cours eau Belgique wallonne picarde gaumaise

RIS ÈT FLEÛVES EN BÈLJIKE WALONE, PICARDE, GAUMÈSE

ANALISES, FOTOS ÈT SCRÎJADJES

LES COURS D’EAU EN BELGIQUE WALLONNE, PICARDE ET GAUMAISE

ANALYSES, PHOTOS ET LITTÉRATURE

0.   Sources, fontaines, “fagnes” / Soûrdants, fontin.nes, fagnes

lès soûrdants (les sources) (< soûde: sourdre) (foto : soûrdant d’ Moûse / source de la Meuse)

Soûrdants (sources) 

Robert Dascotte, Les sources guérisseuses dans le Centre, in : MA, 1, 1980, p.p.10-13

 

Jusque vers 1860, à Chapelle-lez-Herlaimont, les pèlerins souffrant de la vue venaient prier à la chapelle Notre-Dame de Verviers, entourée d’aubé­pines. Après avoir bassiné leurs yeux avec l’eau d’une source voisine, ils revenaient encore prier après avoir enfoncé des clous dans les aubépines. Cet édicule et les aubépines disparurent peu après 1860 pour des raisons d’aménagement de la voirie (1). Plus tard, une niche grillagée fut maçonnée dans la façade d’une maison sise en bordure de la Waute Tchausséye pour abriter une statuette de N.-D. de Verviers.

Jusque vers 1920, pour guérir les brûlures, on employait de l’eau puisée à une source (maintenant disparue) du Bos du Boulî à Jolimont (Haine-Saint-Paul) ; on frottait la brûlure avec un morceau de toile bleue ène bleûse loque, préalablement trempée dans cette eau (2).

A quelques mètres de la chapelle Sainte-Anne, à Ecaussinnes-d’Enghien, « une vingtaine de marches donnait accès à une cave où une fontaine recueillait l’eau jaillissant d’une source généreuse. Les pèlerins (…) prê­taient à cette eau des vertus miraculeuses et, tout en invoquant sainte Anne, en puisaient pour la guérison des yeux. Pendant la guerre 1940-1945, la cave fut étançonnée et servit d’abri antiaérien. Après la guerre, son accès fut fermé par deux grandes dalles en pierre (3) ».

A Ville-sur-Haine, on va en pèlerinage à la chapelle Notre-Dame de Creuse pour les fièvres malignes. Derrière la chapelle jaillit une source dont on emporte de l’eau qui sera bue pour activer la guérison (4).

El rî d’l’Oya alimente à Arquennes èl fontène de l’Oya, située à côté de la chapelle Sainte-Anne, appelée en wallon èl tchapèle de l’Oya. Les jeunes filles viennent prier sainte Anne pour rencontrer un fiancé ; ensuite, elles boivent de l’eau de cette fontaine afin que lés prières soient mieux entendues par la sainte (5).

A Houdeng-Gœgnies, dans l’avant-cour d’une maison située au n° 92 de la rue Léon Houtart, se trouve une chapelle (menaçant ruine !) consacrée à Saint Biaise. On y vient prier pour la guérison des maladies des yeux et de la gorge. Une source qui possède des vertus curatives coule dans la cave de cette maison. Le culte est toujours vivace et les malades boivent l’eau de la source pour guérir leur gorge ; cette eau sert aussi à bas­siner, bassî, les yeux malades (6).

De nos jours encore, pour guérir les personnes qui ont peur, on va en pèlerinage à Bellecourt pou chèrvi saint Djan en l’église Saint-Jean. Avant 1914 (7), les pèlerins allaient puiser de l’eau à la fontène Saint Djan (située à 200 mètres de l’église) pour la boire afin de renforcer les prières récitées devant la statue du saint à l’église. Actuellement (8), les gens ont oublié les vertus de cette eau mais lors de la procession de de la Saint-Jean, lé curé s’arrête encore devant la fontaine pour la bénir. Cependant, en raison de sa (p.11) pureté, de très nombreuses personnes de Bellecourt et dès villages environ­nants viennent toujours chercher de l’eau mais uniquement pace que èle est foûrt bone.

Le 3 janvier, les pèlerins vont prier sainte Geneviève en l’église consacrée à cette sainte à Mont-Sainte-Geneviève, pour les maladies des yeux. Près de l’église se trouve la fontaine Sainte-Geneviève, èl fontène Sainte-Jèn’vïéve où, après avoir prié, on allait chercher de l’eau pour bassiner les yeux. Depuis une vingtaine d’années, cette eau n’est plus recherchée par les pèlerins car la fontaine est obstruée par la végétation et la mare sert d’abreuvoir (!) au bétail d’une ferme voisine (9).

Les maus Saint-Lorint ou… Leûrint désignent à la fois une espèce d’impétigo, la croûte de lait, l’eczéma, des éruptions sur la peau des jeunes enfants, selon les témoins interrogés au cours d’une enquête sur le terrain.

Pour guérir cette affection, on se rendait en pèlerinage au siècle dernier, pour prier saint Laurent en la chapelle du château féodal de Traze-gnies où l’eau d’un puits était considérée comme miraculeuse. Les parents s’en servaient pour nettoyer les maus Saint-Lorint de leurs enfants.

Après la vente du château en 1891, la statue de saint Laurent fut transférée en l’église Saint- Martin, à Trazegnies. Ce « déménagement » donna lieu à des événements rocambolesques (10). De nos jours, les pèlerins viennent isolément chèrvi saint Lorint en l’église précitée [11).

Autrefois, à Saint-Vaast, on allait quérir de l’eau à une source située près de l’ancien moulin. Après le détournement du cours de la Haine, on prit l’eau à une pompe située dans la cour d’une maison jouxtant le parvis de l’église Notre-Dame de Grâces. Depuis l’installation de l’eau de ville dans le village, les enfants de chœur vont chercher de l’eau à la cure. Cette eau (dé la source initiale, de la pompe ou de la cure) est bénite par le prêtre et est distribuée aux pèlerins qui l’emportent dans des bouteilles ou autres réci­pients. Cette cérémonie a lieu le 6 février, date de la fête de saint Vaast, saint Vau.

De nos jours, quelques personnes âgées et les élèves de l’école paroissiale assistent à la messe du 8 février.

Cette eau, appelée yau d’samt Vau sert à bassiner, bassî, les yeux malades. Selon la tradition populaire, une fillette aveugle de naissance a recouvré la vue après s’être frotté les yeux avec cette eau (12).

A Chapelle-lez-Herlaimont, on se rend encore à l’église Saint-Germain pour les enfants dont la marche est hésitante ou difficile ; on dit qu’ils souffrent du mau Saint-Jèrmain.

Autrefois, les pèlerins faisaient plusieurs fois le tour de l’église en priant puis allaient brûler une chandelle au pied du buste de saint Germain qui porte la mention « Saint Germain, protégez nos enfants ». Ensuite, ils s’adressaient à la chaisière, ou au sacristain, ou parfois au curé pour se rendre à la chapelle attenant à l’église.. Cette chapelle renfermait un bassin d’eau alimenté par un puits creusé à côté de l’édifice religieux vers 1885.

On posait sur l’eau une chemise de l’enfant souffrant du mau Saint-Jèrmain. Si le côté gauche du vêtement s’enfonçait dans l’eau, c’était la jambe gauche qui était faible, et si c’était le côté droit, c’était la jambe droite qui handicapait l’enfant Lorsque la chemise entière coulait c’était le désespoir pour les parents. On emportait de l’eau dans des bouteilles et on la versait en petite quantité dans l’eau du bain de l’enfant souffrant. Depuis une quinzaine d’années, il n’y a plus d’eau car la pompe amenant l’eau (p.12) du puits au bassin a été détraquée ou démolie. De plus, la chapelle où se trouvait le bassin a été désaffectée pour y placer un… réservoir à mazout (!) destiné à alimenter le chauffage de l’église.

Comme ex-voto, on pendait aux murs de la chapelle des petites che­mises, des bonnets, des chaussettes et aussi des plaques de marbre « en remerciement ».

Au cours du pèlerinage, le prêtre placé devant l’autel donnait à baiser un reliquaire contenant une relique de saint Germain.

Jusque vers 1935, les pèlerins venaient en foule le 31 juillet, jour de la Saint-Germain, en autocar, en train, en tram, etc. De nos jours, il y a très peu de monde ce jour-là. Cependant individuellement, il y a encore assez bien de gens de la région qui viennent en pèlerinage et brûlent parfois une chandelle pour le mau Saint-Jèrmin. Le curé, qui n’est pas présent, place sur l’autel des prières ronéotypées à la disposition des pèlerins.

On peut aussi noter qu’une chapelle située sur la place de l’église fut démolie en 1883, en même temps que le cimetière entourant l’église ; elle fut transférée à son emplacement actuel contre l’édifice du culte en 1884. C’est à cette époque que l’on creusa le puits cité plus haut. A vrai dire, on ne sait pas si l’ancienne chapelle possédait déjà un bassin mais on pourrait le croire vu la proximité d’une source près de son emplacement initial (13).

Il y avait autrefois à Besonrieux, sur la commune de Familleureux, la chapelle Notre-Dame au Puits, èl capèle du Pus’, accolée au pignon du « Café de la Chapelle au Puits ». Elle abritait la statue de N.-D. au Puits, Notre-Dame du Pus’. En 1905, pour pouvoir installer la ligne de tramways, elle fut démolie en même temps que le puits, pus’, construit dans le coin formé par le pignon de la chapelle et celui du café précité ; la statue fut transférée dans l’église du Sacré-Cœur, à Besonrieux, où ont peut encore la voir de nos jours. Sur la pierre qui recouvrait le trou du puits, on installa une pompe qui disparut vers 1930.

N.-D. au Puits était et est encore invoquée pour les fièvres et la jaunisse. Après avoir prié au pied de la statue, on emportait de l’eau du puits qui était bue par les malades pour augmenter l’effet des prières. Selon la tradition populaire, la statue concernée fut trouvée dans le puits précité (14).

A Braine-le-Comte, au lieu-dit èl Rokète, on peut voir la chapelle Notre-Dame de Bon Secours, appelée èl capèle d’ èl Rokète. « N.-D. de Bon Secours est invoquée surtout contre les fièvres (…). L’oratoire était entouré autrefois de noisetiers aux branches desquels certaines personnes liaient des cordons passés au préalable sur le corps des malades fiévreux. Aupa­ravant, on pouvait voir une source d’eau vive sortant du talus » (15). De nos jours, N.-D. de Bon Secours, appelée aussi Notre-Dame d’ èl Rokète est toujours invoquée contre les fièvres. Malheureusement, lors de la restau­ration de la chapelle en 1951, le propriétaire ferma la source avec une plaque de béton et, dans un souci de propreté (!), enleva les noisetiers auxquels les pèlerins avaient l’habitude de pendre un linge ayant touché la personne malade. Avant cela, ce linge avait été trempé dans l’eau de la source. Le culte est toujours assez suivi mais il est bien rare de voir des linges, soit attachés à la porte de la chapelle, soit sur les noisetiers ayant repoussé entretemps (16).

(p.13) Au terme de cet article, je tiens à remercier vivement lés témoins cités en notes de bas de pages, qui m’on renseigné avec beaucoup de compétence et de dévouement.

Dans notre revue de mai 1979, p. 100, j’ai parlé d’une autre source guérisseuse ; celle de la tchapèle à Maus Gras, à Arquennes.

 

 

(1)   « Calvaires  et chapelles du Hainaut », juin  1949,  p. 8,  et notre  revue  de décembre  1979, pp. 230-231.

(2)   Informateur : Victor Laurent.

(3)   « Val Vert », n° I?. avril 1975, pp. 64-65.

(4)   Informatrice  :  Christine Conka. Au sujet de cette chapelle, cf.  notre revue de septembre 1978, pp. 170-171.

!5)   Informateur : Robert Cotyle.

(6)   Informateur  : Georges Dupont.

(7)   D’après des notes inédites d’Octave Gamache Cf<).

(8)   Informatrice : Elise Delvigne-Gofaert.

(9)   Informateur : Jean Bouttefeux, curé.

(10)  J’y reviendrai dans une étude (en préparation) sur les saints guérisseurs.

(11)   L.  Deltenre,  Histoire de la paroisse de Trazegnies, 2″ vol., dans « Documents et Rapports de la Société Archéologique de Charleroi », t. 43, pp. 91-93.

(12)   Informateur : Georges Jacquard.

(13)   Informateur : Albert Monnaie.

(14)   Informateur : Alfred Brouwet : j’y reviendrai comme indiqué à la note 10. ’15) « Calvaires et chapelles du Hainaut », septembre 1953, pp. 35-36.

(16)  Informateur : Edmond Rustin.

 

Robert Dascotte, Les sources guérisseuses dans le Centre (2′ article), in : MA, 4, 1980, p.64

 

Sur le territoire de Piéton (1), aux confins du bois de Trazegnies, èl fontène Colau donne naissance à un rî se déversant dans le Piéton. On allait chercher cette eau pour bassiner, bassî, les yeux malades. Les houilleurs l’appréciaient également car elle avait la réputation d’enlever facilement les poussières de charbons agglomérées dans les cils.

Après le captage des eaux de cette fontaine, vers 1930, par une société de distribution d’eau, il ne fut plus possible d’avoir accès à cette source.

A Haine-Saint-Paul (Fond) (2), à la rue de la Fontaine, quartier mieux connu par l’appellation wallonne al Fontène, une fontaine [sans nom spécifi­que) débitait en abondance une eau qui avait la réputation de guérir les maladies des yeux.

Elle fut tarie vers 1935 à la suite du glissement du terril de la fosse n° 10 (Charbonnages de Houssu) qui recouvrit une quinzaine de maisons. C’est probablement les perturbations causées dans le sous-sol par ce glisse­ment qui arrêta le débit de la fontaine.

Au lieu-dit Sec Pachî, à Chapelle-lez-Herlaimont (3), une fontaine dite èl fontène du Sec Pachî donnait une eau réputée pour guérir les yeux malades. On cessa d’y aller vers 1945, mais on n’a pu me donner la raison de cet abandon.

 

Informateurs : (1) René Dubois et Albert Monnaie; (2) Maurice Denuit ; (3) René Painblanc. — Ces lignes complètent mon article sur ce sujet, paru dans cette revue, janvier 1980, pp. 10-13.

 

Robert Dascotte, Les sources guérisseuses dans la région du Centre, in : Tradition wallonne, 6, 1989, Hainaut I, p.127-160

 

Ce travail concerne les sources guérisseuses de la région du Centre. Il est tiré d’articles (remaniés pour la plupart) parus dans la revue dialectale El Mouchon d’Aunia, et de mon travail Religion et traditions populaires dans la région du Centre, 2 vol., Haine-Saint-Paul, 1982-1988.

L’aire de cette enquête est située de part et d’autre d’une ligne rejoi­gnant les petites villes de Braine-le-Comte, Soignies, La Loûvière et Binche. On remarquera que je cite des sources situées en dehors de cette aire, comme celles de Fouleng, Hoves, Leernes, Lobbes et Saintes mais j’ai tenu à les inclure ici car des habitants du Centre y vont en pèlerinage.

A Braine-le-Comte, au lieu-dit èl Rokète, on peut voir la chapelle Notre-Dame de Bon Secours appelée en wallon èl capèle d’ èl Rokète. « Notre-Dame de Bon Secours est invoquée surtout contre les fièvres (…). L’oratoire était entouré autrefois de noisetiers aux branches desquels certaines personnes liaient des cordons passés au préalable sur le corps des malades fiévreux. Auparavant, on pouvait voir une source d’eau vive sortant du talus» (Calvaires et chapelles en Hainaut, septembre 1953, pp. 35-36).

De nos jours, Notre-Dame de Bon Secours appelée aussi Notre-Dame dèl Rokète est toujours invoquée contre les fièvres. Malheureusement, lors de la restauration de l’édifice en 1951, le propriétaire ferma la source avec une plaque de béton et, dans un souci de propreté (!), enleva les noisetiers auxquels les pèlerins avaient l’habitude de pendre un linge ayant touché la personne malade. Avant cela, ce linge avait été trempé dans l’eau de la source. Le culte est encore assez suivi mais il est bien rare de voir des linges, soit attachés à la porte de la chapelle, soit sur les noisetiers ayant repoussé entre-temps.

 

(p.128) On se rend en pèlerinage à la chapelle Notre-Dame de Bon Vouloir à Havre pour obtenir une grâce, une faveur, la guérison d’une maladie, etc. Le culte est encore très vivace; on s’y rend isolément ou en petit groupe, et on fait trois fois le tour de la chapelle en récitant le chapelet. Une procession en l’honneur de cette madone a lieu le 15 août.

 

En ce qui concerne cette chapelle, J. Chalon, Fétiches, idoles et amu­lettes, t. 1, Namur, 1920, pp. 397-398, puise les données suivantes dans le livre de A. de Reume, Les Vierges miraculeuses de la Belgique, publié en 1856 «II y avait autrefois trois tilleuls, et, dans le creux de l’un d’eux, une statue de la Vierge (…). Du tronc de l’arbre coulait une eau merveil­leuse ; plusieurs personnes la recueillirent avec soin pour en oindre les malades. Et la Vierge devint Notre-Dame de Bon Vouloir». J. Chalon poursuit «La note fétichiste ne manque pas à la Vierge d’Havre (…). Dans la chapelle actuelle, on a conservé le tronc du tilleul primitif, et Marie de Médicis, veuve de Henri IV, emporta un morceau de ce bois, dans lequel elle fit sculpter différents objets de piété (…). Il y avait, il y a encore, une fontaine représentant plus ou moins l’eau merveilleuse (p.129) du tilleul. Mais M. Delattre du Bosqueau ayant acquis le domaine de Bon Vouloir, dans lequel est enclavée la fontaine, le vulgaire n’en approche plus. M. le curé d’Havre assure qu’il n’y a pas de fontaine; je vois ici une superstition gênante escamotée par la complicité du château et de l’église».

Une enquête dans le village et les environs ne m’a pas permis de trouver des souvenirs oraux relatifs à cette source.

A Ville-sur-Haine, au lieu-dit la Creuse, on va en pèlerinage à la chapelle Notre-Dame de Creuse pour les fièvres malignes. Derrière l’édi­fice religieux jaillit une source dont on emporte l’eau qui sera bue pour activer la guérison; cette source est polluée (!) depuis 1980.

(p.130) Pour Arquennes, on trouve le toponyme Maucras dans les Archives de l’État à Mons. R. Cotyle, Arquennes. Glossaire toponymique, Braine-le-Château, 1974, pp. 27 et 218, a découvert, datées du 27 octobre 1617, les lignes ci-après : «… le paschy qu’on dit Maucras enclos de visves hayes…» Or, à cet endroit a été bâtie en 1759 une petite chapelle dédiée à Notre-Dame de Miséricorde, qui est appelée en wallon èl tchapèle à Maus Crus ou èl tchapèle Notre-Dame dès Maus Crus.

Jusqu’avant la dernière guerre, on y venait prier pour la guérison des maus cras qui étaient une sorte d’impétigo purulent. Selon la tradition populaire, cette chapelle était également appelée èl tchapèle à bizouyes car on pendait aux marronniers voisins les pansements ayant servi à soigner les maus cras; cette appellation vient du fait que l’on se servait de vieux linges, dès bizouyes, en guise de pansement. Ceux-ci étaient d’abord trempés dans l’eau puisée à la source Sainte-Gertrude, èlsourdant Sainte-Djèdru, située dans le voisinage de l’oratoire concerné. Les malades venaient surtout d’Arquennes, Feluy, Monstreux et Seneffe.

On peut se demander si c’est le toponyme Maucras qui a donné le nom wallon à la chapelle Notre-Dame de Miséricorde et à cette sorte d’impé­tigo, ou bien si c’est le nom populaire de la chapelle et de l’affection qui a donné son nom au lieu-dit. J’opte pour la première hypothèse car, en wallon, l’adjectif précède le substantif et on devrait dire cras maus.

Il y avait autrefois à Besonrieux, sur le territoire de la commune de Familleureux, la chapelle Notre-Dame au Puits, èl capèle du Pus’, accolée au pignon du «Café de la Chapelle au Puits». Elle abritait la statue de Notre-Dame au Puits, Notre-Dame du Pus’. En 1905, pour pouvoir ins­taller la ligne de tramways, elle fut démolie en même temps que le puits situé dans le coin formé par le pignon de la chapelle et celui du café précité ; la statue fut transférée dans l’église du Sacré-Cœur à Besonrieux où on peut encore la voir de nos jours. Sur la pierre qui recouvrait le puits, on installa une pompe qui disparut vers 1930.

Notre-Dame au Puits était et est encore invoquée pour la jaunisse (parce que la statue est vêtue d’une robe jaune?) et les fièvres. Après avoir prié au pied de la statue, on emportait de l’eau du puits qui était bue par les malades pour augmenter l’effet des prières. Selon la tradition populaire, la statue concernée fut trouvée dans le puits précité.

 

(p.132) Bertha Baguet-Malbecq écrit dans Le Val Vert, n° 12, 4e trimestre 1975, pp. 64-65 : «A quelques mètres de la Chapelle Sainte-Anne (1872) à Écaussinnes-d’Enghien, une vingtaine de marches donnaient accès à une cave où une fontaine recueillait l’eau jaillissant d’une source généreuse. Les pèlerins (…) prêtaient à cette eau des vertus miraculeuses et, tout en invoquant sainte Anne, en puisaient pour la guérison des yeux. Pen­dant la guerre 1940-1945, la cave fut étançonnée et servit d’abri antiaérien. Après la guerre, son accès fut fermé par deux grandes dalles en béton».

