PLAN

1 Tradicions r’lijieûses / traditions religieuses

2 Folklôre (carnavâl, …) / Folklore (carnaval, …)

1 Tradicions r’lijieûses / Traditions religieuses

Andène - porcèssion Sinte-Bèdje (procession Sainte-Begge)

(s.r.)

ritoûr à l ‘ èglîje, bènichadje, vènèrâcion dès rèlikes da sinte Bèdje (retour à l’église, bénédiction, vénération des reliques de sainte Begge)

Andène (Andenne) - statûwe di sainte Bèje (statue de sainte Begge)

Andène (Andenne) - fî da sinte Bèdje (châsse de sainte Begge)

(foto / photo: Bernard Louis)

,in : Félix Rousseau, Légendes et coutumes du Pays de Namur, Trad. wallonne, 2006, p.116

 

Pendant l’office du samedi saint, le diacre revêtu de la dalmatique bénit le cierge pascal qui renferme, comme on sait, cinq grains d’encens dessinant une croix et maintenus par des clous de cire. Ces clous, appelés en wallon claus de cirion, étaient considérés comme d’excellents préservatifs contre les sorts, les maléfices, les pompes et les oeuvres de Satan.

 

Li mèyeû des raîsons

Conte li démon, c’est l’clau d’ cirion

dit une chanson de Philippe Lagrange. A Namur, des gens du peuple en demandaient chaque année au sacristain de la cathédrale. A Andenne, lorsqu’on construisait une maison, on glissait un clou de cirion sous le seuil de la porte. A Houyet, si l’on supposait que des sorcières se trouvaient à la messe, on pouvait les empêcher de sortir de l’église, en mettant au-dessus du porche des claus d’ cîdje (clous de cierge).

Autrefois, les trois derniers jours de la semaine sainte, à Namur, les gamins s’armaient de marteaux, de rakètes et de tapas (marteaux mobiles montés sur une planchette), puis s’en allaient par la ville, frappant sur les portes et fenêtres, faisant un bruit infernal : po tchèssî Cwarème disaient-ils.

Pol Wascotte, Jacques Huart, Si Andenne vous était conté …, s.d.

 

(p.65) Tradition toujours respectée depuis quelque 280 ans : LES TROIS JOURS DU PELERINAGE PEDESTRE BIENNAL, A SAINT-HUBERT

 

Le plus ancien des pèlerinages vers St-Hubert-en-Ardenne, aux approches de la Pentecôte, est incontestablement celui d’Andenne-sur-Meuse. Il en est d’autres, certes, qui, comme ceux venant d’Allemagne, rallient depuis fort longtemps la cité de l’illustre grand Veneur. Mais nous n’avons pas connaissance de groupes qui, comme celui de la Confrérie de St-Hubert, à Andenne, s’en vont ainsi pédestrement sur les routes des Ardennes, depuis plus de 275 ans et toujours selon un rite immuable. (Voir plus loin la notice historique).

Le samedi, veille de la Pentecôte, très tôt le matin (5 heures), les Andennais prennent la route de Ciney, longue et montante, accompagnée de leur aumônier qui vient de leur dire la messe coutumière à la collégiale Sainte-Begge. Ils sont toujours au moins une cinquantaine, hommes et femmes, jeunes et beaucoup moins jeunes, souvent un bâton à la main, portant tous en sautoir l’écharpe verte rehaussée des lettres jaunes de la Confrérie.

 

Chacun s’en va « sur son poids » et il arrive que de petits groupes, dès le début de la route, se distancent déjà, mais cela n’altère en rien l’ardeur du pèlerin et l’atmosphère générale. Les premiers kilomètres sont, en effet, en forte côte, jalonnés de noms charmants : Hautebise, Peu d’Eau, Sainte-Begge, Nalamont…

A Ciney, après une courte étape agrémentée d’un repas, ils repartent sur les routes agrestes du Condroz et le long ruban se déroule à nouveau. L’aumônier va d’un groupe à l’autre, s’informe, questionne, encourage aussi ceux dont quelques « cloches » apparaissent aux pieds. Les premiers déjà sont signalés à Haid-Haversin, à 15 heures pour la halte, avant la côte de Buissonville ; puis c’est la joyeuse descente vers Rochefort où les attend le gîte de la première étape.

