Andène (Andenne) - colèjiâle Sinte-Marîye-Majeûre (collégiale Sainte-Marie-Majeure)

(Albums de Croÿ, XXIV, Fleuves et rivières, II)

Sclèyin (Sclayn) - colèjiâle Notrè-Dame èt Sint-Félis' (collégiale Notre-Dame et Saint-Félix)

(in: Albums de Croÿ, XXIV, Fleuves et rivières, II)

Vile-è-Warèt (Ville-en-Waret)

(Albums de Croÿ, op.citat.)

B'jin (Vezin)

(Albums de Croÿ, op.citat.)

Some èt Housswè (Somme et Houssoy) (B'jin / Vezin)

Landène (Landenne)

Sèye (Seilles)

An.nnale (Andenelle) - li P'tite France (la Petite France)

Andène (Andenne) - cabarèt Degève-Bricteux (café Degève-Bricteux)

(Elen, op.citat.)

Coutisse - botike (magasin)

(Elen, op.citat.)

Andenne (Andène) - on pus' (un puits)

(Elen, op.citat.)

Sèye (Seilles) - li tchapèle romane di Rèpe (la chapelle romane de Reppe)

(in: Les Cahiers Wallons, 4, 2008)

Andène (Andenne) - fontin.ne di l' Oûrs' (fontaine de l'Ours)

(s.r.)

Sanson (Samson) - li route di Ton (la route de Thon)

Moûse divant Sanson (la Meuse avant Samson)

Namètche (Namêche) - rotchî do Trau dès Nûtons èt Moûse (rocher du Trou des "Nutons" et la Meuse)

Namètche (Namêche) - li pont (le pont)

bwârds di Moûse : panorama d' Sanson èt d' Namètche (panorama de Samson et de Namêche)

An.nenale (Andenelle) - en-d'dins d' l' èglîje) (intérieur de l'église)

(in: La Bibliothèque Illustrée, 1890)

Andène (Andenne) - pont en 1955

(colècsion / collection E. Pïerre)

Andène (Andenne) - rowe dès Tchèts (rue des Chats)

 

Pol Wascotte, Jacques Huart, Si Andenne vous était conté …, s.d.

 

(p.7) LA COLLEGIALE SAINTE-BEGGE

 

La remarquable collégiale d’Ancienne dont les plans sont dus à l’architecte Dewez est située au cœur de l’ancienne ville.

Au XVIIIe siècle, à la suite d’une décision du chapitre des chanoinesses d’Andenne et vu la vétusté très accusée de l’ancienne collégiale, Sainte-Marie-Majeure, on décida de la construction de la nouvelle église. Les chanoinesses obtinrent l’autorisation de procéder aux travaux par décret de S.M.I.R. Marie-Thérèse, en date du 29 avril 1763. Après bien des vicissitudes et de très lourds sacrifices consentis par le chapitre, la construction fut commencée en 1764, date de la pose de la première pierre et achevée en 1783.

Les prévisions des dépenses furent largement dépassées, malgré le coût réduit de nombreuses fournitures, telles que pierres provenant des anciennes églises démolies ou extraites des carrières appartenant au chapitre, bois en provenance des forêts situées dans le ban d’Andenne, et divers matériaux fabriqués à proximité ou trouvés sur place. Ces énormes dépenses de construction étaient disproportionnées aux revenus du chapitre ; elles rui­nèrent finalement cette institution. Entretemps, Joseph II(p.8)  venait de prononcer sa déchéance çt quelques années plus tard, la Révolution française la fit complètement disparaître.

La façade principale, de style Renaissance, est orientée au nord. Des pilastres en pierre avec chapiteaux ioniques encadrent le porche. On peut voir dans le tympan du fronton terminal l’écusson armorié de la maison de sainte Begge, décrit par M. Misson (1) « en forme de losange (forme traditionnelle pour les armoiries de dames nobles) portant mi parti trois alérions, mi parti de sable au lion d’or. Il repose sur deux palmes et est sommé d’une couronne fermée ». Au-dessus du portail d’entrée se lit également le chronogramme suivant, indiquant la date de 1773 : Deo DIV aeq Ve Beggae Vo Vere PrenoblLes AnDanenses

CanonICae

(Les nobles chanoinesses d’Andenne l’ont voué à Dieu et à sainte Begge).

Cette année ne fut pourtant pas celle de la dédicace de la nouvelle collégiale. Elle eut lieu le 19 septembre 1778 en présence de son Altesse le prince de Lobkowitz, évêque de Namur, consécrateur.

Signalons encore en façade deux curieux mascarons — têtes de fantaisie, élément décoratif courant du XVIIIe — qui versaient jadis de l’eau dans de petits bassins (terre-plein de l’escalier). Ils sont depuis peu remis en usage.

 

  • Baron Misson – Le chapitre noble de sainte Begge à Andenne.

 

L’énorme clocher bulbeux ne possède plus ses cloches du XVIIe siècle qui provenaient des sept églises fondées par sainte Begge et qui représentaient certes un élément important de l’histoire locale : en 1943, les Allemands occupant la Belgique s’en emparèrent comme en beau­coup d’endroits.

Seul, de la première époque, le bourdon « Marie » (1.200 kg., refondue en 1776) — que les Andennais appellent à tort « cloche Sainte-Begge » — reste dans le clocher. La rescapée porte, gravé, le texte suivant (traduit du latin) : « Que le Christ soit loué, que par moi l’ennemi soit mis en fuite, car je (les) amène à Lui. Pour tous, je m’appelle Marie et fus faite en cette année du Seigneur 1483 (des deniers) de Guillemine de Raisse, chanoinesse de cette église ». Les six autres cloches disparues furent remplacées en 1950.

Pénétrons dans le sanctuaire et admirons les remar­quables proportions qu’offrent au premier regard la nef centrale — aux piliers ornés de chapiteaux corinthiens — les collatéraux et le transept, tous trois conçus pour servir d’église paroissiale, tandis que le vaste chœur servait d’église abbatiale, réservée jadis aux chanoinesses qui y avaient leurs stalles, et cette abbatiale était autre­fois séparée de l’église paroissiale par une clôture qu’un banc de communion remplaça pour disparaître à son tour.

 

UN RICHE MOBILIER

 

Dans le fond de la nef latérale gauche, un large tableau représentant « Le Massacre des Saints Innocents » est attribué au peintre Louis Finsonius de Bruges qui l’exé­cuta, probablement à Amsterdam, vers 1610. Il fut (p.9) acheté à Liège vers la fin du siècle dernier par M. le doyen Courtois. Au fond de la nef latérale droite, un autre tableau représente « L’Assomption de la Sainte Vierge » peinte en 1801 par les artistes A. Frippart et G. Bruppelles.

Deux des neuf confessionnaux des basses nefs portent des médaillons du XVIIIe siècle ; ils seraient du même menuisier que ceux de l’église de Foy-Notre-Dame, typiquement semblables.

La chaire de vérité, remarquable (1779), est attribuée à Jean-Joseph Génicot, menuisier à Andenne, les trois médaillons qui l’ornent étant l’œuvre d’un sculpteur namurois J.J. Denis ; ils ont pour sujet : « La Sama­ritaine », « Lazare », « La dernière Cène ». Remarquons également les attributs des quatre Evangélistes à la double rampe d’escalier.

Dans l’aile droite du transept, deux tableaux : « La Visitation » et « La Présentation de la Sainte Vierge au Temple » et dans l’aile gauche, deux autres peintures : « L’Annonciation » et « La Présentation de Jésus au temple », quatre œuvres du peintre liégeois O. Pirotte (1699-1764), d’abord élève de Panhay de Rendeux, puis à Rome de B. Lutti et D. Branchi. Au-dessus des deux autels du transept, entre les pilastres des retables-portiques, deux tableaux représentent, à gauche sainte Begge, à droite sainte Gertrude, sa sœur, en costume de

chanoinesse, charmant anachronisme des XVIIIe et XIXe s., comme le costume de la statue à l’autel qui est consacré à sainte Begge (voir plus loin).

Les tissus soyeux du nouvel autel situé au centre du podium ont été confectionnés par Mme Imma de Sauvage à Paris en 1966.

A l’entrée du chœur, à gauche dans Pabsidiole, le tom­beau dit de sainte Begge consiste en deux grandes dalles de marbre noir. L’une sert de base, l’autre de table supportée aux quatre coins par de petits piliers également en marbre noir figurant deux anges portant encensoir et deux chanoinesses tenant un livre à la main. Ces quatre personnages sculptés dateraient des XII et XIIIe siècles. La balustrade en marbre blanc se trouvant à l’avant du tombeau est, suivant une inscription, un don de chanoinesse au XVIIe siècle.

Ce tombeau se trouvait précédemment, avant la cons­truction de la collégiale, dans la chapelle Saint-Pierre, une des sept églises bâties à cet endroit d’Andenne (voir plus loin, à la description de la place du Chapitre). Voici ce qu’en dit A. Melin (1) :

« Andenne a conservé un culte profond pour sa sainte et illustre fondatrice. Durant tout le Moyen âge, son tombeau ne cessa d’attirer les foules. 11 continue à être l’objet d’une grande dévotion et nom­breuses sont encore les mères qui, le vendredi de chaque semaine, y apportent leurs enfants. Sainte Begge est spécialement invoquée pour la guérison des hernies et pour la préservation des diverses infirmités

 

  • « Histoire de la Ville et du Ban d’Andenne » (éd. H. Vaillant-Carmanne, Liège, 1928).

 

(p.10) de l’enfance. Le rite observé est un des points les plus intéressants du folklore local. Par une étroite ouverture, l’enfant est introduit sur la dalle du tombeau et sa mère le fait glisser trois fois autour d’une colonne dressée au centre de cette dalle et supportant une croix. Nous ne savons à quelle époque remonte cette coutume, mais l’usure du marbre témoigne de son ancienneté. Les mères aiment aussi à exercer leurs jeunes enfants à faire leurs premiers pas sur les marches de l’autel de sainte Begge, tout proche du tombeau ».

Cet autel de sainte Begge, dans la même absidiole, fut offert par le comte d’Argenteau, chanoine de la cathédrale de Liège et du chapitre d’Andenne, en mé­moire de sa sœur, morte chanoinesse d’Andenne (1770), comme l’autel de la seconde absidiole (transept droit) (N.D. de la Consolation).

Au mur d’entrée de cette absidiole, il faut voir une belle statue baroque (XVIIe siècle) de saint Jean-Baptiste, poly­chrome, et un très curieux tronc gothique en fer.

Un bénitier en pierre, près de la porte d’entrée latérale (gauche) est du XVe siècle, tandis que les fonts baptismaux placés maintenant dans le chœur datent du XVIe siècle (gothique flamboyant). Ces deux œuvres proviennent des anciennes églises démolies au XVIIIe siècle.

Au centre du chœur, existe un lutrin, magnifique dinanderie du XVe siècle surtout remarquable par sa tête de griffon, qui a participé à plus d’une exposition de pièces en cuivre travaillé : les ailes déployées du griffon forment lutrin, tandis que ses pattes antérieures supportent un second pupitre composé d’une plaque ornée d’armoiries gravées. Naguère, on pouvait voir également de grands chandeliers en argent de style Louis XVI pesant chacun 15 kg et fabriqués d’après des dessins de l’architecte Dewez, constructeur de l’église. Un exemplaire de ces chandeliers se trouve en vitrine du trésor voisin (voir plus loin).

Le chœur possède un ensemble de six tableaux datant de 1856, attribués au peintre hutois Lecrenier, qui évoquent des épisodes de la vie de la sainte patronne d’Andenne (1), à nouveau en costume de chanoinesse. A noter encore de belles stalles en bois dont les sièges sont du XVIe siècle, mais leur prie-Dieu du XVIIIe. L’ensemble des 14 stalles présente une cinquantaine de têtes humaines, toutes différentes, sculptées en relief dans le chêne. Vitraux représentant des scènes de la vie de sainte Begge.

Au-dessus du maître-autel Renaissance en marbre rouge datant de 1734 (style Louis XV), une peinture du XVIIIe siècle est attribuée à Gaspard Anthemus et figure « L’Assomption de la sainte Vierge ». Cet autel provient de l’église Notre-Dame de Tongres. Les deux grandes statues en terre cuite peinte en blanc sont, à gauche saint Pierre et à droite Moïse. Signalons encore dans le chœur des crédences à tablettes en marbre sur consoles en chêne sculpté de style XVIIIe siècle.

 

  • Voir détails dans le dépliant-sommaire du mobilier de la Collégiale, avec plan de localisation, édité par le S.I. (1973), disponible à la collégiale.

 

(p.12) A droite du chœur et de la seconde absidiole, presque à l’entrée de la sacristie (transept droit), une curieuse statue de saint Pierre à la chaise curule, en bois poly­chrome, date du Moyen âge et provient d’une des anciennes églises d’Andenne. Sur l’autre mur d’entrée de l’absidiole, Sainte-Vierge, statue de l’école de Delcourt

(XVIIIe siècle).

Au jubé, les orgues du XVIIIe siècle — auxquelles travailla Thomas Weidtman, facteur d’orgues de Ratingen, près de Dtlsseldorf, sont réduites à dix jeux depuis 1930, mais l’instrument est fort abîmé depuis près d’un siècle.

 

ACCES AU TRESOR

 

L’accès au trésor de la collégiale Sainte-Begge conduit d’abord le visiteur par plusieurs vastes pièces d’affilée non dénuées d’intérêt par leur mobilier et qui sont en fait les sacristies de l’église.

