FRANCE WALONE

FRANCE WALLONNE

JÈNÈRÂLITÉS

GÉNÉRALITÉS

Roger et Johan Viroux

PLAN

1 Toponimîye do Payis d’ Djivèt / Toponymie du Pays de Givet

2 Histwêre / Histoire

3 La langue wallonne au Payis d’ Djivèt / La langue wallonne au Pays de Givet

Djivèt (Givet)

 

1 Toponimîye do Payis d’ Djivèt / Toponymie du Payis de Givet

1

Djivèt

Givet

10

Landritchamp

Landrichamps

2

Fwèche

Foisches

11

Vireux-Molè

Vireux-Molhain

3

Fromelène

Fromelenne

12

Vireux-Valerand

Vireux-Wallerand

4

Han

Ham-sur-Meuse

13

Montigni

Montigny-sur-Meuse

5

Rancène

Rancennes

14

Fèpè

Fépin

6

Hîdje

Hierges

15

Harnîye

Hargnies

7

Aubruve

Aubrives

16

Haîbe

Haybes

8

Tchau

Chooz

17

Fumwè

Fumay

9

Tchaurné

Charnois

18

R’vin (à)

Revin

 

2 Histwêre do Payis d’ Djivèt / Histoire du Pays de Givet

(èglîje Notrè-Dame di Djivèt / église Notre-Dame de Givet (Claude Stroppa), in: Ardenne wallonne, 97, 2004)

Histwêre / Histoire

Joseph Chot, Sous la coupe des sans-culottes de Givet (1792-1794), En marge de l’histoire de Belgique, s.d.

 

(p.23) GIVET qui, le 23 juin 1763, avait vu naître le musicien Méhul dont le Chant du départ, composé en pleine Terreur, allait bientôt vibrer dans la bouche des sol­dats de l’An III, paraît avoir hésité tout d’abord à se prononcer en faveur des idées qui enfiévraient la France et qui servirent de prélude à la Révolution. Ayant changé de nationalité depuis l’an 1679, (*) trop éloignés de Paris, mal renseignés à l’origine

 

(1) C’est en 1679, par le traité de Nimègue, que Givet est devenu fran­çais. Plus tard, en 1772, le traité des Limites conclu entre le prince-évêque de Liège et Louis XV partagera définitivement en deux l’ancien comté d’Agi-mont. Givet resta à la France, et la nouvelle frontière fut celle qui sépare encore aujourd’hui la province de Namur de notre grande voisine du sud.

 