Dimanche matin, fête de Pentecôte, dès 4 heures du matin, les plus courageux et les moins éprouvés s’activent fébrile­ment sur la route, les autres suivront bientôt et tous se retrouvent à l’entrée du bois de Saint-Hubert où d’usage se tient la récitation du chapelet en commun, le dos opposé à la cité du grand Patron. Vers les 10 h. 30, groupés à l’entrée de la ville, ils sont accueillis par le clergé, l’admi­nistration communale et le Syndicat d’Initiative et conduits processionnellement à la célèbre basilique pour une messe solennelle chantée à leurs intentions. A ce moment du pèlerinage, des dizaines d’autres Andennais ont rejoint les pédestrians pour la cérémonie.

 

(p.67) Le jour même, nos pèlerins reprendront le chemin qui va les ramener en vingt kilomètres à Rochefort, pour une deuxième nuit. Mais avant cela, à la sortie du bois de St-Hubert, nouvelle récitation du chapelet en commun, cette fois la face tournée vers la ville du patron des Ardennes. Avant l’étape encore, au carrefour d’Arville, les pèlerins et la foule des autres Andennais motorisés vont vivre quelques instants d’intense émotion. A cet en­droit, un monument de la reconnaissance et du souvenir borde la route, la Chapelle des Andennais, faite de pierre, de matériaux, avec ses plantations et même sa terre, en provenance de la vallée mosane… un peu du cœur de la cité de sainte Begge implanté au centre de l’Ardenne…

Grupont, Wavreille… Rochefort, à nouveau et le lendemain, lundi de la Pentecôte, nos marcheurs doivent encore accomplir, via Ciney, l’ultime étape qui les rendra à leur cité. En bas de la côte de Buissonville, on a tout d’abord « pause » à Haid, comme à l’aller, dans une ambiance d’omelette au jambon et de pain frais du pays. Une messe en plein air, suivant le temps, entre maintenant dans la tradition à cet endroit. Dîner à Ciney, puis en s’étirant à nouveau vers Sorée, le groupe accomplit sa plus redoutable étape. Route interminable, pieds ornés de sparadraps, ici se produisent — aussi traditionnellement — les premières défections ; mais la voiture-balai est tout de même un peu là… A Sorée, bien des amis attendent déjà ; certains vont achever, avec les marathoniens, les 13 km. du dernier parcours.

 

A Peu d’Eau, à l’entrée d’Andenne, d’autres sympa­thisants s’en viennent à leur rencontre ; une demoiselle à cheval va précéder le groupe réuni jusqu’à l’église, voulant renouer avec une belle et vieille coutume. Un peu plus bas, à Hautebise, le clergé et les enfants de chœur rejoignent la Marche bien reformée, tandis que la statue de Saint-Hubert (1) — déposée traditionnellement à la ferme Olmechette — prend place dans le cortège, avec la lourde et vénérable bannière de la Confrérie (2). Pendant la descente en ville, des « campes » d’honneur claquent au sommet de la colline voisine du Calvaire, tandis que son­nent à toutes volées les cloches de la vieille collégiale Renaissance. Pèlerins et sympathisants pénètrent alors en ville au milieu d’une affluence souvent considérable.

A l’église enfin, c’est la grosse foule pour le salut de clôture autour de ces courageux soldats de Saint-Hubert, dont certains accusent, après une randonnée pédestre de deux fois septante kilomètres, une fatigue bien compré­hensible. M. le doyen félicite et remercie tout le monde et invite l’assistance entière à venir vénérer les reliques

 

1        Il s’agit d’une statue de Richardot, artiste renommé ayant travaillé à Andenne et à Namur, au début du siècle passé (voir Musée de la Céramique).  Les pèlerins portent cette statue sur l’épaule au départ et  au  retour  du  marathon.  On connaît également  une  statue plus ancienne de Saint-Hubert au trésor de la Collégiale (voir supra).

2        Cette bannière avait été achetée par le Ban des Mambourgs en 1890. Le pèlerinage est  placé  sous  la présidence d’un grand Mambourg, encore actuellement.

(p.68) du grand saint (1). Ainsi se termine, une fois de plus, une curieuse manifestation locale dont la longue tradition — jamais rompue depuis 1697 — est si chère à maints Andennais qu’ils se passent souvent, de père en fils, le fier relais de « Marcheur de Saint-Hubert ».