Au-dessus de la porte d’accès à la première pièce — chambre du mécanisme d’horlogerie des cloches — on découvre un grand tableau carré où figurent les blasons d’une ancienne chanoinesse d’Andenne : cette forme de peinture est un obit, sans doute réalisé pour l’enterrement de la chanoinesse Marie-Charlotte de Loen (les 16 blasons sont les quartiers de noblesse exigés pour l’entrée au Chapitre). A côté, une armoire avec chronogramme de 1743.

Dans la première sacristie, un tableau haut en couleurs représente le Christ soutenu par deux anges ; au-dessus de l’entrée, un autre évoque le Saint-Esprit, un autre encore un gisant réaliste de l’école allemande. Dans une niche, on trouve un Christ en bois en provenance de l’ancienne chapelle de la place des Tilleuls, démolie en 1892 (voir plus loin). On admire surtout une curieuse armoire à deux corps, de 1618, gravée et en forme de chapelle : c’est l’ancien habitacle de la châsse de sainte Begge, pièce maîtresse du Trésor voisin. Elle contient un bel épistolaire et évangéliaire Plantin de 1686 et une Bible Vulgate de 1740 ; une rare Vierge avec cheveux ; des statues retirées de la chapelle Saint-Roch (1), route de Bonneville : Vierge gothique et Saint-Roch ; diverses porcelaines religieuses d’Andenne ; une grande Sainte-Catherine d’Alexandrie, Renaissance. Dans la deuxième salle contiguë, semblable en proportions à la première, une modeste statuaire, un Saint-Hubert (XVIIe s.), un Saint-Pierre (1857) et une Sainte-Begge (XVIe s.), tous trois de style populaire, également retirés de la chapelle Saint-Roch, surplombe, avec un chandelier de style gothique, de riches et solides mobiliers Renaissance et gothique.

Au-dessus des armoires, trois statues fort intéressantes : un Saint-Hubert en terre cuite des XVIIe-XVIIIe s., un Saint-Aubert, patron des boulangers, en bois du XVIIIe, aux initiales de boulangers andennais de l’époque : Naveau, Servais et Quintin et une singulière figure en bois de Saint-Nicolas avec écusson nobiliaire et les enfants à la cuve (XVIe s.). (1) Voir Guide des promenades pédestres – promenade N° 3 – éd. du S.I.

 

(p.13) En face, en vitrines, un étalage de beaux ornements sacerdotaux du XVIIIe s., sauf l’un d’eux, du XVIIe s., au blason d’Alamont, du nom d’un ancien chanoine de Liège (1). Ils font partie d’un ensemble prestigieux dont d’autres exemplaires parent plus loin les vitrines du Trésor.

Dans une autre vitrine verticale : divers curieux parchemins, de 1450 à 1758 et sceaux du Chapitre noble de Namur et de Marie-Thérèse d’Autriche, de vieux pavés en céramique du Moyen Age.

Enfin, un autre obit au baron de Wal, chevalier-commandeur de l’ordre teutonique (1818), orne un des murs de cette salle (2).

La porte du fond conduirait au musée lapidaire, décrit plus loin. L’autre porte, en enfilade avec les divers pas­sages en sacristie, s’ouvre sur le trésor du Chapitre noble d’Andenne.

 

LE TRESOR DU CHAPITRE NOBLE D’ANDENNE

 

La Collégiale possède, derrière la sacristie, en de spacieuses armoires vitrées, un remarquable trésor qui peut être visité .

 

(1) Ce nom est également évoqué plus loin, au Trésor.

(2)  Décédé le 16/5/1818, il fut l’époux de Marie-Françoise de Woel-mont, chanoinesse d’Andenne.

 

SON ORIGINE HISTORIQUE

 

Le trésor de la collégiale d’Andenne fut, dans le passé, très fastueux, car l’on sait combien grand fut le prestige du chapitre noble. L’accès à ce chapitre était d’ailleurs et pour cette raison strictement fermé aux dames qui n’apportaient pas parmi leurs références un qua­druple faisceau d’alliances aristocratiques, sans la moindre trace de bâtardise, tant du côté maternel que du côté paternel, ce qui leur exigeait « huit quartiers ». Plus tard, un diplôme de l’impératrice Marie-Thérèse (1782) exigera « seize quartiers » à quiconque voudra entrer dans le chapitre d’Andenne.

Certes déjà, avant le chapitre devenu séculier, la communauté religieuse fondée par sainte Begge avait été richement dotée et par sa fondatrice qui était de souche princière et par ses illustres descendants (Pépin II dit de Herstal, Charles Martel, Pépin le Bref, Charlemagne). Au fil des années, les dames d’Andenne ne négligèrent rien pour que leur église fût pourvue de tous les linges, ornements, vêtements et objets sacerdotaux recommandés ou exigés par la liturgie et nombreuses furent celles qui, avant leur mort, tinrent à apporter personnellement une offrande au mobilier. Les archives privées des chanoinesses rapportent encore leurs pieuses libéralités.

 

VISITE DU TRESOR

 

Dès l’entrée de la salle, une première vitrine, à droite, montre deux manuscrits : un Antiphonaire du XVe s. et un office de Sainte-Begge ; un livre d’Heures de 1699 et une « Vie de sainte Begge » (1631), bien conservée. Un chan­delier en argent à l’effigie du Christ, de la Vierge et de sainte Begge (XVIIIe s.) et deux chandeliers en étain

d’Angleterre des XVIIe et XVIIIe s. occupent le bas du rayon.

A côté d’une dalmatique rosé (XVIIIe), bordée de fleurettes, se déploient de merveilleuses chapes tissées d’argent XVIIIe, (p.14) toutes vêtements liturgiques et tapisseries de grande qua­lité : une bleue, une rouge — avec capuchon et orfrois au fil d’argent — issues des opulents ateliers de Malines, une violette aux armes d’Alamont, don d’un seigneur lorrain qui devint chanoine de Liège en 1669. A côté, curieux ornement de soie mauve, tiré d’une ancienne robe de mariée (sans doute de chanoinesse).

 

NOTICE HISTORIQUE

 

Eugène Albert d’Alamont, après s’être dévoué à la défense de Mont-médy contre les troupes de Louis XIV, fut nommé par Philippe IV d’Espagne, évêque de Ruremonde en 1659, puis évêque de Gand en 1665. En 1669, il succéda à l’un de ses oncles comme chanoine noble de St-Lambert à Liège.

La seconde vitrine fait face à gauche : l’occupe toute une orfèvrerie de grande valeur, des XVIIe et XVIIIe siècles. A côté d’une lampe de sanctuaire en argent, style rocailles (1758), relevons en première place le fameux buste-reliquaire (en argent doré) de sainte Begge que les fervents de la procession annuelle connaissent bien. Il contient un fragment du crâne de la sainte, visible sous un cristal dans la couronne de 1732. Il daterait du XVIe s., est orné de riches pierreries et est supporté par quatre petits lions dorés.

Puis un beau calice en vermeil daté de « Bruxelles 1670 », à nœud gothique ancien et un autre en or du XVIIIe s., deux ciboires en argent, un ostensoir Louis XIII au poinçon d’Anvers, deux navettes dont une de Jeanne de Namur, chanoinesse d’Ancienne et deux encensoirs d’argent dont un gothique du XVe s. sous forme de tourelle ; un précieux reliquaire d’argent du XVIe aux armes des t’Serclaes (avec support en argent de 1648 et centre de style byzantin), renfermant un fragment de la vraie Croix rapporté par sainte Begge, lors de son voyage à Rome (selon la légende connue), (voir plus loin « Fontaine des Poussins »).

Cet ensemble de joyaux du culte accompagne de curieuses lettres patentes (avec grand sceau impérial) de l’Impé­ratrice Marie-Thérèse (1), quelques dentelles au point de Bruxelles, un vieux missel Plantin (Anvers XVIIe s.), un livre d’Heures enluminé de 1509 et un reliquaire XVIIIe de saint Hubert en forme singulière d’olifant (2) ; plus loin, une statue mutilée de sainte Begge, en pierre de sable* retrouvée par M. l’architecte Garant, dans le sous-sol de l’église. Signalons encore, véritables bijoux d’époque, ces deux médailles en or (biche, sept églises, couronne) et en émail du XVIe siècle et du XVIIIe siècle, qui furent les insignes des chanoinesses d’Andenne et dont l’une évoque leur réunion à Namur en 1785, au chapitre de Moustier, sous Joseph II. Plus loin encore, un ciboire de 1639 de la chanoinesse Jeanne de Roveroit (Rouvroy ??) en l’honneur de la Vierge et de saint Joseph.

 

(1)  Lettres patentes par lesquelles Marie-Thérèse habilitait les comtesses autrichiennes Antoinette, Thérèse et Eléonore de Franckenberg à jouir du droit de cité aux Pays-Bas, de façon à entrer en possession de leurs prébendes de chanoinesses (effigie de Marie-Thérèse et aigles bicéphales).

  • Ce reliquaire accueille les pèlerins de St-Hubert,  au  retour de leur longue marche biennale de la Pentecôte (voit plus loin, rubrique folklore).

 

(p.16) Dans un coin de la vitrine, voir encore une croix proces­sionnelle de 1540 — avec une très vieille hampe — don de Bertheline Delloie (chanoinesse) qui y a fait graver cette inscription : « En Dieu ai mon espoir ».

Dominant les deux vitrines, dans le fond de la salle, un tableau d’une grande fraîcheur représente le « Baptême du Christ » : indéniablement de style rubénien, il est attribué à Tielemans (Lierre) de l’école de Verhaegen, qui était un peintre louvaniste de la fin du XVIIP siècle.

Mais la plus belle pièce du Trésor est, sans conteste, la châsse de sainte Begge contenant des reliques impor­tantes de la sainte enfermées dans un petit coffret en glaces biseautées. Elle occupe un habitacle de prédilection et sous un éclairage fort judicieux, présente de brillants joyaux sur un capitonnage de velours rouge (longueur 1 m. 20 – poids 104 kgs).

Voici quelques extraits d’une étude faite par M. Courtoy, ancien archiviste à Namur, et parue en 1933 :

On regarde la châsse de sainte Begge, conservée en la collégiale d’An-denne, comme une des plus belles œuvres d’orfèvrerie Renaissance que nous ayons en Belgique (1).

Son décor, presque tout d’argent repoussé et ciselé, s’inspire de l’an­tique. Des colonnettes cannelées dans le haut et parées de grotesques dans le bas, que surmontent des chapiteaux composites, encadrent des niches cintrées à coquilles, où s’abritent les statuettes des apôtres.

 

(1) M. le chanoine Crooy et M. Rousseau ont aussi donné de courtes mais intéressantes notices sur la châsse dans « Le Trésor de l’Art belge au 17e s. », Bruxelles 1913, p. 236 et dans les bulletins des Commissions Royales d’Art et d’Archéologie, tome XLIII, p. 130.

 

Dans les écoinçons, des victoires ailées tendent des couronnes. Au milieu des longs côtés et à chaque pignon, des tableaux en ronde-bosse, d’un faire habile, représentent l’Adoration des Bergers, la Mise au tombeau du Christ, sa Résurrection et l’Assomption de la Vierge. Dans la frise inférieure, des cartouches découpés en « cuirs » montrent les Evan-gélistes et les Docteurs de l’Eglise dont l’attitude gracieuse est burinée avec finesse.

Partout ailleurs s’étalent des ciselures magnifiques où fleurs et fruits se mêlent élégamment à des sujets profanes : cygnes, aigles, dragons ailés, figures assises, chèvre-pieds, aiguières, plats, vases et trophées d’armes.

Sur la corniche, des pots à feu alternent avec de superbes acrotères, de cuivre fondu, ciselé et doré, en forme de rinceaux ajourés et d’en­roulements de feuillages sur lesquels se détachent, par un contraste bizarre qui est bien dans l’esprit de la Renaissance, des harpies et des anges.

Le crêtage supérieur, ainsi que l’image de sainte Begge gisant sur un sarcophage, ont été refaits au milieu du 19e siècle (1), mais les deux jolies figures d’enfants, porteurs d’une large et brandissant un glaive, sont anciennes.

Les statuettes des apôtres posées dans les niches datent de diverses époques. Celles de St-Simon et de St-André sont contemporaines de la châsse. Sur le socle de St-Paul, on lit la date de 1608 et l’inscription : « M. Fies fecit » qui nous donne le nom d’un orfèvre probablement namurois. St-Jacques le Majeur et St-Thomas portent le poinçon de l’orfèvrerie liégeoise : l’aigle et la seconde de ces images ont de plus les lettres enlacées « S.T. », initiales d’un artiste inconnu. St-Philippe, St-Jacques le Mineur et St-Barthélemy sont respectivement datés de 1641, 1643 et 1645.

Il est difficile, en l’absence de date et de marque d’orfèvre sur la châsse, de préciser son âge et l’atelier d’où elle est sortie. Cependant, le « caractère de l’ensemble » et les indications fournies par les statuettes

 

  • Chanoine Crooy et Rousseau – voir leur notice dans le « Trésor de l’Art belge au 17e siècle » Bruxelles 1913, p. 236.

 

(p.17) ont conduit à « conclure », avec une grande probabilité, que les parties principales de la châsse furent exécutées à Liège, tout au début du XVIIe siècle » (1)

Après un exposé de ses recherches au sujet de la date de l’exécution de la châsse et des statuettes ciselées qui la couvrent, M. Courtoy conclut :

…Ainsi en 1645, la châsse est enfin complètement décorée. Les comptes et les testaments postérieurs ne nous fournissent plus de renseignements sur elle. (2)

Au terme de nos recherches, si nous récapitulons les résultats acquis, nous constatons que dix statuettes sont certainement d’origine mosane, faites entre 1608 et 1645 par des orfèvres liégeois, namurois et dinantais. Les deux autres, qui remontent à la seconde moitié du 16e siècle, sont contemporaines de la châsse et vraisemblablement exécutées par l’auteur de celle-ci.