(p.24) sur ce qui se passait en la capitale, plus Wallons en somme, plus gens du Pays de Liège que Français, les Givetois de 1789, au même titre que les habitants d’outre frontière, ont accueilli avec réserve les premières nouvelles relatives au grand mouve­ment de rénovation qui s’annonçait. Sans doute n’auraient-ils jamais songé à s’insurger contre l’ancien régime si, par con­tagion, la fièvre révolutionnaire ne les avait gagnés à leur tour. Du fait qu’ils bornaient leur idéal au maintien de la vitalité de leur modeste industrie et de leur petit commerce, du fait aussi qu’ils étaient, comme nous allons le démontrer, moins accablés d’impôts que leurs compatriotes du sud, et qu’ils ne connaissaient plus les obligations féodales, la plu­part d’entre eux se trouvaient satisfaits de leur sort. Leur ville cernée par les terres liégeoises, ne communiquant avec la France que par un mauvais couloir sans route pratica­ble et par des plateaux sylvestres aux chemins détestables, fut comme oubliée, délaissée au début, alors que les premiers nuages de la terrible tourmente qui allait gronder, s’amassaient dans le sud. Comme par le passé, la cité continuait à mener l’existence calme qui était sienne au temps où elle faisait encore partie du comté d’Agimont. Mais un siècle s’était écoulé de­puis. Pour que les habitants de Givet et de Charlemont accep­tassent avec plus de spontanéité et d’enthousiasme dès l’abord les nouvelles des premières victoires populaires, il eût fallu qu’ils fussent par l’âme, les mœurs et l’intérêt, foncièrement Français, ce qu’ils n’étaient pas alors, et pour cause. Avant le traité de Nimègue (1679), la ville, avec Charlemont, était incorporée au comté d’Agimont et était réunie de ce fait, pour l’administration politique et pour la police générale, au Département et Pays de (p.25) Luxembourg dont, en 1623, elle avait adopté les coutumes (1). Mais si, de tout temps, Givet et Charlemont furent considérés comme le chef-lieu du comté, la souveraineté réelle en apparte­nait au prince-évêque de Liège et, partant, les Givetois jouissaient des mêmes droits, des mêmes privilèges d’exemption que tous les habitants de la principauté. De plus, les incessantes relations commerciales que valait à la ville son important débouché vers le nord, avaient développé entre gens des frontières de puissants liens d’amitié, de solidarité, voire même de parenté. Tour à tour Charles-Quint, qui construisit la forteresse de Charlemont, et ses successeurs, avaient eu soin de respecter les privilèges des Givetois. Et les rois français, Louis XIV et Louis XV, en avaient fait autant. Dès lors, on s’explique parfaitement pour­quoi la ville et la région hésitèrent un instant à se rallier à la révolution. Ils n’avaient à protester ni contre des abus révol­tants, ni contre des droits féodaux et lourds impôts depuis long­temps supprimés, ni contre quelque tyrannie. Si, en 1788, à la nouvelle de la convocation des Etats généraux, ces Ardennais se décident, avec les habitants de Philippeville, Mariembourg, Re-vin et Fumay, villes françaises, à rédiger un cahier de doléances qui sera envoyé à Versailles ( ), ils seront uniquement guidés en la circonstance par le seul désir de sauvegarder leurs anciennes franchises liégeoises, lesquelles avaient fait d’eux des favorisés au regard des autres citoyens français. Et si, sous Louis XVI, ils se démènent, avec leurs frères des quatre villes précitées, pour ne point dépendre, quant à l’administration, de la Cour française du Hainaut siégeant à Valenciennes, c’est, encore une fois, pour ne rien perdre de leurs libertés.

 

(1-2) Lartigue. Id. p. 273 à 294.

 

(p.84) Quand les envahisseurs de 1914 passèrent par Hastière, pillant, incendiant, fusillant prêtres et civils, quels fauves n’étaient-ils donc pas en comparaison des sans-culottes et des soldats de Givet ?

 

(p.119) /en Belgique/

 

Si des culitivateurs, des fermiers fuient à l’approche des sans-culottes de Givet  , s’ils se réfugient dans les bois, avec leur famille, leur bétail, leur argent, il est des villageois qui attendent les intrus. Telle (p.120) localité, nettement révolutionnaire, comme Treignes, les reçoit même avec force manifestations de joie. Les harangueurs, les commissaires de la commune ou de l’armée sont arrivés les pre­miers, apportant aux populations convoquées sur les places pu­bliques, à ses nouveaux frères libérés, le salut de la République victorieuse. Procédé habile, insidieux, qui prépare le terrain, qui invite les auditeurs à sourire aux escouades qui vont se présenter dans un but inavoué, mais que les paysans soupçonnent parfaite­ment. A peine arrivés, les sans-culottes pénétrent en l’église du village, bien entendu. Si pauvre qu’elle soit, elle possède au moins un ciboire, un vase sacré, un ostensoir et une cloche… La popu­lation laisse faire. Le prêtre, les femmes ont fui ou se sont enfer­més chez eux. Les hommes regardent et ne disent rien. Quelques-uns fraternisent avec les pillards et participent parfois aux mêmes déprédations. Je sais par tradition qu’à Olloy, par exemple, à l’ar­rivée des brigands de Givet, deux paysans, deux frères, furent les premiers à enlever les statues_de_saints, taillées à même le bois, qui se trouvaient dans la vieille petite église, et à les~bruler sous les yeux des révolutionnaires réjouis. Malgré tout, l’élément pauvre de la population, celui qui n’avait rien à perdre et tout à gagner, fraternisait, à l’occasion, avec cette tourbe, soit par fai­blesse, par peur, par intérêt aussi. Le riche fermier, le commer­çant, le bourgeois cossu qu’une belle maison, qu’une mine floris­sante désignaient à l’attention de la bande de gerfauts, avaient surtout à subir l’épreuve, redoutable pour leur bourse, que leur ménageaient leurs nouveaux maîtres.