 

LA CONFRERIE DE SAINT-HUBERT

 

La Confrérie de Saint-Hubert existait déjà au XVe siècle à Andenne, comme le prouvent certains manuscrits (archives de l’Etat à Namur) relatant les manifestations célébrées avec fastes par le Chapitre des Dames nobles et la population du ban d’Andenne, en l’honneur du saint célébré à Andage (ancien nom de la ville de St-Hubert). Mais c’est à la mention de l’année 1697 que l’on trouve l’année de la création du fameux pèlerinage pédestre biennal. Il va sans dire que le vrai pèlerin est celui qui abat les quelque 150 km. du parcours à pied, en trois jours et en observant scrupuleusement toute la tradition. On sait aussi que le tracé actuel de l’itinéraire n’est plus exactement le même que jadis, en raison de la modification du tracé des routes. Et pourquoi enfin, le week-end prolongé de Pentecôte, comme date choisie ? Parce que c’était depuis fort longtemps, pour de nombreuses localités, communément la date la plus propice pour se rendre au chef-lieu du grand pèlerinage, certes le plus populaire de nos Ardennes.

(1)  II  s’agit  du  célèbre  olifant-reliquaire  du   trésor  de  la  collégiale (cfr supra).

 

OÙ L’HISTOIRE ET LA LEGENDE SE FONDENT ET SE CONFONDENT

AUTOUR DE SAINTE BEGGE LEGENDE DOREE ET LEGENDE PROFANE

 

L’HISTOIRE

 

Andenne peut se prévaloir d’un passé que lui envieraient maintes grandes cités, par cette particularité que ce passé est intimement lié aux origines mêmes d’une très grande famille, royale et impériale, celle des Carolingiens. On connaît la prodigieuse fortune historique de cette famille qui est parvenue à regrouper la chrétienté d’Occident presque toute entière et cette chrétienté d’Occident, c’est en somme notre Europe occidentale dont nous rêvons aujourd’hui de reconstituer l’unité.

Malheureusement, comme chacun sait, une loi succes­sorale déplorable fit se morceler cet empire, à la mort de Charlemagne, et ce ne fut que plus tard qu’une autre famille, celle des Capétiens, aux origines plus modestes, réussit à faire la France, grâce au droit d’aînesse.

(p.70) Mais d’où viennent ces Carolingiens ? De la région Meuse-Moselle qui restera, jusqu’à la fin de la lignée (descen­dance de Charlemagne) leur terre d’élection, et sainte Begge appartint à la seconde génération de cette illustre lignée qu’on appellera d’abord Pippinides, puis avec Pépin le Bref et Charlemagne, les Carolingiens.

 

LA SECONDE GENERATION

 

Fille de Pépin I, l’Ancien (dit « de Landen » pour certains, mais rien n’est moins sûr) et mère de Pépin de Herstal, Begge se retira à Andenne, après la mort de son mari, Anségise, maire du palais des rois mérovingiens. Pépin de Herstal dirigea avec sa mère les constructions que celle-ci fit ériger à Andenne et pour ce faire consentit à aliéner une partie des vastes domaines familiaux pour doter richement le monastère et les 7 églises (1). Nous avons vu que Charles Martel, fils de Pépin de Herstal, naquit à Andenne et y passa toute son enfance ; une fontaine d’Andenne évoque un exploit du jeune héros. Pépin le Bref, fils du précédent, est alors le premier dans la famille à s’élever à la dignité royale, en lieu et place des rois fantoches, mérovingiens et avec lui commence l’ère carolingienne, en réalité.

 

(1)   voir la description de la place du Chapitre et des maisons riveraines et la première rubrique du présent chapitre (Fontaine des Poussins).

Une preuve de prédilection de cette grande famille pour la ville fondée par l’illustre aïeule, Begge, fut que l’épouse de Pépin le Bref, la mère de Charlemagne, la douce reine que la légende a chantée sous le nom de Berthe au long pied, voulut avoir son tombeau à Andenne, non loin de celui de sainte Begge. Un manuscrit du XVIIIe siècle conservé aux archives de l’Etat à Namur l’atteste et décrit ce tombeau aujourd’hui disparu.

Et de là à penser que Charlemagne, le grand empereur d’Occident, né à Jupille et qui avait fait de la demeure familiale de Herstal sa résidence favorite, vint plus d’une fois en notre bourg pour s’agenouiller sur les tombeaux de sa mère et de sa glorieuse trisaïeule, il n’y a qu’un pas.

La lignée des Carolingiens est donc une famille belge, sainte Begge en est la souche et nulle part en notre pays plus qu’à Andenne, le souvenir de cette noble dynastie ne reste vivace, en ses monuments, ses sites et jusque dans ses familles.

 

LA LEGENDE !

 

Autour de sainte Begge, se sont tressées à la fois une légende dorée et une légende profane.