Cet orfèvre est-il liégeois ou anversois ? De toute évidence, il a subi l’influence de Corneille de Floris dont il imite les formules décoratives. Il serait prématuré de résoudre ce problème de provenance avant d’avoir examiné de près les quatre panneaux repoussés qui ornent les pignons et le milieu des longs côtés de la châsse. La composition de ces bas-reliefs s’apparente à des dessins de Lambert Lombard, le peintre-architecte liégeois. Cet artiste fut, comme on sait, un propagateur dans le pays mosan du style de la Renaissance italienne. Parmi ses élèves, il eut des Anversois et notamment Frans Floris, le frère aine de Corneille.

(1) Chanoine Crooy et Rousseau, op. cit.

(2)  On trouve bien dans la liasse 506 un acquit, du 22 décembre 1668, «  de 46  florins   11   patars  »  payés  à  la  femme  de  l’orfèvre  Jean le Vacke,  pour des images  d’argent,  mais  il  ne s’agit  ici  que de médailles de Sainte-Begge.

Ainsi apparaît la complexité du problème. Il touche à la question des rapports artistiques entre Anvers et Liège, à peine étudiée et du plus vif intérêt »(1) .

 

LE MUSEE LAPIDAIRE

SON ORIGINE HISTORIQUE

 

Lors de la réalisation de l’imposant bâtiment qu’est la collégiale Sainte-Begge, à la fin du XVIIIe siècle, {-architecte L. Dewez avait, à son emplacement, complètement rasé le cimetière où étaient enterrées des centaines de religieuses et chanoinesses du fameux Chapitre noble pour l’admission auquel il fallait, sous le règne de Marie-Thérèse, seize quartiers de noblesse sans aucune bâtardise.

Des pierres tombales armoriées subirent des sorts différents : certaines allèrent dans des fondations ; d’autres, sans être retournées, allèrent dans la maçonnerie de l’église, sans plus de façons, ou même furent encastrées dans des murs de bâtiments ou de cours bordant la place du Chapitre. D’autres enfin furent incluses dans les pavements des locaux de la tour massive de la collégiale et dans ses murs.

Dérochées avec soin, à leur endroit même, ou simplement relevées, elles constituent l’élément majeur de l’actuel musée au bas de ladite tour.

 

VISITE DU MUSEE

 

Dans une petite antichambre — qui sert de transition entre les sacristies et la tour de l’église — un superbe Saint-Jean-Baptiste, en terre cuite (XIXe siècle), trône dans une niche en bois.

Une salle oblongue y fait suite, au début de laquelle l’on est immédiatement confronté avec l’Histoire : un tableau

 

  • Texte extrait de la Chronique de la Société Archéologique de Namur Namurcum – 10e année, n° 4, 1933.

 

(p.18) donne un extrait suggestif de la « Généalogie de sainte Begge », depuis les Mérovingiens jusqu’aux derniers Caro­lingiens (d’après Butkens et Massart). Au centre de la pièce, une maquette de la collégiale Sainte-Begge qui remplaça, dans le site même, les sept églises primitives, et sur la table voisine, des fragments de pierres de ces anciennes chapelles, trouvées lors des fouilles de 1925. Sur tout le pourtour des murs, figurent également repro­duits, quelques blasons d’anciennes chanoinesses nobles d’Andenne : des noms qui deviendront familiers au gré de la visite.

Voici, en effet, au bas d’un mur, encastrées, quelques unes de leurs pierres tombales diversement conservées avec les insignes de leur noblesse : celle de Mlle Heyoven (8 blasons – morte en 1571), de Marie-Brigitte de Guines de Bonnières (déc. en 1694) avec ses 32 blasons, de Begge-Gérardine de Severy (déc. en 1675) et 8 blasons, auxquelles s’ajoutent celle d’un greffier de Chapitre, mort en 1623, Nicolas de Borsu, avec sa femme Catherine Kassal et celle de Jean-André, curé de Franc-Waret.

Sur le sol, près de la porte de sortie, une splendide et grande pierre de Henri de Wildre (ou de Wierde) qui fut l’époux de la chanoinesse Berteline Delloie dont on se rappelle qu’elle fit don de la croix processionnelle figurant au trésor de la collégiale. Tout à côté, la seule pierre d’un chanoine existant au musée et qui fut un des rares prêtres du Chapitre d’Andenne ; les autres chanoines étaient de simples frères et tous, de toutes façons, sous les ordres de la prévôté (1).

 

Si nous empruntions ici le corridor de sortie (porche), nous verrions, couvrant en grande partie l’un des murs, une immense et belle pierre bleue de Henri de Berlo (déc. en 1617), de son épouse Anne de Creckenbeck et leurs trois filles et contiguë, celle de Louise-Hélène d’Aars-chot de Schoonhoven, chanoinesse (déc. en 1712) avec ses 8 quartiers et de sa sœur Jossine-Caroline (8 quartiers, décédée en 1731).

Par contre, en entrant sous la tour, l’on découvre une salle presque entièrement tapissée de pierres tombales de différentes grandeurs.

Sur le mur Ouest, à gauche en entrant, une pierre de Thérèse-Henriette d’Argenteau, écolâtre (déc. en 1705) et à droite, dans l’escalier de la tour, celle, étroite et bien relief, de Marie et Catharine (déc. en 1626 et 1609) de Senzelle, respectivement écolâtre et prévôté du Chapitre.

Le mur Nord possède en son centre une pierre tombale évoquant un magnifique calvaire. A sa droite, celle d’Anne (morte en 1619) et de Catarina (1624) de Hamal, toutes deux chanoinesses, celle encore de Guillemine-Françoise de Glimes de Brabant (1723) ; à sa gauche, un autre de Catherine-Justine de Geloes (1740).

Sur le mur oriental de la tour, d’autres pierres encore : celle de Léonard, comte d’Elsius (mort en 1750) et de son épouse, Philippine-Caroline van der Gracht (1710) où l’on remarque une fondation de messes encore bien lisible.

 

(1) Lire « Le Monastère mérovingien d’Ancienne » de F. Rousseau – 1965 disponible à la Collégiale.

 

(p.20)  Au-dessus de la niche abritant le lutrin (voir plus loin), celle d’une autre chanoinesse bien connue, Anne de Quarré (décédée en 1607 à l’âge de 7 ans !), puis enfin celle de Catherine et d’Antoinette d’Oultremont, deux sœurs, respectivement prévôté et écolâtre du Chapitre.

 

PREVOTE ET ÉCOLÂTRE DU CHAPITRE

 

On sait que la prévôté exerçait les fonctions d’abbesse, mais une abbesse en titre, le Chapitre d’Andenne n’en a jamais possédé, quoiqu’il restât toujours une institution à prééminence féminine. D’autre part, différentes pierres nous l’indiquent, les chanoinesses d’Andenne pouvaient se marier et ainsi rentrer dans le monde, mais alors elles perdaient leurs prébendes (revenus en biens), signale l’historien F. Rousseau. Quant à l’écolâtre, poste qui, au cours des siècles, prit assez d’impor­tance pour devenir une des dignités capitulaires, elle (il) était en quelque sorte le chef de l’école monastique.

Au sol, sous l’escalier, s’étale une superbe pierre d’Isabelle-Renée-Brigitte (décédée en 1693) et de sa sœur Marie de Scharrenberg (1719) ; y fait pendant dans le coin gauche, celle d’Henri Simon, cairier (peut-être caissier) du Cha­pitre, mort en 1627 et de son épouse Catherine de Borsu (déc. en 1640).

Pour meubler cette salle austère mais riche de l’histoire d’Andenne quelque statuaire et plusieurs ustensiles an­ciens : une magnifique Pïetà des environs de 1550, en style dit « maniériste » et une châsse de sainte Orbie, la fidèle servante de sainte Begge, en bois peint en blanc. Elle repré­sente un petit temple avec toiture à deux versants et contient quantité de reliques dont deux têtes des « onze mille vierges de Cologne ». Ces reliques ne peuvent plus être offertes à la vénération des fidèles, la châsse ayant été violée, lors de la Révolution française.

 

SAINTE ORBIE A ANDENNE

 

Avant la Révolution, le 10 octobre, on fêtait Ste-Orbie, originaire du village voisin de Coulisse. Les habitants de ce lieu venaient en procession chercher la châsse pour la conduire dans leur paroisse. Une très ancienne potale rustique, de 1760, rappelle encore le souvenir de cette humble servante, à l’orée du bois de Hautebise, entre Andenne et Coulisse (1) et (2).

Sainte Orbie — comme sainl Morl, le modesle berger de sainle Begge, vénéré à Haillol — apparaîl dans la « Légende Dorée » d’Andenne, véritable roman hagiographique composé par un clerc andennais au Moyen âge sur la vie de sainle Begge. D’après celle légende, Orbie était originaire de Coulisse el quand elle renlrail dans son village par la forêt d’Heer, la nuil lombée, pour soigner sa mère malade, le diable — qui s’irritait de la piété filiale de l’humble fille — éleignail la chandelle de sa lanterne, mais l’ange-gardien la rallumail aussilôl (3).

Le bas du mur oriental de la tour s’orne de deux angelots en bois et de deux bustes-reliquaires. Quant à la niche, elle abrite un beau lutrin en bois du premier quart du XVIe qui naguère se trouvait encore dans le chœur de l’église. Il frappe par sa facture très Renaissance : aigle gracieux aux ailes déployées, agriffé sur une boule.

 

(1)  Consulter à ce sujet : « Légendes et coutumes du Pays de Namur » de F. Rousseau (éd. 1920 et 1971), chap. « Les légendes d’Andenne ».

(2)  Idem : « Guide des promenades pédestres », éd. du S.I. « Andenne-Tourisme », promenade N° 4.

(3)  Ce tableau est évoqué dans la procession historique annuelle, le dimanche de septembre se rapprochant le plus du 19, dale-anniversaire de la dédicace de la Collégiale.

Consulter égalemenl le dernier chapilre de ce livre.

 

(p.21) Au centre de la pièce, on a reproduit, sur un vaste support, tout le site des sept anciennes églises d’Andenne, avec les maisons riveraines (1762). C’est dans ce site que vint s’implanter, après leur disparition, la nouvelle collégiale Ste-Begge dont a vu la maquette dans la salle précédente.

A côté, pour aider le visiteur à mieux reconstituer les lieux au XVIIIe siècle, figure un plan de la place du Chapitre actuelle sur lequel M. Garant, architecte à Andenne, qui a assisté aux fouilles de 1914, 1925, 1932 et 1938, a dessiné en surimpression l’emplacement présumé des sept églises de 1762. Il est intéressant de les comparer, à l’échelle .de ce plan, avec les petites églises voisines d’Andenelle, Groynne et Reppe, actuelles.

L’historien F. Rousseau nous a également appris que ce vaste quartier religieux, dénommé pendant des siècles « les Encloîtres » (1) était entouré d’une enceinte de murailles sur laquelle s’ouvraient plusieurs portes dont la Porte St-Etienne — située à proximité de la tour de la collégiale actuelle — est le seul vénérable vestige. Sur le pourtour des « Encloîtres », les maisons des chanoi-nesses, encore presque toutes visibles, avaient succédé aux bâtiments monastiques primitifs.

 

  • Consulter « Le Monastère mérovingien d’Andenne » F. Rousseau, extr. des « Annales de la Société archéologique de Namur », tome LUI, 1965, disponible à la Collégiale.

 

A ce propos, M. Rousseau ne doute pas « que ces sept sanctuaires — dans le site des Encloîtres — nous reportent aux origines mêmes du monastère d’Andenne et nous livrent, en fin de compte, le plan du monastère primitif, c’est-à-dire d’un monastère mérovingien. Et cette persis­tance jusqu’au XVIIIe siècle est vraiment inattendue dans nos régions ».

 

(p.22) L’EGLISE ROMANE D’ANDENELLE

 

Andenelle, faubourg d’Andenne sur la route de Huy, possède une très belle église romane classée, dite « de Sarrasins », dont l’origine se situe vers le début du XIIe siècle et qui aurait remplacé un hôtel-Dieu (hôpital) abandonné après la période des croisades (1). Peut-être un indice d’ancienneté, sur la première colonne, près de l’entrée de gauche, on peut lire : 1112 (plus probable­ment 1712).

De cette période cependant, seules la tour, déjà trans­formée en 1620 (d’après une inscription sur une pierre extérieure) et la nef restent anciennes ; quant aux piliers carrés (une caractéristique du style roman), ils ont aussi été repris en sous-œuvre au XVIe siècle et remplacés par

 

  • « Sarrasin » dans le folklore wallon est synonyme de païen. D’après l’historien Félix Rousseau, dans le langage populaire, le terme « sarrasin » était jadis appliqué à toutes les populations païennes du pays et par extension, on disait « sous de sarrasins » (monnaies romaines), puis, par analogie, on désignait tout ce qui paraissait remonter à une époque très ancienne, telles les tours, les églises, etc…

 

des colonnes (1). Le transept et l’abside semi-circulaire (chœur) et également la sacristie datent d’un siècle environ.

Les huit belles colonnes en pierre calcaire du pays mosan (Seilles) délimitent la nef romane et plusieurs d’entre elles pourraient provenir des sept églises d’Andenne, construites par les chanoinesses et aujourd’hui, disparues (cfr. supra, historique de la collégiale). Mais rien n’est certain à ce sujet. Les deux premières, en bas de la nef, sont fort remarquables tant à cause des figures taillées dans la pierre des chapiteaux typiquement mosans, que pour les deux bénitiers également taillés et dont l’un s’orne de figures naïves voulant personnifier un généreux donateur et sa femme.