Delecolle et son frère opèrent de leur côté. En ces derniers temps, le maire, pour sa part, a laissé là les églises et s’est spé­cialisé en l’art de s’approprier pour le compte de la République

(p.121) les objets en fer, en cuivre, en bronze et en plomb que réclament les arsenaux. Le papier aussi, voire même celui des livres de messe, est réquisitionné partout ; les cartoucheries en font une énorme consommation (1). La papeterie de Moulins, appartenant au sieur Queritet et à la veuve Keusters, a dû céder 7.191 livres de papier à Delecolle qui la visita en personne (2). Quelques jours après, le « délégué officiel » apparaissait à Evrehailles, pénétrait dans la brasserie Delandre et y enlevait toutes les pièces en cuivre et en fonte (3).

A cette date, Dinant eut beaucoup à souffrir de la tyrannie du « Vandale » Delecolle. Ayant appris que plusieurs habitants s’étaient enfuis, celui-ci se rendit aussitôt en cette cité avec sa garde de dragons, força les portes des maisons bourgeoises aban­données et en enleva tous les meubles que des chariots ramenè­rent à Givet. Revenu une seconde fois, en compagnie de Mune-ret, commissaire de guerre, il fit enlever les toitures de plomb qui couvraient certains couvents de religieuses ( ) et les fit met­tre en bateau. Puis il frappa tous les habitants de très fortes taxes. Du coup les sympathies des Dinantais pour la Révolution, se refroidirent.

Les entrepôts de Givet, les églises et les couvents furent, dès ce moment, remplis des objets les plus hétéroclites provenant sur­tout des maisons d’émigrés.

La ville de Chimay qui, dit une lettre de Behr à la Convention, « n’est qu’un ramassis d’aristocrates » est à son tour frappée de taxes nombreuses et imméritées. (5)

 

(1)  Antoine : Ham-sur-Meuse p. 147, en note.

(2)  Arch. du dép. S. et Meuse, (mai 1795).

(3)  id.

(4) Dossier crim. Déposit. du 68me témoin et de Jos. Quéritet, de Dinant.

(5) Arch. num. Reg. II-16 frimaire an 2.

 

(p.141) Il n’y eut que les châteaux de Hierges, de Beauraing et de Focant qui devinrent la proie des flammes ; mais nul n’a jamais pu compter combien de maisons furent pillées, combien d’habi­tants furent exploités, détroussés, brutalisés. Ajoutons le nombre incalculable d’amendes infligées aux récalcitrants, les taxes et les impôts tombant à tort et à travers sur la population, les réqui­sitions forcées et sans cesse renouvelées, l’effroi que répandaient dans le pays les bandes de gens armés, et l’on comprendra, par un tel bilan, quel malaise dut paralyser pendant deux ans les bonnes volontés des habitants de la région.

Quelques jours après l’exécution de l’ancien maire, dont le fils servait en ce moment sous les drapeaux et se trouvait à Maestricht, il advint que ce jeune soldat demanda à l’un de ses compatriotes, (p.142) soldat comme lui, qui venait de recevoir des nouvelles du pays :

— È bin, l’ ami, qué novèle à Djivèt ? Et cet ami, hochant la tête, de lui répondre :

— Vos l’ v’loz sawè ?… È bin, fieus, on-a côpé l’gôrje à vosse pa gn-a ût djoûs su l’ Place dé Mézière (1).

 

 (1)   Dr Beugnies, id., juin 1795

li tchèstia d’ Hîdje, brûlé en 1792 / le château de Hierges, brûlé en 1792 (s.r.)