Dans la légende dorée d’Andenne, sainte Begge apparait entourée de saints personnages et deux d’entre eux sont restés très populaires (1) : sainte Orbie, l’humble servante et saint Mort, le modeste berger.

 

(1)   Ils sont évoqués lors de la procession historique d’Andenne en sep­tembre.

(2)    

(p.71) NOTICE LEGENDAIRE

 

Le trait que nous avons retenu de sainte Orbie, de Coulisse, village rural des hauteurs d’Andenne, est celui que nous avons évoqué, lors de la visite de la collégiale d’Andenne, devant sa châsse, au musée lapidaire : la chandelle, le démon, l’ange gardien et la potale rustique à la lisière du bois d’Heer, récits traditionnels et bien connus des Andennais (1). A noter que ce même trait est attribué à sainte Geneviève, la patronne de Paris et à sainte Gudule, la patronne de Bruxelles. Saint Mort, « Sint Mwart-ès-bwès » comme on dit encore chez nous, a laissé des souvenirs plus nombreux encore : il est particulièrement vénéré à Haillot, autre localité des confins d’Andenne, sur les hauteurs condruziennes, où il a sa chapelle de pèlerinage : en bref, c’est la curieuse histoire d’un enfant mort-né qui recouvra la vie devant l’autel de N.D. de la Vignette à Huy (église St-Mort, act.), entra comme berger au service-de sainte Begge, puis, garçon simple et bon, eut le privilège de posséder le don d’ubiquité, à cause de sa grande piété. A sa mort, alors qu’il s’était retiré comme ermite dans ces campagnes, l’attelage amené par des gens d’Andenne refusa obstinément de ramener le corps du saint dans la ville de sainte Begge et se dirigea de lui-même vers Huy jusqu’à l’église où l’ermite avait recouvré la vie.

A Haillot, à l’emplacement de sa pauvre cabane, s’élève sa chapelle, très fréquentée, surtout le premier dimanche du mois d’août, jour du pèlerinage solennel. La pierre de belle dimension que l’on y voit sous une arcade de l’autel servit, dit-on, d’oreiller à saint Mort (2). On invoque celui-ci contre l’apoplexie, la paralysie, les maux de tête et de dents, les rhumatismes.

 

(1)   Voir plus haut « Le Musée lapidaire », notice historique et légendaire, sur sainte Orbie.

(2)   On peut visiter cette chapelle sur la  nouvelle route touristique, balisée « Route Guerre de la Vache ».

A la légende dorée se substitue la légende profane. A causé de sainte Begge, Andenne a vu fleurir un cycle de légendes, d’un caractère épique, relatives à divers personnages de la famille carolingienne.

Charles Martel serait né à Andenne, d’après l’histoire, un chroniqueur tournaisien du XIIIe siècle le prétendait déjà. Sa mère, femme de Pépin II, dit de Herstal, aurait été la sœur de Thierri d’Ardenne, personnage épique, qui figure dans plusieurs chansons de geste. Et c’est ainsi qu’Andenne aurait été le théâtre de la première action d’éclat du futur vainqueur des Sarrasins : le fameux combat avec l’ours qui semait la désolation dans le quartier du vieil Andenne, exploit que Jean d’Outremeuse, chroniqueur liégeois du XIVe siècle, dramatisa en substituant un monstrueux serpent à l’ours de la tradition populaire (1). Le curieux monument de la Fontaine de l’Ours, au quartier d’Horseilles — qui tient sans doute son nom du latin « Ursilla » ou petit ours — rappelle ce combat singulier de Charles Martel. Nous l’avons décrit au chapitre « Fontaines d’Andenne ».

Vint également le temps de Berthe au grand pied, la mère de Charlemagne, dont les pèlerins et voyageurs pou­vaient contempler le mausolée dans une des sept églises d’Andenne (2), jusqu’au moment où Dewez, constructeur

 

(1)      Voir à ce sujet  l’intéressante bande dessinée  par J.  Fivet dans « Raconte, mon beau pays », tome II, 1971, éd. Mosa, Profondeville.

(2)      Voir plus haut la rubrique « Place du Chapitre » (Vieux quartiers), référ. 4.