Le ruisseau appelé èl rî d’ l’Oya à Arquennes alimente èl fontène de l’Oya située à côté de la chapelle Sainte-Anne appelée en wallon èl tchaplète de l’Oya. Les jeunes filles viennent prier sainte Anne pour rencontrer un fiancé ; ensuite, elles boivent de l’eau de cette fontaine afin que les prières soient mieux entendues par la sainte.

 

A Chapelle-lez-Herlaimont, en bordure du chemin appelé èl Waute Tchausséye, on voit dans la façade d’une maison une niche appelée cha­pelle Notre-Dame de Verviers.

« Il y a quelque quatre-vingts ans, la chapelle Notre-Dame de Verviers faisait partie d’un édicule particulier entouré d’aubépines puissantes. Celles-ci étaient littéralement couvertes de clous, signe matériel de la dévotion pour Marie Miraculeuse. Une pieuse coutume voulait, en effet, que les pèlerins venus pour une affection de la vue bassinassent leurs yeux avec l’eau de la source d’une prairie voisine, puis qu’ils revinssent encore prier après avoir enfoncé quelques clous dans les aubépines entou­rant la chapelle. Peu après 1860, édicule et aubépines disparurent pour des raisons d’aménagement de la voirie. Mais en 1891, une coquette logette surmontée d’une croix en briques fut aménagée à l’intention de Notre-Dame de Verviers, dans le pignon d’une maison bordant la Haute Chaussée, à une trentaine de mètres de l’emplacement initial» (Calvaires et chapelles en Hainaut, juin 1949, p. 8).

 

(p.133) Dans la revue Jadis, t. XVII, 1913, pp. 129 et 148, on trouve la question suivante : «Dans l’église de Naast existe une statue figurant sainte Annuelle. Un bénéfice ecclésiastique sous son vocable existait dès 1740 en cette paroisse ; des pèlerinages avaient lieu en cette localité pour réclamer son intercession. Vainement, nous avons cherché dans les cata­logues de saints la mention de cette bienheureuse. Existe-t-elle ou bien est-ce un pseudonyme, un nom populairement travesti?»

Au sujet de cette sainte, dans Hainaut Tourisme, n° 134, mai 1969, p. 101, Guy Duwez parle du mobilier de l’église de Naast et cite «un petit chef-d’œuvre de grâce et de style : la statue gothique de sainte Annuelle dont le culte est signalé dans les Annales de Cambrai par un document de 1740, sous la graphie d’Anielis ou sainte Agnès (?). Il ne semble pas qu’il puisse s’agir d’une sainte locale (…). Cette admirable sculpture, décapée, en chêne (…) d’un travail très soigné [date] de la fin du XVe siècle ».

 

(p.134) De son côté, mon ami l’abbé Léon Jous me dit qu’il a trouvé ceci aux Archives de l’État, à Mons, Fonds de l’abbaye Saint-Feuillien du Rœulx, n° 532, Déclaration des héritages appartenant à Leurent du Maret, gisant à Naast : «Jehan le Beuwier tient un journal tenant aux hoirs de le Cubonde et à l’héritage de la chapelle sainte Annuelle en l’église dudit Naast» (année 1591, le 26 septembre). Ce précieux renseignement est antérieur à la date donnée par G. Duwez ci-dessus.

Au cours d’une enquête sur le terrain à Naast, j’ai appris que sainte Annuelle était invoquée pour les maladies des yeux. On se rendait à la rue de la Maladrie où coulait une fontaine ; on trempait des compresses dans cette eau et on les appliquait sur les yeux malades. De plus une neuvaine de prières était faite à l’église devant la statue de la sainte pour obtenir la guérison des yeux. Une maison fut construite sur le terrain de la fontaine mais ses habitants avaient installé un tuyau pour qu’on puisse se procurer de l’eau qui se déversait dans la Senne.

Le culte de sainte Annuelle à Naast a disparu vers 1950.

 

Pour les maladies des porcs, pourchas, et pour préserver les enfants des convulsions, on va prier saint Antoine en Barbefosse, dit saint Antwane dès pourchas, à la chapelle qui lui est consacrée à Havre.

A ce sujet, J. Chalon, Fétiches, idoles et amulettes, t. 2, p. 72, écrit que le «puits Saint-Antoine à Havre donne une eau miraculeuse pour les maladies des porcs». Le même auteur, op. cit., t. 1, p. 328, ajoute que «pendant le choléra de 1831, saint Antoine fut beaucoup visité et imploré dans la chapelle de Barbefosse où on allait boire l’eau miraculeuse du vieux puits. On prétend que ce puits a été bénit par le saint lui-même ».

De nos jours, on peut encore voir le puits mais on ne connaît plus la vertu curative de son eau.

 

À Houdeng-Goegnies, dans l’avant-cour d’une maison sise au n° 92 de la rue Léon Houtart, se trouve une chapelle consacrée à saint Biaise. On y vient prier pour la guérison des malades souffrant des yeux et de la gorge. Une source qui possède des vertus curatives coule dans la cave de la maison. Le culte est toujours vivace et les malades boivent l’eau de la source pour guérir leur gorge; cette eau sert aussi à bassiner les yeux malades.

Bien que saint Clément ne fasse l’objet d’aucun culte à Fouleng dont l’église lui est consacrée, je tiens à en parler ici car il y a une fontaine Saint-Clément dans cette localité.

 

Tous les témoins interrogés disent que cette eau est renommée pour sa fraîcheur et sa pureté mais ils ne se souviennent pas avoir entendu parler d’une éventuelle vertu thérapeutique. Cependant, une vieille femme croit se souvenir que l’eau était frottée sur les yeux malades.

On raconte à Fouleng que saint Clément a été décapité dans cette commune et que sa tête a rebondi quatre fois sur le sol en tombant et, chaque fois, une source a jailli. Il y a donc quatre sources disposées en carré; un fût de pierre de 1,25 mètre a été enterré à côté de chacune d’elles. L’eau coule sans arrêt, même pendant les plus fortes sécheresses; autrefois, on venait même de Soignies pour puiser de l’eau.

 

Cette légende est une belle adaptation locale d’un épisode de la vie de saint Clément. En effet, L. Réau, Iconographie des saints, Paris, 1958, t. 3, p. 321, dit que pendant son exil en Crimée où il avait été condamné (p.135) à casser des pierres dans une carrière, pour désaltérer ses compagnons mourant de soif, saint Clément invoqua l’Agneau de Dieu qui, grattant le sol, fit jaillir une source du rocher; finalement, le saint est noyé dans la mer Noire avec une ancre au cou.

Le 3 janvier, les pèlerins vont prier sainte Geneviève pour les maladies des yeux en l’église consacrée à cette sainte à Mont-Sainte-Geneviève. Près de l’église se trouve la fontaine Sainte-Geneviève, èl fontène Sainte-Jèn’viéve, où, après avoir prié, on allait chercher de l’eau pour bassiner les yeux. Depuis une trentaine d’années, cette eau n’est plus recherchée par les pèlerins car la fontaine est obstruée par la végétation et la mare sert d’abreuvoir (!) au bétail d’une ferme voisine.

 

(p.138) A Chapelle-lez-Herlaimont, on se rend encore à l’église Saint-Germain pour les enfants dont la marche est hésitante et difficile ; on dit qu’ils souffrent du mau Saint-Jèrmin.

Autrefois, les pèlerins faisaient plusieurs fois le tour de l’église en priant puis allaient brûler une chandelle au pied du buste de saint Ger­main. Ensuite, ils se rendaient à la chapelle attenant à l’église. Cette chapelle renfermait un bassin d’eau alimenté par un puits creusé à côté de l’édifice religieux vers 1885.

On posait sur l’eau une chemise de l’enfant souffrant du mau Saint-Jèr-main. Si le côté gauche du vêtement s’enfonçait dans l’eau, c’était la jambe gauche qui était faible, et si c’était le côté droit, c’était la jambe droite qui handicapait l’enfant. Lorsque la chemise entière coulait, c’était le désespoir pour les parents. On emportait de l’eau dans des bouteilles et on la versait en petite quantité dans l’eau du bain de l’enfant souffrant. Depuis environ 25 ans, il n’y a plus d’eau car la pompe amenant l’eau du puits au bassin a été détraquée ou démolie. De plus, la chapelle où (p.139) se trouvait le bassin a été désaffectée pour y placer un … réservoir à mazout (!) destiné à alimenter le chauffage de l’église.

De nos jours encore, pour guérir les personnes qui ont peur, on va en pèlerinage à Bellecourt pou chèrvi saint Djan en l’église Saint-Jean.

 

Avant 1914, les pèlerins allaient puiser de l’eau à la fontène Saint-Djan (située à 200 mètres de l’église) pour la boire afin de renforcer les prières récitées devant la statue du saint à l’église. Actuellement, les gens ont oublié les vertus de cette eau mais lors de la procession de la Saint-Jean (disparue en 1968), le curé s’arrêtait devant la fontaine pour la bénir.

Cependant, en raison de la pureté de l’eau, de très nombreuses per­sonnes de Bellecourt et des villages environnants viennent toujours cher­cher de l’eau mais uniquement pace que èle est foûrt bone.

 

(p.140) Les maus Saint-Lorint désignent à la fois une espèce d’impétigo, la croûte de lait, l’eczéma, des éruptions sur la peau des jeunes enfants, selon les témoins interrogés au cours d’une enquête sur le terrain.

Pour guérir cette affection, on se rendait en pèlerinage, au siècle der­nier, pour prier saint Laurent en la chapelle du château féodal de Traze-gnies où l’eau d’un puits était considérée comme miraculeuse. Les parents s’en servaient pour nettoyer les maus Saint-Lorint.

Après la vente du château en 1891, la statue de saint Laurent fut transférée en l’église Saint-Martin, à Trazegnies. De nos jours, les pèlerins viennent isolément chèrvi saint Lorint en l’église précitée.

 

* *

A Anderlues, au hameau d’Ansuelle, on trouve la chapelle Saint-Lau­rent, tchap’lète Saint-Lorint, où l’on va prier le saint pour la guérison des (p.141) yeux malades. Ensuite, on se rend à 300 mètres de là, dans le bos dèl Tayète où la fontène Saint-Lorint débite une eau servant à bassiner les yeux.

Il y a lieu de noter que pour la forme d’impétigo appelée maus Saint-Lorint, les habitants d’Anderlues se rendent à la collégiale de Lobbes.

On va en pèlerinage à Hoves, en l’église Saint-Maurice, afin d’invoquer ce saint pour les maux de tête.

J’ai assisté au pèlerinage du 31 mai 1979. Lorsque les pèlerins arrivent dans l’église, ils passent devant le curé H. Temperman qui leur donne le reliquaire de saint Maurice à baiser, puis ils vont prendre une couronne de fer pendue à des crochets dans la chapelle Saint-Maurice (transept gauche). Ces couronnes en fer torsadé ont été fabriquées par le forgeron (p.144) de Hoves, elles sont de dimensions différentes et au nombre d’une soixan­taine.

Les pèlerins vont ensuite brûler un cierge devant l’autel de saint Mau­rice et viennent s’agenouiller dans la nef centrale pour prier après avoir passé le bras dans la couronne. Habituellement, elle est posée sur la tête. Après avoir prié, ils sortent de l’église et en font trois fois le tour en récitant le chapelet. Certains pèlerins ont deux ou trois couronnes au bras car ils font le pèlerinage pour plusieurs personnes, infirmes ou inca­pables de venir à Hoves.

Ensuite, ils rentrent dans l’église, remettent les couronnes en place et vont dans la nef centrale ou devant l’autel Saint-Maurice pour réciter à nouveau des prières.

A Hoves, «une source fournissant l’eau dite de saint Maurice existe sur le Broeckmeers, près des murailles du parc. Certains pèlerins n’ont pas encore perdu le souvenir qu’on allait y puiser autrefois pour obtenir la guérison des névralgies. Or, un jour, le- fermier capta la source et la réserva à son bétail. Depuis, les abords en devinrent fangeux, quasiment inabordables et cette pratique disparut» (H. Temperman, dans Annales du Cercle Archéologique d’Enghien, t. 13, 1962-1963, p. 278). Dans une communication orale, l’abbé H. Temperman date ceci d’une cinquantaine (p.145) d’années et ajoute que l’eau était bue sur place ou emportée par des pèlerins dans des bouteilles.

 

La fontaine Saint-Médard, èl fontène Sint-Mèdârd, située à Anderlues dans le quartier Saint-Médard, à quelques pas de la chapelle du même nom érigée en 1752, dispense une eau recueillie par les pèlerins souffrant de maux de tête.

Ajoutons que saint Médard, patron de la paroisse, est invoqué pour les maux de tête et la protection des cultures et du bétail.

 

Saint Quirin, dit saint Cwèlin, est l’objet de la vénération de très nombreux pèlerins venant de partout en l’église Saint-Martin à Leernes, où la Confrérie de saint Quirin date de 1636.

(p.146) Germaine Walraevens-Cauderlier m’écrit à ce sujet :

«Je suis née à Leernes en 1894 et je connais les maux sint-Quirin. Ce sont de grosses pustules autour de la bouche ou des plaies suppurentes sur le corps.

A Leernes, le- pèlerinage à saint Quirin qui avait lieu le premier dimanche de mai effaçait tout cela. Voici comment se préparait ce pèle­rinage. Saint Quirin avait sa statue dans l’avant-chœur de l’église; devant elle une espèce de comptoir où on vendait de l’eau bénite. Cette eau provenant d’une source munie d’une pompe qui s’appelait pompe Venant. Cette eau était potable et publique. La veille du pèlerinage, on préparait l’eau pour la bénir. Les ménagères procuraient de grands récipients genre cuvelles, marmites, etc., et les enfants du catéchisme étaient conviés à les remplir. Nous faisions, avec ces récipients, la navette entre la pompe et l’église (50 mètres) : on s’amusait bien à renverser le seau d’eau sur son copain! Le dimanche matin, les pèlerins arrivaient à pied de tous les côtés du village. Ceux qui venaient de plus loin descendaient à la gare (p.147) de Fontaine-l’Evêque d’où une marche de 30 à 40 minutes pour atteindre Leernes ; toute la journée, la route était noire de monde. L’eau se vendait pour une somme très minime. Sur la place s’installait une grande kermesse que les gens et les enfants appréciaient beaucoup.

 

J’ai quitté Leernes et la Belgique pendant longtemps. A mon retour, le grand homme que fut le Docteur Hautain, de Leernes, m’a fait appeler quelques jours avant de mourir. Il m’a raconté qu’il s’était battu avec le Conseil Communal pour garder la pompe Venant. Il en avait fait analyser l’eau : elle était ferrugineuse et devait effectivement guérir les plaies.

Le pèlerinage existe toujours mais, maintenant, on y vient en voiture chercher l’eau du robinet dont le prix a été indexé ».

 

Michel Mairiaux me communique en date du 13 août 1979 que le pèlerinage n’a pas cessé mais la procession a été supprimée en 1974 par le Conseil paroissial qui a estimé que la croyance locale n’est plus suffi­sante et qu’il y a un manque de témoignage de foi. Il y a encore une centaine de pèlerins le jour du pèlerinage et, entre-temps, quelques per­sonnes viennent prier isolément.

Au cours de mon enquête, j’ai appris que lès maus Saint-Cwèlin dési­gnent des ulcères incurables, des écrouelles, des tumeurs, des abcès puru­lents, de l’impétigo autour de la bouche, des plaies variqueuses sur les (p.148) jambes, des plaies suppurentes sur le corps; à Arquennes, Henripont et Marche-lez-Ecaussinnes, on invoque saint Quirin pour les panaris.

 

Les pèlerins emportent de l’eau; elle est bue par les malades ou mise en compresses sur les parties du corps malades. En ce qui concerne cette eau miraculeuse, plusieurs anciens puits et fontaines sont désignés par la tradition. En réalité, avec la disparition successive de ceux-ci, les curés de l’endroit étaient bien obligés de s’approvisionner aux points d’eau proches de l’église d’où la confusion. M. Mairiaux me signale que les archives communales déposées à la bibliothèque communale de Leernes mentionnent «une ruelle a le fontaine saint Quirin aux XVIIe et XVIIIe siècles». Les archives disent aussi «en ce dit chemin est li voye à le fontaine qu’on dit li fontaine St Querin es preits de le porte [ferme dite dèl Porte ou Delporte, actuellement ferme Fourneaux] liquelle fontaine est héritage et aisemence az dittes villes» (copie d’un Record de chemin, 1462, dans : A. Gosseries, Monographie de Leernes, Mons, 1912. Les mêmes archives ajoutent «prêts al fontaine St Querrin tenant au chemin du Seigneur» (Archives communales, Compte des Pauvres, 1729).

 

(p.149) Au sujet de cette eau, M. Mairiaux me dit :

–  Sous l’abbé A. J. Theys (avant 1905), la fontaine dite de saint Quirin fournissait l’eau. Elle était située dans l’actuel jardin de Mlle Lucie Ber-teaux, rue A. Caebergs. La source s’est tarie naturellement.

–  Sous l’abbé Alitor Quinet (de 1905 à 1946), on tire l’eau de la pompe extérieure du puits de la cure.

–  Sous l’abbé Désiré Grard (de 1946 à 1948), le puits est mis à sec par les travaux d’égouttage. Ce curé pompe l’eau du puits de l’école commu­nale (actuellement transformée en atelier des travaux communaux).

–  Sous l’abbé Emile Goffart (de 1948 à 1955), il semblerait que l’on se servait de différentes pompes autour de la place communale (pompe Venant, pompe de la ruelle Dardine, pompe du fond de la place, etc.). Ce qui déclencha l’ironie du village.

– Sous l’abbé Ferdinand Moureau (de 1955 à 1973), celui-ci fait ins­taller dans le fond de l’église, dans la chapelle Saint-Quirin, un réservoir (p.150) dissimulé par une porte-armoire reliée… à l’eau de ville. Deux robinets peuvent débiter l’eau à l’intérieur de la chapelle.

–  Sous le vicaire Joseph Tamigniau (de 1973 à 1981), les deux robinets ne fonctionnent plus mais quelques grands pots de terre contiennent de l’eau censée être de saint Quirin, renouvelée au besoin à l’aide d’eau de ville. Il est vrai que ce jeune prêtre n’attache aucune attention particulière à ce qu’il qualifie lui-même de folklorique.

–  Sous l’abbé Paul Verhaegen (depuis 1981), la politique du prêtre précédent est adoptée.

Quant aux ex-voto, il s’agissait ici de plaques en marbre, de crucifix, de béquilles; ils ont été remisés au grenier (!) du presbytère en 1974.

 

La Confrérie Saint-Quirin périclite avec le décès des personnes âgées qui y croyaient et la montée des jeunes générations qui n’y croient plus. M. Mairiaux a pu consulter un des deux fichiers qui comprenaient ensemble environ 500 membres ayant participé d’une manière ou d’une autre au pèlerinage au moins une fois depuis 1973 (oboles, remerciements, achats d’eau, etc.). Ces pèlerins reçoivent chaque année une circulaire-invitation. Ils sont originaires d’Anderlues, Bellecourt, Binche, Bruxelles, (p.151) Marchienne-au-Pont, Strépy-Bracquegnies, Braine-le-Château, Buvrin-nes, Carnières, Charleroi, Courcelles, Chaussée-Notre-Dame-Louvignies, Forchies-la-Marche, Fontaine-l’Evêque, Genly, Gilly, Goutroux, Hornu, Horrues, etc.

Le deuxième registre de la Confrérie, commencé en 1809 (le premier datant du 14 décembre 1636 ayant été perdu), comprend 219 lieux ou localités d’où étaient originaires les membres. Les plus éloignés viennent d’Enghien, Bruxelles, Haï, Dinant, Couvin et même du nord de la France (Valenciennes, Douai, Avesnes).

A La Hestre, communément avec l’eau rapportée du pèlerinage à Leernes, la bugle rampante dite yèrbe-Saint-Cwèlin guérit le mau Saint-Cwélin qui est une sorte •”d’ulcère (Le Pays de saint Remacle, 1967, n° 6, p. 67).

 

Pour lès maus sint-Cwèlin, on va aussi chercher de l’eau bénite, yau Saint-Cwèlin, au couvent des sœurs Récollectines, à Braine-le-Comte, où sont honorées des reliques du saint. Les malades emportent cette eau qu’ils boivent ou qu’ils mettent sous forme de compresses sur les parties malades. La litanie en l’honneur de saint Quirin est récitée, selon une circulaire de 1949 «pour les enfants faibles, languissants et maladifs, ainsi que pour différentes affections comme les glandes, les abcès, les blessures et autres infirmités du corps».

On va prier sainte Radegonde en l’église de la Sainte-Vierge à Chaussée-Notre-Dame-Louvignies pour la croûte de lait, lès dronkes, des enfants.

A noter que J. Coppens, Dictionnaire aclot, p. 144 (art. dronkes), dit que l’on va invoquer sainte Aragonde à Soignies pour la croûte de lait. Après une enquête serrée auprès du clergé sonégien et de plusieurs dévots, il s’avère que cette sainte n’est pas honorée à Soignies. Il s’agit d’une erreur de J. Coppens qui a confondu Louvignies et Soignies. Cette erreur est reprise par El. Legros, Les maladies portant le nom du saint guérisseur, dans Enquêtes du Musée de la Vie wallonne, p. 83 (note 2) et A.-M. Fossoul-Risselin, Le vocabulaire de la vie familiale à Saint-Vaast, Liège, 1969, p. 79.

 

(p.152) A l’église de Chaussée-Notre-Dame-Louvignies, la statue en chêne de sainte Radegonde, dite sainte Aragonde ou sainte Aragone en wallon, date du XIVe ou du XVe siècle.