Djivèt (Givet)

à R'vin (Revin) - l' èclûse (l'écluse)

R'vin (Revin)

Fumwè (Fumay) - tchapèle Sinte-Crwès (chapelle Sainte-Croix)

(in: Ardenne Wallonne, 97, 2004)

 

Li langue walone o payis d’ Djivèt / La langue wallonne au pays de Givet)

 

Jules Waslet, LE DIALECTE WALLON DU CANTON DE GIVET,

in : Ardenne wallonne, 97, 2004, p.54-59

 

introduction

 

Le Givetois, parler du canton de Givet (Ardennes), étant une branche du Wallont a sa part d’importance dans l’étude de la langue nationale, issue comme lui du roman ; il mérite donc d’être connu et conservé dans sa forme actuelle, c’est-à-dire avant d’avoir franchi d’autres étapes dans la transformation lente et incessante qu’il subit. Sans doute, notre wallon a un tempérament robuste et vivra longtemps encore ; mais si l’introduction progressive des mots français ou étrangers qu’il s’assimile augmente son vocabulaire, elle en restreint proportionnellement le vieux fonds indigène, et il est à craindre que le noyau le plus intéressant de cet idiome ne soit ou délaissé pour cause de vétusté et de non-emploi, ou encore entièrement délayé et rendu méconnaissable au milieu des éléments nouveaux que lui imposeront de plus en plus le développement de l’instruction de la civi­lisation et les inventions de toutes sortes. Déjà, de nos jours, certains mots comme cwameji, tchèyère2, mayeûr3, etc., tombent en désuétude et font place à d’autres plus mo­dernes ou d’apparence plus élégante : côrdonié, chame, mère, etc. Où trouvera-t-on plus tard, si ce n’est dans les livres, les noms de broyé4, spindje5, auspe6, djaulwinne1, et les verbes spindji, sercf, des mots employés couramment naguère, mais inusités depuis que l’on ne cultive plus le chanvre dans notre pays et que nos ménagères ne filent plus au moulin (rouet) ? Autant de pertes qui ne se répareront jamais et que d’autres suivront fatalement. C’est donc un devoir de sauver de l’oubli, au nom de la science et de la pos­térité, ce qui reste du langage de nos pères : nous avons tenté de le faire pour le wallon du canton de Givet.

 

* Extrait de la Revue d’Ardenne et d’Argonne, tome XVIII, n°6 (1911). A. W. republie ce texte qui, mal­gré une approche philologique forcément datée, présente toujours un vif intérêt documentaire, le parler givetois ayant pratiquement disparu. L’auteur, natif de Ham-sur-Meuse, était professeur au Lycée de Laon. Nous aimerions posséder sur lui de plus amples renseignements biographiques.

 

(1) Cordonnier ; on peut écrire aussi cwam’ji.

(2) Chaise.

(3) Maire.

(4) Instrument pour broyer le chanvre roui et séché.

(5) Instrument pour teiller le chanvre et débarrasser la filasse des débris d’écorce qui y adhèrent.

(6) Dévidoir pour transformer en écheveau le fil de la bobine d’un rouet.

(7) Dévidoir au moyen duquel l’écheveau était mis en peloton.

(8) Peigner la filasse sur un séran ou peigne à dents fort longues.

 

(p.55) Dans la bouche de nos ancêtres, le roman a subi des détériorations et des transfor­mations qui ont donné au givetois une originalité qu’accentuent encore les variantes constatées d’une localité à l’autre. Il est, par conséquent, nécessaire d’adopter une or­thographe appropriée aux exigences de ce langage ; à cette condition seulement, on pourra en reproduire exactement la prononciation, l’allure et les idées. Nous écrirons donc le wallon pour lui-même, tout en tenant compte de son analogie avec le français, mais sans nous préoccuper outre mesure de ce brillant congénère, dont les anomalies orthographiques sont, du reste, suffisamment connues.

(p.56) Les consonnes autres que celles dont il vient d’être question se prononcent comme en français sous les réserves formulées plus loin (voir règle n°2). Voici maintenant les conventions orthographiques.