(p.72) de la collégiale (actuelle), considéré comme « le plus grand architecte de son temps » le fit disparaître entre 1760 et la fin du même siècle qui vit la Révolution française, comme il fit table rase de tant d’autres souvenirs de l’époque médiévale. « On a reproché à la Révolution son radicalisme, son vandalisme, pour tout ce qui était roman ou gothique, nous dit Félix Rousseau. Ce senti­ment tut largement préparé par tout le XVIIIe siècle ». Toujours est-il que cette Berthe au grand pied, aux aventures pathétiques déjà chantées par les ménestrels au XIIIe siècle, s’est maintenue longtemps dans la légende profane andennaise. Pileuse émérite, ne disait-on pas, dès le XVIe siècle, en se souvenant d’elle, et comme pour regretter les temps révolus : « ce n’est plus le temps que Berthe filait… », dicton qui eut cours longtemps dans toutes les provinces francophones.

« Tout ce passé de gloire, fait de souvenirs historiques comme de souvenirs légendaires, a valu à Andenne un immense prestige, conclut encore l’historien F. Rousseau. Il en fut de même à Nivelles : les deux abbayes d’Andenne et de Nivelles, fondées l’une et l’autre par des princesses carolingiennes, filles de Pépin l’Ancien, ne pouvaient con­naître des destinées semblables à celles des maisons reli­gieuses ordinaires. La règle bénédictine abandonnée très tôt. à Nivelles comme à Andenne, les nones font place aux chanoinesses nobles, dès le^XII11 siècle, au temps des chansons de geste. Ces nobles demoiselles resteront sept siècles à Andenne jusqu’à la Révolution française » (article compilé d’après F. Rousseau).

 

AUTRES COUTUMES

 

Nous pourrions ajouter à ces anciennes coutumes et traditions andennaises le vieux rite du passage sous la châsse (Sainte-Begge). Celle-ci, portée à bras d’hommes pour la vénération des fidèles, lors de la procession de septembre, est placée sur un plan élevé — comme en maints lieux de pèlerinage et depuis des temps reculés — à Andenne, en haut du parvis de la collégiale, au retour du cortège.

L’ancienne abbatiale, nous l’avons décrit, fut richement décorée et pourvue d’un mobilier et d’un trésor d’orfèvrerie somptueux et la pièce maîtresse de ce trésor, la châsse monumentale des reliques de la sainte, conçue, comme ailleurs, pour impressionner les fidèles, était ainsi arrêtée avant la rentrée à l’église, afin que les fidèles puissent passer en dessous d’elle. Cette coutume se perpétue à Andenne.

 

2 Folklôre (carnavâl, …) / Folklore (carnaval, …)

2.1 Jènèrâlités / Généralités

Andène (Andenne) - carnaval dès-Oûrs' (carnaval des Ours)

(VA, 20/03/2009)

Andène (Andenne) - saquants vîyès tradicions (quelques vieilles coutumes)

(Dr A. Mélin, in: GW, 8, 1924, p.97)

André Moureau, Thon-Samson, 1965

 

(p.90) Section 1 : LES COUTUMES

 

Chaque village était jadis caractérisé par des coutumes bien parti­culières ; Thon-Samson n’échappe pas à cette tradition. C’est ainsi que. le dimanche de la Quinquagésime se déroulait :

 

1)   La tchèvenéye (92). Ce jour-là les enfants et les jeunes gens allaient de porte en porte mendier une tranche de lard ou de jambon qu’ils em­brochaient sur une pointe en bois  ; le soir, tous se réunissaient toujours dans la même famille pour partager le produit de leur quête.

Cet usage a disparu, de même que

2)   la traditionnelle quête du jour des âmes, organisée par les jeunes gens de la paroisse.  Ceux-ci recevaient des habitants toutes espèces de vivres, légumes, pâtisseries… A la sortie des vêpres, tous les vivres étaient mis aux enchères, et le montant de la vente servait à la célébration de messes pour les défunts.

3)   Anciennement, il  était de coutume de réserver  un jour de fête en l’honneur de l’instituteur et de l’institutrice du lieu. Ce jour était fixé à la Saint Thomas  (le 21 décembre). Pour la réussite des cérémonies et surtout par gratitude,  les jeunes  élèves se cotisaient en vue d’offrir un cadeau aux héros du jour.

4)  IMélanie X…, la messagère : jusqu’à la guerre de  1914, peu de villageois se rendaient à la ville la plus proche, qui était Namur, afin d’y effectuer   leurs   achats   étant   donné   les   moyens   de   transports   réduits.

Dans chaque village, on retrouvait une messagère, chargée des cour­ses en dehors du village. La dernière messagère de Thon s’appelait Méla-nie ; beaucoup de villageois se souviennent d’elle et surtout de son carac­tère

 

92. Cette coutume était très répandue dans les villages du Namurois. Mozet n’y échappait pas. Voir à cet effet : R. BLOUARD. Mozet, histoire et archéologie p. 114.