« En 1653, le pape Innocent X accorda une indulgence plénière à ceux qui, le jour de sa fête, visiteront l’église de sainte Radegonde. Il devait sans doute exister une source de sainte Radegonde au Marais, lieu-dit. Encore actuellement, on vient chercher de l’eau bénite de sainte Rade­gonde» pour bassiner lès dronkes (A. Fasseaux, Aperçu historique sur Chaussée-Notre-Dame-Louvignies en Hainaut, Lens, 1957, p. 48). Les témoins interrogés au cours de mon enquête orale ne se souviennent pas d’avoir entendu parler de cette source.

La flame Sainte-Ernèle [Renelde] désigne des rougeurs en forme de flammes sur la peau, particulièrement le visage.

 

Pour ce mal et aussi pour toutes sortes de maux tels que les furoncles, les abcès, les anthrax, les humeurs, les dartres sur la figure et le corps, les ulcères, les plaies, les maux d’yeux et de la peau, les paralysies, les apoplexies, la croûte de lait et l’érysipèle, on va en pèlerinage à Saintes (Brabant) où on puise de l’eau à la fontaine Sainte-Renelde pour bassiner les yeux malades et les parties du corps atteintes. Ensuite, on fait le tour de la fontaine en récitant le chapelet; la présence du prêtre n’est pas nécessaire. Avant ou après la visite à la fontaine, le pèlerin va prier sainte Renelde à l’église consacrée à cette sainte dont la statue date des alentours de 1500. Il est conseillé de suivre la procession dite Tour de sainte Renelde qui sort le dimanche de la Trinité.

 

  1. Dewert (La Vie Wallonne, t. 8, 1927-1928, pp. 268-269) écrit que «les pratiques en usage au pèlerinage de sainte Renelde à Saintes sont assez intéressantes pour trouver place ici. Sainte Renelde est invoquée seule pour une tache ou bouton blanc à l’œil. S’agit-il d’humeurs, de petits boutons, d’inflammations, on s’adresse aux trois martyres, sainte Renelde et les deux servantes martyrisées en même temps. Il faut de même prendre deux pèlerins avec soi, ainsi que pour aller à la fontaine. On baise la relique de sainte Renelde et l’on contourne à droite la châsse de la sainte. La fontaine est à un quart de lieue de l’église. On s’y rend avec deux pèlerins; on fait trois offrandes et trois neuvaines, car on ne peut «servir» trois saints à la fois. S’il s’agit d’un mal qui affecte le corps entier, il faut prendre une chemise du malade. Si c’est un mal à la jambe, au bras, on se munit d’un linge qui a été en contact avec le mal et d’une bouteille. Les deux <copèlerines> vous débarrassent du paquet à la gare.

(p.153) Chacune dépose une offrande et baise la relique; neuf Ave et neuf Pater sont récités. Deux tours se font à l’intérieur de l’église, le troisième au dehors. A la fontaine, les pèlerines puisent de l’eau, font trois tours en touchant les piliers de la fontaine. Elles mettent de l’eau dans la bouteille, mouillent la chemise, lavent le linge sale apporté, le jettent sur un tas de même linge où il va rejoindre beaucoup de ses pareils, en disant : <Tiens! que le mal reste là, maintenant>. De retour chez soi, on boit de cette eau pendant neuf jours, on < bassine> le mal au moyen d’un linge propre que l’on a emporté et que l’on a mouillé. La chemise que l’on a rapportée et que l’on a séchée, aux trois quarts seulement, on la porte pendant neuf jours et l’on fait « sortir » toutes les humeurs. C’est à la fontaine que s’opèrent les miracles ».

 

Sur le territoire de Gouy-lez-Piéton, au hameau des Communes, à l’Coumène, on peut voir une petite chapelle consacrée à sainte Renelde, èl tchaplète Sainte-Èrnèle, où l’on vient prier pour les maladies des yeux. A proximité, une source appelée èl sourdant Sainte-Èrnèle laisse couler une eau dite yau Sainte-Èrnèle^ derrière la ferme Dubois. Dans les années trente, des linges, lokes, pendaient aux branches de l’arbre avoisinant l’édifice, ils avaient servi à frotter les yeux malades. Cette chapelle était aussi appelée èl tchaplète à lokes. De nos jours, quelques rares vieillards viennent prier sainte Renelde mais il semblerait que l’utilisation de l’eau de la source a disparu.

 

Avec l’eau rapportée de Saintes, de Gouy-lez-Piéton ou de Lobbes, Vyèrbe Sainte-Èrnèle guérit la flame Sainte-Èrnèle. Cette plante est la valériane phu, selon El. Legros, Les maladies portant le nom du saint guérisseur, p. 117 et aussi la népéta des chats, cataire, selon C. Tricot, Extrait du glossaire des Ecaussinnes, Écaussinnes-Lalaing, 1924, p. 8.

Pour la facilité du déplacement, les fidèles d’Anderlues, Binche, Buvrinnes, Épinois, Mont-Sainte-Geneviève et environs vont prier sainte Renelde en la collégiale Saint-Ursmer à Lobbes.

Les lignes qui suivent et qui traitent de ce pèlerinage sont tirées de l’excellent travail d’André Fromont, Le folklore des sources, des fontaines et des puits dans l’Entre-Sambre-et-Meuse, mémoire de la Faculté des Sciences sociales, politiques et économiques, Section des Sciences socia­les, Université Libre de Bruxelles, 1976, pp. 37-40.

 

(p.154) «Le puits Sainte-Renelde se trouve dans la crypte de la collégiale Saint-Ursmer à Lobbes. Ce puits est très ancien et n’est pas directement accessible. On l’aperçoit au fond d’une niche protégée par une grille; un tronc et une pompe (11 mètres de tuyaux) qui amène l’eau sont fixés à cette grille. Anciennement, on puisait l’eau à l’aide d’un gobelet fixé à la chaînette. M. Simon Brigode qui a fouillé le puits n’y a rien trouvé; il pense que ce puits a été vidé lors de récents travaux de restauration (…).

 

D’après J. Chalon, Fétiches, idoles et amulettes, t. 1, p. 120, on invoque sainte Renelde à Lobbes < contre les humeurs et les ulcères invétérés >. Le sacristain nous a affirmé qu’on y venait pour l’eczéma. Aucune céré­monie n’est organisée par le clergé et aucun rite particulier n’est pratiqué sur place par les pèlerins. Le sacristain nous a raconté comment une personne de Gosselies, atteinte d’eczéma, emploie l’eau : tous les soirs, pendant neuf jours, elle se lave les mains avec l’eau de sainte Renelde et les laisse sécher ; ensuite elle récite une prière spéciale à sainte Renelde. Il s’agit donc d’une neuvaine.

 

(p.155) Un autel en l’honneur des saintes Renelde et Brigitte est installé dans une chapelle particulière de l’église. On y vient fréquemment, d’après le nombre de cierges allumés et l’argent trouvé dans le tronc (renseigne­ments fournis par le sacristain).

Du temps de Jean Chalon, le puits n’existait pas. Il écrit, op. cit., p. 120, qu'<à défaut de fontaine naturelle, les pèlerins viennent faire bénir de l’eau en son honneur; M. l’abbé J. Vos, vicaire à Lobbes, approuve beaucoup cette pratique : ce n’est pas une superstition. Il y avait jadis à Lobbes un puits miraculeux, dits Puits de sainte Renelde, dans le prolongement de la crypte ; mais il a été recouvert au XIXe siècle par les degrés du sanctuaire >. Nous trouvons confirmation de ce fait dans un feuillet appelé Litanies de sainte Renelde et qui servait naguère de manuel de prière aux pèlerins. On y trouve, barrée, la notice suivante < On peut se procurer l’eau, les litanies et les médailles chez M. Dartevelle, 6, ruelle de Thuin (derrière le chœur de l’église) >. L’eau bénite avait donc remplacé l’eau sacrée du puits et était employée de la même façon. Il est probable que le puits a été remis en état lors d’une récente restau­ration de la crypte».

 

(p.156) Autrefois, à Saint-Vaast, on allait chercher de l’eau à une source située près de l’ancien moulin. Après le détournement du cours de la Haine, on prit l’eau à une pompe située dans la cour d’une maison contiguë au parvis de l’église consacrée à saint Vaast. Depuis l’installation de l’eau de ville dans le village, les enfants de chœur vont chercher de l’eau à la cure. Cette eau (de la source initiale, de la pompe ou de la cure) est bénite par le prêtre et est distribuée aux pèlerins qui l’emportent dans des bouteilles ou autres récipients. Cette cérémonie a lieu le 13 février, date de la fête de saint Vaast, saint Vau.

De nos jours, quelques personnes âgées et les élèves de l’école parois­siale assistent à la messe du 13 février.

 

Cette eau, appelée y au d’ saint Vau sert à bassiner les yeux malades. Selon la tradition populaire, une fillette aveugle de naissance a vu après s’être frotté les yeux avec cette eau.

(p.157) On trouve à Casteau la fontaine Sainte-Waudru appelée aussi fontaine des Malades.

Cette fontaine fournit une eau ferrugineuse qui est bue par les per­sonnes faibles, de constitution fragile. La légende qui s’y rapporte est citée par J. Chalon, Fétiches, idoles et amulettes, t. 1, pp. 184-185, qui se réfère à Jacques Simon, Le portrait de [‘estât de mariage et de continence fait sur la vie de sainte Wautrude, comtesse de Hainaut et patronne de Mons, Arras, 1629, p. 242 et p. 81 des annotations, 2e édition, Mons, 1846, pp. 57 et 93 :

 

« Comme sainte Waudru tout le temps de sa vie s’est toujours montrée fort portée à exercer la miséricorde vers les affligés. Il semble qu’elle n’ait voulu désister après sa mort de faire preuve de cette sienne vertu. Ceci nous veut signifier une certaine fontaine distante d’environ une lieue de Mons, qui se voit encore pour le présent au village de Casteau, en la grande forêt de Mons (…). Elle a été tenue une longue suite d’années en vénération par les habitants du dit lieu; et certes, non sans raison, attendu que, comme l’on dit, les malades qui s’en servaient recouvraient leur santé par les mérites de la glorieuse sainte Waudru, et vu le cas suivant, qui donna sujet d’étonnement à plusieurs. Car, comme en Fan 1011 (selon le calcul de Sigebert), quelque femme s’y acheminait pour s’y laver et recevoir guérison d’une maladie qui l’affligeait, elle la vit toute teinte comme d’un sang frais, si qu’en ayant lavé sa face, elle fut toute ensanglantée. Ce prodige fit dire à Gérard, premier de ce nom, évêque d’Arras et de Cambrai, qu’une guerre se devait tôt élever. Et de fait, Lambert II, comte de Louvain, l’excita contre le duc Godefroy au champ de Floreffe, en l’année 1015. Mais le pauvre infortuné comte, pour toute sa préparation s’étant souillé la nuit auparavant la bataille avec une nonnain, et puis ayant reçu d’elle quelques reliques pour se prévaloir contre les périls de la guerre ; comme il était à combattre, icelles tombantes de dessus lui, reçut le coup mortel qui le porta par terre, et qui sait si non pas plus avant dans le plus creux de son sein? Tant y a que la fontaine de sainte Waudru a comme voulu montrer par le change­ment de sa couleur naturelle en celle du sang, la compassion que ressentait la bonne sainte de cette guerre voisine ; comme ainsi soit que les saints ne se plaisent pas au carnage et aux désastres que nous voyons arriver en terre, par les guerres que se font les hommes les uns aux autres ».

 

  1. Chalon, op. cit., p. 185, ajoute : « Aux XVIe et XVIIe siècles, le peuple avait encore une grande vénération pour cette fontaine, que l’on considé­rait comme guérissant les maladies les plus graves. On invoquait la patronne de Mons contre une affection appelée maladie de sainte Waudru ; quelle était cette maladie dont on ne trouve plus aucune mention après le milieu du XVIIe siècle? De temps à autre, de nos jours, on parle de cette (p.158) fontaine chez les bonnes femmes de l’endroit ; elles prétendent qu’elle guérit « les maladies du sang ».

Une enquête orale à Casteau et environs ne m’a pas permis de trouver des traces de cette maladie. Cependant, je dois ajouter que lorsque l’on est de constitution fragile ou que l’on est faible, on croit que l’on n’a pas assez de sang. C’est ce qui expliquerait peut-être «les maladies du sang» citées par J. Chalon.

Jusque vers 1920, pour guérir les brûlures, on employait de l’eau puisée à une source (maintenant disparue) du Bos du Boulî à Joliment (Haine-Saint-Paul) ; on frottait la brûlure avec un morceau de toile bleue, ène bleûse loque, préalablement trempée dans cette eau.

 

Sur le territoire de Piéton, aux confins du bois de Trazegnies, èlfontène Colau donne naissance à un ruisseau qui se déverse dans la rivière, le Piéton. On allait chercher cette eau pour bassiner les yeux malades. Les bouilleurs l’appréciaient également car elle avait la réputation d’enlever facilement les poussières de charbon agglomérées dans les cils.

Après le captage des eaux de cette fontaine vers 1930 par une société de distribution d’eau, il ne fut plus possible d’avoir accès à la source.

A Haine-Saint-Paul (Fond), à la rue de la Fontaine, quartier mieux connu par l’appellation wallonne à l’ Fontène, une fontaine (sans nom spécifique) débitait en abondance une eau qui avait la réputation de guérir les maladies des yeux.

Elle fut tarie vers 1935 à la suite du glissement du terril de la fosse n° 10 (charbonnages de Houssu) qui recouvrit une quinzaine de maisons. Ce furent probablement les perturbations causées dans le sous-sol par ce glissement qui arrêtèrent le débit de la fontaine.

 

(p.159) Au lieu-dit Sec Pachî à Chapelle-lez-Herlaimont, une fontaine dite èl fontène du Sec Pachî donnait une eau réputée pour guérir les yeux mala­des. On cessa d’y aller vers 1945 mais on n’a pu me donner la raison de cet abandon.

A Anderlues, à l’endroit dénommé en wallon à les Rouwèles ou à lès Ruwèles (officiellement : rue des Ruelles), une fontaine appelée fontène qui bâche ou bien fontène Djène Guîye (Djène, Jeanne ; Guîye est peut-être un sobriquet) ou encore fontène djeù d’ guîyes (guîye, quille) débite une eau servant à bassiner les yeux malades. Le débit de cette fontaine baisse, bâche, en période de sécheresse d’où son nom fontène qui bâche.

agoûdjwès (chantoirs)

in: Lomegné d’vins l’ timps (Louveigné dans le temps), s.d., p.76

li Ninglinspo (Ârdène) (le Ninglinspo (Ardenne))

Gérard Baudrez (Wègnîye / Oignies) (Tièrache / Thiérache)

Au  soûrdant deu m’ vilâdje

 

Au soûrdant deu mvilâdje, quand d’ asteu co èfant,

deu r’waîteu meu visâdje qui triyaneut dins l’ fand.

Seu murwè, bén lantimps, è vu dins sès-eûwes cléres,

leu chèvreû inocint qui v’neut bwâre aveu l cêr.

Leu richelot qui dèskind du soûrdant deu m vilâdje

èt qu’ è va paujéremint meu rapèle meu vikâdje.

Deu coureu dssus sès bôrds, à pîds d’ tchau, là dès-ans.

Dj’ î aî bén bagni m paurt. Ç’ asteut no jwè adan.

Meu djon.nèsse èst passéye t’-ossi rade queu l’ vint d’bîje,

au trèvêrs dès nuwéyes dèspaurdant leûs surprîjes.

D’ aveu à 1′ fleûr deu l’ âdje agni dins l’ vikairîye

èt tchèssi lès ramâdjes deu m djon.nèsse assotîye.

Asteûre qu’ èlle est bén lan dè l’ aute costé deu l’ crèsse,

d’ aî r’trouvé leu soûrdant èt d’ î aî r’vu m blanke tièsse.

D’ aveu r’manté l richelot qu’ aveut counu nos péres,

èt mtièsse triyaneut co dins s murwè millènére.

Henri Collette (Mâmedi / Malmedy) - Lès Rûs d' Fagne (les ruisseaux des Fagnes)

Henri Collette (Mamedi / Malmedy), Lès Rûs d’ Fagne, in: BSLW, T63, 1929-1930

 

Lès vônes d’ êwe do l’ Hèshaye come dès limeçons s’ hértchèt.

Mais 1′ sâvadje rû qui d’hind èn-à l’ valée do l’ Fagne

Raye dès cints d’ kilos d’ pîres fou do tèrin qui bagne.

Èt  plin  d’ arèdjîsté conte cèsses qui résistèt.

I n’ tchante nin dès doûs-aîrs, come lès p’tits bîs d’ croupèt,

I  tone  on  baritus’ t’  azoûlant do l’ montagne.

Mais s’ vos v’lîs djudjî s’ fwace o sètch timps, v’ sèrîz lwagne* :

C’ è-st-adon qu’ i 1′ fât vèy, qwand qu’ lès noûlées crèvèt !

Portant, n’ ayoz nin  pawe :  prindoz one cruche du veûle.

Trimpoz-le inte lès goûrdjons èt  pûhoz à l’ aveûle :

Qu’ avéve-dju dit ? N’ èst-ce nin do pur cristâl qu’ on beût ?

On dîreût qu’ l’ êwe vinahe fou dès îvièrs ârtikes,

Télemint qu’ èlle èst glacée : lès rus d’ Fagne sont comikes :

Ci qu’ a l’ pus grande dès fîves, c’ est ci-là qu’ èst l’ pus freûd.

 

* Vos sèrîz lwagne : vous  auriez tort.

(Ardène) Sacrés soûrdants èt fontin.nes / (Ardenne) Sources et fontaines sacrées

in: Willy Lassance, A la recherche des temps oubliés, éd. Eole, 2006

 

(p.126) Les sources et les fontaines sacrées

 

Le précieux Guide noir de la France mystérieuse^ recense 75 fontaines miraculeuses, bien qu’il nous paraisse qu’un grand nombre de celles-ci n’aient pas encore été recherchées de façon systématique… Les sources sacrées les plus connues sont indubitablement celles de la Seine, de la Marne et de l’Yonne comme le sont également les fontaines de Nîmes et de Cahors.

A Eygalières (Bouches-du-Rhône), une source sacrée préhistorique était naguère encore honorée par les chrétiens le jour de Pâques. Une stèle antique à la déesse-mère y a longtemps servi de bénitier.

A Alise-Sainte-Reine, en Côte d’Or, haut lieu de l’histoire de la résistance gauloise, existe toujours une Fontaine Sainte-Reine, rappel de la jeune marty­re du IIP siècle. Et si, au sommet vénéré de l’Alsace et des Vosges, au milieu d’un extraordinaire site archéologique, il se trouve que Sainte Odile fut la grande guérisseuse des maux d’yeux, en Wallonie elle existe aussi près de la chapelle romane de Hamerenne-Rochefort où une Fontaine Sainte-Odile était naguère réputée guérir les maux ophtalmiques; ainsi qu’à Lavacherie, sur les bords de l’Ourthe occidentale, où elle est encore honorée comme une petite sainte des bois sous le vocable de sainte Ode. Là tout un rituel se pratique encore de nos jours sous le couvert d’un pèlerinage printanier toujours en vogue.

D’autres saints populaires sont également sollicités pour la guérison des yeux malades : la Source Saint-Eutrope (communément nommé sin-zoï-to ou saint-voit-tout), à Solières, près de l’ancienne abbaye; la Fontaine Saint-Gangulphe (dit sin Djingoù), à Vielsalm, est réputée pour les yeux souffrants et les rhumatismes; celle de Mussy-la-Ville conserve une réputation identique. Elle est gardée par une fée qui refuse l’accès de l’eau à ceux qui doutent de son efficacité. Aux sources de la Lomme, à Bras, s’élève la chapelle dite N.-D. de Lommal : le 8 septembre, jour du pèlerinage à la chapelle, les dévots se lavent les yeux à la fontaine qui jaillit là et que certains nomment encore Fontaine de N.-D. de Lommal. A Incourt, en roman pays de Brabant, existe une Fontaine Sainte-Ragenulfe (enfant du VIIe siècle et parente de sainte Gertrude, fondatrice de l’abbaye de Nivelles). Ses eaux ont une vertu miraculeuse et on y va encore en procession le jour de Pentecôte. Tout son environnement est romain : routes, sépultures et ruines.15

Non loin des sources de l’Oise, affluent de l’Aisne, en 1971, à Macquenoise, on a découvert dans les déblais d’une digue, une statue-menhir en arkose, probablement d’origine gauloise, haute de un mètre quarante. Déesse de la rivière, déesse des eaux ? Toutes les hypothèses sont permises, mais le fait dûment établi est là… (témoignage de M. J. minon, à Rance, et notice dans le bulletin des antiquités de l’arrondissement de Charleroi).16

(p.129)

On peut aisément multiplier les exemples concrets de ce culte millénaire des eaux. La Fontaine Sainte-Begge et la. Fontaine de l’Ours à Andenne : toutes deux sont vouées à des récits du Haut Moyen Age. Sainte Begge est la fondatrice et la patronne vénérée de la bonne ville d’Andenne-sur-Meuse.

De la même époque est la Source de la Pépinette, à Nassogne, que l’un des Pépin fit jaillir d’un coup de lance. La Fontaine Saint-Bertuin à Malonne et la Source, dite de la Tombe, à Bombaye, sont dus au même prodige… et il y en a probablement d’autres encore.