1° D’une manière générale, les consonnes doubles sont supprimées : pomi (pom­mier), donè (donner), bêle (belle), anonci (annoncer). Il est fait exception pour ss et rr, dont l’emploi est parfois indispensable : assire (asseoir), ; courrèt (il courrait, condition­nel présent), maisse (maître), se prononceraient avec un seul s ou un seul r : azir, courèt (imparfait), maize. Les nasales an, ain, in, on, peuvent aussi être suivies d’un n ou d’un mt mais ces consonnes n’ont aucune influence sur le groupe qu’elles suivent, comme on l’a vu au tableau précédent.

2° Les consonnes finales douces b, d, v, dj, g, sont conservées devant une syllabe muette, bien qu’elles se prononcent comme les fortes correspondantes/?, t, f, tch, c ou k, parce qu’elles reparaissent devant une syllabe masculine. Ainsi on écrit :

baûbe       barbe         qui se prononce     baûpe          à cause du dérivé       baûrbu

pinde        pendre                                  pinte                                           pindu

noûve       neuve                                    noûfe                                          nouvîa

ramâdje    ramage                                  ramâtche                                     ramadji

On retrouvera les mêmes consonnes douces dans les terminaisons où elles précèdent une syllabe muette qui a amené la chute de IV ou de Vr qui les accompagnait : sâbe (sa­bre) dérivé sabré, sâbe (sable) qui a formé sablé, bien que ces mots se prononcent sape l’un et l’autre. On écrit de même cwade (corde) à cause de cwardia (cordon), coutwade (tordre plusieurs fois), dont le dérivé est coutwardu ; gwardje (gorge) qui a formé sgwardji, etc.

3° La diphtongue française tion est remplacée par don ou par sion : acsion (action), flicsion (fluxion), invencion (invention).

4° L’// muette est facultative, mais il est préférable de la supprimer, on écrira abit, orne. L’h aspirée est peu usitée en givetois, on ne la trouve que dans quelques noms plu­riels : les hayes (les haies), des haurts (des harts), des haufes (des gaufres).

5° Les consonnes ph, rh, th, sont remplacées par f, r, t : ex. Téofile (Théophile), téyâte (théâtre), reûme (rhume).

6° Ainsi qu’on l’a vu plus haut, la diphtongue française oi est supprimée ; la forme wa en tient avantageusement la place en facilitant la lecture.

7° Devant les voyelles e, é, è, ê et /, le q suivi de Vu peut être remplacé par un k dans les mots patois n’ayant pas de similaires en français ; ou encore pour abréger l’orthographe d’un certain nombre d’autres ; ex. : brokè (se précipiter dans), bokè (mor­ceau), blanki (blanchir).

8° Ainsi qu’on l’a vu dans le tableau phonétique ci-dessus, Vy remplace toujours ill (deux ll mouillés) et ne se lie jamais aux voyelles a, e, o, u, qui le précèdent immédia­tement : ayi (oui) se prononce a-yi ; grèyi (gril) se lit grè-yi ; boya (boyau) bo-ya ; etc.

9° L’apostrophe (‘) indique Félision d’un e ou d’un / ; placé à la droite d’une consonne, il la rend sonore : enlev ‘mint (enlèvement), c ‘esst ‘in fou (c’est un fou), il esst’à scole (il est à l’école), dans ces deux derniers cas, la consonne t’ se fait sentir sur l’/ de in et sur la préposition à.

10° La consonne s est seule employée pour marquer le pluriel : des claus (des clous), des chous (des choux). Les noms en ai ne changent pas al en aux : des caporâls, des (p.57) générâls, des animâls, etc. ; en revanche on dit : in marchaû (un maréchal-ferrant).

11° Au pluriel, la terminaison féminine se prononce parfois et s’écrit ès : dès bèlès grandès djônes fiyes (de belles grandes jeunes filles).

 

* *

Le givetois se divise lui-même en deux sous-dialectes, ceux d’AYI et d’OYI, d’après la manière d’exprimer l’adverbe d’affirmation oui. A chacune de ces divisions corres­pondant des différences notables dans la composition de certains mots, surtout dans le radical et la terminaison des verbes.