92 bis . Madame Carpentier, doyenne d’âge de Thon, déclarait que son premier voyage à Namur datait d’août 1920.

 

(p.91) complaisant et joyeux. Ses entrées dans le village étaient saluées par les cris des enfants : « Vl’a Mélanie qui r’vint ». Régulièrement, notre Mé-lanie, deux énormes paniers accrochés à son goreau, passait prendre la commande chez les habitants avant de se rendre à Namur à pied. A cette époque, elle était considéréeé comme une grande voyageuse.

 

Section 2 : LES ETRES FANTASTIQUES

Actuellement, seules les personnes âgées se souviennent du « boule homme havet », être effrayant qui hantait leurs randonnées enfantines, surtout lorsque celles-ci les conduisaient vers un ruisseau ou un étang.

En effet, les parents mettaient en garde les jeunes imprudents contre le terrifiant « boule homme havet » qui sortait de l’eau pour attirer vers lui les enfants à l’aide de son harpon (93)..

Ainsi il est aisé de s’imaginer le prestige, motivé par la crainte que ce personnage fantastique exerçait autour de lui.

 

Section 3 : LES LEGENDES

A La « gade d’or » (94)

 

Pour ne pas faillir aux traditions villageoises, l’ancien château-fort de Samson possède lui aussi, comme tout château qui se respecte, une légende qui lui confère l’existence d’un trésor fabuleux. Il s’agirait d’une « gâte d’or ». qui a la forme d’une chèvre et aurait été enterrée par les Sarrasins au VIIIe siècle (95). Les découvertes de différentes pièces de monnaie romaine du Bas-Empire, cachées prudemment par les Romains à l’approche des Barbares contribuent pour beaucoup à la survivance de cette légende.

 

B Le « porc » de la forteresse. (96)

 

Le caractère inexpugnable de la forteresse de Samson était bien connu dans tout le comté de Namur. Cette légende rappelle un épisode d’un des nombreux sièges qu’eut à soutenir le château de Samson. La tradition orale rapporte qu’étant assiégé depuis de nombreux mois par des assail­lants redoutables, le capitaine de Samson imagina une ruse de guerre pour décourager l’adversaire qui espérait s’emparer de la place par la famine.

 

93. Harpon   :  en patois se dit « havet ».

94. R.   BLOUARD.  La Basse-Meuse Namuroise.  p.   24.

95. F. ROUSSEAU. Légendes et Coutumes du pays de Namur p. 13-15. L’avance extrême des Arabes fut arrêtée à Poitiers  en  732.  Mais il  est possible que  la légende trouve son origine dans le butin que les guerriers ont rapportés chez eux ou. bien dans la dénomination de sarrasin qui devint très courante à cette époque. Sarrasin  païen.

96 R. BLOUARD : idem, p. 25.

 

(p.92) Un matin, il fit jeter par-dessus les murailles, un énome porc vou­lant persuader son adversaire que la place tiendrait longtemps encore, grâce à ses défenses et à la pléthore de nourriture.

L’ennemi  leva  alors  le  siège  de  Samson.

 

C Le cavalier du Trou Perdu. (97)

 

Le Trou perdu était aux siècles passés un gouffre encaissé et rocail­leux, longeant le sentier qui montait de Vil-en-Val (98) à Thon. Là, les eaux de ruissellement venant du plateau s’engouffraient pour rejoindre le Samson. L’endroit était très dangereux et propre à éveiller le mystère et à enfanter des légendes. La tradition orale rapporte qu’un cavalier, inconnu dans la région, emprunta un jour ce sentier à la tombée de la nuit. Le cheval fit-il une fausse manœuvre…? Nul ne peut le préciser, mais homme et bête roulèrent dans l’abîme. Un villageois, témoin de cet accident, alerte la population. On repère les pas du cheval, le lieu de la chute, mais ni le cheval ni le cavalier ne furent découverts. Le siècle dernier, l’abîme du Trou Perdu fut nivelle pour permettre la création de routes.

Aujourd’hui, en contre-bas de la route remplaçant le sentier de naguère, on peut voir un petit trou par où s’écoulent les eaux par temps d’orage et qui s’appelle… le « Trou Perdu ».

 

  1. Lieu-dit de Thon.

 

 

in : Roger Pinon, Enfantines ; s.r.