Les pieds de ces piliers ont plus d’une fois baigné dans les eaux de la Meuse, lors de très fortes crues — et la dernière fois en 1926, l’on en voit encore des traces — car le pavement de l’église court plus bas que la place qui entoure l’édifice, autre particularité d’an­cienneté. A noter encore qu’une des colonnes de la nef est d’une seule pièce (la deuxième à gauche).

Les murs, comme dans toutes les églises romanes, sont de grandes zones dénudées ou sobres de décorations.

 

(1) Même travail à l’église de Flostoy, et voilà deux exemples d’adaptation des églises anciennes à des besoins nouveaux et déjà aux XVIe et XVIIe siècles.

Voir « Trésors d’art dans l’ancien doyenné d’Havelange », 1970, p. 45-46.

 

(p.24) Nous conseillons vivement aussi de voir dans le chœur un tabernacle en pierre qui se trouvait enchâssé autre­fois à l’extérieur, dans le mur de la rue de l’Eglise Saint-Pierre, où il servait d’exposoir. Certains le datent dw XVIe siècle ; d’autres n’hésitent pas à voir en lui le tabernacle primitif qui ornait l’autel romain de la première église (1). Plaident toutefois en faveur de l’ancienneté, les figures naïves extraordinaires qui ornent son tympan : Christ entouré de la lune et du soleil, esprit du bien et du mal, tandis que les aigles bicé­phales et les fleurs de lis taillés dans les côtés sont des témoignages de domination des Maisons de France et d’Autriche.

Des vestiges d’anciens pavements, en céramique ver­nissée, ornent le pied des confessionnaux; il s’en trouve aussi quelques échantillons au Musée de la Céramique à Andenne : typiques, régionaux, ils peuvent aussi être antérieurs à la période médiévale (2).

On connaît, au fond, peu de choses sur l’histoire de l’église d’Andenelle, mais il est visible qu’au cours des

 

(1)  Ce jjenre d’édicule n’est cependant pas rare dans la région : celui de  l’église  de  Bois  (et-Borsu),   gothique  du   XVIe   siècle,   est  lui,   à l’extérieur,  encastré  dans  le  mur  du  cimetière,   près  de  l’entrée  de l’église. L’ancienne église de Barvaux-en-Condroz possédait également un   tabernacle   semblable,   dit   «   tourelle   du   Saint-Sacrement   »,   à colonnette moulurée,  engagé aussi  dans un mur latéral  du  chœur  : il est actuellement conservé au musée des Arts Anciens du Namurois (de Gaiffier d’Hestroy) à Namur,

(2)   Voir  plus  loin  dans  la  «   Salle  des   Poteries   »   du   Musée  de la Céramique.

 

siècles, elle a subi de multiples transformations, trop fréquentes pour ce qu’elle nous laisse du roman primitif et la dernière en date — 1922 — fut une restauration trop parfaite. Le mauvais état de la tour (d’énormes crevasses), à la fin de la première guerre mondiale, la chute du porche pendant les travaux de réfection, provoquèrent, en effet, une désaffectation provisoire de l’édifice qui subit ensuite une rénovation presque complète (1).

Un louable souci de conservation épargna cependant les parties primitives de l’église (XIIe siècle) : ainsi tout le centre en moellons de grès plus clairs et la tour qui est voûtée d’un berceau à l’intérieur (2).

Mais la restauration de 1922-1923 vint ajouter plusieurs éléments neufs, sinon néo-romans : entre autres, les deux entrées actuelles, un nouveau plafond roman (plat), les nefs latérales élargies et couvertes d’une toiture à pans multiples et dont les petites fenêtres jumelées ne sont qu’une heureuse fantaisie des véritables fenêtres romanes de la nef centrale

(1)   Ce porche sous-abri — actuellement disparu — était greffé sur le   bas-côté   nord   (rue   de   l’Eglise   St-Pierre),   comme   de   tradition pour  les églises  romanes.  Une  curieuse  et  vieille  photo  —  exposée sur le mur du fond de l’église —  nous montre l’aspect de l’édifice où figure encore le vieux porche, avant la première guerre mondiale.

(2)   Voir   sous   la   corniche   centrale,   typiques   dans   maintes   églises romanes,    des    murs    goutterots    décorés    d’une    frise    d’arcatures aveugles,   dites   aussi   «   lombardes   ».   Ces   frises  étaient   déjà   d’un emploi fréquent aux Xe et XIe siècles.

 

(p.25) dont les seuils sont caractéristiques des constructions du Moyen âge, pour une pénétration maximale de la lumière du jour.

Depuis 1946, l’église Saint-Pierre d’Andenelle est classée parmi les monuments historiques de Belgique : elle trouve une place digne d’un haut intérêt artistique dans la longue théorie des églises romanes avec tours dites « fortifiées », trapues et massives, dites aussi « tours-refuges » (profitables au Moyen âge à toutes les populations en danger) qui s’échelonnent le long de la Meuse, de Givet à Liège et dans tout le pays mosan (1).

 

  • Dans la région, on en trouve également dans les villages proches de Bonneville, Mont-Sainte-Marie (Mozet), Sclayn, Seilles. Strud (Haltinne), Reppe. A titre de curiosité architecturale, signalons, d’après M. le chanoine A. Lanotte, que l’église d’Andenelle a inspiré la reconstruction de l’église d’Ossogne, près d’Havelange (en 1862) et de celle de Bourseigne-Vieille (dans le sud namurois) qui sont par ailleurs aussi une copie de l’église de, la Theotocos à Constantinople (Istamboul) ! (D’après « Trésors d’Art dans l’ancien doyenné de Havelange » 1970).

(p.27) LA FONTAINE SAINTE-BEGGE dite aussi FONTAINE DES POUSSINS

 

Cette fontaine, située à proximité de la collégiale, dans un coin tranquille de la place du Chapitre, fut construite à l’emplacement d’une source. Elle adosse au talus proche un petit monument dont l’origine remonte probablement au XVIIe siècle (vers 1637), tandis que les bassins qui servaient aux lavandières se situent bien antérieurement.

La gargouille s’ouvre dans une simple colonne de pierre surmontée d’une niche grillagée qui contient une statue de la sainte.

Une des caractéristiques de cette source est la tem­pérature constante de l’eau, environ 10° en été comme en hiver. La nappe aquifère qui l’alimente est localisée sous les collines de Thiarmont, Grande-France et Petite-France, toutes trois voisines de celle du Calvaire.

Pour les amateurs d’eaux curatives, signalons que les eaux de la Fontaine Sainte-Begge contiennent une (p.28) certaine quantité de bicarbonate de chaux (0,09 gr. au 1.) et de magnésie, une dose importante d’acide carbonique libre, de chlorures de potassium, sodium et quelques traces de sulfates alcalins.

Autrefois, au sortir des deux bassins, elles traver­saient la place du Chapitre vers le Pré-des-Dames où elles s’unissaient à celles de PHermy. Elles passent aujourd’hui dans un égoût (1).

 

LA FONTAINE DE L’OURS

 

Située dans un élargissement de la rue Saint-Roch, place de la Fontaine — prolongement des rues d’Horseilles et Hanesse, celle-ci débouchant place du Perron — au pied de la colline de Faulx, un petit monument orné d’un bas-relief représentant un ours percé d’une flèche surmonte une jolie vasque de fontaine, avec l’inscription suivante :

CHARLES  MARTEL

DE PEPIN 2e  FILS  NATUREL

EN L’AN SEPT CENT PEU PLUS

ME MIST ICY A MORT CRUELE

 

  • Consulter le guide des promenades pédestres d’Andenne, éd. du S.I., promenade n° 1, et plus loin, la légende des 7 Poussins.

 

Près de cet endroit, Charles Martel, fils de Pépin de Herstal et petit-fils de Sainte Begge, aurait donc combattu un ours gigantesque qui semait la terreur dans ce coin paisible du bourg d’Andenne (1).

Le monument actuel et la pierre qui relate cet exploit du futur héros de Poitiers ne paraissent pas remonter au-delà du XVIIIe siècle, mais il est incon­testable que ce monument en a remplacé un plus ancien dont parle déjà Groenendael, un chroniqueur du XVIe siècle. C’était déjà à l’époque une des antiquités les plus remarquables du comté de Namur.

Mais si Charles Martel a tué un ours — ou un monstrueux serpent, d’après Jean d’Outremeuse, XIVe siècle —, comme l’affirme la tradition andennaise, le fait doit s’être passé après la mort de sainte Begge, si l’on en croit l’inscription, et sainte Begge est morte en 694.

L’exploit historique ou légendaire de Charles Martel a donné naissance au moderne Carnaval des Ours qui se déroule chaque année à Andenne, le dimanche du Laetare, avec la participation de groupes folklo­riques venant de différentes villes de Belgique et de l’étranger (2).

 

(1)    Consulter    le   Guide   des    Promenades    pédestres    d’Andenne, éd.  du  S.I.,  prom.  n°   1.

  • Voir plus loin, la rubrique «  folklore,  traditions,  coutumes ».

 

(p.29) LES FONTAINES DE CRACO

 

L’artiste bohème Arthur Craco, sculpteur et animalier de grande classe, réalisa à Andenne — entre autres aux anciennes usines Daenen — quelques chefs-d’œuvres qui portent encore loin le renom de notre vieille industrie de la céramique.

En descendant la place du Chapitre au sud, face à l’ancienne rue Saint-Jean qui était à la limite des Encloîtres, ancienne enceinte du monastère noble d’An-denne, et maintenant à deux pas du Musée de la Céramique, s’élève la Fontaine des Faisans, réalisée en grès cérame. Outre les frises animalières qui ornent le haut d& la fontaine, Craco a disposé sur les bords des bassins d’étranges grenouilles qui lancent un jet d’eau rafraîchissant (1).

Une autre œuvre semblable à celle-ci — la Fontaine des Chats — et du même céramiste, anime le petit square des Quatre Coins (carrefour des grand-routes

  • « Guide des promenades pédestres » éd. du S.I. – promenades 1 et 2.

 

Namur-Liège et Ciney-Eghezée). Il est particulièrement bien mis en valeur la nuit par un jeu de lumières (départ des promenades). Cette fontaine, naguère propriété privée, figura à l’Exposition Universelle de Bruxelles en 1935.

La troisième œuvre de Craco, de la même facture que les deux autres — la Fontaine aux Chimères — est visible de la grand-route Namur-Liège, dans le parc du château d’Andenelle (1). Vraiment majestueuse et d’un style rigoureux, c’est une œuvre de tout premier ordre.

  • Idem – idem – voir fin de la promenade n° 5.

 

 

(p.31) LA PLACE DU CHAPITRE ET LES MAISONS RIVERAINES

 

Différentes petites places entourent la collégiale Sainte-Begge, mais le nom donné à l’ensemble évoque encore aujourd’hui l’ancienne présence et les fastes de la noble communauté des chanoines et des chanoinesses à Andenne.

C’est, dans ce cadre que furent édifiées par sainte Begge, au VIIe siècle, les sept églises — « Andana ad septem ecclesias » dont parle la chronique — qui furent démolies par la suite ou englobées dans une seule, Sainte-Marie-Majeure, église du chapitre construite en 1257 et supprimée elle-même en vue de la construction de la nouvelle collégiale.

« Cette place, nous dit l’historien Félix Rousseau (1), correspond à ce qui fut dénommé pendant des siècles « les Encloîtres » c’est-à-dire un vaste quartier religieux entouré d’une enceinte sur laquelle s’ouvraient quatre portes ; l’une d’elles a subsisté jusqu’à nos jours : la Porte Saint-Etienne (voir plus loin)…

 

  • « Le Monastère Mérovingien d’Andenne », extrait des « Annales de la Société archéologique de Namur », tome LUI, 1965, op. cit.

 

(p.32) Les demeures canoniales s’élevaient dans ces Encloîtres… Aux bâtiments monastiques primitifs — établis par sainte Begge — succédèrent les maisons de chanoinesses… C’était un véritable quartier aristocratique (1). Elles y avaient leurs habitations particulières, leur domesticité propre.

« En dehors des offices religieux, strictement obligatoires, les « dames » usaient de leur temps suivant leur bon plaisir et jouissaient de nombreuses vacances. Du moins au XVIIIe siècle, elles menaient une vie mondaine et les plus jeunes d’entre elles assistaient aux bals et redoutes dans les châteaux des environs. Du reste, les chanoinesses pouvaient rentrer dans le monde et se marier, mais elles perdaient alors leurs prébendes… »

« A noter, dit encore Félix Rousseau, qu’à Andenne, il y eut trente prébendes de chanoinesses et dix de chanoines… Les dignitaires du chapitre andennais étaient : la prévôté, la doyenne, l’écolâtre ; en fait, c’était la prévôté qui exerçait les fonctions d’abbesse. Andenne resta une institution religieuse à prééminence féminine. En réalité, les chanoines, successeurs des anciens « fratres » (du monastère fondé par sainte Begge), occupèrent une situation inférieure ; ils se trouvaient sous les ordres de la prévôté. Les chanoines ne devaient pas être nobles, ni même posséder les ordres majeurs, beaucoup ne furent jamais prêtres. Pour dire les messes, pour l’administration des sacrements, le chapitre disposait de prêtres semainiers et de chapelains » (2).

Les Encloîtres d’Anderme, place du Chapitre actuelle, avaient donc renfermé — fait sans doute unique dans

 

(1)    Voir   plus   haut   «   Trésor   du   Chapitre   Noble   d’Andenne   » (collégiale   Sainte-Begge)   :   la   petite   note   historique   concernant   les conditions d’accès audit chapitre.