Les localités où l’on dit qyi sont d’abord le chef-lieu de canton, Givet, dont les ha­bitants, en général, parlent français, mais peuvent, à l’occasion, s’exprimer en patois. Viennent ensuite les communes de Fromelennes, Landrichamps, Chamois, Rancennes et Chooz. Le wallon de ces localités diffère peu et présente certaines analogies avec le na-murois. Ham, Vireux-Wallerand, Vireux-Molhain, Hierges, Aubrives et Foisches em­ploient le lange d’oyi ; bien que l’adverbe ayi soit usité dans les trois dernières localités, c’est le sous-dialecte d’oyi qui est surtout en usage.

Examinons maintenant les caractères généraux du givetois considéré dans son en­semble ; les exemples sont empruntés au langage de Ham ; nous mentionnerons ensuite les variantes que l’on constate d’un sous-patois à l’autre.

Nos wallons appliquent largement le principe du moindre effort dans la prononcia­tion et simplifent le corps des mots avec une remarquable facilité ; ils escamotent l’e muet presque partout ; par contre, les syllabes finales sont souvent fort longues ; ils pro­noncent rar’mint (rarement), bèl’mint (doucement), scay’teu (couvreur en ardoises), etc., sans laisser entendre Ve muet ; mais ils disent capâbe, malade, life (livre ou lièvre), passéye (vente), brèssiye (brassée), grûwe (grue), en prolongeant la dernière syllabe. Ce qu’ils détestent surtout, c’est l’hiatus ; et, pour l’éviter, ils intercalent entre deux voyelles consécutives w, y ou z ; ex. : buwyée (lessive), thérûwe (charrue), Léyon (Léon), anéye (année), on z’a v’nu (on est venu), on va z’y aie (on va y aller). La voyelle / s’ajoute aussi après Vs des mots débutant par sb, se, sp, st, que précède une consonne finale so­nore ou une syllabe muette. Ainsi on dit : leû scole, li maisse di scole (leur école, le maître d’école), in sbara, in bie sbara (un épouvantail, un bel épouvantail) ; mais on emploie sicole, sibara, après une syllabe féminine en disant : voss ‘sibara, nosse sicole. Un grand nombre de mots wallons commencent ainsi par sb, se, sp, st, contrairement au français qui, fréquemment, fait précéder ces groupes d’un e euphonique. La même voyelle / s’élide dans le préfixe ri, équivalent à la particule française r’ après une syllabe masculine ; ex. : dji va l’riqué ; dji va r ‘què-m ‘pa (je vais le rechercher ; je vais recher­cher mon père). Les mots wallons qui s’emploient ainsi avec la forme diminuée sont très nombreux. Enfin les noms français bête, fête, perche, tête, ver, etc., se disent en givetois bièsse, fièsse, piètche (perche, poisson), pièsse (perche, grande gaule), liesse, vièr, etc., avec intercalation d’un i après la consonne initiale.

Dans un certain nombre de mots, la syllabe française ar se rend en wallon par aur, tandis que, dans d’autres, or devient war. Font partie du premier groupe : laurd (lard), îaurdji (tarder), paurt (part), paurti (partir ou partager), saurt (sart) ; le second com­prend notamment bward (bord), mwart (mort), fwart (fort), twardu (tordu), dwarmi (dormir), fwardji (forger), etc. Ainsi qu’on le voit, la présence de IV fait donner à la syl­labe ar la valeur approximative de or et au groupe or celle de war ; mais ce n’est pas là une règle générale et l’on pronce sorti (sortir), môrtifyi (mortifier), ratôrtiyi (envelopper (p.58) complètement), etc., en donnant à l’o long le son prolongé de l’o très fermé. Un trait caractéristique, mais non exclusivement wallon, consiste dans le chuintement de certaines consonnes étymologiques telles que s, ss, se, x, qui se prononcent comme ch dans le françaçs « chapeau ». Ex. : achone (ensemble), cèrèche (cerise), ocha (os), mèchnè (gla­ner), dichinde (descendre), conèche (connaître), achi (essieu), tèchi (tisser, tricoter).