 

Nînan ninète

 

Le thème est une invitation à dormir avec promesse d’une friandise à rapporter du bois où la mère va s’approvisionner en matériau de chauffage Curieux qu’il s’agisse ici d’un porcelet : réduit, par une comparaison originale, ce porcelet

ne peut être qu’un bonbon en forme de cochon.

Dès lors, la promesse devient incohérente. Le plus souvent, la mère promet un tètè “sein”, “biberon”, gros comme la tête d’un porcelet : tel est le cas à Saint-Hubert, Ferrières, Wanne, La Roche, Soy-lez-Marche, Bierwart ; la comparaison devient plus ironique encore si elle porte non sur la tête, mais sur un petit porcelet tout entier, comme dans la vallée de 1’Amblève, à Liège, Herstal, Vottem, Avennes, Villers-aux-Tours, Franc-Waret ou Landenne-sur-Meuse, Fosses-la-Ville ; – sur un porcelet simplement à Liège, Andenne, Seilles ; – sur un gros porcelet à La Roche, Glimes, Grez-Doiceau, Jodoigne, Huppaye. Au lieu de cossèt (cachèt en Brabant ; couchèt à Andenne, Seilles, Fosses), on a parfois mayèt ” porc châtré » à Liège et Pécrot-Chaussée.

 

A Liège, on a noté une fois hotchèt ” boulet de menue houille » par altération. A Steinbach-Limerlé, autrefois, On trouvait la queue du cochonnet dans une notation de Li Pèron, 1, 1894, 7, p. 4, due à Théodore Schoumacher, né en 1871, lequel tenait la berceuse de sa grand-mère maternelle :

 

Dôdô, pâpâ Djèdjè !

Vosse mouman è-st-èvouye è bwès.

Qwand ‘le rivinrè,

Ele vis rapwèterè

On bê gros tètè

Come li quowe di nosse cossèt.

 

On voit que la queue du chat de la notation du recueil n’est qu’une variante plus récente de la queue du cochon du XIXe siècle.

 

 

2.2 Cronolojîye / Chronologie

Alexandre Bodart, in : Propriété terrienne, 1, 1969

 

Novèl An

 

À machî tos lès djoûs èchone,

Gn-a pont d’ saîson ni d’ novèl an

Èt lès waléyes d’ eûres qu’ on rachone

Passenut au-d’truviès do ridant.

Li bouneûr qu’ on racasse à l’ vole

Èt qu’ on waude sins l’ v’lu dispaurti,

C’ è-st-on mouchon dins one gayole :

I tchante à l’ vûde sins ragaîyi !

On trèvautche li dinrèye qui flache

Po s’ aler veûy o fond do ri…

I n’ vaut nins lès pwin.nes qu’ on s’ abache,

Ca l’ sitauréye n’ a nin flori !

Li pôve è faît gruchî vosse clitche.

Èt sins sawè poqwè ni quand,

Il a chwarchî l’ rèstant di s’ mitche

Po v’s-è doner on gros mitan !

T’t-ossi aujîyemint, li timps frôye

Dissus l’ sèrène sins l’ atèni;

Li soûrnwès afute dins l’ convôye,

Flache dins l’ plantis’ sins l’racléri !

S. Ch., Le mardi-gras des enfants, en prémice du carnaval des ours à Andenne, LS 27/02/1992

 

Déguisés, masqués, les enfants poussent la porte des magasins, puis:

A l’ tchèrnéye, à l’ brokète, on p’tit bokèt su fortchète.”

 

(Ils reçoivent des friandises, quelques piécettes, des fruits)

Pol Wascotte, Jacques Huart, Si Andenne vous était conté …, s.d.

 

(p.61) JOYEUSE TRADITION DE MARDI GRAS : « À L’ TCHÈRNÉYE À L’ BROKÈTE»

 

Depuis quelques années, une vieille tradition andennaise a été remise en vigueur à l’occasion du Mardi gras, mais sous une forme plus moderne qui garde cependant une bonne part de la saveur d’antan.

Autrefois — et en fin de compte, il n’y a pas un siècle — les jeunes gens de la ville et des sections voisines dont Andenelle fut un centre de vie folklorique intense, se groupaient sous la direction des capitaines de jeunesse. Tous étaient armés d’une solide baguette terminée par une pointe effilée et munie comme les épées d’une garde en épais carton. Ces baguettes portaient le nom de « broquètes ».