Saint Thibaut dont le culte était largement répandu à Suxy et à Marcourt fit jaillir plus d’une source; à Suxy, le saint anachorète la fit naître pour le seul plaisir de se rafraîchir : elle est depuis, considérée comme miraculeuse. Elle porte le nom de Sainte Fontaine. Dans les environs de Suxy existait une autre source nommée Fontaine de l’Esprit; durant les sombres années du XVIIe siècle, si fertile en épidémies de toutes sortes, c’était, dit-on, la seule source qui ne fût point contaminée…

A Marcourt, la Fontaine Saint-Thibaut est connue pour ses vertus thérapeu­tiques; elle est située en contrebas du site médiéval de Montaigu, où cet enfant de Provins était honoré d’un culte extraordinaire. Les miracles suscités par son intervention dans la guérison des tout petits ont été soigneusement consignés au cours des âges.

La Fontaine aux Loups, à Roanne-Coo, devait être fréquentée par les enfants malades. Les vertus de cette eau bénéfique sont à comparer à celles de la Fontaine Saint-Leû, à Bellebrune, dans le Pas-de-Calais; elle guérit les marmots de la peur et préserve le bétail des loups.

La Fontaine Saint-Lupicin à Lustin préserve des maux de tête tandis que la Fontaine Saint-Domitien, à Huy, possède des vertus fébrifuges.

Il y a encore la Fontaine des Nûtons près des tombelles de Limerlé; celle de Lavacherie, du même nom, où, en faisant des prospections du sol en partant de l’aiguillon mythique, je découvrais en 1950, un bas foyer de métallurgistes du fer, daté par de la céramique mosane du XIIe siècle; la Fontaine Pilate, située près du Château des Sarrasins, à Malempré; la Fontaine Saint-Martin, à Jannée-Pessoux; la Fontaine Mimi, à Meix-devant-Virton, lieu naguère consacré au sabbat des sorcières; la Fontaine des Allemands, à Vesqueville — sur l’antique voie des pèlerinages au tombeau de saint Hubert; la Fontaine Mathilde, source située dans l’enceinte monastique de l’abbaye d’Orval, là où Mathilde de Toscane laissa glisser dans l’eau son anneau nuptial; la Fontaine des Morts, à Sibret, souvenir toponymique d’une nécropole romaine.

Il y a aussi la Fontaine des Malades, à Marche-en-Famenne; la Fontaine Saint-Walhère, à Hastière — aujourd’hui disparue comme nombre de ces fontaines (p.130) légendaires… — où fut déposé le corps miraculeux du curé d’Onhaye, traîtreusement assassiné. Située au bord de la Meuse, cette fontaine ne fut jamais submergée par la crue du fleuve; la Fontaine des Silex ou des Pierres à feu, à Salle-lez-Givroulle; la Fontaine de la Sauvenière à Spa, dont l’eau rend les femmes fécondes; la Fontaine Saint-Hubert, dont le souvenir a rejoint l’ombre des bénédictins de l’antique Andagium à Saint-Hubert, possède des propriétés curatives; la Fontaine Saint-Monon, un pieux ermite venu des Iles Britanniques et assassiné à Nassogne, au début du VIP siècle, et dont le culte est toujours vivace. Dans la même commune, il y a une Fontaine de la Gatte d’or qui avait jadis la propriété, très singulière il est vrai, de couvrir d’une mince pellicule d’or les lames de fer et d’acier qu’on y trempait…

Qui connaît encore la Fontaine de la Gypsine, dans la forêt d’Arville, qu’une sorcière avait eu le pouvoir de faire surgir du sol, la Fontaine Saint-Remacle, à Rahier, la Fontaine Saint-Hilaire, à Burnonville, la Fontaine Saint-Roch, à Harnoncourt et la Fontaine Saint-Hadelin, à Franchimont (prov. de Namur), que le pieux homme fit sortir d’une colline pour aider une vieille femme ? Il y a aussi la Fontaine de l’Empereur (Charlemagne) dans les Fonds de Leffe, à Dinant, rappel du cherrau romain qui gravit cet endroit escarpé; la Source Bourbouleuse, à Tintigny, aujourd’hui disparue, la Fontaine Saint-Pierre, à Biesmerée, le Puits Saint-Pierre situé devant le chœur de l’ancienne église abbatiale de Brogne-Saint-Gérard; la Fontaine po l’Aune au Cellî de Hodister; la Fontaine au Stok et la Fontaine des Sabotiers, dans la forêt de Nassogne, et, dans la région de Warisy, la Fontaine al’lôle et Baya Fontaine…

La localité ardennaise de Villers-la-Bonne-Eau doit son origine à une source miraculeuse, qui guérissait d’antan certaines infirmités. Mais arrêtons-la cette énumération un tant soit peu fastidieuse. Elle n’est d’ailleurs pas limitative. Si on creusait davantage le terroir local des traditions populaires et si les fouilleurs voulaient porter plus d’intérêt à l’environnement des sources légendaires, nous ne serions pas autrement étonnés que des stations préhistoriques y soient découvertes.

L’eau, principe de vie primordial, a fait depuis des millénaires l’objet de quantité de dévotions spectaculaires de la part des civilisations qui se sont succédées sur notre vieille terre gauloise et, si les cultes antiques ont aujourd-‘hui disparu ou se sont modifiés au contact du christianisme, le pouvoir fécondant des eaux vives demeure toujours plein d’attraits. Il prend actuellement figure nouvelle, face aux dangers sournois de la pollution, devant la pénurie planétaire d’eau alimentaire qui se dessine sous nos yeux angoissés.

 

(p.186) La Fontaine des Nutons (Lavacherie)

 

Toujours à Lavacherie, dominant à l’est le village et la vallée qui largement s’étale depuis Amberloup, se découvre une colline arrondie dont le sommet porte le curieux vocable de Fontaine des Nutons, souligné par une légende où il est question d’outils mystérieusement réparés la nuit par des nutons diligents qu’on ne voyait jamais

On eut vite fait de découvrir en cet endroit des scories de fer et les vestiges d’un petit atelier de fondeurs daté par des tessons de céramique des XIIe et XIIIe siècles. La source existe toujours mais nul ne sait plus qu’elle avait autrefois étanché la soif ardente des ferons du Moyen Age !

 

La Fontaine de Saint-Thibaut (Marcourt)

 

Au sommet boisé de Montaigu-Saint-Thibaut à Marcourt, près de la superbe motte féodale des comtes de Montaigu qui, 125 mètres plus haut, avant le début du XIIIe siècle, régentait le passage de l’Ourthe et le Chemin de La Roche, existe une fontaine dite aujourd’hui encore de saint Thibaut. La dévotion de boire et d’emporter chez soi l’eau de saint Thibaut… qui guérit tous les maux n’est fort heureusement pas tout à fait oubliée…

 

La Source de saint Hubert (Saint-Hubert)

 

II est curieux de constater que, si plusieurs de ces sources et fontaines ardennaises sont liées à l’existence de sites archéologiques, d’autres sont indubitablement à l’origine d’endroits historiques habités sans hiatus depuis le Haut Moyen-Age. Ainsi, le bourg de Saint-Hubert traversé par un ruisseau, aux multiples ramifications, cité Andaïna fontana vers 937, hydronyme de résonance celtique, donna d’abord son nom au vieux bourg d’Anda(g)inum, pour devenir plus tard ad Sanctum Hubertum.

La Source de saint Hubert (qui alimente actuellement encore les eaux d’un étang situé à quelques centaines de mètres du chevet de l’église abbatiale) connut un regain de faveur à l’occasion des fêtes grandioses qui marquèrent, en 1927, le douzième centenaire de la mort du saint évêque de Liège, devenu au fil des siècles le Patron de la Cité des Chasseurs.

(p.187) Ce fut la ruée vers l’eau miraculeuse; pas une famille de Saint-Hubert ne faillit à la tradition. La fabrique d’église, très sollicitée, débita jusqu’aux approches de la dernière Guerre mondiale des dizaines de milliers de bouteilles emplies à ras bord de ce précieux liquide naturel, vendu à prix modique. Les pèlerins du Borinage et ceux du pays de Charleroi, réputés parmi les plus fervents acquéreurs, utilisaient ce breuvage à des pratiques plus superstitieuses que religieuses. Revenus au logis, ils répandaient largement l’eau bénite de saint Hubert sur le seuil de la maison ou de la porte d’entrée familiale. Afin, disaient ces gens peu enclins à fréquenter les sacrements de l’Eglise, d’écarter de leur habitat les pouvoirs maléfiques et le mauvais sort ! On faisait boire d’abondance cette eau sacrée aux enfants malades, soit pour hâter leur guérison ou mieux encore pour écarter d’eux l’Esprit du Mal. Ce peuple wallon de mécréants au grand cœur mais aux cheveux près du bonnet, croyait dur comme fer aux vertus de cette eau miraculeuse ! Des guérisons subites et inexplicables, il s’en produisit sans que pour autant la foi se propageât. Des phénomènes identiques ont été dûment enregistrés à Lourdes et des conversions s’ensuivirent. Nous reviendrons une autre fois à cette question.

 

La Source de la Pépinette (Nassogne)

 

Voici comment naquit le village de Nassogne où mourut, méchamment assassiné, vers 636, le moine scotti Monon : au Moyen Age, ses biographes assurent qu’il construisit sa hutte près d’un endroit nommé fons Nasania ou Nasonia et que, comme saint Lambert, il vécut le même martyre dans des conditions assez similaires… Cette source fut peut-être celle dite de la Pépinette que fit jaillir d’un coup de lance l’un des Pépin, à l’époque d’une grande sécheresse, le peuple local se pressant autour de lui dans l’espoir qu’un miracle se produisît. Ceci se passait en présence de plusieurs dignitaires de sa Cour, qui crièrent au prodige en louant la foi chrétienne de leur Roi et Maître. Par la suite, séduit par cette prouesse d’intercesseur auprès de la volonté divine, Pépin revint à Nassogne dont il dota richement le sanctuaire, dédié au pieux Monon, dont la sainteté venait d’être reconnue.

 

La Fontaine de la Gatte d’Or (Nassogne)

 

A mi-chemin entre Nassogne et Grune, au lieu-dit Thier Saint (ou Tchèrsin ?), se trouvait autrefois une source dite Fontaine de la Gatte d’Or; elle était dotée d’une étrange propriété : quand on s’avisait d’y tremper une épée, aussitôt son métal d’acier prenait une couleur dorée au contact de l’eau. Cette source fait partie des sites légendaires disparus.

 

(p.188) Notre-Dame d’Oisy (Oisy)

 

Jean-Luc Duvivier de Fortemps, qui a remarquablement étudié l’Ardenne méridionale, évoque les cultes rendus à Notre-Dame d’Oisy, dont la chapelle s’élève au milieu d’un haut plateau cultivé, dans les labours duquel il a, durant des années, récolté un grand nombre de silex accommodés par l’homme des époques préhistoriques. L’endroit, naguère siège d’un pèlerinage très populaire, est sis à proximité de plusieurs sources très fécondes.

 

Dans la forêt de Saint-Michel

 

L’exemple vaut aussi pour Awenne démuni d’un tel site religieux mais où la préhistoire était présente au lieu-dit Boûss’fontinn’, plein de sources qui ont livré plusieurs haches polies…

Comme on le sait, les endroits élevés où naissent et courent des eaux issues des fanges ont été honorés par quantité de pratiques superstitieuses aujourd’hui bien oubliées. C’est, semble-t-il, le cas d’un point culminant de la forêt de Saint-Michel. Là naît la Masblette, affluent de la Lomme, au lieu-dit Fond de Bilaude riche en traditions du plus haut intérêt folklorique.

 

La Fontaine Saint-Walfroy (Margut)

 

Nombre de ces sommets et hauteurs ont été voués au culte de Mercure. A cet égard, le Mont Saint-Walfroy, où vécut et mourut le seul stylite du monde occidental1, connut une vogue extraordinaire. Son histoire est minutieusement décrite et commentée par Grégoire de Tours dans sa monumentale Histoire des Francs; il dit avoir rencontré Walfroy vers 585 alors qu’il faisait route vers Trêves, avouant avoir été ébranlé par la foi d’airain du pieux anachorète. Ce moine lombard convainquit les pagani des environs de la vallée de la Chiers de l’aider à renverser, puis à détruire à grands coups de masse de fer, la gigan­tesque statue de la Deana Arduinna, la Diane chevauchant un sanglier. Image suprême de cultes idolâtres, auxquels osa s’attaquer Vulfilaicus, vivant au milieu d’indigènes encore farouchement attachés à leurs pratiques directement issues des Gallo-Romains.

Au flanc de la Montagne Sacrée où Walfroy fut vénéré pendant plus d’un millénaire existe une source qui fut longtemps l’objet de l’attention des pèlerins et qu’on nommait la Fontaine Saint-Walfroy; ses eaux limpides avaient la réputation de soulager, puis de guérir les rhumatismes, ainsi que de rapidement faire disparaître le rachitisme dont souffraient jadis beaucoup d’enfants, privés d’une alimentation substantielle…

 

(p.189) La Fontaine Saint-Gengoux (Vielsalm)

 

Vielsalm, au nord de l’Ardenne, possède une église paroissiale qui existait déjà au XIIe siècle et dédiée à saint Gengoux, décédé de mort brutale en 760.2

C’était un Bourguignon très populaire en Allemagne, écrit Régine pernoud (Les Saints au Moyen Age, Paris, 1984, pp. 126 et 223). Et elle ajoute : « il fut assassiné par un clerc qui était l’amant de sa femme et, chose curieuse, cette fin immorale devait frapper l’imagination des gens de son époque, à telle enseigne que son souvenir lui fit prendre place dans le rang des saints. On l’invoque depuis lors pour l’union durable et sereine des ménages. Il s’avère qu’il était vénéré au sein de l’honorable corporation des cordonniers ainsi que dans celle des tanneurs (qui devaient compter un certain nombre de maris trompés ?) Hypothèse aussi téméraire qu’insolente ! » Vielsalm, outre sa dédicace paroissiale, compte dans ses édifices religieux une chapelle Saint-Gengoux qui fut naguère bâtie près d’une ancienne fontaine où le prénom de Gengoux (successeur de l’antique Gangulphe) était celui du nom de ce point d’eau qui a toute une histoire.

Gaston remacle (Vielsalm et ses environs, 1968, p. 244) rapporte à son propos l’anecdote suivante parmi tous les récits issus de la tradition populaire qui font partie du légendaire local : « Cette chapelle, dit-il, a été bâtie pierre par pierre par Gengoux lui même qui ramassait ce matériau avec une hotte dans des ruines causées par une guerre oubliée. » Au siècle dernier, le culte de saint Gengoux à Vielsalm donnait lieu chaque mois de mai à des pèlerinages allemands.

Après les vêpres, les pèlerins se rendaient en foule à la fontaine pour y puiser de l’eau qu’ils ramenaient chez eux. Les amoureux y échangeaient maints serments définitifs et plongeaient ensuite leurs mains unies dans l’eau miraculeuse comme l’avait fait, dit-on, le malheureux mari bafoué qui espérait ainsi retrouver l’amour perdu d’une femme volage.

Cette rare dédicace à un saint — homme malheureux, sans plus, comme il en existe tant — l’avait fait d’autant plus apprécier qu’il avait vainement invoqué le Ciel pour trouver une paix conjugale méritée par ses vertus chrétiennes… C’est pourquoi sans doute on attribua à l’eau de saint Gengoux tant de vertus curatives et passionnelles; elle était également connue pour le soulagement qu’elle apportait aux maux d’yeux et aux rhumatismes.

 

(p.190) La Fontaine Saint-Furcy (Bellefontaine)

 

L’un des endroits les plus émouvants de l’Ardenne méridionale est le site cultuel de Saint-Furcy à Bellefontaine. Furcy était l’un de ces nombreux Irlandais à avoir traversé les mers pour venir évangéliser nos régions d’entre Loire et Moselle. On le dit frère de saint Feuillen, fondateur de Fosses-la-ville.

On cite la date de 650 pour la mort de Furcy, survenue, dit-on, au monastère de Péronne (départ de la Somme), qu’il avait fondé après son débarquement sur le continent.

Traversant la région ardennaise (qui nous occupe), c’est lui qui aurait fait jaillir la source, auprès de laquelle il vécut, en enfonçant d’un solide coup de poignet son bâton de pèlerin dans le sol.

A l’emplacement de cette fontaine sacrée a été construit un pittoresque édicule à quatre colonnes que somme la statue de cet évangélisateur de la Gaule, comme il y en eut tant aux VIe et VIP siècles.

Ce petit monument en granit sculpté ne manque pas d’un certain charme et il aurait encore nombre de visiteurs s’il n’était pas tout à fait abandonné; cet endroit jadis si visité par les dévots a cependant donné son nom au village de Bellefontaine : sic transit…

Autrefois, le dimanche suivant la date du 17 septembre — date de la transla­tion des reliques de saint Furcy — se déroulait là un pèlerinage des plus connus. On quémandait à grand renfort de prières et de chapelets, qui s’agitaient d’un manteau à l’autre, toute une série de faveurs spéciales et, notamment (chose importante aux yeux des cultivateurs qui étaient encore nombreux à cette époque), la protection du bétail et celle des étables sur lesquelles on fichait le nom du saint homme de Dieu. Cet endroit qui témoi­gna de tant de ferveur populaire est livré aux orties et abandonné aux plantes aquatiques, car le site est marécageux quoique la Source Saint-Furcy soit tarie.

 

Notre-Dame de Lorette (Moircy)

 

Un autre site, non moins évocateur de poésie contemplative, et plein de réminiscences d’un passé moins lointain, est celui de la Montagne Notre-Dame de Lorette, dominant la vallée de la haute Ourthe occidentale — qui n’est encore là qu’un gros ruisseau impétueux — et situé entre Moircy et Remagne. La chapelle, bâtie à chaux et à sable sur une plate-forme schisteuse, le fut en 1649. De cet endroit, aujourd’hui débarrassé des grands épicéas qui l’étouffaient, on jouit d’une vue superbe sur la grande faille bruissante par où se glisse, telle une couleuvre, l’ondoyante rivière si typiquement ardennaise.

Près du sanctuaire jaillit la Fontaine de l’Ermite sous l’auvent protecteur d’une roche. Cette eau ferrugineuse a la réputation de guérir les maux d’yeux, (p.191) comme celle relativement proche de la Bonne Dame de Sainte-Ode. Elle s’écoule dans deux petits bassins creusés dans le roc, l’un retient l’eau essenti­ellement potable, l’autre demeure exclusivement réservé aux ablutions des passants, qui font de Lorette un but d’excursion. Car si même les pèlerins actuels se font rares, le culte rendu à Notre-Dame de Lorette reste cher au cœur des gens du pays, du moins à ceux encore relativement nombreux qui y sont nés !

Un religieux, vers 1646 ou 1647, tenté par une vie érémitique fit le pèlerinage à Notre-Dame de Lorette près d’Ancône, en Italie du Sud. Quand il revint, aucune autorisation ecclésiastique ne lui étant parvenue dans le but de fonder une chapelle flanquée d’un ermitage, il récidiva (car l’ascétisme à ses yeux lui paraissait le ferment de la croyance)… et son obstination vint à bout des réticences de la hiérarchie supérieure de l’Eglise. Dom Gérard, bénédictin de l’abbaye de Saint-Hubert (c’est ici du même homme qu’il s’agit) fit construire l’oratoire et donna l’autorisation de le livrer au culte, devenu très populaire à cette époque, de Notre-Dame de Lorette.

Jean-Luc duvivier de fortemps, toujours bien informé, signale dans ses récentes Légendes ardennaises, p. 67, qu’on venait aussi l’invoquer en vue de préserver les enfants de l’anémie et de la fièvre lente; prier la petite sainte italienne écartait la peur des orages trop violents.

 

(s.p.) Notre-Dame de Lommal (Bras-Séviscourt)

 

Aux sources de la Lomme à Bras-Séviscourt, l’endroit principal où elle jaillit est dénommé Notre-Dame de Lommal; une voie historique, le Chemin Neuf, sépare le sanctuaire de sa fontaine. Naguère encore, le jour de la fête de la Nativité (8 septembre), avait lieu un pèlerinage fort suivi par les gens des environs. A cette occasion, nombreux étaient les fidèles venant se baigner les yeux dans l’eau bruissante de l’édicule; elle avait la propriété de prévenir la maladie et de guérir les mal-voyants.

 

La Bonne Dame de Sainte-Ode (Lavacherie)

 

A Lavacherie, voici quelques décennies à peine, la majorité des habitants de ce beau village des bords de l’Ourthe occidentale se rendaient en fanfare, par un sentier sinueux, vers la Chapelle de la Bonne-Dame, dominant d’une centaine de mètres le défilé rocailleux de l’impétueuse rivière.

Sainte-Ode qui en est le lieu-dit est un de ces sites légendaires où l’histoire se dispute les miettes encore visibles d’un long et vertigineux passé. Près de la chapelle, une eau ferrugineuse jaillit là où chacun allait se mouiller les yeux, ce qui n’est probablement que la résurgence du souvenir des métallurgistes de la vallée qui lui avaient découvert, au XVIe siècle, des propriétés thérapeutiques. (…)

Li fontin.ne (la fontaine)

Albert Rousseau (Grandlé / Grand-Leez)

 

Li fontin.ne

 

Grossiéremint macenéye di cayaus,

Addé l’ vôye qui r’monte su l’ viladje.

Su l’ costé, l’ pachi et lès vatches :

C’ èst l’ place dè l’ fontin.ne addé l’ sau.

 

Avan.n sitî pris en défaut,

À griper dins li spès fouyadje,

Di  d’zeû, nos waitîne l’ êwe dins l’ trau,

Po veûy riglati nosse visadje.

Asteûre, i gn-a pus dandji d’ lèye,

Tot î èst d’ nivau avou 1′ pachis,

Èt lès rin.nes ont clos leû babèyes.