Les consonnes originelles c, g, j, apparaissent fréquemment, la première sous la forme de tch, les deux autres avec la valeur de dj ; en voici des exemples : tché (chien), tchè (chat), tchaleur (chaleur), tchau (viande), sètch (sec), etc., pour le chuintement du c ; et djins (gens), djambe (jambe), djône (jeune), etc., pour celui des consonnes g et/ II est assez dificile à des étrangers de prononcer tch et dj. Il faut surtout éviter d’articuler ti-e et di-e ; chaque groupe devant être prononcé d’une seule émission de voix.

Tels sont, en résumé, les caractères principaux du wallon givetois ; la lecture du Vo­cabulaire qui va suivre en donnera une idée plus complète. En voici d’autres : ils concer­nent les préfixes et les suffixes, qui vont être comparés à leurs correspondants français.

1° Le préfixe a, non seulement a la même valeur qu’en françis ; abwardèr (aborder), etc., mais, en vertu de la règle orthographique exposée au n°l (voir plus haut), il équi­vaut à ac, al, ar, etc., puis à em, en et enfin à è ; ex. : acoustèmè (accoutumer), aluwè (dépenser) – abrèssi (embrasser), aièrè (enterrer), agadji (engager), atone (entonner un liquide), adaumè (entamer), – alvè (élever, éduquer), alaurdji (élargir), etc.

Il peut prendre la forme as : asdjanblè (enjamber), aspètchi (empêcher), aspoyi (ap­puyer).

Bé, bin signifient bien : bèvnûwe (bienvenue), binauche (content).

Be, ber, bi équivalent à bis et marquent la reduplication, la répétition : bèrwète (brouette), bevûwe (bévue), besace (besace), bizète (bissextile).

Ça, cou sont augmentatifs : camoussi (moussi, se faufiler de tous côtés), coutayi (tailler en morceaux), contourné (faire des tours, des détours), coumoulu (brisé de fati­gue), s’coulapé (se débattre), couatchi (hacher menu).

Dis correspond au français dé, des, dis, et marque la séparation, le manque : dis-bridè (débrider), disbouchi (déboucher), dislogi (délier), disbiyi (déshabiller), disdjonde (séparer deux parties jointes), etc.

Intr, ater, ter ont la même signification que la préposition française entre : intrè-deû (entre-deux), aterprinde (entreprendre), atertém'(entretenir), terlardè (entrelarder), ter lad (entrelacer).

man, mau, me sont péjoratifs et ont le sens de mal : mànnèt (sale), maugrè (mal­gré), s’méjyi (se méfier).

Mèye = mi : mèye-nut (minuit), mèyes-eûres (heure indue).

Ri (r’) marque la reduplication : ristinde (repasser du linge), ristinnè (étamer), r ‘pachi (repaître), r ‘voyi (renvoyer).

“10° S (si) indique la suppression, la sortie : scwarnè ou sicwarnè (écorner), sgoutè ou .«sigoutè (égoutter), scwarchi ou sicwarchi (écorcher), scapè ou sicapè (échapper), etc.

11 ° Ter (tri) correspond au français tré, trans, et signifie à travers, au-delà : tervudi (transvaser), terbutchi (trébucher), triviès (travers).

(p.59)

Les autres préfixes ont la même signification qu’en français. Enumérons ensuite les suffixes les plus importants :

A : c’est un des plus curieux ; il marque l’action ou ce qui la produit ; ratna, ce qui sert à retenir ; oudat sens de l’odorat ; sbarat qui sert à sbarè. épouvantail ; chauffa, ce qui produit le sifflement.

Asse est péjoratif : crautiasse, qui donne une impression de graisse très désagréa­ble ; farinasse, qui ressemble à la farine ;fenasse, herbe qui donne un mauvais foin.

Adje marque l’action ; paurtâdge, action de partager ; rauyâdje1 action d’arracher les légumes ; saûrtâdge, essartage.

Ant indique la qualité : plaijanî (plaisant), anoyant (ennuyeux), coryant (souple).