(2)   Consulter  aussi  Baron  Misson  «  Le  Chapitre  Noble  de  Sainte Begge  à  Andenne   »   chapitre   IV   :   Organisation   intérieure,   pages 98 à 189.

 

tout le pays mosan — et jusqu’à la date de la ^construction de la nouvelle collégiale du XVIIIe siècle, sept sanctuaires distincts et autonomes, en ce sens qu’ils avaient chacun leur fonction propre : Sainte-Marie (Majeure), Saint-Pierre, Saint-Etienne, Saint-Jean-Baptiste, Saint-Michel, Saint-Sauveur, Saint-Lambert (1). Ainsi, Saint-Jean-Baptiste, également siège de la paroisse, renfermait le baptistère et Saint-Pierre était la basilique funéraire du Chapitre, et avant lui de l’ancien monas­tère : sainte Begge y fut inhumée (2). Sainte-Marie-Majeure était le sanctuaire principal, l’église du chapitre comme dit plus haut, où siégeaient les chanoinesses (3).

 

(1)   A   ce  propos,   il   serait   intéressant   de  consulter  le   plan   dressé: par   M.   l’architecte   Garant   qui   situe   notamment   la   position   des différents sanctuaires primitifs. Un exemplaire de ce plan est affiché dans la première salle du Musée de la Céramique, rue Ch. Lapierre. Des   fouilles  plus  récentes   tentent  à  prouver  que  l’ancienne  église St-Lambert,   dessinée   tout   au   centre  du   plan   par   M.   Garant,  se trouvait plus à l’est de l’église actuelle.

Voir également « Le Monastère Mérovingien d’Andenne » – Essai de reconstitution de l’emplacement des 7 églises, place du Chapitre, à Andenne, cité plus haut.

(2)   Son  corps   fut  plus  tard   transporté   dans   l’église  principale  de Sainte-Marie-Majeure. C’est ainsi que le souvenir de cette translation reste une date marquante pour les Andennais : elle est commémorée par   une   fête   fixée   au   7   juillet.   Naguère   encore,   la   procession historique sortait le dimanche qui suivait cette date ;  actuellement, elle   est   reportée   au   dimanche  de   septembre   le   plus   près   de  la dédicace de la nouvelle collégiale (19 septembre 1778).

(3)   A  Sainte-Marie-Majeure,  on montrait le tombeau de Berthe au Grand Pied.   La  tradition  andennaise  veut  que  la  mère de Charle-magne   ait   terminé   ses   jours   au   monastère   de   sainte   Begge.   Ce tombeau disparut avec les  sept églises condamnées et démolies par Dewez, l’architecte de la nouvelle collégiale, qui ne respectait prati­quement aucun souvenir historique ou légendaire là où il passait ! (également d’après Rousseau).

 

(p.33) A Saint-Michel, située la plus au sud, la maison éche-vinale était adossée. On sait, en effet, que les chanoi-nesses possédaient la haute justice sur tout le ban d’Andenne et qu’elles nommaient les mayeurs et les échevms qui avaient ainsi à leurs côtés, leur église. Ainsi, le religieux, l’administratif et le judiciaire étaient concentrés dans les Encloîtres. A noter de la sorte que les habitants du « ban d’Andenne » pouvaient pénétrer dans cette enceinte pour assister aux offices paroissiaux.

 

MAISONS RIVERAINES PORTE SAINT-ETIENNE PLACE SAINTE-BEGGE

 

Le pourtour de la place du Chapitre et de la petite place Sainte-Begge au pied du clocher, au nord et à l’est de la collégiale, montre encore quelques belles façades des maisons des chanoinesses plus ou moins bien conservées jusqu’à nos jours et dont plusieurs portes ont conservé leur fronton armorié (1). D’autres pierres armoriées restent encore encastrées dans des murs.

Par un plan incliné (au sud), passant sous la vieille Porte Saint-Etienne — qui doit son nom à la chapelle qui se trouvait encore à cet endroit au XVIIe siècle,

 

  • Certains écussons nobiliaires sont présentés en façade, le jour de la procession annuelle, voir plus haut, note 2.

 

c’est-à-dire une des sept églises déjà citées (1) — on débouche sur la petite place Sainte-Begge, lieu-dit aussi « Colline du Staple », un peu en surplomb derrière la tour de l’église actuelle. On voit en cet endroit, et dans la petite rue voisine — rue des Chanoinesses, anciennement rue des Chats — quelques vieilles cons­tructions datant des XIIIe, XIVe et XVe siècles et notam­ment la maison dite de Sainte-Begge dont les ancrages de la façade indiquent la date de 1623.

Dans la descente de la place Sainte-Begge également, nous conseillons de jeter un coup d’œil sur un beau Christ en bois provenant de l’ancienne chapelle Saint-Michel (voir plus haut) et dressé sous un petit auvent contre la façade d’une antique maison du Staple, elle-même érigée sur l’emplacement qu’occupait autrefois la prison du Chapitre.

NOTICE ANECDOTIQUE

Les événements de la Révolution française mirent en danger le « Vieux Bon Dieu du Staple » et pour le soustraire aux entreprises des iconoclastes andennais, un brave artisan enleva le Christ et le cacha dans une grande barique. Mais il dut pour ce faire lui scier les deux bras. Lorsque, après la tourmente, le Christ sortit de sa cachette, on manda un autre artisan, nouveau venu à

 

  • A titre de comparaison, ces églises étaient toutes plus petites que l’église romane d’Andenelle actuelle, sauf Sainte-Marie-Majeure. Voir le plan cité plus haut. L’église du hameau de Groynne ou celle de Reppe (Seilles) peuvent nous en donner une idée.

 

(p.34) Ancienne, pour placer aux bras reconstitués des ferruies assez bien camouflées, mais dont la découverte continue toujours à intriguer les visiteurs et nombre d’Andennais eux-mêmes. La tradition affirme que l’artisan ayant réclamé un dû pour ce travail ne réussit pas dans ses affaires par la suite.

En redescendant la place du Chapitre, au sud, on côtoie parallèlement à la collégiale deux petits squares dont l’un — en face de l’ancienne rue St-Jean — est dominé par une œuvre moderne en grès cérame de A. Craco : « La Fontaine aux Faisans » (1). L’autre, plus bas, précédé du buste du Roi Albert, est orné en son milieu de l’arbre du Centenaire de l’Indépendance nationale (1930).

 

  • Voir plus haut, à la description des diverses fontaines de la ville, •u

 

LE QUARTIER DU PERRON ET LA JUSTICE DE PAIX

 

Un bâtiment de caractère XVIIIe siècle (1772), un peu en retrait d’une petite place, située dans l’axe des artères centrales de la ville, et dont les travaux com­mencèrent en 1772 en fait, fut édifié pour servir d’Hôtel de ville. C’est en 1770 que les habitants de la ville d’Andenne, réunis en assemblée, décidèrent de faire construire cet édifice au lieu-dit « Perron », à l’époque, centre commercial de la cité.

La dépense ne devait pas être supérieure à quatre mille florins, mais cette somme, après plusieurs projets de l’architecte Beaulieu de Namur, fut en fait largement dépassée et les travaux, parachèvements compris, se poursuivirent jusqu’en 1780, dirigés par le bourgmestre et ses échevins.

Le bâtiment abrite actuellement la Justice de Paix du canton et la bibliothèque communale (rez-de-chaussée).

(p.36) La coquette Place du Perron doit son nom à une Fontaine surmontée d’une colonne — « de cinq pieds de haut et à huit pans » — qui s’élevait, jusqu’à la première guerre mondiale, à l’emplacement aujour­d’hui réservé au parking, dans le virage de la route provinciale Andenne-Ciney.

De vieilles photographies nous la montrent encore, avec sa margelle usée et ses grands bacs, point de ralliement des ménagères et des enfants du quartier, et abreuvoir pour les attelages de l’époque. Dans la pensée des édiles du temps passé, elle devait servir à l’extinction des incendies, mais avec l’installation des canalisations d’eau dans la ville et pour des raisons de propreté et d’hygiène, on décida la destruction du Perron d’Andenne (1).

Il a déjà été question de reconstituer ce vénérable monument dans un endroit moins encombré de la ville.

Signalons, pour être précis, qu’une autre fontaine avait précédé celle détruite en 1910 ; elle avait été édifiée en 1764 et subsista jusqu’en 1850.

 

  • On consultera, à ce propos, la plaquette « Andenne, en cartes postales anciennes », par R. Garant (éd. Bibliothèque européenne, Zaltbommel P.B.)

 

VIEILLES RUELLES

 

Dans la rue Charles Lapierre (rue du Staple, au temps du Chapitre) — à peu près en face du musée de la Céramique — débouche d’un ensemble de vieilles maisons, la ruelle Maquet du nom de Lambert-Joseph Maquet qui l’habita à la fin du XVIIIe siècle : c’était un curieux chirurgien opportuniste qui devint commissaire du Directoire pour l’administration « municipale » du canton d’Andenne, sous le régime français.

Il fit enlever les objets du culte, les vieux crucifix de la ville et fit fermer et profaner la collégiale Sainte-Begge au nom de la déesse « Raison ». Plus tard, il devint conseiller « bonapartiste » et, après la chute de l’Empire, toujours comme mandataire public, il fut un des plus fidèles du roi Guillaume de Hollande.

L’autre extrémité de la ruelle Maquet débouche dans la petite rue Winand et en même temps dans un des plus vieux quartiers d’Andenne, un peu esseulé aujour­d’hui à l’écart des artères animées, alors qu’il y a un siècle à peine, ces lieux résonnaient encore du doux ronronnement des tours en pierre de faïenciers réputés (p.37) comme les frères Winand qui s’établirent ici en 1807 et pour trois quarts de siècle. Leurs bâtiments, repris en 1910 par les boulangeries du Bon Pain, existent encore et sont actuellement occupés par une brasserie (1).

Plus haut, dans le quartier des anciennes industries artisanales des pipiers, aujourd’hui disparues, la rue Winand s’étrangle en un vieux sentier encore pavé, l’ancien chemin des Meuniers, plein de quiétude, où aboutit également le pittoresque escalier de Grise-Pierre.

Ce sont déjà les premières pentes de la colline con-druzienne auxquelles s’adosse Andenne et de là-haut, on a déjà assez de recul pour un agréable panorama par­dessus les premiers toits de la ville (2).

 

(1)  Consulter le «  Guide des  Promenades pédestres  »,  éd.  du  S.I. Promenades 1 et 2.

  • Idem – idem – voir la photo centrale.

 

LE TROU D’EN HAUT, NOYAU INDUSTRIEL PRIMITIF D’ANDENNE

 

C’est l’ensemble des ruelles populaires du Chalet, du Ruisseau, ainsi que la montée vers le cimetière, à Andenelle, faubourg oriental d’Andenne. Jadis, il avait un autre aspect qu’actuellement : en effet, à l’endroit où court maintenant la rue, coulait à ciel ouvert le ruisseau dit d’Andenelle dont le cours a été rectifié par la suite depuis la route d’Haillot, voisine.

Ce ruisseau a peut-être donné son nom à Andenne, car on sait que le vieux centre de la future cité, au moment de la colonisation de sainte Begge, fut bien ce « Trou d’en haut », habité par les gallo-romains dans le voisinage d’un « diverticulum » romain en provenance du Condroz et aboutissant en Meuse au pont de Cobegge que les anciens appelaient « Pont de la Vache »

(1). On y a retrouvé de nombreux tombeaux

  • Le nom d’Andelle se retrouve dans un affluent de la Seine (Seine-Maritime et Eure). Voir également plus loin la rubrique « Ponts d’Andenne ».

 

(p.38) romains avec un trésor de 288 pièces de monnaie de divers empereurs ; c’est là aussi que les potiers du Moyen âge avaient établi leurs fours et leurs maisons (1).

D’ailleurs, les vieux, quand ils parlaient du « Trou d’en Haut », disaient « è viyadge », ce qui confirme que cette partie du bourg était vraiment très ancienne, sinon la plus ancienne.

Jusqu’au siècle dernier, les maisons riveraines avaient encore toutes des avant-cours où l’on accédait par des volées d’escaliers, car les niveaux étaient relevés afin de parer aux désastreuses inondations du ruisseau d’Andenelle, qui décidèrent d’ailleurs les autorités communales à en rectifier le cours.

Malgré les modifications apportées par les années, quelques maisons de la rue du Chalet ont gardé les caractéristiques d’autrefois. La rue a pris le nom « du Chalet », tout simplement parce que, au siècle dernier, on construisit à son entrée un chalet important qui fut habité par la famille Van den Tielboom (2).

 

(1)   Voir plus loin le chapitre consacré au Musée de la Céramique d’Andenne.

(2)   L’entrée de cette  rue était  en  réalité  une arche,  un  «  arvô  » surmonté  d’un   quartier   habité  que  l’on   se  plaisait   de   dénommer en  wallon  «   là  ho  »  (là  haut  ou  en  haut).   Du  côté  de  la  rue du  Ruisseau,   on  trouvait  encore  un  «  moulin  à  cailloux  »   pour la   fabrication   des   porcelaines   de   la   firme   Winand   (cfr   chapitre Musée de la Céramique).

 

A l’arrière des jardins des maisons de la rive droite, la pittoresque potale dédiée à Saint-Roch constituait naguère une halte pour la procession du jour des Rogations ; à présent, elle a vue directe sur la nouvelle artère A. Charles, bordée de jolies villas.