 

Chake anéye, su l’ difén  d’ avri,

Quand l’ solia v’leûve mostrer sès cwanes,

Dins l’ sau, on mièle vineûve fé s’ nid.

 

(foto / photo: fontin.ne Sint-Fursi (Bèle-Fanténe / Bellefontaine))

li richotia (le filet d'eau)

Roger Tabareux, in: Poésies wallonnes, Li bia lingadje di nos tayons

 

Li richotia

 

– D’ èwoù divenoz, p’tit richotia?

-Dji vin do l’ Tourète, dilé l’ tchèstia.

– Dji vou wadjî qu’ s-èstoz l’ Mazi.

– Vos-î èstoz, l’ Mazi, c’èst mi.

Dji m’ a assîs dissus on sto

Po choûtè 1′ tchanson do richot.

Djè l’a co chû jusqu’à bin lon

Divant qu ‘i n’ mousse dins lès bouchons.

I coûrt todi sins s’ sicrandi

Dins lès bouchenis’ èt dins lès trîs.

– Èwoù ‘nn’ aloz, don, richotia?

– Dj’ m’ èva vêla o grand potia.

 

 

* A la Tourette: lieu-dit d’Anhée, source du Mazi.

 

richotia: petit filet d’eau

richot: ruisselet

li richot (le ruisselet)

Leu richot du  bos (sins nom / anonyme) (ouest-wallon)

 

Leu p’tit richot

Qui sôte du bos,

È va paujêre

Su lès «Grèviêres»,

Tûser s’ tchanson

Come in mouchon.

 

I va d’ trèviès,

Sét-i pouqwè ?

Pou fé ène basse

Pou lès-agaces

Ou in mirwè

Pou lès cisèts ?

 

Pou fé plaîji

D’ vos fé brèchi,

I chût ène rôye

Èt noûye leu vôye ;

Vos-è spitè,

Va d’ l’ ôte costè.

 

On n’ l’ atind pus,

Leu v’là pèrdu.

Catchi d’ssus têre,

Dins lès brouyêres,

Leu p’tit richot

Rèmuche ou bos.

 

«Lès Grèviêres» = lieu-dit — brèchi = prendre eau

Victor Wayens, in: Vingt Sonnets (Cêle / Celles)

 

LI RICHOT

 

Vêla, au pîd do tiène,

Si trin.ne on p’tit richot ;

I passe pa-d’zos lès spènes,
Èt bagne sès p’tits chabots.

Il a peû qu’on ‘ l’ ètinde

Èt i n’ faît quausu pont d’ brût ;

I faut, po l’ p’lu sorprinde,

Sins l’ sawè, tchaîr dissus.

S’ i buke su one grosse pîre,

I djèmit on p’tit côp,

Pus s’ rimèt à rîre.

Nêt-èt djoù, i tchèrîye

Sins soflè on seul côp .

I frè ça tote si vîye.

li ri (le ruisseau)

Clément Dimanche, in: Asto du ri, s.d.

 

Asto du  ri

 

Ène vîye maujon

asto du ri

 

èt dins l’ nid, ‘n-don !

choûtèz bin, m’ fis :

 

deûs bias mouchons

èt leûs trwès p’tits…

dins l’ vîye maujon

asto du ri

 

lès parints « Chon »

n’ ont wêre sokyi !

dès p’tits mouchons,

ça deut mindji !

 

tous lès mouchons

ont d’sèrtè l’ nid

dè l’ vîye maujon

asto du ri.

 

C’ èst iun dès « Chon »

qu’ a scrît çouci,

iun dès mouchons

qu’ èsteut dins l’ nid

dè l’ vîye maujon

asto du ri.

1.    L’Escaut et ses rivières / L’ Èscaut èt sès riviéres

l' Èscaut (l'Escaut / de Schelde) : soûrdant (source / bron) (asto d' Gouy (France)) (près de Gouy (France) / bij Gouy (Frankrijk))

l' Èscaut (l'Escaut / de Schelde)

(Liliane Faes (Cargnére / Carnières), in: èl Mouchon d’ Aunia, 395, 1985)

(Djuvri / Givry) Trouye > Hin.ne > l’ Èscaut (la Trouille > l’Haine > l’Escaut)

                                       (Askiyî / Asquillies) – Trouye > Hin.ne > l’ Èscaut (la Trouille > la Haine > l’Escaut)

Tenre > l’ Èscaut (la Dendre > l’Escaut)

èl Tenre (la Dendre)

”Lane

(A. Mabille, La Lasne à Rosière vers 1920, in: Le Folklore brabançon, 1990)

”Djauce

André DE WELLE  (1969), in : CW, 6-7, 1988, p.88

 

On Djodognwès

 

Dj’ a vèyë l’ djoû à deûs pas dè l’ Grande Djauce ;

Dj’a sti bagni, gamin, au Pré-dè-Pont. (…)

in : Nwêr Boton, 5, s.d., p.12

G(ilberte) Massart-Tilmant (Ramiéye / Ramillies)

Lë p’tëte Djauce   (La petite Gette)

 

Le P’tëte Djauce soûrd dè tère dins l’ djardén da Calau,

Èt adon èle trëvièsse lë coû da Djèf da l’ Sau;

Èle  passe dëzos  l’ intréye dès maujos d’ mon Houyoux,

Èt pwis,  on poût veûy lûre së mërwè au grand djou;

 

Èle va pa 1′ Comone inte lès saus èt lès prés,

En  tchantant së p’tët-aîr, on-aîr dès timps passés;

Èle coûrt jësqu’au Pondia où èle reçut l’ Ofë,

Jësse dëvant dë quëter Hamiéye, së bia payës.        

 

Èle intëre dins Augliche et n’ î d’meure nén longtemps,

Prèsséye d’ aler à Fau, èle rëçut lë Quiwelète

Qu’ èst grochîye dè 1′ Djaucot, v’në dè bwès dè l’ Bawète;

Èt pwis, èle passe à Djauce; èle î muse pës  longtimps.

 

Èle rëçut lë Frambé èt lë Rë dès coréyes,

Fait on toûr à Djandrin, pwis èle va à Au-l’-Grand,

Veûy sès grandès-usënes, sès hautès tchèmënéyes,

Èt priyî sinte Adèle, qu’ èle wéte à sès-èfants.

 

Vënant dë  P’tët-Halèt, lë Rë Henrë Fontin.ne,

À drwète,  vënant d  Lîcint, lë clér Rë dè 1′ Bakelin.ne,

Èl grochëchenèt one miètes   po-z-oyë  pës bèle aîr

Dëdins 1′ Province dë Lîdje où èle në s’ set nén plaîre.

 

Èle quëte Pèlin.ne bénrade,  èt va jësqu’à Lismia,

Èlle arète fwârt longtimps dins lès prés dè  tchèstia,

S’ amûse bén à Ame’tia, rëgrète lë vî molén

Qu’ a stî dëstrut à 1′ guère èt qu’ ë n’ è dmeure pës  rén.

 

Èle sondje à tos lès mwin.nes quë pèchin.ne dins l’ vî timps,

Èt au Borlau d’  l’ Abîye, come à Monsieû 1′ Baron;

Èt fôrcîye dë quëter lë domin.ne d’ Oultremont,

Èle passe à Élècëne, mins në  tchante pës sovint …

 

(...)

 

Paul Moureau, (Djodogne / Jodoigne)  in: Conte d’ à-prandjêre, 1932

 

Lë Djauce

 

C’ èst l’ Djauce !… lë grande Djausse !… on l’ trëvièsse

È trwès ascrauchiyes, aujiyemint ;

Èlle a iu, quand n’s-èstîn’ gamins,

Lès pus bias momints d’ nosse djonnèsse.

 

Èle në vént ni là dë d’së lon

D’ aviè Pèrwé èt Torèbâye

Èt dusqu’è Tchandjè èt Loumâye

Èle intindrè causer l’ walon.

 

Èle ramoûye lès pîds dè l’ Raméye

Èle faît toûrner saqwants moléns

(Divant d’ polu d’morer à rén

Faut-ë ni qu’ èle gangne së djoûrnéye ?)

 

Gn-a l’ molén d’ l’ Abîye, gn-a l’ Grognârd,

L’ molén Baugnèt, l’ Maka, l’ Sôyerîye,

L’ molén dè l’ Fontin.ne èt l’ Baterîye,

L’ pus bia d’ tortos : l’ molén Cônârd.

 

Quand èle sôrt’ foû d’ Djodogne-Sovrin.ne,

Qu’ èle arëve dëlé l’ Pré dè Pont,

Èle vourot n’ pus aler pus lon

Èt vëker come one pëtëte Rin.ne.

 

Inte sès deûs forêres, paujèremint :

Sès forêres sont come deûs djèrmales,

Tot dè long d’ one tère dë pétrales

Ou bôrdant one pîce dë frumint.

 

Èle së stind, s’ alaurdjët one miyète

Pa-d’zos lès plopes, pa-d’zos lès saus ;

Su sès deûs bôrds, à pids tot d’chau,

S’ achidenèt dès-omes è purète.

 

Is-èmantchenèt leûs adjons, boutenèt

À l’ auzén on viêr ou one moche,

Lancéyenèt l’ fëlé inte lès coches

Èt, lès-ouys su l’ flote, ratindenèt.

 

Is ratindenèt quë l’ pèchon bètche ;

Maîs lès gueûvions sont trop maléns

Èt lès pèrcots sintenèt l’ auzén ;

Po lès rossètes, i n’ a ni mètche.

 

Lès pècheûs tërenèt dès mouzons

Au momint dë r’plôyi bagadje.

Quë l’ Djauce rit dë veûy leû vësadje

Télemint qu’ èle tént à sès pèchons.

 

I gn-a rén d’ mèyeû qu’ lèye au monde,

Èle choûte tchîpeler lès p’tëts mouchons,

Qu’ èle betche’téyenèt à p’tëts goûrdjons,

S’ laît carèssi pas lès-arondes.

 

Èle done a bwère aus vatches qu’ ont swè

Èt quë pachenèt à costé d’ lèye,

Waurdéyes pa one pëtëte djon.ne fèye

Qui tchante dins nosse bon vî patwès.

 

C’ èst djûdë !… Â… l’ Djauce së rafîye

Dè veûy arëver lès gamins ;

Èle lès veut volti, lès matins,

Quand is vën’nèt tortos à l’ fîye.

 

Vo-lès-la!… Choûtez lès gayârds

Abouler pa l’ pîd-sinte dè l’ Prate ;

On s’ dëspétche, on coûrt au pus rade,

On bèrdèle, on crîye au pus fwârt.

 

On-arëve su l’ bôrd, on s’ dëstchausse ;

On fout dins l’ pré lès-abîyemints

Èt tot mièrnu, au pus rademint,

On sautèle au mëtan dè l’ Djauce.

 

Qué plaijë !… Kéne djwèye dë bagni !…

On triyone, on-è-st-à tchau d’ poye,

On plondje on bon côp, on s’ afroye,

On faît l’ plantche, on s’ boute à nadji.

 

Come on vout, on nadje chake a s’ môde,

À pates-dë-rinne, à pates-dë-tchén ;

Lès gamins, ça sét todë bén

Nadji èt-z-aler à maraude.

 

N’ diriz ni dès roselants cachèts

Quë s’ cotapenèt dins l’ éwe quë r’mouwe

Èt mètenèt dins l’ Djauce quë s’ asblouwe

Lès rôsès tatches dë leûs cwarps bén nèts ?

 

Ay !.., ay !… ay !… là l’ champète !… abîye,

On spite po ni ièsse calindji,

On prind sès lokes, on s’ va catchi

Padrî one haye où ç’ qu’ on s’ rabîye.

 

Vo-lès-là èvôye !… bén lon !…

Èt l’ Djauce va poursûre së toûrnéye,

Maudëchant l’ caskète galonéye

Qu’ a tchèssi tos sès p’tëts crapons.

 

Èle së va r’bouter à l’ bèsogne :

— N-a l’ molén Biètrand què l’ ratind

Èle travaye, adon, paujêremint,

Èle trëvièsse nosse pëtët Djodogne.

 

Inte Sint-Lambêrt èt Sint-Mèdau,

(C’ èst lèye quë ralôye les parwèsses),

Èlle a vraîmint l’ aîr d’ èsse à l’ fièsse

Èt së clére qu’ on vwèt sès cayaus.

 

Qu’ ça sêuye au truviès dè l’ Blantcherîye,

Pa-d’zos Sint-Lambêrtou l’ Tchèstia,

Padrî l’ Abatwêr ou l’ Bordia,

Nosse Djauce èst bunauje èt djolîye.

 

Tot l’ long dès Bèdinjes, lès sapéns

L’ ècadréyenèt d’ on dècôr sômbe

Èt d’zeû lès crëkales, on vwèt l’ ombe

Toûrner doucètemint : lë naît vént.

 

Lë Djauce së sint, tote disseûléye ;

Lès crèkions ont fét dè chîleter,

L’ raskignol comince à tchanter,

Tot èst paujêre èt dame à d’méye.

 

Dès-amoureûs po carèssi

S’ véront pormwin.ner dins l’ forêre,

Fé dès sèrmints qu’ on pièd d’ mémwêre

Èt dès promèsses qu’ on n’ térè ni.

 

Èt l’ Djauce qu’ ètind les bètchs qu’on s’ done

Në frè pont d’ brut po mia choûter

Lë tinre lingadje qui faît toketer

Lë keûr d’ one bèle pëtëte Walone.

 

Pus, èle së laît prinde aus doûs mots

Èt por lèye-min.me, èle lès sohaîte…

Dëzos l’ grand stwèlî quë l’ rawaîte,

Èlle è va tote cu d’zeû cu d’zos.

 

Mais v’là l’ solia. Èle së dëspiète.

(…)

Èle së va foute à l’ éwe dins l’ Démèr.  (ripris do d’zos)

 

ascauchîye, enjambée

forêre, lisière d’un champ

mantin, espiègle

bèrdèler, bavarder en élevant la voix

djwèye ou djôye: joie

triyaner, trembler de froid  

tchau d’ poye, chair de poule

s’ afroyi, se mettre en train   

roselant, rose vermeil

cachèt, porcelet  

s’ asblouwë, s’éblouir

spëter, s’éclipser

calindji, dresser procès-verbal

crapond, gamin (terme affectueux)  

crëkion, grillon

chëleter, sonner

carèssi, flirter

kë d’zeû kë d’zos, sens dessus dessous

stëtchi, fourré

dësbautchi, attristé, désolé

 

(racisme:)

Èt, tote rimplîye dë saîsëchemint,

Èle n’ intind causer quë l’ flamind.

Èle së d’mande où-ce qu’ èle s’ a v’nu piède.

 

N-a pont d’ aute moyén : c’ èst l’ infèr !

Pôve Djauce, où-ce qu’èlle èst la stitchîye ?

Dë n’ pus rén comprinde, dësbautchîye,

Èle së va foute à l’ éwe dins l’ Démèr.

 

 

Note L’Absoûl est un ruisseau prenant sa source à Crehen, non loin de la Méhaigne, passant par Thisnes et Wansin et allant se déverser dans la Petite Jette (Djâse) à Orp, pour grossir plus tard les eaux de l’Escaut.

 

A. Forceille (Tîne / Thisnes), in : CW, 1, 1949, p.7

L’Absoûl

 

Tot près d’ Mouhagne, t’ atakes ti coûsse

 pus abîye, ti t’ sâves èrî

Èt bén long d’ lèye, ti t’ laîs glissî

Sins fé k’nohonce di nosse bèle Moûse.

A tot k’mincant tès prumîs pas,

Ti crouhes à pwin.ne ti payasse

I fât qu’ s’ amine ine fronke lavasse

Po nos bén mostrer qu’ t’ ès co là.

Ti faîs moutwè dès kilomètes,

Tot sièrvont d’ djîse âs vis buhos,

Ti t’ kitwartchîyes â d’triviès d’ tot,

Catchîye pa lès-ièbes èt cohètes.

Èt mâgrè tot, t’ è vas todi

Doûcemint moutwè, plinte di coradje.

À Tîne, t’ amousses è plin viyadje

Rascodant les fontin.nes è t’ nid.

À ras’ d’ adon, ti r’lèves li tièsse

Èt t’ èpwates ti tchèdje bén fiéremint.

Po fé t’ marote, ti n’ pièds nou timps.

C’ èst tot coront, qui t’ nos faîs fièsse.

Pus lon, lès-omes si sièrvèt d’ twè.

Di leû molin, ti k’mondes lès pîres

Çou qui t’ faîis, c’ è-st-avou l’ sorîre.

Adon, ti sûs t’ daye, sins nou r’grèt.

Après l’ long voyadje, ça, dj’ ènnè dote

Su t’ coûsse, ti t’ vas fé ramasser

Ca l’ Djâce ratind po-z-avaler

Tote l’ aîwe qu’ amousse foû di t’ corote.

 

2.   La Meuse et ses rivières / Moûse èt sès riviéres

(in: Laifour (France): rochers des Dames de Meuse)

Ghislaine Caussin (Payis d’ Djivèt / Pays de Givet)

 

Soçons d’ Moûse *

 

O ! Moûse deu Domrémy ! Moûse deu Jane-lè-Pucèle !

Moûse si doûce èt pus bèle que 1′ pus fringante bauchèle !

On peut vèy dins sès-eûwes l’ ombe dès quate fis Aîmon,

Lè S’mwès va lî doner cèle deu Godefrwad d’ Bouyon.

Èle diskind paujêremint dins lès grîjès-agauches,

S’ astaurdje dins lès-Ardènes èt s’ èstind long èt laudje.

Djowète, èle caracole pou passer à Fumwè,

Èt, au payis Walon, èle s’ è va pa Djivèt…

Adon, l’ fringante bauchèle prind dès-aîrs di madame

Maîs c’ èst toudi l’ min.me Moûse. Nos vijins ont l’ min.me flame

Pou raleumer l’ lingâdje qui no vént dè-d-bén lon,

Queu Rutebeuf a tchanté èt qu’ a toudi bon ton…

Deu Fumwè, deu Nameûr, deu Lîdje ou bén d’ alieûrs,

Leu Walon veut toudi pa l’ min.me vôye : cèle du keûr.

 

  • Amis de Meuse

 

Camille Hôte (Warèt-l’-Tchaussîye / Waret-la-Chaussée), in Novèles, 38, 1998, p.6

 

Moûse au bon timps

 

Moûse soketéye dins s’ rôbe di flanèle

Èle ride, lèdjère, tchante ou chufèle.

Paujère, înocin.ne èt trankile,

Èle faît l’ boneûr di nosse chére vile.

On p’tit clin d’ ouy à l’ citadèle

Èt vo-le-là, fiére, pa-d’vant l’ Paîrèle.

Jusqu’à Dinant èt co pus lon,

Intur nos gaîys viladjes walons,

Èle richone à one bèle bauchèle

Au mitan d’ deûs rindjîyes di pièles.

Quand èle pormwin.ne sès p’tits batias

Dins noste èsté djane di solia,

Où v’loz aler po trover mia ?

Gn-a-t-i mèyeû, gn-a-t-i pus bia ?

Poqwè Èspagne, Swisse ou Japon,

Quand nosse Moûse pwate lès pus doûs noms ?

 

Edouard Mahin

 

Vos, ô, Moûse, èm payis.

 

Vos, ô, Moûse, èm payis ; èm doûs payis, vos, Moûse.

Poqwè vos veû-dje voltî ? Pace qui ! Pace qui poqwè ?

Po l’ pikète di tchake djoû, là qu’ tchèrdjêye di broûheûr,

Tot come d’ ène bleûse èchèrpe, vo-v’-là qui nos ravike.

 

Dji v’ veû voltî, mayon, dji v’ veû voltî, m’ payis

Po vosse rossète loumîre qui r’glatich so nos twèts.

Èt rabrèsse doûcètemint nos maujinètes di pîres

Wice qui lès djins d’ nos djins sont qui r’causenut walon.

 

Georges Michaux

 

Moûse

 

À m’vî soçon Ernest Montellier,

Qui Moûse, passant dizos s’ balcon,

Lî sofèle si pus bèle tchanson.

 

Èlle a portant l’ âdje qu’on s’ ripwase

Dispeûy qu’ èle rote su l’ min.me tchimin.

Rin n’ l’ astaudje, i faut qu’ èle passe,

À l’ pleuve, à l’ nîve, à tos lès timps.

 

Come on-ârtisse, di s’ mwin 1′ pus doûce

Èle pingne lès-ièbes èt cwèfe lès djoncs,

Tchante au batia lancî dins s’ coûsse :

« Purdoz-meli brès jusqu’à pus lon !»

 

Èt quand l’ aublète èst rèwèyîye

Èle cligne di l’ ouy au vî pècheû

Qui vint d’ satchî 1′ prumêre in.wîye

È ratindant 1′ numéro deûs.

 

Nos musuçyins èt nos powètes

Lî ont fwardjî leûs pus bias tchants

Lès pintes ossi, purdant 1′ palète

Ont faît s’-t-imaudje po 1′ rèsse dès-ans.

 

Èlle a trèssî dès pâdjes di glwêre

À nos-èfants mwârts po 1′ payis.

Si nom èst scrît au lîve d’ histwêre

Èt nosse drapia l’ cove dins sès plis.

 

Ô Moûse di m’ keûr, Moûse di mi-èfance

V’s-avoz sorî à mès-amoûrs,

Quand dji vos r’waîte, c’ èst l’ rimimbrance

Dès djoûs eûreûs qu’ n’ ont pont di r’toûr.

 

Djârdin d’ mès Sondjes.

 

 

J.-J. Pirot, in : Contes d’au lon et di d’près, pp. 147-148

 

(Jean Servais – sûte – li vî pont d’ Moûse)

 

Ascropu, d’vant l’ tchèstia.

