noël, de grandeur et de grosseur décroissantes.

Dix personnes s’asseyent autour d’une table, on verse une mise, puis l’on bat les cartes.  C’est le joueur qui possède la carte la plus élevée dans la couleur de la retourne, qui gagne le pre­mier cougnou.  Le jeu continue jusqu’à l’enlèvement du dernier cougnou de la série.  “Le jour de Noël, c’est un spectacle amusant de croiser dans les rues de la ville les heureux gagnants portant des brassées de cougnous non sans une certaine ostentation “…” Ce n’est pas Noël pour un Ardennais, s”il n’a pas joué quelques trairies.  Certains, qui ont émigré, reviennent à Andenne pour jouer des trairies”.

A présent le “premier” cougnou est remplacé par une bûche de Noël.

 

Pol Wascotte, Jacques Huart, Si Andenne vous était conté …, s.d.

 

(p.60) FOLKLORE UNIQUE EN WALLONIE : LES TRAIRIES DE NOËL

 

La nuit de Noël, fidèles à une tradition typique, les Andennais jouent des centaines de trairies. On les joue aux cartes. One traîrîye, c’est une série de cinq cougnous de grosseurs décroissantes et si le cougnou, petit pain de cramique de la forme d’un bébé emmailloté, est connu dans toute la Wallonie et en certain pays de Foix (Midi de la France), déjà en 1691, la trairie dont ce cougnou est l’enjeu ne se pratique curieusement qu’à Andenne, naguère encore après la messe de minuit, maintenant bien avant le premier coup de cloche. Elle se joue dans les boulangeries, les pâtisseries et certains cafés (1).

 

Il lui faut dix joueurs et chacun verse une somme de x francs (fluctuant d’année en année). On apporte une trairie, dont le plus gros cougnou a, depuis quelque temps, souvent fait place à une bûche en gâteau de Savoie, chaque participant reçoit une carte, la onzième est retournée. Le joueur qui possède la plus haute carte de ka retourne enlève le plus gros cougnou ou la bûche.

Le jeu continue ainsi jusqu’à l’épuisement de la série. Les concurrents sont tellement nombreux qu’ils débordent ; rez-de-chaussée des pâtisseries et des cafés jusqu’aux chambres des étages. C’est à qui remportera le plus grand nombre de cougnous, même si on en a fabriqué chez soi.

On pense que les trairies, jeu de nourriture succulente une période où l’on ne mangeait pas tous les jours des douceurs, remontent à l’arrivée des premiers pipiers allemands à Andenelle, soit vers 1764 (2).

 

1)  Au pays de Foix (France), les marraines mettaient autrefois ce petit pain sur la tête de leurs filleuls, en leur souhaitant «.qu’ils fussent aussi grands au bout de l’an ».

2)  Voir au chapitre du Musée de la Céramique d’Andenne, l’établissement de la famille de Peter Heurter, venue de Hühr-lez-Coblence, dans i rue des Pipiers à Andenelle.  La famille — encore représentée à Andenne — possédait naguère un tableau (ou une image ?) que certains anciens aujourd’hui disparus avaient vu. Il  représentait des pipiers montrant des cougnous dont une des boules était décorée de pipes croisées. Ces boules qui figurent la tête et les pieds d’un enfant emmailloté furent, au cours des ans, décorées d’étoiles argentées ou [orées, de Jésus en fondant rosé et aussi de « cougnolles », petites plaquettes en terre à pipes blanche   qui allaient par séries de 5 et en ordre de grandeurs décroissantes. Elles étaient littéralement cuites dans ; cougnou et étaient décorées de naïfs motifs repassés au pinceau : bouquets de fleurs, boteresse, jardinier, oiseau, etc…

 

Andène (Andenne) - lès traîrîyes (les 'trairies')

(in: Wallonia, 1899, p.133-135)

Andène (Andenne) - lès traîrîyes (les 'trairies')

(in: LS, 27/12/1990)

Bousale (Bousalle) / Andène (Andenne) - li passéye à l' doréye

(Elen, op.citat., p.120-121)

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