Ces groupes allaient de porte en porte en chantant ou en psalmodiant : « À l’ tchèrnéye à l’ brokète, on p’tit bokèt d’ laurd su m’ fortchète ». Ce qui voulait dire : « Entassez sur ma baguette, un petit morceau de lard sur ma four­chette ». Les habitants sollicités savaient très bien qu’ils allaient recevoir de nombreuses visites de quémandeurs et avaient préparé bien à l’avance les dons qu’ils réser­vaient aux joyeux mendiants du Mardi gras. C’étaient de longues et épaisses trancnes de lard, partois plus rare­ment, une tranche de jambon ou un sauret et des oignons. Ces dons étaient enfilés jusqu’à la harde sur les « brokèètes ». On les accompagnait souvent d’un petit supplé­ment consistant en œufs frais qui étaient entreposés dans un très grand panier.

Le soir, la jeunesse s’assemblait en un lieu convenu — à Andenelle, ce fut plusieurs fois sur la place faisant face à l’église romane dite de Sarassins — et allumait un feu de bois. Sur ce dernier, on plaçait d’immenses poêles dans lesquelles les tranches de lard et de jambon étaient mises à frire et dans la sauce, on cuisait une énorme fricassée qui était dégustée séance tenante au milieu des rires et des chants. Ces fricassées ont déjà atteint l’im­pressionnant total de deux cents œufs.

Actuellement, sous une forme adaptée, des dizaines de garçons et de filles renouent avec la tradition d’ « à l’ tchèrnéye » : dès les premières heures de la journée du Mardi gras et malgré les intempéries, ils vont en bandes, munis de sacs en papier et de symboliques fourchettes, quémander des douceurs, en reprenant le vieux refrain que l’on croyait oublié. En fin de journée, ils exhibent fièrement de belles récoltes de noix, noisettes, figues, oranges et boudins. Les « Ours » du prochain carnaval sont aussi sur place ; avec leurs troncs, ils collectent pour le finan­cement des réjouissances du Laetare. Et tout ce monde chatoyant danse, sème une amusante animation dans les rues de la cité de Charles Martel et de sainte Begge en ce début de carême.

Andène (Andenne) - carnaval

(VA, 19/03/2012)

 

 

in: Pol Wascotte, Jacques Huart, Si Andenne vous était conté …, s.d., p.64

 

AU LAETARE, LE GRAND CARNAVAL DES OURS

 

Dernier né parmi les carnavals belges hauts en couleur, le Carnaval des Ours n’est pas un carnaval comme les autres. Avec ses 1.500 participants au minimum, il apporte, dans les rues d’Andenne en liesse, la multitude colorée des chars et des groupes, son défilé fantastique et somp­tueux ponctué d’une ambiance folle à laquelle serpentins et confetti déversés par tonnes sur la foule ne sont pas étrangers.

Il évoque avant tout une légende locale bien sympathique : la tradition du jeune Charles Martel, le vainqueur de Poitiers, né ici dans la cité de sainte Begge, tuant un ours qui amenait la désolation dans le quartier d’Horseilles (vers 700). La plus célèbre des fontaines d’Andenne, dite « de l’Ours », située dans ce coin charmant de la ville, porte une pierre relatant l’exploit fameux du petit-fils de sainte Begge.

C’est ainsi que, depuis 1954, la horde grognante et tapa­geuse des Ours, conduite par le géant Martin, tempérée par Charles Martel, est de toutes les sorties entourant le carnaval : depuis l’élection du Roi, de la Reine et des princes, la semaine précédente, au cours d’un bal travesti, aux premières apparitions dans les rues de la ville, les dimanches avant la fête, jusqu’au grand cortège du Laetare. Des bruns, des beiges, ils escortent la fameuse cage ambulante aux barreaux de fer, dite « cage aux demoiselles ».

A la vesprée, le long serpent humain formé de chars de sociétés locales ou invitées, longue théorie de tableaux et de gags inédits, colorés, dans le brouillard des confetti et les flonflons des fanfares, vient s’enrouler sur la place centrale des Tilleuls, face à l’Hôtel de ville où des prix sont décernés aux meilleurs groupes, tandis que le comité intronise dans la Guilde des Ours les personnalités bien méritantes du Carnaval.

Du haut du balcon de l’Hôtel de ville, le bouffon de la Reine, Triboulet, apostrophe la foule impatiente : « Voulez-vous des ours ? » Et dans l’immense clameur de la foule déchaînée, c’est l’apothéose finale : le jet par le Roi et la Reine de dizaines de petits ours en peluche qui provoquent d’épiques bagarres.

 

 

 

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