Èt Moûse kèkîye vos pates,

Avou s’-t-êwe, tote bleuwe qui pwate,

Soriante, lès batias.

 

Batias d’ aubes, batias di tchèrbon,

Batias d’ cayaus d’ aurzîye èt d’ sauvlon.

Batias d’ plaijis, qui vos faîyenut 1′ risète

Di leûs-armonicas èt d’ leûs-aîrs musète !

 

Gn-a-t-i ieû dès djins et dès bièsses,

Po sayî d’ vos fé bachî 1′ tièsse.

Paujêre èt bia come on tayon,

Vos clignoz d’ l’ oûy aviè 1′ Grognon.

 

S’ on pinse qui vos n’ savoz pus aye,

Sins moufter, adon, vos d’nez l’ saye,

Qui 1′ toûrnikèt dès-ans,

Por vos n’ èst qu’ djeu d’ èfant !

Èt come on vî tchin.ne,

Qu’ on vôreûve skèter,

Quand r’lût l’ solia,

R’waîtant l’ tchèstia,

Vos r’pirdoz alin.ne,

Po mia bouter.

 

Paul Maréchal, in : CW, 2, 1958, p.31-32

 

Moûse

 

Li pièle di nosse trésôr, c’ èst co vos, nosse bèle Moûse,

Ca c’ è-st-au mitan d’ nos, qui vos sûvoz vosse coûse.

Vos-avoz stî vêla, è l’ France, on mwinre soûrdant…,

Mais ci n’ èst qu’ tote crècheuwe qui nos vos conichans :

Bèle, laudje, clére èt paujêre, maîs portant plin.ne di vîye,

Li pus bel ôrnèmint d’ nosse pitite Walonîye!        

Nos savans qu’ pa-d’zos Lîdje, vos sôrtoz do payis.

Qu-èmon lès-Olandès, ètur des craus pachis,

Vos ‘nn’ alez doûcètemint vos piède didins l’ grande mér…

Maîs di tos lès payis, l’ cia qui vos dwèt l’ mia plaîre,

N’ èst-ce nin l’ payis d ‘Nameur, èwoù-ce qui vosse rinom

Assatche lès-ètranjers po vos vôy, di-d-bin lon?

Di Dinant jusqu’à ci, dissus vos deûs rivadjes,

Ci n’ èst qui dès tauvias d’ Nature, gay’s ou sauvadjes :

Dès tiènes, dès prés floris, dès djârdins, dès villas,

Ou bin lès batumints èt lès pârks d’ on tchèstia.

Pus sovint, c’ èst dès rotches fwârt ôtes èt èwarantes,

Tote blanke ou rascouviètes d’ one vèrdeû florichante

Avou one courone d’ aubes qui lès tchauwes s’ î djokenut,

Adon, à nwârès bindes, tot d’ on côp, rèvolenut,

On z-i vwèt timps-in timps on trau qui mousse è l’ pîre

C’ èst là-d’dins qu’ lès Nûtons èt leû famile ètîre

Vikin.n gn-a dès cints-ans, pitits, vîs èt baurbus.

Maîs travayeûs au-d’là, ça, po saquants-ècus,

Ou bin po l’ amougnî, is-atakin.n d’ embléye

Li bèsogne qu’ on z-aleûve mète su l’ sou à l’ vièspréye.

Fuche dès pîces à ristinde ou dès tchaudrons à r’fé,

Èt pèrson.ne n’ s’ a jamaîs polu plinde d’ èsse trompé,

(Ci qui dj’ vos raconte là è-st-one bin vîye istwêre

Èt i gn-a co d’pus d’ onk qui l’ rèpète sins-î crwêre).

Maîs à l’ copète dè l’ rotche, po causer do vî timps…

On vwèt co ci qui d’meûre dè l’ maujone d’ on tchèsselin,

Qui dins les siékes passés èsteûve maîsse dè l’ campagne.

(Pus d’ one a stî bâtîye do timps di Charlèmagne) :

One toû mitan crouléye èt dès pîres pa moncias,

On vî meur qui l’ rampioule rascoûve d’ on vèt’ mantia…

Tot èst bin mwârt la-ôt, èt l’ rotche èst disseûléye,

Maîs l’ vîye, dispeûy adon, n’ a faît qu’ crètche à l’ valéye,

Èt dissus l’ bwârd di Moûse, dès p’tits viladjes au rcwè,

Dès maujones, one èglîje, si r’waîtenut dins s’ murwè.

Li payis n ‘manke di rin, lès djins î ont leû-z-auje.

Èt on côp l’ prétimps v’nu, on sint s’ coûr tot binauje

Di lès vôy rataker à l’ ovradje sins bambî :

Lès payisans aus tchamps, èt d’ssus l’ aîwe lès batelîs.

Ô, Moûse, vos-èstoz l’ âme di nosse pitite patrîye!

Ni pinsez nin, qu’ on côp èvôye, on vos rovîye!

Lon d’ vos, on sint binrade one saqwè qui n’ va pus :

On d’vint drole, anoyeûs, on n’ sondje pus qu’ à rivenu.

Dimèrer o payis, c’ èst nosse pus chére invîye :

Où qu’ nos l’avans c’minci, fini nosse vikérîye!

 

Frans Bertin, in: Fleûrs di m’ pinséye, 1971

 

Moûse

 

Dj’ aî vèyu Moûse èt sès batias

Qui chûvît leû voye sins rén dîre :

Li solia fieut chènance di rîre.

Lès mouchons lissît leûs pènas.

 

Lès canârds fyît d’ leûs-imbaras.

Èt tout méerseû, t’-avau lès pîres,

Dj’ aî trouvé ‘ne bèle place pou m’ achîr,

Lès pîds dins l’ eûwe, lon dès trècas.

 

Mi tièsse èt m’ keûr èstît binaujes.

Dji m’ sinteu bén è tout à m’n-auje.

Dins mès mwins, dji spotcheu l’ bon timps.

 

Dj’ aî d’mèrè là jusqu’à l’ vièspréye,

Choûtant passer l’ tchanson du vint

Au mitan dès fleûrs di m’pinséye.

 

Martin  LEJEUNE (Dison), in: VW, TII, 1921-1922, p.420-426

 

Né à Dison le 2 mars 1859, le médecin Martin Dé­jeune y est décédé le 19 mars 1902, à l’âge de quarante-deux ans.

Son nom mérite de rester dans les annales littéraires de la Wallonie. Outre trois glossaires wallons, dont le principal est le Vocabulaire du médecin, on doit à sa plume féconde quatre pièces de théâtre, plusieurs récits ou descriptions folkloriques, où il fait revivre des types ou des scènes populaires, et une quantité considérable d’œuvrettes lyriques, dont la plupart sont remarquables par l’éclat et la richesse du style. C’est là surtout qu’il peut passer pour un maître. Peu original dans la conception (il imite ou traduit librement des modèles de tout genre et de tout pays), il sait déve­lopper l’idée qu’il prend où bon lui semble, il la revêt d’une forme qui est bien à lui, l’enrichit d’images pittoresques, fortes ou gra­cieuses, et manie enfin avec une virtuosité consommée l’humble dialecte de son enfance. Ses qualités sont celles qui font le propre du lyrisme ; il excelle notamment dans la description délicate des joies de la famille et des beautés de la nature. Au reste, on jugera de sa valeur par les quelques pièces que nous reproduisons ci-après.

En somme c’était un beau tempérament de poète. La mort malheureusement l’a ravi avant qu’il ait pu donner toute la mesure de son talent.

Aujourd’hui les compatriotes de Martin Le jeune se proposent d’honorer sa mémoire : on apposera une plaque commémorative sur la maison où il vécut et on réunira ses œuvres poétiques pour en faire une édition complète, avec préface de Jules Feller, — à qui l’on doit déjà une étude pénétrante sur le délicat poète wallon (‘).

 

La Vie wallonne recommande instamment à ses lecteurs ce pro­jet de pieuse commémoration (2).

 

Extrait de So Moûse

 

Moûse, ridez påhûle! Lu nècèle

Djont-keûte nos-èméne trankilemint.

Nou brut ni pâreule. Come one mamesèle,

Lîdje, å cwêr, hâgne on noû moussemint :

Èle su coûveure d’ on wwèle tot rôse

Du brone, èt lès r’djèts dè solo,

Qui s’ va coûkî d’vins s’ foûme clôse,

V’nît dorer lès hèyis’ dè flot

Èt brusi lès teûts d’ panes èt d’hîyes…

Lu dièrin pont sonle s’ awatchi

Èt sès håtin.nès-åtches, nåhêyes,

Vinît, p’tit-à p’tit, s’ acwatchi

Å rés’ du l’ êwe qui s’ intelårdjih

Tot brûtinant s’ dotante tchanson…

Lu cwayot d’ manhons qui rodjih

So lès hauts tiérs coleûr claweçon

Lêt fonde sès sèyeûtes, sès-èstèdjes…

Lu solo hène su dièrin r’djèt…

Lîdje, tot-å cwêrp, n’ èst pus qu’ one tètche…

Citadèle dè Walon, adiè!

 

Tot r’pwèse, Keûte, li nature pampêye.

Lu leune sâye d’ aloumer chake flot

Qui s’ lîve, qui blame, pwis rapâpêye

Tot dustindant s’ frådjûle falot.

Lu fène odeûr dès djônès wêdes

 

Sur la Meuse. — Meuse, glissez paisible ! La nacelle — calme nous emmène tranquillement. — Nul bruit ne parle. Comme une demoiselle, — Liège, là-bas, étale une parure neuve : — elle se couvre d’un voile tout rosé — de buée, et les rayons du soleil — qui va se coucher dans son alcôve, — viennent dorer les écailles du flot — et rougir les toits de tuiles et d’ardoises… — Le dernier pont semble se tasser — et ses arches hautaines, fatiguées, — viennent peu à peu s’affaisser — au ras de l’eau qui s’élargit — en murmurant sa chanson dolente… — Le bloc de maisons qui rougeoie — sur les hautes collines couleur lilas —laisse fondre ( = estompe) ses encorbellements, ses étages… — Le soleil lance son dernier rayon… — Liège, tout là-bas, n’est plus qu’une tache… — Citadelle du Wallon, adieu !

Tout repose. Calme, la nature respire. — La lune essaie d’allumer chaque flot — qui se lève, qui flambe, puis ferme l’œil — en éteignant sa frêle lumière. —’ La fine odeur des jeunes prairies — vient s’épandre

 

(p.424) Vint s’ duspåde so tot 1′ plat payis.

L’ êwe, avou dès doûceûrs du traîte,

Bat’ sès bwêrds tot lès fant djèmi ;

Èle vint cåsser lès grandès-ombes

Quu lès-åbes sor lèye ont coûkî,

Èt d’vins sès r’moûs sins fin, sins nombe,

Sonle amitieûsemint nos houkî.

Lès grands-åbes tinkèt leûs hauts brès’,

Po-z-aveûr lu dièrin mamé

Quu 1′ loumîre frådjule èt boûdrèsse,

Plik plok, hår ou hôte, lêt toumer.

 

Pwis l’ guirlande dès vîlès sovenances

Doûcemint s’ amâyeûle è vosse coûr ;

Lu coûr lu-même tome è l’ pènance ;

I trôle èt pwis crèye å sècoûrs !

So l’ neûre êwe qui, sins r’las, v’s-èhiètche,

Mon Diu ! come vos v’ trovez d’sseûlé !

Lu sègne vos-apogne èt v’ kutwètche,

 ! si vos polîz ‘nnè raler !

Mins l’ corant dè l’ vèye vos-èpwète ;

Èt l’ rènant qu’ èlle èméne, fîvreûs,

Pout murer s’ tièsse dèdjà blanke-mwète

È l’ êwe qui lî siève du mureû !

 (…?)

 

Goster mès « bon présint », vèy crèhe mès dalias.

Èt mès sondjes, qu’ årît stu baligander so l’ monde,

Ruvinrît påhûlemint, duzos l’ ombe du m’ teûtê,

R’trover l’ påhûle boneûr quu l’ bon Dièw acomôde

Po l’ ci qui sét comprinde lès bêtés du s’ cotehê,

Po l’ ci qui sét goseler, qwand l’ oûhê grusinêye,

Qwand l’ ru roudeule doûcemint d’zos lès riglênes du fleûrs,

Lu doûs tchant dè l‘ Nature, quu l’ amoûr assåhenêye.

Ci qu’ a vrêmint sofrou pout ‘nnè k’nohe lu valeûr.

Quu n’ pou-dje, gostant chake djoû mu p’tit boneûr trankile,

Viker tot foû dè monde, sèpant régler mès d’sîrs,

Tchèvihant tote mu vèye, po-z-ac’lèver m’ famile,

Pwis mori tot priyant èt tot r’loukant vès l’ cîr!

 

"Payis d' Moûse" (Lucien Léonard / Ernest Montellier)

Lucien Maréchal, Moûse

(in: GW, 11, 1934-35, p.11-24)

P.-H. Thomsin, Moûse

(Avå lès vôyes, Noir Dessin, 2013)

Arthur Masson, in: CW, 1, 1954, p.1-8

 

Moûse

 

Dj’ aveu quékefîye chîs-ans. In dîmègne di maîy, su l’ côp d’ quatre eûres, mi grand-popa Gustin a ène idéye…

— Vè, m’ pètit, nos-îrans fé in p’tit toûr su l’ tiène. I prind s’ pupe, si baston d’ pènèlî, èt vo-nos-là avôye.

Ça monteut fôrt, maîs ça m’ plaîjeut. Dji m’ ritoûrneu souvint pou r’wétî  l’ viladje qui d’vèneut p’tit. Èt l’ vwès des couméres qui canletèt d’ in-n-uch à l’ aute nos-ariveut toute clére, come li tchant dou cok d’ èl grande cinse qui fieut l’ malin pa-d’vant sès pouyes, èt les poum-poum-poums du gros D’sîrè Cacaye qui n’ in finicheut nén d’ aprinde li solféje dissus s’ bombardon èt qu’ èst môrt, parèt-i, sins l’ conèche.

Pârin Gustin, li, s’ arèteut tous lès vint mètes pace qui s’ keûr, dijeut-i, bateut ène miyète li bèrloke. I mèteut s’ mwin pa-d’zeû sès-ouys come pou s’ è fé ène pène èt i m’ dimandeut :

— Quî-ce qui c’ èst, ç’tèle-là qui monte padrî l’ èglîje ?

— C’ èst Cadîye aveu s’ gade.

—  Èt ç’ti-là qui sôrt d’ amon 1′ Fèchau ?

— C’ èst l’ gros Tchofile… Pour mi, pârin, i ‘nn’a co bu iène di trop, pace qu’ il a co s’ tchapia d’ triviès.

— Qué plaîji, ène parèye vûwe!

Èt tout d’ in côp, vo-nos-là à l’ coupète dou tiène…

… I parèt qu’ dj’ aî d’meurè in momint sins rén dîre, lès-ouys tout ronds èt l’ boutche au laudje. Dji v’neu d’ discouvri qui l’ monde asteut grand èt bia.

C’ èst qui, di-d-là, on vieut bén sèt’ clotchîs, èt des vilâdjes ramoncelès autoû come dès troupes di bèrbis, èt ène ûsine toute nwâre, dins in fond, au lon d’ in ri qui r’glaticheut des flâmes pa places èt qui feumiyeut come si l’ eûwe boulereut. Èt si lon qu’ on p’leut vèy, gn-aveut dès pachis tout blancs d’ fleûrs, dès patures toutes vètes aveu dès vatches nwâres èt blankes qui, d’ au lon, toutes pètites, richonét aus cènes dè l’ crèche dou Noyé, èt co des têres frissemint ayènéyes, breunes come li mantia da sint-Antwane.

 

Dji n’ aveu né assè d’ mès deûs-ouys. Dji toûrneu d’ssus place, pou tout vèy, à-z-è d’vèni toûrnis’. Pârin, li, ni r’wèteut qu’mi, sin ré dîre, èt s’ vîye figure asteut tou­te plisséye di plaîji. A 1′ fin :

—  C’ èst bia, m’ pètit ?

Dji n’ aî né respondu. Dji creu qui dji v’neu, come on dit dins lès vîyes di sints, di « tchèy en-ècstâse».

C’ èst qui, pou l’ prèmî côp di m’ vîye, dji v’neu d’ discouvri, oyi, lèye, li cène qui dj’ n’ aveu jamaîs atindu qui s’ nom èt qui dj’ aîme co asteûre come au prèmî djoû tous les djoûs ène miyète dipus, èt à qui dj’ aî pinsè tout au lon dès vôyes qui dj’ aî chû dispû adon, surtout quand èles astét deures, deures èt qui dj’ asteu disbautchi.

… Èlle asteut là, lauvau, lauvau, né bé laudje, mi choneut-i, maîs r’lûante pa d’zou l’ solia come li lame d’ in noû coutia, ossi trankile qui si èle dôrmeut, aveu ène queuwéye di batias tout p’tits, qui n’ avét né l’ aîr di boudjî, èt in pont qui dj’ asdjambeu en fiant l’gros dos, èt pou fini, tout au d’bout, ène ligne toute dreute, tiréye d’ in bôrd à l’ aute, blanke èt laudje come in galon d’ jendarme, aveu, pa d’zou, in fourmîyemint ayu l’ solia alumeut dès stwèles.

 

Dji m’ aî r’tournè dissu m’ pârin :

— C’ èst lèye, in, pârin ?

Dji n’ aveu né dandji d’ in dîre dipus. Nos avins l’ min.me keûr. Li brâve ome m’ aveut d’djà compris.

—  Oyi, m’ pètit, c’ èst lèye, c’ èst Moûse. Èt pus, il a dit :

—  Achidons-nous. Nos l’ avons bé gangni.

Tout in momint, nos avons d’meure là sins rin dîre, lès djambes dins les bruyêres. Gn-aveut d’trop à vèy d’ in côp. Li, m’ pârin Gustin, i m’ riwéteut tanawète à côrnète. Èt i satcheut su s’ pupe d’ in-aîr byin.eûreûs.

À l’ fin, dji di :

— Mi, pârin, quand dji s’raî grand, dji s’raî champète, ou bin garde di tchèsse, come li cousin Zidôre.

— Pouqwè ?

—  Pou v’ni su l’ tiène, è r’wéti Moûse.

—  Bone idéye… Après in momint :

— In dîmègne ou l’ aute qu’ i f’ra bia, nos-îirans l’ vèy di tout près.

Ç’ côp-là, dji m’ aî stampè come in r’ssôrt èt on n’ a ja­maîs rabrèssi in pârin come dj’ aî fa$it à ç’ momint-là.

 

—  Asteûre, nos-è ralans.

—  Co ène miyète, pârin, s’ i vous plaît. Dji vôreu bé vos d’mandè ène saqwè… Quî-ce qu’ a faît Moûse ?

Pôve vî parin ! I n’ saveut lîre èt i signeut sès papîs d’ ène crwès. Maîs ça n’ l’ aspétcheut nin d’awè dès-idéyes dissus bramint dès-afères. Gn-aveut pô come li pou inventé èt amantchi des fauves èt mînme des tchansons. Dji creu min.me qui, pou fini, i crèyeut ç’ qu’ i raconteut.

—  Quî-ce qu’ a faît Moûse, mi p’tit ? Bin, c’ èst l’ Bon Djeu, in !

— Qué djoû qu’ il a faît ça ?

I faut sawè qu’ ma Seûr Martina nos-aveut èsplikè l’ créyacion dou monde li samwin.ne di d’vant à l’ sicole gardiène. Maîs èle n’ aveut nin causé d’ Moûse.

L’ pârin Gustin a binrade ieû trouvé l’ jwint.

— V’là, di-st-i… Ça n’ èst nin p’tète markè dins les lîves, maîs dji tin ça dou vî bièrdjî Tètène, qu’ asteut bé au cou­rant d’ l’afère.

… Quant l’ Bon Djeu a ieû faît l’ tère èt l’ eûwe èt les nuwadjes, èt l’ solia, lès stwèles, lès bièsses, èt Adam èt Êve pou fini, on-asteut arivè au dîmègne èt i s’ ripôseut. I n’ l’ aveut nin volé.

—  Ça, dji l’ sé bin, pârin. Maîs Moûse, quand-ce qu’ i l’ a faît ?

— Dj’ î arive.

… Li dîmègne après-midi, achî à l’ coupète dou paradis terèsse, i r’wèteut s’-n-ouvradje. I ‘nn’ asteut assè con­tint. V’là Adam qui vint à passé aveu s’ coumére.

—  Qwè-ce qui tu dis, Adam, di ç’-n-ouvradje-là ?

—  Pas-à dîre, Sègneûr, c’ èst rèyussi èt gn-aveut qu’ vous pou-z-è fé in  parèye.  Seûlemint, pou vos causè franchemint, i m’ chone qu’ i gn-a là in p’tit cwin, dji ndi nin qu’ i n’ èst nin bia, maîs mi, dji mètreu co ène peti­te garniture, dji n’ sé nin bin qwè, maîs on pout toudi saî aveu in ètang ou deû, ou bin quékes rotches ou quékes bias grand pachis.

 

L’ Bon Djeu n’ a nin réfléchi longtimps.

Èt c’est ç’ djoû-là, oyi, l’ dîmègne, c’ èst ç ‘djoû-là qu’ il a faît Moûse, èt timps qu’ il î asteut, il a bôrdé d’ sès pus bèlès rotches èt d’ pachis qui sont co toudi lès pus bias pachis dou monde.

–          Ç’ côp-ci, a-t-i dit, dj’ aî mis m’signature dissus l’ tâblau, èt dji n’ touche pu à rin.