 

LA PLACE CENTRALE DES TILLEULS

 

On a toujours connu une place des Tilleuls à Andenne et si on l’appelait jadis « Promenade des Tilleuls », c’est plutôt parce qu’il s’agissait d’une vaste prairie, sans maisons riveraines, assez éloignée du bourg principal aggloméré alors autour du « Chapitre ». L’aire était plantée de tilleuls, comme aujourd’hui, d’où son nom et elle appartenait au Chapitre noble.

Deux sentiers se croisaient en son centre, en croix de St-André ; deux rues voisines aboutissantes en indiquent encore parfaitement l’orientation : la rue Frère-Orban actuelle, prolongée vers le S.O., vers la Campagne d’Andenne et la rue Despreetz — qui portait à l’époque le joli nom de « chemin de la chevollière » — amenant les gens du bourg vers la Meuse.

(p.39) Les beaux arbres de cette magnifique place publique, dont on admire tant en saison les frondaisons, datent tous de 1905 et les frais de leur plantation avaient représenté une somme de 7.500 fr. environ. Ils rem­plaçaient à l’époque les vingt et un tilleuls plantés en 1820, soit trois quarts de siècle plus tôt, ceux-ci succédant à d’autres de la même essence.

A la lisière sud de la place, une petite chapelle, démolie depuis 1948, remplaça en 1892 la vieille chapelle des siècles passés ou les processions se rendaient, le premier jour des Rogations et à la fête paroissiale (1). La place s’est rendue hélas tristement célèbre par la fusillade tra­gique du 21 août 1914 : le mur voisin de cette antique chapelle disparue, où des traces de balles sont encore visibles, reste le témoin de ces journées d’horreur.

L’édification de l’hôtel de ville actuel date de 1864, mais jamais construction n’avança avec une lenteur aussi désespérante, au point qu’il fut même envisagé d’installer un local pour la justice de paix et puis une école de filles dans une aile à peine construite ! La nécessité de ces travaux était posée depuis fort longtemps par divers comités, de jeunes surtout, qui réclamaient une salle de fête publique. La réception définitive n’en fut faite qu’en 1871.

 

  • Pour se donner une idée de l’aspect de la place des Tilleuls et de sa chapelle, au début du siècle, on consultera la plaquette « Andenne, en cartes postales anciennes », R. Garant – éd. Bibl. européenne. Zaltbommel / P.B.

 

Quant au kiosque actuel, érigé en 1879, il le fut d’abord au centre de la place des Tilleuls, mais l’on ne tarda pas à constater l’effet désastreux de cet emplacement au point de vue de l’acoustique des sociétés de chants et de musique qui s’y produisaient. Le kiosque fut démonté et reconstruit à l’endroit où il se trouve encore de nos jours.

En 1977, la Commission Royale des Monuments et des Sites a décidé de classer la place des Tilleuls pour la beauté de ses arbres.

 

(p.41) LA COLLINE DU CALVAIRE

 

Au flanc de la plus proche colline du vieil Andenne, un sentier gravit dans les arbres jusqu’à un petit oratoire rouge brique qui domine toute la ville.

C’est la très ancienne « promenade du Calvaire » dont l’aménagement sur les collines d’Andenne remonterait à 1653, année probable de la construction des six chapelles situées le long du sentier. La septième chapelle, située tout en haut de la montée, aurait été érigée en 1732.

Les diverses constructions furent restaurées en 1913, grâce à une souscription publique, et par la même occasion, ornées de tableaux représentant les stations du Chemin de Croix. Leur auteur est l’artiste-peintre local Charles Bonhivers, mort une année plus tard au siège de Namur (guerre 1914-1918).

Nous vous convions à parcourir cette belle promenade chère aux Andennais ; elle est pleine de charme et de pittoresque. Sitôt atteinte la chapelle terminale, après une tortueuse montée à travers les arbres, vous dominez un vaste panorama sur la cité de sainte Begge, sur dix kilomètres de vallée large où s’étire le ruban gris-bleuté (p.42) de la Meuse, sur la localité voisine de Seilles — le Village gris de Jean Tousseul — où se niche la gare du chemin de fer, et au-delà sur le plateau hesbignon (1).

 

LA CHAPELLE ET LA FERME DE LA VAUDAIGLE

 

La petite chapelle de la Vaudaigle, agreste, que pas mal d’Andennais ne connaissent pas, à la limite de l’ancienne commune sur la route de Bonneville, complète un harmonieux ensemble champêtre avec une vieille ferme moyenâgeuse voisine dont la tourelle émerge sur le plateau.

Deux très vieux arbres enserrent de près ce charmant oratoire que des services locaux compétents ont naguère sauvé d’un délabrement certain dû aux intempéries.

La censé de la Vaudaigle, toute proche de la chapelle, a connu elle-même des dégradations importantes, à la fin du XVIIe siècle, lorsque les troupes de Louis XIV canton­nèrent dans le pays et y pratiquèrent de nombreuses exactions. En 1692, ce roi de France mettait le siège devant Namur et les quatre-vingt mille hommes du duc de Luxembourg, campant sur ce plateau, tenaient en respect Bavarois et Anglais.

 

(1)  Voir  le  «   Guide  des  promenades  pédestres   »,   éd.   du   S.I., promenade n° 2.

 

Un peu plus tard, la guerre de Succession d’Espagne, qui durera onze années, touchera encore durement villes et villages du Namurois, puis ce sera la guerre de Succession d’Autriche qui verra arriver le maréchal de Saxe et ses douze mille hommes…, puis la fameuse bataille de Fontenoy où à nouveau les Français reprirent leur avance et… Namur en 1746.

Toutes ces grandes batailles de l’Histoire eurent de tristes séquelles dans nos campagnes. 11 faudra attendre la paix d’Aix-la-Chapelle pour voir la fin du conflit et rendre à notre plateau le calme désuet que nous lui connaissons encore maintenant…

Bien peu de nos promeneurs, passant par ces confins tranquilles (1), n’imaginent ce qu’ont connu, au cours de cent années d’invasions et de guerres déjà bien lointaines (de 1650 à 1750), ces deux vénérables témoins du passé.

 

  • Voir le « Guide des promenades pédestres », éd. du S.I., promenades n° 7 et 8.

 

(p.45) NOS PONTS SUR LA MEUSE

 

HISTORIQUE

 

Un pont sur la Meuse, entre Ancienne et Seilles, ne relia pas toujours, depuis des temps immémoriaux comme en maints endroits, nos deux rives de Meuse et si, comme nous l’avons évoqué plus haut, plusieurs écrits attestent d’un pont de pierre entre Andenelle, au lieu-dit Cobegge, et Seilles, dès l’époque romaine, peut-être au IIe siècle, il fallut encore attendre sept siècles pour voir se rétablir la vieille liaison entre le Condroz et la Hesbaye, à Andenne (1).

Et encore, le pont de 1853 ne fut-il pas construit sans débats préliminaires très longs qui devinrent près de dix années de palabres entre l’Etat, la province et la commune et même les concessionnaires de la voie ferrée Namur-Liège. Les arguments qui pressaient nos édiles communaux de l’époque à réclamer un pont étaient surtout les suivants : dédommagement pour la classe ouvrière ruinée par le traité avec la Hollande qui a sacrifié notre industrie faïencière à celle, rivale, du grand-duché de Luxembourg (2), et à ce brusque appauvrissement de notre ville, un remède pourrait être ainsi trouvé pour l’établissement de foires et de marchés, mais seulement viable le jour où un pont reliera les deux rives de la Meuse ;

 

(1)    Pont    dont   des    fonds   de   piles    sont    encore    visibles,    dans le   lit   du    fleuve,    par   temps   de   chômage.    Voir   supra,   Vieux quartiers,  «  Le Trou d’en  haut  ».

(2)   Voir  tout  à  la  fin  de  l’art,   sur  le  Musée  de  la  Céramique.

 

(p.46) enfin, isolement complet de la ville, par rapport à la ligne de chemin de fer nouvellement créée, alors que le passage d’eau jusqu’alors utilisé était souvent cause de difficultés et d’accidents.

L’inauguration du premier pont eut donc lieu en 1853 et donna l’occasion de trois jours de réjouissances mémorables : réceptions, banquet fastueux, comme, l’atteste encore un menu de l’époque, festival, feu d’artifice, illumination du pont et bal à l’Hôtel de ville. Cependant, chose peu connue, ce premier pont fut soumis à un péage, durant un an, pour gens et bêtes, et matériel de diverses catégories, sur une condition acceptée de l’adjudicataire de l’ouvrage. Il devait subsister jusqu’à la grande tourmente de 14-18. Le mercredi 18 août 1914, le Génie belge le fit sauter devant la poussée des troupes allemandes qui s’amenaient deux jours plus tard, se rendant tristement célèbres lors des massacres au sein des populations d’Andenne et de Seilles (1).

Les Allemands construisirent une passerelle provisoire, puis un pont, à la disgracieuse voûte métallique — pauvre compensation pour leurs effroyables destructions — qui subsista jusqu’en 1938. Dès 1936, en effet, la firme Mylle d’Ostende réalisa son spectaculaire déplacement de quelques mètres pour faire place aux travaux d’un nouvel ouvrage, en pierre cette fois, qui fut inauguré en 1938 et dont les connaisseurs disaient être le plus beau pont du genre sur la Meuse. Mais la carrière du beau monument fut de courte durée : à nouveau, en mai 1940, l’ouvrage s’effondrait sous l’action du Génie militaire belge, en prévision de l’arrivée des troupes allemandes qui survenaient vingt-quatre heures plus tard : spectacle dantesque que de rares Andennais eurent l’occasion de voir.

La suite de l’histoire •*- encore récente — de nos ponts fut encore plus mouvementée : à côté d’une passerelle provisoire, en bois et fer, établie à quelques mètres en amont, la firme Mylle, à nouveau, com­mença la reconstruction du pont en pierre, en pleine guerre, sur les mêmes données que celui de 1938. Au moment où l’on achevait les

 

  • Faits relatés ci-après, voir description ail Cimetière des Fusillés.

 

travaux de la dernière tranche, le 11 juin 1944, l’Armée Secrète, résistant à l’occupant, sabota partiellement l’ouvrage, au nez et à la barbe des sentinelles allemandes, acte héroïque réalisé par quatre hommes seule­ment, des courageux dont deux d’entre eux trouvèrent une mort glorieuse, quelques jours plus tard, lors des combats pour la libération du pays. Et lors de leur retraite, en septembre 1944, les Allemands firent sauter pont provisoire et restes du pont de pierre presque achevé (1). Un nouveau pont provisoire avec charpente métallique en trois sections et tablier de bois servit alors de lien entre Seilles et Andenne jusqu’en 1957 et cette passerelle, au vu de l’intense circulation d’après-guerre, devait acquérir une fâcheuse réputation, tant fut élevé le nombre d’accidents mortels dont elle fut témoin.

 

LE PONT ACTUEL

 

En 1954, la firme Mylle avait entamé sa troisième édition du pont en pierre : construction précédée par la démo­lition d’une armature de 1.200 mètres cubes de béton inutilisable, reste de l’ouvrage précédent, et surtout par l’évacuation du lit du fleuve d’une niasse considérable de débris de toutes sortes résultant des diverses explosions de guerre. Les arches latérales de l’édifice, de 40,25 m. de longueur, comme l’arche centrale de 41,50 m., sonl en pierre d’Ecaussinnes et de la région (460 m3 et 300 m3)

 

  • Lire à ce sujet l’intéressante bande dessinée par J. Fivet dans « Raconte, mon beau pays », tome III, dernier récit.

 

(p.48) et en béton armé. Elles sont séparées par des piles ayant 5,50 m de base, reposant sur de gracieux « duc d’Albe » de 7 m de large sur 24 m de long. Le tablier a 14 m de largeur dont deux fois 2,50 m pour les trottoirs. Le garde-corps est réalisé au moyen de gargouilles tra­vaillées et de tablettes en pierre de taille, l’ensemble d’une rare élégance. Enfin, les rampes d’accès prolongeant les deux rues aboutissantes sont bordées de mains-courantes en fer forgé reposant sur des petites piles en pierre de taille.

 

LE CIMETIERE DES FUSILLES

 

A deux cents mètres du carrefour des Quatre Coins, partant de la grand-route Namur-Liège, la petite rue Malevé conduit au bord de la Meuse. Là où elle rejoint le quai, s’incurve la ligne sobre du Cimetière des Fusillés d’Andenne, dans un carré paisible qui n’est distrait que par le glissement des chalands à moteurs ou par le clapotis des grosses eaux.

Ce haut lieu de recueillement rassemble les Andennais, au moins une fois l’an en été, pour une doufoureuse commémoration. Car les habitants d’Andenne n’ont pas oublié les journées tragiques de 1914 qui ont acquis à leur cité le nom de « ville-martyre » (1).

 

  • Consulter le « Guide des promenades pédestres »,  éd.  Du S.l. promenade n° 1.

 

EVOCATION EN BREF

 

Des 222 personnes (hommes) fusillées ou massacrées à Andenne, les 20 et 21 août 1914, 70 environ tombèrent victimes de la grande fusillade des bords de la Meuse, à cet endroit précis de la ville. Les autres furent tuées, soit chez elles, soit en rue, entre le jeudi soir et le vendredi midi (21 août).

Malgré plusieurs interventions, soit d’autorités locales, soit d’une personne sachant parler leur langue, les soldats allemands avaient toujours prétendu que d’aucuns des leurs — dans les jours où ils investirent la ville — avaient été tués de balles provenant de « francs-tireurs » belges, aux alentours du pont sur la Meuse, alors qu’il fut prouvé et reconnu par la suite qu’il s’agissait d’une échauffourée ou d’une méprise entre soldats et, dans le cas du sous-officier tué rue d’Horseilles, d’un accident dû au maniement imprudent d’un fusil par un de ses soldats.