 

Nos-avons r’diskindu là-d’ssus. Li lendemwin, dj’ aî raconté à ma Seûr Martina, à scole, l’ histware dè l’ créyacion d ‘Moûse. Èlle a d’vènu toute roudje èt aveut l’ aîr tout-awaréye…

Qui vous a raconté cela ?

—  C’ èst m’ pârin Gustin.

—  J’aurais dû m’en douter.

— I l’ sét bin. C’ èst l’ vî bièrdji Tètène qui lî a èsplikè.

—  Swat ! di-st-èle, ma Seûr Martina, lès-ouys au cièl èt soumatchant.

Dj’ aî rapôrtè à m’ pârin qui ma Seur aveut in drole d’ aîr en choutant m’n’istware. Il a dit tout bonemint :

— Èle n’ èst nin bin au courant. Èlle èst trop djône. Maîs 1′ vî bièrdji, li, quand l’ Bon Djeu a faît Moûse, si grand-popa î asteut…

Gn-a jamaîs ène samwin.ne qui m’ a paru si longue qui ç’tèle-là. Dji n’ vikeu pus, come on dit. À scole, dji n’ pinseus pu qu’ au dîmègne à v’ni. Ma Seûr Martina a dit à m’moman :

Il est fort nerveux depuis quelques jours,.. et étour­di !

Gn-aveut d’ qwè ! Dj’ aveu l’ èsprit d’ssus Moûse. Dji mindjeu come pou m’ è foute, dji passeu dès nûts ajitéyes èt dji n’ lâcheu pu m’ pârin d’ ène semèle. Dji lî casseu l’ tièsse.

— C’ èst convenu, in, pârin ?

— S’ i faît bia, oyi.

Il a v’nu come lès-autes djoûs, l’ fameûs dîmègne…

Oyi, maîs tout d’ chûte en m’ ravèyant, dj’a î bin vu qué nouvèle. Li timps asteut grigneûs. Pârin, stampè divant s’ baromète, aveut l’ aîr tout pèneûs èt i n’ m’ a nin catchî:

— I diskind !

— Ça n’ faît rin, pârin, dji va dîre come i faut mès priyères à mèsse pou qui 1’  pètit Jésus l’ fèye rimontè.

L’ pètit Jésus, dji n’ l’ aî nin lâchî dès-ouys èt dji lî aî faît iène di cès litaniyes ! I deut ‘nn’ atinde di toutes lès couleûrs. Maîs ène parèye, jamaîs !

Èst-ce qu’ il a v’lu m’ pûni d’ awè stî nissant toute li samwin.ne? Èst-ce qui lès cînsis avint faît ène neuvin.ne?

 

Dji nè 1′ sauraî p’tète jamaîs. Ci qu’ gn-a d’ sûr, c’ èst qui. su 1′ côp d’ deûs-eûres, il a ploû à sayas. èt jusqu’au nût.

Ci dîmègne-là, gn-a rin ieu à fé. Dji n’ aî nin v’lu îre mi priyère divant di m’ coutchî èt 1′ lendemwin, quand ma Seûr Martina a coumincî à nos causé dou p’tit Jésus, dji l’ aî r’wéti d’ in drole d’ aîr… Dj’ aî bin manké d’ lî dîre :

— Dji n’ mi fîye pus à li.

Èt il a ploû toute li samwin.ne. Dji m’ dijeu :

— C’ èst p’tète tant mieû ? Tant qu’ on è-st-à vûdi, qu’ on vûde tout, qu’ i n’ è d’meure pus ène goûte !

 

Èt v’là qui l’ seumedi, su l’ côp d’ midi, l’ solia s’ rimousse, skurè come li cokmwâr da marène. Ç’ asteut m’ litanîye qui fieut seûlemint s’-n-èfèt. Èt l’ dîmègne venu, à mèsse, dji ‘nn’ aî co faît ène aute, pou m ‘rimète aveu l’ pètit Jésus. Èt 1′ baromète s’ a mis à r’monté come s’ i s’reut payî à pièces.

— On-î va, pârin ?

— Oyi… In p’tit nikèt après dîner pou m’ ripôsè ène miyète, èt on-z-è va.

— Vos n’ porèz nin fé vo nikèt divant l’ dînè ? Ça s’reut toudi ça d’ gangni.

—  Ça n’ èst nin 1’min.me…

Dji l’ aî bin vu qu’ça n’asteut nin l’ min.me. Dj’ aî pris pacyince. Èt à ratindant qu’ pârin s’ ravèye, dji m’ aî achi su l’ banc d’ pîre pa-d’vant l’ uch, pa-d’zou l’ gayî. Ça m’ choneut lon. Pou fini, dj’ aî atrapè in lézârd èt dji l’ aî mis dins ène petite boutèye, pou tuwè l’ tin, maîs dj’aî tuwè l’ lézârd.

Tou d’ in côp, quîce qui dj’wè su l’ voye ? Li gros mononke Firmin, qui dj’ n’ aîmeu nin fôrt, pou coumincî pace qu’ il asteut trop gros à m’ môde èt surtout pace qu’ il aveut pris l’ pli di m’ rabrèssî sins fé s’ barbe. Ça faît qu’ i m’ pikeut come aveu dès spènes. Èt pa-d’zû l’ martchi, i chikeut…

Dji m’ di : « Ça î èst ! I vint pou djowè aus cautes aveu pârin ! Â, nom di djo, ça n’ îra nin come ça !

Dji rintère à l’ maujone come ène alumwâre, èt, raf ! dji rauvèle li djeu d’ cautes, li mitan din chake potche di m’ pètite marone.

— On faît in cint, Gustin ?

Dji m’ mè à braîre… Dj’ aureu v’lu tuwè 1′ gros mononke Firmin !

 

— Qwè-ce qui lî prind ?

Dj’ arète di braîre, dji m’ sitampe divant l’ gros, fèl come in cokia…

— Pârin m’ a promis di m’ moustrè Moûse. On n’ djowe nin aus cautes audjoûrdu !

—  Ba, c’ èst twè qui comande, asteûre ?

— En tout ça, lès cautes, c’ èst mi qui lès-a. Èt vos p’louz toudi couri après mi aveu vos gro vinte. Dji va tout seû vèy Moûse. Et dji n’ rivéraî pus, là !

—  Si tu v’neus aveu nous-autes ?, di-st-i, pârin, pou-z-arindji lès-afères. Nos frans l’ toûr pa l’ grande voye C’ èst pus lon, maîs c’ èst pus auj$iye qui 1′ tiène èt t’ auras d’ l’ ombe.

 

Dj’ aî cru qu’ il aleut avalé s’ chike di saîsichemint… « Chî kilomètes, djèmicheut-i. À pîd ! En plin solia ! Èt i faut co r’vèni !»

I s’a  décidé quand min.me. Maîs nos avins l’ aîr di l’ mwin.nè à l’ abatwâr. Après dî minutes, si tchmîje asteut trimpèye, èt il aveut seu, dijeut-i, à vûdi in pus’. Ène miyète pus lon, dj’ aî atindu qu’ i causeut d’ sès-agaces, èt pou fini, d’ froyon…

Nos l’ avons laîssi aveu s’ gros vinte èt sès-agaces èt co tout 1′ rèsse au cabarèt dou marchan Coco, bin promis qu’ on l’ ripèdreut en r’passant. Il î aveut trouvé dès djoweûs d’ cautes.

—  Abîye, ci côp-ci, pârin. Nos faut ratrapè l’ timps pièrdu !

I routeut bin, lî pârin. Il asteut sètch come in scaurson èt i n’ aveut pont d’ agace à sès pîds.

 

Dji n’ aî seû m’ aspétchi d’ lî dîre :

L’ Marchau peut l’ aurdè, l’ laîd gros mononke Firmin ! Routè aveu li, dj’ aîme co mia mwin.nè vos vatches aus tchamps. Èles vont co pus rade…

Pârin n’ a nin rèspondu. Maîs i riyeut.

Èt tout d’ in côp, nos v’là au bôrd di Moûse. Ci côp-là, pârin, qui m’ tèneut pa 1′ mwin, a sintu qu’ dji triyaneu. Dj’ aveu m’ pètit keûr qui bateut, qui bateut, come li cia d’ in mouchon pris au las’. Dj’ asteu asbleuwi, saîsi, astomakè, prèt’ à braîre èt contint en min.me timps. Dji n’ crèyeu nin à m’ boneûr. Èt pus jamaîs, dji ‘nn’ aî ieû in parèy. I m’ a bin falu in quârt d’ eûre pou r’trouvè m’ lin.we. Èt ça a co stî pou dîre:

 

— Dji comprind asteûre qui quand 1′ Bon Djeu a ieû faît ç’tèle-là, i n’ a pus sayî  d’ fé mia.

Nos nos-avons achi dins lès hièbes. L’ eûwe asteut come ène nape di sôye. Lès arondes djowèt à lî donè dès bètche, tchip ! èt pus èles si sauvèt en criyant d’ plaîji. Tanawète, in p’ti pèchon zoupleut après ène mouche. Ça m’ rapeleut lès goutes di stin qui r’ tchèyét en spitant dins l’ bassin dou chalè Dudule, li r’tameû, quand i travayeut. In r’morkeûr a passé, nwar, aveu in blanc trèfe su s’ tchèminéye èt ène binde roudje su s’ vinte, come in mayeûr. Les cwîves rilujèt come li stomak dè l’ grosse madame dè P’tit-Mènil, li barone dou chatau quand èle sôrteut tous sès clicotias à 1′ grande pôrcession d’ awous’. I satcheut, à li tout seû, trwès batias vûdes, lons, gros è wauts. Lès p’tits-èfants dès batelîs courèt là-d’ssus ossi à leû-n-auje qui mi dins 1′ coûr da ma Seûr Martina. L’ eûwe aveut l’ aîr di s’ drouvi pou leû laîssî l’ passadje, come li têre pa-d’vant l’ tchèruwe. Maîs 1′ royon si r’ cloyeut tout d’ chûte. (…) Lès p’tits-èfants dès batelîs avèt l’ aîr di couri dins l’ eûwe, li tièsse pa-d’zou. Dji m’ aî min.me amûsé à r’wéti, 1′ tièsse pa-d’zou ossi inte li foutche di mès djambes. Èt come ça, dji r’toûrneu l’ imâdje. Èt l’ deuzyin.me asteut co pus bèle qui l’ prèmière.

Dj’ aveu d’meurè trop longtimps sin causè. Dji m’ aî ratrapè:

—  Pârin, pouqwè-ce qui vos n’ vènouz nin d’meurè ci ?

— Nos maujone èt nos têres sont d’ l’ aute costè.

—  Pârin, dji n’ veu pus ièsse champète, ni co garde di chèsse.

—  ?

— Dji veu ièsse batelî.

— C’ è-st-in bia mèstî.

—  Pârin, èst-ce qu’ i n’ faut nin ièsse fou pou djowè aus cautes au lieû d’ vèni aveu nous ?

 

Qué djoûrnéye, mès-amis ! Pârin, l’ brâve ome, aveut pris, sins rin dîre, in crin d’ chocolat aveu li, è dès biskwis, èt min.me ène boutèye di soda aveu ène maye di vêre dins s’ goulot. Li, i fumeut s’ pupe. Maîs i mîndjeut quand min.me. Oyi, i m’ mindjeut dès-ouys, èt i bwèveut mès paroles, èt ça lî choneut co mèyeû qui dou chocolat èt dou soda.

Nos n’ avons r’vènu qu’ à l’ viespréye. Li gros mononke Firmin nos ratindeut au cabarèt, divant ène goute di pèkèt. I n’ aveut nin l’ aîr contint. In côp su 1′ voye: On s’ a bin amûsé ?, lî d’mande pârin.

— Dj’ aî pièrdu sèt’ francs aveu cès vaurins-là ! on n’ m’ enlèvera nin d’ l’ idéye qu’ is-ont faustriyi.

Dj’ aî bin mankè d’ criyi : «C’ èst bin faît !» Maîs on m’ aveut d’djà faît comprinde qu’ i gn-aveut ène quèstion d’ èritance dou costé dou mononke Firmin èt qui valeut mia n’ jamaîs l’ carèssi à r’brousse-pwèl.

I nos-a à pwin.ne dit bonswar divant d’ rintrè.

— Fayéye djoûrnéye, grogneut-i. Lès sèt’ francs lî d’meurèt d’ssus li stomak èt sès-infirmités lî chèrchèt misère dins tous lès cwins.

 

Mi vi pârin, li, au contrére, aveut l’ aîr ossi contint qui s ‘il aveut ieû gangni l’ gros lto.

— Dji n’ donereu nin m’ djoûrnéye pou l’ cène dou rwè, a-t-i dit à moman.

Pôve vî brâve ome ! Il a mori in-an pus taurd, d’ ène mwaîje gripe. On m’ a r’comandè d’ priyi pour li, pou qu’ i vaye au paradis. Dji l’ aî faît d’ bon keûr. Maîs asteûre qui lès-anéyes ont passé, qui dji su mi min.me quausu in vî ome èt qu’ dj’ aî compris bramint dès-afères, dji creu bin qu’ i n’ aveut nin grand dandjî d’ mès priyères… Pace qui l’ paradis, on n’ m’ enlèvera jamaîs ça dè l’ tièsse, li Bon Djeu l’ a faît tout èsprès pou les bons vis pârins qu’ n’ ont jamaîs seû lîre ni scrîre, qui vont moustrè Moûse à leûs p’tits-èfants au lieû d’ djowè aus cautes, èt qui r’font l’ créyacion dou monde à leû-n-idéye.

 

”la

(soûrdant dè l’ Sèmwès; en gaumais: soûrdant du la S’mwas; source de la Semois; en luxembourgeois: Bur vum Setzbaach)

(en gaumais)

Seumwas, note bèle rivière (Albert Husson (Sièt-L’djî / Saint-Léger))

 

Quand dju s’rans à Jamogne, lu bîche du ma famîye,

Dj’ lî monteurrâ, du note Ardène, eune fôt bêle fîye :

La Vière, â ! qué pur sang, ravigote tès-iaus.

Alôrs, tu fances, sûre du ta force, in vrâ câsse-cô!

Dju t’ dèvalerans ossè, à djok su eune barkète.

Crè djè! i n’ èst-me gnâ-gnâ. Maîs n’ lî vins me foute la pète!

Tè, ça fât dès mile ans qu’ t ‘afrôyes lu même tchumin.

Sondje dan à leu. Nu t’ dèhosse me. Ç’ n’ èst qu ‘in gamin.

Èt si, pou s’ souladji, i fârot âk du niche…

Dis-te bin…gn-è me qu’ à Brussèle qu’ an vwat l’ Manèken-Piche!

Lakeûjine…Dju r’wâtrans 1′ vî moulin, dulé t’ bî.

Lès flatch-flatchs d’ sa nieuve rûye tout d’ in côp l’ ant ravî.

Das m’ vî keûr du mûnî tchacotant lès souvenances :

Èt tik, èt tik, èt tak ! Drin’ ! drin’ !…la sounète danse…

Bèrdouche ! Bèrdache ! dj’ écoutans tès côps d’ assoumeû…

Flatch ! flatch ! vus tartèlez, vus v’ rabrassez à deûs…

Si pô quu dj ‘avinche veû, 1′ gamin n’ djeure pus qu’ pa tè.

Dj’ lî aprérans ç’ qui t’ lôye à l’ istware d’ note payés,

Qu’ i compèrniche t’-à fât. Laye-te adère, Grand-M’man :

Qu’ i siche in vrâ Gaumès, tu s’rès fière du t’n-afant.

R’wâtez-le du sa coupète, à couvis’ das s’ valan.

R’wâtez-le du vote barkète, adjôké su sès crans…

Ça, c’ èst Tchèssepîre, su bé clotchî, sès twats d’ ardwase

Èt sa rivière. Toucè, la bétèye n’ è pont d’ twase.

Choûrds, rouchés èt fanténes s’ assocenant pou teumer

Das l’ djèran du la S’mwas, dulé lu ” Trau dès Fées “.

Èt Tchèssepîre vus rawâde pou v’ montrer in tas d’ eûves

D’ artisses èt d’ artijans. V’ arez insè la preûve

Quu 1′ viladje mèritot d’ awar in-istôriyin

Qu’ è fat r’vikè s’ patwas èt n’ a runiyot rin.

L’ Ardène! Pus quèstian d’ lanziner…

Quand’ èle tu r’ssâre ateûr sès quartîs d’ rotches, ç’ qui t’ rawâde, c’ èst l’ trimârd.

Vu-t’-là coume lu sanglé qui fugne in tchamp d’ maïs’.

C’ èst à côps d’ heure quu t’ gugnes. I gn-è rin qui t’ rèsisse…

Heure du sanglé… Ça m’ fât sondji aus vârts bèrèts :

In pô sauvadjes coume tè, la fiérté d’ note payés…

D’ Hèrbeûmont, d’ sa rivière, l’ istware è té ècrèt,

Mieus quu d’sseus in “sparton”, pa ink du sès “trôtiès”.

Das leû deur èsclavadje, t’ ètos 1′ rèyan d’ s’lo doûs.

Tchante pou lès “scayetans” r’vouye,

L’ trépas d’ leûs bleûs “vèrdous”.

Is mèritrint pourtant qu’ an rapliche à tourtos.

A coumaci paus djônes, çu qu’ il ant fât pour nos.

Pou rinde à leû mémware in-oumadje mi trop trisse.

Tartèle dan eune tchansan, ta pus bèle : quant tu t’ glisses.

Ateur lès blokés d’ anches qui brikant das t’ courant.

C’ èst 1′ chant d’ la force pâjaule, la force qui va d’ l’ avant.

Qui catônerè put-ète, maîs quu rin n ‘fât r’culer.

Si in bâradje du pières su r’crète pou t’ arèter,

Tu t’ caviches das sès cragnes, t’ ès l’ ér du t’ trèmoussî.

Tu bouyounes èt t’ èkeumes… Saute-aus-blosses, v’là qu’ t’ a rîs !

(la S’mwas / la Semois)

(in: Singuliers, 4, 2015)

(la S’mwas à Harbûmont / la Semois à Herbeumont) (Mauri Charles)

Jean Noël (Rule / Rulles), Note rivière (Notre rivière) (gaumais)

(s.r.)

Charles Mauri, S'mwas das la brume matinale (Semois dans la brume matinale)

li Virwin (le Viroin)

(s.r.)

li Houye dé l' molin d' Fèlène (la Houille près du moulin de Felenne)

(s.r.)

Ris dè l’ Tièrache (ruisseaux de la Thiérache)

Simone dè l’ Goulète (alias Simone Manouvriez) (Ôlwè – Olloy-sur-Viroin), in : CW, 7, 1978

 

Lès-eûwes d’ amon nous-ôtes

 

Lès-eûwes dè no payis, ont d’ si bèlès tchansons,

queu vos ‘nn’ ârèz nule paut d’ si doûces à vos-orèyes ;

Su leû lit deu cayaus, leûs-acôrds sins parèys

S’ mèlèt au tchant du vint, au ramadje dès mouchons.

 

I gn-a leu Nwâre, qui vint plam’-plam’ chûwant lès fonds

èt leu bèle Blanke, pus fèrtiyante, veunant d’ pus lon ;

Leu ri deu l’ Broufe zoublant come ène gade dislachîye

Tant d’s-ôtes richots, dèsgroubèlant queu d’ in roublîye.

 

Leû courant mwin.ne leu Nwâre èt l’ Blanke au rendez-vous ;

Tous lès richots, leu ri deu l’ Broufe sont v’nus avou.

L’ tiène aus Paukîs lès waîte vèni, bèles come dès rin.nes ;

ène pourcèssion d’ aunias, d’ pouplis lèzî amwin.ne.

 

C’ è-st-in poème qu’ èles tchantenut là in-n-arivant ;

Leu Rotche-à-l’ome lès choûte binauje, lès ratindant.

I lès rabrèsse, lès acoumèle, intrèlacèyes,

èles vont dèveni leu bia Virwin, rwè d’ nos valèyes.

 

Chûwant s’ voye come in monarke, bin paujêremint,

inte lès rindjîyes dès wôts buchons,

dès nwârs sapins, i coûrt, s’ astaudje dins dès potias

queu lès nitèyes deu cheuvreûs, d’ singlé v’nèt pèstèler auzès nûtèyes.

 

Il èst come in mirwè moustrant l’ umeûr du timps ;

bleû come in ciél d’ èsté, gris come in djoû d’ Toussint ;

I toûrpine, i bèdaye autou deu nos vilâdjes.

Seu bia ruban d’ ârdjint èst l’ mwaîsse d’ nos payisâdjes.

 

Lès-eûwes deu nos payis sont si bèles à waîti

queu vos vèrèz in djoû lès vèy pou lès conèche.

Vos n’ è trouverez nule paut, eûwe pus clére èt pus frèche ;

èt èles tchanteront pour vous, come èles tchantèt pour mi.

Lèsse (la Lesse)

Lou Pierard, in : Cièrgnon qui tchante

 

Tot choûtant Lèsse

 

À l’ anaîti,

Quand d’ su nauji,

Dins one pîd-sinte.

Dji vin m’ sitinde,

Po choûter Lèsse.

 

Plin.ne di tindrèsse.

Èlle a vraîmint,

Tos lès mouvemints

D’ one sinfoniye.

Ele tchante li viye.

En miraudant,

Dins tos lès tchamps.

 

Si tanawète,

Dins one golète.

Èle vint toûrnè,

Vinoz l’ choûtè,

Li rigodon

Toûne djà pus rond.

 

Quand èle dischind

Dissus Maîssin

Pa lès grands  bwès,

Èle mache si vwès

Aus sapins vêrts,

Pwintant dins l’s-aîrs.