Dès lors des représailles, sauvages et inhumaines, ne ménagèrent point les habitants de la petite ville et au matin du 21 août, plusieurs d’entre eux étaient abattus sur leur seuil, dans leur cave ou dans leur propre jardin. Dès l’aube déjà, un groupe d’une quinzaine d’hommes gisaient massacrés à coups de baïonnette et de hache dans une prairie aux abords du centre. Le bourgmestre de la ville, le docteur Camus

—  dont le buste monumental orne un des parterres de l’hôtel de ville — n’avait pas échappé à la tuerie de 4a nuit : on retrouvait son corps à proximité du carrefour des Quatre Coins.

Sur la place centrale des Tilleuls, face au mur jouxtant une pharmacie

mémorial et traces de balles encore visibles — deux otages du quartier du Vieil Andenne étaient mis en joue devant une foule de huit cents personnes amassées là à coups de crosse de fusil et d’injures par la soldatesque. Il fallait répondre de la mort du sous-officier allemand tué au quartier d’Horseilles.

Et tandis que la garnison s’occupait- de choisir à même la foule, parmi les quelques personnalités présentes, de nouvelles autorités communales qui seraient gardiennes des mesures draconiennes sur les otages, sur le travail des femmes, etc…, septante malheureux, de tous âges, par­taient en rangs serrés vers les bords de la Meuse où ils étaient massacrés, à une ou deux exceptions près, jusqu’au dernier.

(p.49) Le « carré sanglant » de la rue Malevé est aujourd’hui le lieu de repos de ces innocentes victimes.

Les deux quadrilatères de modestes pierres de taille où sont gravés cent quarante noms, au pied de quelques cyprès et de quatre haies de troènes, suscitent le calme respectueux et chez le visiteur une pensée pieuse et noble envers ces martyrs hier encore si fiers du renom légendaire de leur ville.

 

BELGRADE A ANDENNE

 

A Andenne, au XVIIIe siècle, de la même façon qu’un noyau d’agglo­mération prit le nom de Belgrade, à proximité de Namur, autour d’un estaminet ayant pris ce nom comme enseigne, tout le quartier compris entre la place des Tilleuls et la Meuse — cimetière des Fusillés, usines Intermills — et qui n’était encore à cette époque qu’une vaste cam­pagne, s’intitula « Belgrade ».

En 1710, un ouvrier flamand, Hendrik Rosiers, occupé dans la localité, s’y construisit une maison, la première du quartier et en bord de Meuse. Il y ouvrit un cabaret qui devint vite fréquenté par les prome­neurs du dimanche et, s’inspirant de l’actualité européenne — à cette époque, la prise de Belgrade aux Turcs par les Autrichiens — appela lui aussi son café « A Belgrade ».

Le nom est resté à ce coin d’Andenne, même après l’établissement de la grand-route de Namur à Huy (1785), lorsque d’autres maisons s’élevèrent dans le voisinage du cabaret Rosiers (1). Car l’endroit était animé.

A cette époque, en effet, un bateau assurait, le dimanche, la circu­lation des voyageurs de Namur à Ahin et l’arrêt andennais de cet omnibus fluvial s’effectuait précisément « A Belgrade », en face de la maison de notre Flamand. Comme le fleuve n’était pas encore canalisé, ce bateau devait s’arrêter à distance de la berge pour ne pas s’enliser et notre Rosiers, en plus de sa fonction d’aubergiste, se chargeait, avec sa chaloupe, d’embarquer ou de débarquer les passagers.

 

Le cabaret servait ainsi de salle d’attente, fréquenté par la même occa­sion par les Andennais qui prirent l’habitude de faire du passage de ce bateau et du va-et-vient des voyageurs leur distraction dominicale. Ainsi l’expression « Aller à Belgrade » se mainlint-elle longtemps dans le langage local. (D’après A. Melin, le Guetteur Wallon, oct. 1933)

Gageons que nos aimables visiteurs aimeront flâner à cet endroit des bords de Meuse encore relativement préservé, et en saison, parmi les pêcheurs. La vue y est agréable, de part et d’autre du beau pont sur la Meuse (2) que nous venons de décrire.

(1)  Le nom fut aussi attribué à l’île boisée sur la Meuse située en face de ce coin d’Andenne.

(2)  Amorce de la promenade n° 6. Consulter le Guide des promenades pédestres. – éd. du S.I.

 

(p.51) PLAN DE VISITE AUTOUR DE LA PETITE HISTOIRE DE LA CERAMIQUE

A ANDENNE

 

« Andenne est la seule localité d’Europe et probablement du monde entier qui ait connu les différentes formes de travail de la terre : les poteries des premiers âges, les vases, les briques et les tuiles des époques gallo-romaine et suivantes ; les céramiques du haut et du bas Moyen âge ; les poteries rustiques et les pipes ; les faïences et les porcelaines ; les produits réfractaires, les grès industriels et les grès cérames de grand feu (1).

C’est à une situation géographique intéressante, aux richesses excep­tionnelles de son sous-sol qu’Andenne doit d’avoir été de tous temps un habitat, d’avoir été choisie par sainte Begge pour y bâtir son monastère, d’avoir donné son nom au bassin de terre plastique le plus important du pays, le plus estimé au cours des siècles et dans tous les pays limitrophes » (2).

 

(1)  La dernière usine productrice de grès cérame, l’usine Daenen, fondée en 1877, a fermé ses portes en 1961. Les céramistes belges de renom, Arthur Craco et Olivier Strebelle, y ont réalisé quelques chefs-d’œuvres qui  font  encore  honneur  au  pays  d’Andenne  (cfr  supra  rubriques « Fontaines » et « Place du Chapitre »).

  • Henri Javaux : « La terre plastique d’Andenne ».

 

(p.52) 1. VESTIBULE

Sur le mur, dès l’entrée, une carte indique la situation géographique d’Andenne et les gisements de terre plastique et un tableau donne une coupe dans une exploitation montrant le mode d’extraction.

  1. VERANDA ET COUR ARRIERE

Dans la véranda qui constitue la salle lapidaire figurent : un cadran solaire Louis XIV, pièce remarquable provenant d’une propriété de chanoinesse, une enseigne caractéris­tique du XVIIP siècle, un écusson d’Oultremont de 1630, un fragment de monument en pierre de France avec ins­cription du IIe siècle (c’est le plus ancien témoin lapidaire connu dans la province de Namur), divers pierres et cartouches évoquant le passé d’Andenne, des sarcophages de type monolithe en pierre de France (IXe siècle) qui doi­vent être reconstitués en tant que tombes franques. Voir aussi le coffre des archives du Chapitre Noble d’Andenne. Détail remarquable : il possède deux serrures dont les deux clefs étaient respectivement détenues par la Prévôté et l’Echevin (voir supra place du Chapitre et maisons riveraines).

  1. ATELIER DE PIPIER ET DE FAÏENCIER

(accès par le jardin ou par la salle des poteries anciennes) On y repère, dans une table-vitrine, une collection d’échan­tillons des différentes terres extraites dans la région d’An­denne, avec quelques détails sur leur analyse. Au-dessus, les outils employés par les « derleus » — les ouvriers des mines de terre plastique — pour l’extraction de ladite terre, à savoir (en wallon) « li grète », « li hawe », « l’osteye », « li crasset ».

On trouve aussi pour ce faire un bac où la terre plastique « pourrissait », avant de devenir « filante » et facilement maniable.

Le but de cette salle est évidemment de reconstituer un atelier de pipier, avec établi — celui de faïencier est légèrement semblable — étau et outils employés : chtoup, perceuses, polissoirs, bacs à huile et pierre à broyer les émaux. Voir aussi une étonnante collection de photos documentaires montrant les phases de la fabrication des pipes.

On y découvre également le fameux four à « cazètes » reconstitué, four à flamme directe, de forme arrondie et dans lequel la cuisson se faisait au bois (1).

Enfin, sur des étagères, des moules en plâtre (de.2, 3 et 12 pièces) pour la fabrication d’assiettes, de pots et de vases en faïence ; puis un tour à pied et un tour à main ; des nichoirs d’oiseaux ; des briques réfractaires et une série de tuiles dont des faîtières crêtées fabriquées à An-denne aux XIXe et XXe siècles ; des documents photo­graphiques illustrant d’anciennes usines de produits réfrac­taires (Losson, Daenen, Chaudron, T.P.B.G.).

 

  • Ces « cazètes » (casettes, en français) étaient rondes, cylindriques ; récipient en produit réfractaire qui contenait les pipes prêtes à la cuisson (pour leur éviter le contact direct avec la flamme).

 

(p.53) 4. SALLE DES PIPES

LA PETITE HISTOIRE DES PIPES A ANDENNE C’est vers la fin du XVIIIe siècle que l’industrie de la pipe prit corps à Andenne. En 1768, au rivage (bord de Meuse) à Andenelle, s’éta­blissait Peter Horter, originaire de Hôhr-lez-Coblence : c’est l’ancêtre des Heurter actuels d’Andenne. Et parmi les nombreux pipiers qui s’établirent à sa suite, citons Désiré Barth, le plus important des fabricants de pipes, qui eut jusqu’à 150 ouvriers fabriquant mille grosses de pipes par semaine.

La plupart d’entre eux avaient leurs ateliers au faubourg d’Andenelle — la rue des Pipiers descendant vers la Meuse a conservé leur souvenir — d’autres encore travaillèrent dans la petite rue des Chanoinesses (ex-rue des Chats), proche de la collégiale Sainte-Begge (ateliers de la famille Levêque).

Voir dans cette salle une vitrine contenant une collection impressionnante des différentes pipes fabriquées à An­denne (1). Des modèles les plus variés : pipes unies, telles la Montoise de 60 cm., la Berg, la Dublin, la Parisienne, la Prussienne, la Hollandaise, la Viennoise, la Gros et Petit Genicot, la Cambier, la Grande et Petite 400, les H. et les K. D’autres décorées et empruntant leurs innombrables motifs à la nature humaine, à la faune, à la flore, aux événements (voir les trois 8), aux chefs d’Etat, Roi Albert, Reine Elisabeth, aux guerriers, aux hommes politiques, à la Bible, aux légendes, à la mytho­logie, etc…

 

  • La plupart de ces pipes proviennent de la piperie Daniel Verheg-lewegen, rue des Pipiers, Andenelle (vers 1900).

 

Aux côtés de médaillons pour « cougnous », on peut admirer les pipes fameuses « Président Kruger » – la « Jupiter » – la « London » – les différents Jacob – la « Général Joffre » – la rarissime « Adolphe Max » dont la fabrication valut à son auteur les représailles de l’oc­cupant – la célèbre et rare « Ysabeau » – la « Mameluk » -la « Grand-Mère » – la « Notre-Dame de Montaigu », etc…

Accrochés au mur : un tableau de différents moules bruts qui allaient servir à la fabrication des pipes ; parmi eux, ceux de la « Montoise longue » (60 cm.) et de la « Californienne », ainsi que les outils qui servaient à les polir.

Sur une étagère, de petits plateaux ronds en terre à pipes : ce sont les clays servant actuellement aux tirs aux pigeons et remplaçant ceux-ci.

 

  1. SALLE DES POTERIES ANCIENNES

Vitrines sur trois faces murales constituées par des logettes variées, bien éclairées. On y voit un vase du IIe siècle, des vases et lampes à huile du IIIe siècle, des vases francs, noirs et décorés à la roulette, de nombreux pots, cruches, vases provenant de la prodigieuse activité des potiers d’Andenelle, entre le XIe et le XIVe siècle, présentant formes variées, gfacures plombifères, bords, anses, pinces, etc…

Aussi un ensemble de carreaux en terre, cuite, polychromes et décorés de lions héraldiques, élans, fleurs de lys, (p.54) rose, etc… Ces carreaux proviennent de l’ancienne église Saint-Sauveur, place du Chapitre, démolie au XVIIIe siècle, de l’église romane d’Andenelle et de la rue des Sept-Eglises (maison particulière).

 

NOTICE HISTORIQUE

C’est encore à Andenelle, faubourg oriental d’Ancienne, que semble ep effet s’être concentrée l’activité des potiers au cours du Moyen âge : les découvertes successives issues de fouilles faites par des habitants du cru, au cours des vingt dernières années, dans les jardins voisins des anciennes écoles St-Louis et du Sacré-Cœur, puis le long de l’an­cienne ligne ferrée vicinale Andenne-Ohey, l’ont à nouveau confirmé. Cette campagne de fouilles a d’ailleurs fait l’objet d’une publication éditée en 1956 par le Cercle d’archéologie (1).

Du XIe au XIVe siècle, les potiers andenellois ont exporté leurs produits dans tout le pays et même au-delà des frontières et leur production culmine jusqu’au milieu du XIVe siècle, époque prospère à laquelle une épidémie de peste, sévissant dans toute l’Europe (vers 1347) vint mettre fin par la fermeture de nombreuses officines locales. Un peu plus tard, vers le début du XVe siècle, des guerres sanglantes et prolongées entre Liège et Namur ne manquèrent pas de réduire encore la production andennaise, comme l’affirme F. Courtoy dans son « Traité sur l’art de la Céramique dans la province de Namur » (2).

(1)  de R. Borremans et W. Lassance : « Recherches archéologiques sur la Céramique d’Andenne au Moyen Age » (1956).

  • Annales de la Société Archéologique de Namur, tome LI.

 

  1. SALLE DES FAÏENCES ET DES PORCELAINES

Dans les vitrines de cette salle sont exposés des échan­tillonnages des différentes productions de l’ancienne industrie andennaise des faïences, porcelaines et figurines en terre cuite : pièces de service de table, de service à café, de pintes à bière folkloriques (des habitués de cafés), de pots, de vases, statuettes et divers objets ménagers ou d’ornement (1).