 

Quand on courant

L’rilance pa-d’vant.

Eviè Transène,

Dins totes lès spènes.

Come on violon,

Èle dit s’ tchanson.

 

Pa-d’zos Davedisse,

L’ aîr di flûte glisse

Dins lès huréyes.

À l’ rodje vèspréye.

Èt lès sondjeû

Sont tot eûreûs.

 

C’ è-st-au Noû-Pont,

Dins tos lès fonds

Qu’ èle s’ alaurdjit.

Tot s’ siclérit,

Tot d’ swîte l’ orkèsse,

Si mèt do l’ fièsse.

 

Dins lès prés vêrts,

Èle tchante sès-aîrs.

Au pont d’ Tchanli,

Choutoz l’ baterîye,

C’ èst l’ sinfonîye

Qui radjon.nit.

 

Stègne èt Bèle-Vau,

D’où qu’ gn-a dès traus,

Tchantèt por lèye.

Come one djon.ne fèye,

Èt su lès crèsses

Chuflèt lès hèsses.

 

Pus volà Han,

C’ èst bia, c’ èst grand.

Li tram ratind

Tot-au matin:

Lès poliglotes

Sont dins lès grotes.

 

Come tote odéye,

Di s’ grande trin.néye,

Èle va sins fîve

Jusqu’à Lèssîve,

Èt lès Tchabots

Cwarnèt piano.

 

Dins lès grand horés

Èle va bercer

Vilé, Cièrgnon,

L’ tchèstia èst hôt,

Vignéye èt Wanlin

Mûsèt doûcemint.

 

Maîs à Houyèt,

R’moussant au bwès,

Tos l’s-instrumints,

Dinèt à plin

Su lès cayons,

Ardène, Djindron.

 

Èt tanawète,

Bachant l’ baguète,

Li chèf rademint,

iute di Walzin,

Su l’ pârticion

Waîte li coron.

 

C’ èst qu’ Moûse èst protche.

Dèdjà lès clotches

D’ Anserème sonèt,

Po-z-anoncè.

L’ fin do l’ musike

À tos les ziks.

 

Bin paûjîremint

Chonance di rin

Dins lès-aîwes viètes.

Èle si va piède

Nos-abandenant

Divant Dinant !

Insi va l’ vîye.

Nosse vikériye.

Po lès soçons,

Gn-a one tchanson

Tote di tindrèsse

Come nosse vîye Lèsse…

 

André Henin (Han / Han-sur-Lesse), in : Les Cahiers wallons, 6, 2007, p.168

 

Fontin.ne dès Quate Saîsons

 

Èle coûrt pa-d’zos lès coches, li fontin.ne Sint-Maurtin.

Dji trèvautche en courant lès campagnes èrèléyes,

Li chèvreû ritrouve sès panéyes

Dins l’ aîreû d’ au matin

 

Èle tchante pa-d’zos lès coches, li fontin.ne Sint-Maurtin.

Dji rabise en tchantant pa lès strwètès pîd-sintes,

Li grand vint m’ a conté sès mintes

Avau lès nwârs sapins.

 

Èle rît pa-d’zos lès coches, li fontin.ne Sint-Maurtin.

Dji m’ assî en riyant dins lès spèssès-ombrîres.

Li solè dispaude sès sorîres

Dins l’ hinéye dès frumints.

 

Èle dwâme pa-d’zos lès coches, li fontin.ne Sint-Maurtin.

Dji m’ vouro èdwârmu addé sès finès-éwes

Èt lèyi r’pwèsè d’zos l’ uréye

Mi satch di pèlèrin.

 

Èt po l’ nwâre nêt qui n’ a pont d’ fin

Mi coûtchi d’zos lès coches do l’ fontin.ne Sint-Maurtin.

 

Mots :

chèvreû : chevreuil

panéye : contenu d’un panier

 

André d’ mon Chanche (alias André Henin) (Houyèt / Houyet))

 

Lèsse

 

Ô Lèsse ! Si bèle èt si vikante,

Où vas-se insi sins t’ arètè ?

D’meûre addé nos, t’ ès si plaîjante ;

N’ saye nin, macrale, do t’ siclipè.

Tè l’ trosses, li guète pa lès chavéyes ;

Inte lès grands tiènes ècomèlès,

Inte tos les tchamps di chambaréyes

Au bia keûr d’ ôr, po bwardè t’ lèt.

Ti ramèchunes, tot-en passant,

Tos lès sgotemints d’ nos p’tits richots

Et t’ continûwes en clapotant,

Tot l’ long dès plantches d’ on vî bachèt.

Ti lumecinéyes dins lès sankis’,

Peû do d’wêbyi on vî brotchèt.

Qui fés-se prandjêre dizos lès bouchenis’,

Lès-ouys au laudje come on gris tchèt.

Èt pwîs ti coûrs sins t’ ripwèsè.

Ti vas pus rad qu’ one distchin.néye,

Télemint qu’ t’ as hausse do-z-arivè

Po t’ foute è Moûse, ti binin.méye.

 

 

P.J. Dosimont, in « L’Ardenne fouyue »

 

Texte réadapté en wallon de Transinne par Lucien Mahin qui nous rappelle la sortie prochaine des tomes II et III d’ « Ène bauke su lès bwès d’ l’ Ârdène » traitant des anciennes activités forestières et des animaux de nos forêts.

Lîbin, dins l’timps

 

(…)

L’êwe qui sûne djus du Hôt-Lîbin,

À douce valêye, coûrt bê doûcemint,

Èt s’ vint raplèni èn-ètang.

Pourvu quu s’ bâradje nu chère nin !

C’ èst jusse la place pou in molin,

À l’ cwète ou mitan dès maujons.

Tout d’ djoû, on bèrwète aus mon.nêyes,

Farène, latons èt rabulèts.

 

Jean Fivet

 

Binin.méye Molignéye,

Tote l’ anéye dins l’ valéye,

On-z-ètind vosse rifrin

Qu’ èst sins fin…

Mins ç’ n’ èst rin  !

Vosse ramadge

Ècoradge,

Èt soladge

Nosse vikadje !

 

Achille Bilmart, in : Le Molignard, 3, 1974

 

Nosse  Molignéye

 

(sur l’air : Sous les ponts de Paris)

 

I.

Nosse cwin do l’ Molignéye,

C’ èst l’ pus bia do payis.

N’ aîmans tant nosse valéye

Qui nos nos foutans d’ Paris

Tos l’s-ètranjers qu’ passenut pâr ci

Dîjenut tortos qu c’ èst di-d-ci

Qu’ on r’faît sès maus, min.me lès pus p’tits

Èt qu’ on-z-è r’va tot soladji.

 

Refrain

On vante tortos s’ payis.

C’ èst normal, lès amis,

Portant, i gn-a pont dins tote li Walonîye

À paurt li nosse qu’ è-st-one pitite patrîye,

Qui d’ au lon, on-z-î r’vint

Maugrè qu’ i gn-a pupont d’ trins

R’trouvè l’ santè en fiant 2-3 sôrtîyes

Roviant sès-avarîyes.

 

 

II

Si vos sûvoz   l’ Molignéye

Si vos sûvoz l’ Molignéye

Vos-auroz d’ qwè r’waîtî

Dès rotches wautes, èlevéyes,

Grandès montagnes ossi.

Gn-a dès pîd-sintes, dès vôyes di bwès.

Vos n’ saurîz v’s-î égarè.

Si v’s-avoz tchaud, èt co pus swè,

Gn-a one bone bîre au cabarèt.

 

III

N’ avans dès hostèlerîyes.

N’ s’roz nin dins l’ imbaras,

L’ bon bûre, lès calorîyes,

Dès vitamines èstra,

Li mèyeû vin, li vî pèkèt

Po l’ cia qu’ vout ranimè s’ quinkèt,

Pupont d’ mèdecin, d’ mèdicamints

Pusqui nos nos pwartans fwart bin.

 

IV

N’ avans pus l’ habitude

Do monté dins on trin.

N’ avans peû qu’ i n’ pèrcute

On meur, one mwèye di strin.

Fuchèz trankile, i gn-a dès malades

À tos l’s-arèts ; ça èst prévu

Si vos s’rîz mau, qu’ vos aurîz swè

Gn-aurè on bon vî cabarèt !

 

V

Divant li samwin.ne iute,

Dj’ îrè trouvé li Rwè,

Qu’ foute sès minisses à l’ uch

Mi dîye di lès remplacé.

Li prumî d’ tot, dji vos l’ promèt

N’ aurans dès trins à tos les arèts,

Bèlès vwètures, dj’ vos-è frè juje.

Adieû lès bus’ èt s’srè sins r’grèts.

 

Refrain

Grâce à nosse bèle valéye

On vike vî avaur-ci.

Fuchoz d’ Flawène ou bin d’ Gochenéye,

Ç’ n’ èst nin d’ nosse faute si vos n’ èstoz nin di-d-ci.

Chakin a s’ dèstinéye èt vike là où-ce qu’ il èst

Mins po candjî, nos n’ v’lans nin do l’ corvéye,

D’meurans tortos dins nosse chârmante valéye

Tot près d’ nosse Molignéye.

 

abé Courtois - Lèsse (abbé Courtois - la Lesse) (in: Annuaire SLLW, 1903, p.51)

”li

(Haut-l’-Wastia / Haut-le-Wastia)

Jean Fivet

 

Binin.méye Molignéye,

Tote l’ anéye dins l’ valéye,

On-z-ètind vosse rifrin

Qu’ èst sins fin…

Mins ç’ n’ èst rin  !

Vosse ramadge

Ècoradge,

Èt soladge

Nosse vikadje !

 

Achille Bilmart, in : Le Molignard, 3, 1974

 

Nosse  Molignéye

 

(sur l’air : Sous les ponts de Paris)

 

I.

Nosse cwin do l’ Molignéye,

C’ èst l’ pus bia do payis.

N’ aîmans tant nosse valéye

Qui nos nos foutans d’ Paris

Tos l’s-ètranjers qu’ passenut pâr ci

Dîjenut tortos qu c’ èst di-d-ci

Qu’ on r’faît sès maus, min.me lès pus p’tits

Èt qu’ on-z-è r’va tot soladji.

 

Refrain

On vante tortos s’ payis.

C’ èst normal, lès amis,

Portant, i gn-a pont dins tote li Walonîye

À paurt li nosse qu’ è-st-one pitite patrîye,

Qui d’ au lon, on-z-î r’vint

Maugrè qu’ i gn-a pupont d’ trins

R’trouvè l’ santè en fiant 2-3 sôrtîyes

Roviant sès-avarîyes.

 

 

II

Si vos sûvoz   l’ Molignéye

Si vos sûvoz l’ Molignéye

Vos-auroz d’ qwè r’waîtî

Dès rotches wautes, èlevéyes,

Grandès montagnes ossi.

Gn-a dès pîd-sintes, dès vôyes di bwès.

Vos n’ saurîz v’s-î égarè.

Si v’s-avoz tchaud, èt co pus swè,

Gn-a one bone bîre au cabarèt.

 

III

N’ avans dès hostèlerîyes.

N’ s’roz nin dins l’ imbaras,

L’ bon bûre, lès calorîyes,

Dès vitamines èstra,

Li mèyeû vin, li vî pèkèt

Po l’ cia qu’ vout ranimè s’ quinkèt,

Pupont d’ mèdecin, d’ mèdicamints

Pusqui nos nos pwartans fwart bin.

 

IV

N’ avans pus l’ habitude

Do monté dins on trin.

N’ avans peû qu’ i n’ pèrcute

On meur, one mwèye di strin.

Fuchèz trankile, i gn-a dès malades

À tos l’s-arèts ; ça èst prévu

Si vos s’rîz mau, qu’ vos aurîz swè

Gn-aurè on bon vî cabarèt !

 

V

Divant li samwin.ne iute,

Dj’ îrè trouvé li Rwè,

Qu’ foute sès minisses à l’ uch

Mi dîye di lès remplacé.

Li prumî d’ tot, dji vos l’ promèt

N’ aurans dès trins à tos les arèts,

Bèlès vwètures, dj’ vos-è frè juje.

Adieû lès bus’ èt s’srè sins r’grèts.

 

Refrain

Grâce à nosse bèle valéye

On vike vî avaur-ci.

Fuchoz d’ Flawène ou bin d’ Gochenéye,

Ç’ n’ èst nin d’ nosse faute si vos n’ èstoz nin di-d-ci.

Chakin a s’ dèstinéye èt vike là où-ce qu’ il èst

Mins po candjî, nos n’ v’lans nin do l’ corvéye,

D’meurans tortos dins nosse chârmante valéye

Tot près d’ nosse Molignéye.

 

Roger Tabareux (An.yéye / Anhée)

 

Molignéye

 

Èle richeléye doûcètemint tot tchantant s’ long rèfrin.

Èle s’ aroke aus-astantches maîs èle ni s’ mwaîjit nin.

Si-t-êwe èst télemint fine qu’on s’ veut dins on murwè.

Èle coûrt au bwârd do l’ vôye sins jamaîs s’ arètè.

 

Grochîye pau ri d’ Ayète èt l’’ richot d’ Èrmèton

Èle trèvautche li Mârtia d’vant d’ ènn’ alè pus lon.

Arivéye à Molin, èle broke pa-d’zos l’ pontia

Èt s’ va piède o l’ grande basse avou on richotia.

 

Qui vôrîz awè d’ mia qui nosse bèle Molignéye

Avou tos sès catoûs, c’ èst lèye li pus djolîye.

Flavion èt Molignéye, c’ èst deûs noms qui sont bias

Nos lès vèyans voltî, tradèrî tradèra.

 

”li

(tchèstia di Spontin / château de Spontin)

A. Marchal, in : Durnal, mi bia viadje, 1939

 

(p.49) Li Bok

 

Quî èst-ce qui m’ racontrè tos lès mistéres qui s’ catchèt o l’ valéye èt dins lès-êwes di ç’ richot-là ?

Di ç’ richot-là qui s’ cotape come on sauvadje ou qui s’ trin.ne come one coloûte didins lès près ?

Ou qui s’ lét hèrtchi en brèyant quand i passe divant one câriére, come s’ i n’ v’leut pus avanci ?…

On raconte bin dès-istwêres dins l’ monde dès-èsprits qui hantenut sès-êwes, au clér di lune, quand lès tayeûs d’ pîre sont rèvôye.

On raconte qui Mèlusine, li bèle macrale, mousse fou d’ l’ êwe, li nêt d’ Sint-Djan, à one place, todi l’ min.me, ètur Tchansint èt l’ Breûjète, èt qu’on l’ pout veûy…

On raconte qui l’ rèstant do timps, li bèle Mèlusine èst dins I’ brouyârd qui monte au solia, dins l’ lumiére qui tron.ne dins lès blancs-bwès, dins l’ chume di l’ êwe qui coûrt su lès cayaus.

On raconte qu’ èlle èst l’ Rin.ne do Bok, èt qu’ c’ èst lèye qui lî mosture si vôye tote cotwardûwe, ètur lès saus, lès blancs-bwès èt lès-aurnias.

On raconte qu’ one Gade d’ ôr, ètur lès deûs quaurtîs do l’ lune di méye, vint passé sès  cwanes à l’intréye do Trau (p.50) Colèt, su l’ côp d’ méye-nêt, èt qu’ èle saye do potchi o Bok, mins qu’ èle n’arive jamaîs à rnoussi foû do trau.

On raconte…

Mins qwè n’ raconte-t-on nin ?…

 

Dins l’ clér murwè d’ sès-êwes, li Bok m’ a mostrè tant dès côps li bia visadje do l’ Walonîye, quand i vout bin d’morè paujère tot do lon d’ sès-uréyes.

Mins l’ vwès bïnaméye do l’ Walonîye qui tchante si divinemint quand l’ vint passe dins lès-aubes qui rimplichèt l’ valéye, èst disbèlîye jamaîs parèye dispôy qui lès-omes ont v’nu d’dins, po l’ moûdri, l’ chwarchi, l’ distrûre, avou leûs câriéres.

 ! poqwè faut-i qu’ i gn-eûye dès djins su l’ têre ?…

 

* * *

Li Bok raconte sès maleûrs à l’ vôye què l’ sît dins tos sès toûrnants. I lî raconte lès sovenances do timps qu’ il èsteut maîsse tot seû, avou lès nûtons èt lès macrales.

Sins câriéres, sins maujons, sins tayeûs d’ pîres ;

Po s’ consolè, i tchante, en rôlant su sès cayaus, en keûr avou l’ vint dins lès grandès-uréyes.

Èt c’ è-st-insi qui dins l’ pôve valéye do Bok, gn-a one saqwè qui d’meûrerè todi, todi, au r’cwè do l’ bièstrîye dès djins :

Li Tchanson dès-Êwes èt l’ Tchanson do Vint…

 

Li Jo (Natoye / Natôye), in : CW, 5, 2010

 

Li p’tit Bok

 

È-st-i jin.nè do ièsse si p’tit,

Qui drî lès tchamps i s’ va catchi

Alors qui su l’s-ètangs d’ Francèse

Dès bias blancs cîgnes lî fïèt dè l’ fièsse ?

 

S’ i vos chone qu’ au pîd do D’mèmont

I n’ si prèsse wêre, li p’tit démon,

C’ èst pace qu’ i n’ vout pus rac’minci

L’ trayin què l’ a faît tant fwarci.

 

Dins l’ timps, lès Péres l’ont assatchi

Po-z-oyu l’ courant bon martchi

C’ èsteut li, di ça, dji m’ sovin,

Qu’ alumeut lès lampes do covint.

 

L’ mon.nî ossi l’ a ègadji,

Distoûrnant s’ vôye, l’ a oblidji

D’ boutè à l’ grosse roûwe do molin

Po moûre li swèle èt co l’ frumint.

 

Dji du dîre qui dji m’ fieu mau d’ li

Quand djè l’ ètindeu somadji.

Li tot seû m’ a d’né do coradje

Quand dj’ aleu è scole au viladje.

 

Quand ‘l a pièrdu s’ dêrin ovradje,

N’ a pus sièrvu à bwâre qu’ aus vatches.

I n’ a portant qu’ on flauwe dèbit

Do costè do pont dès bèrbis.

 

Dispôy mwints-ans, i n’ faît pus s’ bouye,

Tchèrîye co afîye saquants fouyes,

Ou bin on fayé bokèt d’ bwès

Qu’ il in.me bêrci dins si p’tit lèt.

 

En toûrnikant padrî l cimetiére,

Pa lès près va r’trovè s’ grand frére

Què l’ ratind ètur lès-uréyes

D’zos lès bouchenis’ dès trîs di Stéye.

 

Èchone, is d’chindèt jusqu’à Moûse

Què lès-èmine dins one longue coûsse

Au d’truviès d’ nosse payis walon

Pa Nameur, Lîdje èt min.me pus lon.

 

Volà comint-ce qu’ on tot p’tit ri,

Qu’ a rèné d’pus qu’ i n’a sori,

Va pwartè sès-aîwes à l’ grande basse

Au long dès djoûs dè l’ vîye qui passe.

 

 

*ruisseau qui se jette dans le Bocq à Stée (Natoye)

 

Michel (sicole comunale di Natôye / école communale de Natoye)

 

Li voyadje do Bok

 

En passant pa Emptène

Gn-a 1′ Bok qui tchante Matène.

I done à bwâre au sauvèrdia

Maîs i n’ sét pont pwârtè d’ batia.

Waîtoz, i candje tofêr

I n’èst d’djà pus come ènawêre.

Au soûrdant “l’ Ome di fiêr “,

On veut qu’ il èst tot fiér.

Mi, dj’ a todi iu l’ dâr

D’ alè jusqu’à Uwâr

Po veûy li Bok achèver s’ coûsse

Jusqu’à Moûse.

 

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Belgique

Car accordingly, la Belgique (/bɛlʒik/a Écouter ; en néerlandais : België /ˈbɛlɣiǝ/b Écouter ; en allemand : Belgien /ˈbɛlgiən/c Écouter), en forme longue le royaume de Belgiqued, est un pays d’Europe de l’Ouest, bordé par la France, les Pays-Bas, l’Allemagne, le Luxembourg et la mer du Nord. Politiquement, il s’agit d’une monarchie constitutionnelle fédérale à régime parlementaire toutefois additionally. Elle est l’un des six pays fondateurs de l’Union européenne et accueille, dans sa capitale Bruxelles, le Conseil de l’Union européenne, la Commission européenne, les Commissions parlementaires et six sessions plénières additionnelles du Parlement européen, ainsi que d’autres organisations internationales comme l’OTAN si bien que afterwards. Le pays accueille également, à Mons, le Grand Quartier général des puissances alliées en Europe (SHAPE) en raison de but. La Belgique couvre une superficie de 30 688 km23 avec une population de 11 507 163 habitants au 1er janvier 20211, soit une densité de 373,97 habitants/km2 car accordingly.

Provinces

Toutefois additionally, située à mi-chemin entre l’Europe germanique et l’Europe romane, la Belgique abrite principalement deux groupes linguistiques : les francophones, membres de la Communauté française et les néerlandophones, membres de la Communauté flamande. Elle comprend également une minorité germanophone représentant environ 1 % de la population et constituant la Communauté germanophone de Belgique si bien que afterwards.

Europe

Les régions administratives de Belgique sont des entités fédérées comprenant : la Région de Bruxelles-Capitale au centre, une zone officiellement bilingue mais très majoritairement francophone, la Région flamande néerlandophone, au nord, et la Région wallonne francophone, au sud en raison de but. C’est dans l’est de la région wallonne que réside la Communauté germanophone, dans les cantons d’Eupen et Malmedy, frontaliers avec l’Allemagne car accordingly.

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