Ces collections proviennent des différentes fabriques locales :

  1. LA FAÏENCE
  2. a) A la grand-route Liège-Namur, au lieu-dit « 4 Coins », la plus ancienne fabrique de faïence est celle de Joseph Wouters, créée en 1783, qui occupait, un certain temps, jusqu’à 200 ouvriers. A l’emplacement des usines actuelles Intermills, la deuxième fabrique de faïence de Joseph Wouters, créée en 1794, passa en diverses mains, entre autres, à Pierre Verdussen, savonnier à Bruxelles, et à Bernard Lammens, tous noms que l’on retrouve familièrement dans les diverses vitrines.

 

  • Ces pintes à bière, en faïence et en porcelaine — voir vitrine n° 4 — évoquent de charmantes coutumes locales : dans certains cafés, chaque client habituel possédait une pinte personnelle marquée à son nom et décorée. Ces pintes étaient accrochées à des étagères, si bien qu’on pouvait en entrant dans le café évaluer l’importance et la qualité de la clientèle à la vue des pintes. Parfois aussi, des pintes d’honneur récompensaient les vainqueurs de compétitions artistiques et autres.

 

(p.56) LE SOUVENIR DE JOSEPH WOUTERS A ANDENNE En 1806, année de la mort du sculpteur de renom, Jacques Richardot qui travailla pour elle, la fabrique fut reprise par Bernard Lammens et jusqu’en 1823, époque où elle fait faillite. Cockerill y installa ensuite une papeterie qui s’y trouve encore sous une autre firme. A cet endroit de la grand-route Namur-Liège, lieu-dit Belgrade, aboutit une rue qui rappelle le souvenir de Wouters, le premier fabricant de faïence an-dennaise (1).

Objets de cette époque exposés : plats décorés en bleu au pinceau ou en vert olive à l’éponge et le fameux service dit des « châteaux » (de Lammens).

  1. b) Vint ensuite, place du Chapitre, la fabrique de Jean-François Kreymans, fondée en  1804,  cédée en  1806 à Jean-Philippe Becquevort,  puis  en  1829  au gendre de ce  dernier,   le   capitaine   Becherel,   ancien   officier   de Napoléon, qui continua les affaires jusqu’en 1837, puis vendit ses bâtiments à la ville qui en fit les écoles que l’on voit encore sur cette place du Chapitre (2).
  2. c) L’usine de  Lambert  et  Crefcœur,   établie  rue  des Polonais, au coin de la place du Perron, près de l’an­cienne fontaine du même nom.
  3. d) L’usine d’Antoine-Joseph Lapierre, de 1820 à 1844, actuellement démolie et qui se trouvait rue des Chanoi-nesses — ex-rue des Chats — et place du Chapitre.

 

(1)   Andenne  s/M.   Guide  des   Promenades   pédestres,   éd.   du   S.I. promenade n° 8. – Ce lieu-dit « Belgrade » vient d’être évoqué à la fin du chapitre précédent.

  • Idem : suivre la promenade n° 2.

 

(p.57) e)  Celle de Charles Smet, fondée en 1830 au coin N.B. formé par la rue Janson et la rue de l’Hôpital, et qui n’y fabriqua guère que des pipes. Elle fut cédée en 1840 à Edouard Lapierre qui se mit vraiment à la fabrication des faïences et des porcelaines. Puis, en 1859, le grand art vint avec Camille Renard qui succéda dans la fabrication, mais pour quatre ans seulement. L’usine fut délaissée en 1867 et Gérard Boutfeu vint y installer une messagerie qui   faisait   le   service   Huy-Namur   (voir   plus   loin paragraphe II – Porcelaine).

  1. f) Au Staple (place Ste-Begge), l’usine des Richard qui fonctionna de 1812 à 1862.
  2. g) Celle de Henneau, reprise peu de temps après par la  famille  Leroy,  cédée à Boulanger,  puis  à Tiburce-Courtois, installée jadis place Charles Martel.
  3. h) Celle de Nihoul, en 1814, rue des Chanoinesses (ex-rue des Chats).
  4. i) Celle des frères Winand établie en 1807 et qui dura trois quarts de siècle. Leurs bâtiments furent repris en 1910 par les boulangeries du « Bon Pain », rue Winand et sont actuellement occupés par une brasserie (consulter la rubrique « Vieux quartiers »).
  5. j) II y eut encore les fabriques Arnold Bonhivers, Em­manuel Deville, Charles et Veuve Smet, Antoine Fossion, Mathieu Servais, Gaspard Dossogne (1838) qui lui était installé à Andenelle, etc…

Objets de ces Maisons : assiettes décorées d’oiseaux et de fleurs.

 

 

  1. LA PORCELAINE

La fabrication de la porcelaine à Andenne date du début du XIXe siècle.

La première manufacture de porcelaine, bien qu’elle soit connue sous le nom de Fabrique Fourmy (nom de son directeur), appartenait à M. Dartique, également pro­priétaire des Cristalleries de Vonêche, plus tard transférées au Val-St-Lambert. Cette fabrication fut reprise par Louis Winand qui abandonna la faïence pour la porcelaine (voir ci-dessus, § i). Elle passa de père en fils, devint florissante et marqua sous Saturnin Winand un mouvement ascensionnel vers la beauté. Voir dans les vitrines ses biscuits dont un très beau Saint-Pierre, également ses brocolis décorés d’ors et de fleurs.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, un autre fabricant Camille Renard, ingénieur liégeois, professeur de dessin et d’histoire, lui donna un grand essor, en s’instruisant à la Manufacture de Sèvres et aux fabriques de Limoges. Il atteignit la perfection : plusieurs de ses plus beaux spécimens valent les meilleures réalisations de la grande manufacture française. Les porcelaines dites « Tasses coque d’œuf » dont on peut voir ici un modèle du genre, sont de toute beauté et d’une finesse extraordinaire.

Comme on l’a dit plus haut, l’usine de Camille Renard (voir § I e) était installée au coin de la rue Janson et de la petite place située devant l’école normale (rue de l’Hôpital). En 1863, elle fut reprise par Jules Dothée qui y travailla quatre ans et qui ne changea rien à son principe de fabrication, puis l’usine fut délaissée… (idem supra, § I e).

Il y eut en dernier lieu une fabrique exploitée par Ch. Courtois, rue d’Horseilles ; une autre, par Drouhin-Courtois, au lieu-dit : « Campagne d’Andenne » : voir au musée ses sujets religieux. Ces deux derniers artisans fabriquèrent une porcelaine s’apparentant à celle de Limoges.

Des peintres-décorateurs remarquables contribuèrent au renom de la production andennaise : citons M. Jacob et surtout Léon Foller — dont nous possédons la palette — qui firent leur apprentissage à Sèvres. De nombreuses pièces exposées donnent une idée de leur talent (vases et tasses). Remarquons également plusieurs œuvres en terre cuite exécutées par le brillant sculpteur français Jacques Richardot, né à Lunéville en 1743 et mort à Andenne en 1806. Ses pièces les plus remarquables figurent au Musée du Cinquantenaire à Bruxelles et au Musée de l’Hôtel de Croix à Namur. Voir ici sa « Vierge à l’Enfant Jésus » (1).

 

  • Vers 1800, nous avons vu qu’il travailla pour l’usine de Verdussen et Wouters (cfr supra § 1 a). C’est l’époque de la belle faïence et sa production personnelle touche au grand art.

 

(p.58) DECADENCE ET DISPARITION DE L’INDUSTRIE FAÏENCIERE A ANDENNE

Cette longue énumération et la multiplicité des entreprises caractérisent bien l’industrie andennaise de la faïence du XIXe siècle. La dispersion des forces a nui, en fin de compte, à cette industrie et aux nombreux ouvriers qu’elle occupait. Une des causes de sa décadence réside dans cette diversité.

Cependant, de 1813 à 1820, les fabricants andennais avaient déjà éprouvé leurs premières difficultés. L’industrie belge s’était ressentie tout d’abord de la victoire des Alliés sur Napoléon : cordon de douanes et droits prohibitifs lui fermaient le marché français, tandis qu’elle se trouvait en butte à la concurrence de l’Angleterre dont les manu­factures, depuis la disparition du blocus continental, inondaient les Pays-Bas de leurs produits.

Ces épreuves connurent une accalmie durant 25 années environ pendant lesquelles la petite ville d’Andenne, qui s’accroissait sans cesse, offrait l’aspect d’une véritable ruche ouvrière, à en juger de la liste de ses nombreux établissements industriels. Ainsi, en 1841, on trouvait sur le territoire de la commune : huit fabriques de faïence, deux de porcelaine, dix de pipes, un atelier de dorure sur porcelaine, deux usines à briques réfractaires, une papeterie, une filature de coton, une fon­derie de fer, une tannerie, cinq moulins à farine mus par l’eau, quatre extractions de houille, plusieurs extractions de terre plastique et de sable de verrerie, quatre brasseries.

Mais quelques années plus tard, la Belgique ayant conclu un traité de commerce avec la Hollande, l’industrie faïencière et porcelainière fut sacrifiée à celle du grand duché de Luxembourg et de la France. Les produits grands-ducaux et français furent admis en Belgique moyen­nant un droit de 6 1/2 % alors que nos céramiques ne purent s’introduire en Hollande qu’en payant une taxe de 70 à 80 °7o. Le résultat ne se fit pas attendre : ces taxes absolument prohibitives firent la fermeture des trois quarts des manufactures d’Andenne, la ruine quasi complète de notre commerce et le brusque appauvrissement de notre population.

 

A notre époque, toutes les fabriques de faïence et de porcelaine ont disparu. Quant aux pipes en terre, et seulement celles destinées aux foires, une petite usine située au faubourg d’Andenelle en fabrique encore, avec de ces petits plateaux ronds appelés clays qui servent aux tirs aux pigeons et remplacent ceux-ci (cfr supra, rubrique 4, salle des pipes).

 

  1. SALON DE RECEPTION

Cette pièce présente un début de reconstitution d’un salon de chanoinesse à l’époque de la fin du « Chapitre Noble » d’Andenne. La Commission du Musée d’Andenne se pro­pose de compléter, au fur et à mesure de ses possibilités, cette reconstitution. On y voit aussi quelques œuvres du peintre Léon Tombu, d’Andenne.

Dans ce salon, une vitrine expose quelques objets prélevés des fouilles à la villa romaine découverte, il y a quelques années, à Evelette (domaine de Résimont).

 

LA VILLA GALLO-ROMAINE D’EVELETTE (RESIMONT) Les ruines de la « villa » gallo-romaine découvertes à Résimont-Evelette, au sud-est d’Andenne, sur le plateau du Condroz, se trouvaient sur un sol schisteux en légère pente vers le sud, tournées vers le soleil, comme les Romains avaient toujours l’habitude d’orienter leurs habi­tations. Murs très soignés, en petit appareil régulier de 10 cm. sur des fondations de 80 cm. d’épaisseur constituées de pierres calcaires alternées de schiste et de grès, sans liant de mortier. Trois grandes pièces centrales occupaient cette « villa » avec, encore actuellement, la marque de trois grosses pierres donnant encore l’idée d’un auvent avec piliers, une place de bains avec « parfurium » et revêtement en terre battue rougie par le feu. On y a retrouvé un fond d’hypocauste en béton rosé bien lissé et même des traces de tuyau en plomb pour l’élimination de l’eau.

Il semble, en fin de compte, qu’il s’agisse d’une villa de plaisance de la première moitié du 2e siècle et non d’une exploitation agricole.

 

(p.59) UNE FONTAINE DITE « DES POUSSINS »

 

Sainte Begge, après avoir perdu son époux, lâchement assassiné, entreprit un pèlerinage à Rome, y visita sept basiliques et en rapporta d’insignes reliques qui lui furent données en présent par le pape Adéodat. A son retour, en commémoration de ce voyage, elle projeta de bâtir sur la rive gauche de la Meuse (côté Seilles actuel) un monastère et sept églises.

A peine les travaux entamés, les murs s’écroulèrent par trois fois et Begge en conclut que son dessein n’était pas agréé du Ciel, qu’il fallait attendre d’autres événements. Des signes ne tardèrent pas à apparaître. Un de ceux-ci est précisément rappelé par la Fontaine Ste-Begge d’Andenne : le fils de Begge, Pépin de Herstal, chassant un jour sur la rive droite de la Meuse, trouva ses chiens en arrêt devant une poule qui protégeait sept poussins et la meute n’osa s’en approcher. Le fils s’em­pressa de rapporter la chose à sa mère qui, ayant déjà été informée par d’autres faits plus ou moins analogues — même endroit et même chiftre 7 — s’empressa à son tour de faire élever le monastère et les sept églises dans le site de la place du Chapitre actuelle.

(p.60) Les murs ne s’écroulèrent plus — du moins plus avant leur vétusté au XVIIIe siècle — et Andenne fut très tôt désignée par le terme « Andenne-aux-Sept-Eglises ». C’est la raison de l’édification d’Andenne sur la rive droite de la Meuse et à proximité de l’église actuelle, la Fontaine Ste-Begge porte toujours ce second nom tout autant utilisé de « Fontaine des Poussins ». On la confond parfois, et c’est dommage, avec la fontaine voisine des Faisans (de Craco – XXe siècle) qui a une toute autre histoire (voir le chapitre des Fontaines d’Andenne).

 

 

Samson - rwines do tchèstia (riunes du château)

(La Belgique illustrée, 1890)

Sclèyin / Sclayn - vûwe / vue

(La Belgique illustrée, 1890)

Namètche / Namèche - 1896

(col. Dupont)

Andène (Andenne)

(W. H.)

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