Aye est souvent péjoratif : chinaye (gens de mauvaise vie), piraye (pierrailles), etc.

É, féminin éye, est le suffixe des participes passés de la conjugaison en é ou de certains adjectifs : ène cwèche casséye (une branche cassée), elle esst’arivéye (elle est arrivée), il est passé, elle estpasséye (il est passé, elle est passée), etc.

7° Le suffixe esse, comme en français, termine des noms féminins de professions : maîtresse, mônneresse (meunière), boutchresse (bouchère), cins’resse (fermière), ou encore des noms métaphysiques : setchresse (sécheresse), tchèresse (cherté), etc.

Eu, eur équivaut au français eur : voleur (voleur), minteur (menteur), coureu (coureur), pwarteu (porteur) ; le féminin est eûse : voleuse, minteûse, coureuse, pwar-teûse.

Eye marque la durée, le contenu : matinèye (matinée), djoûrnèye (journée), kiye-tèye (cuillerée), hotléye (bottée), djinorèye (contenu du giron).

10° I long termine les noms de métiers : boutchi (boucher), boulèdji (boulanger), bierdji (berger), gadli (gardeur de chèvres), goyerli (bourrelier), et ceux de certains ar­bres fruitiers : gâyi (noyer), bioki (prunier), neûji (noisetier), etc.

11° ia correspond à la finale française eau : tchapia (chapeau), tonia (tonneau), dra-pia (drapeau), flambia (flambeau).

12° Inne marque le résultat d’une action, l’état actuel : crèchinne (croissance), dôr-linne (femme qui se plaint toujours, indolente), rivlinne (bande d’étoffe, de terrain, considérée par rapport à ce qui les touche).

13° Mint = le suffixe français ment et donne une certaine solennité à l’expression : formel ‘mînt (formellement) ; derèctémint (directement), etc.

14° est péjoratif; bréyoû (pleurnicheur ennuyeux), flatoû (trop flatteur), chitoû (de santé délicate). Il correspond aussi au français : euil, eul : doû (deuil), tiyoû (tilleur).

15° équivaut au français dans biatè (beauté), mânesstè (saleté), gaiyetè (gaîté).

16° Wès a la valeur des suffixes ois, oir, dans Namurwès (namurois), Aûrdinwès (ha­bitant de l’Ardenne), sournwès (sournois), murwès (miroir), etc.

Les autres suffixes givetois ne diffèrent guère des suffixes correspondants de la lan­gue officielle.

 

 

 

in : Ardenne wallonne, 98, 2004, p.60-64 (partie 2)

 

(p.60) Après avoir énuméré les caractères les plus saillants et les éléments de composition et de dérivation du wallon givetois, examinons les variantes qu’il présente parfois d’une localité à l’autre, suivant qu’il s’agit de l’un ou l’autre des sous-dialectes. En voici quel­ques exemples :

oyi

 

ayi

oyi

 

ayi

aujèle

(oseille)

surale

fèya

(feuillet)

fouya

ave

(avec)

aveu

guèrni

(grenier)

gurni

(bien)

bin

guèrzèle

(groseille)

gurzèle

chonè

(sembler)

sànné

guèrzèlî

(groseillier)

gurzèli

cwèche

(branche)

couche

(ne… pas)

nin

cwède

(cueillir)

coude

pernèle

(prunelle)

purnèle

del

(delà)

doul

miel

(miel)

laume

dèrè

(dernier)

dérin

(rien)

rin

dijènè

(déjeuner)

dijuné

richoné

(ressembler)

rissànnè

droci

(ici)

vaici

tartine

(tartine)

fadèye (v>

drolà

(là-bas)

vailà

tché

(chien)

tchin

feye

(feuille)

fouye

suffixe âdje

(long)

adje (bref

 

On trouvera plus loin ce qui concerne les verbes.

Le patois de Vireux1 offre, à son tour, quelques différences de prononciation avec celui du reste du canton ; citons en particulier : soe (soif) qui se dit ailleurs se ; doet (doigt) au lieu de dèt ;froed (froid) au lieu àefrèd ; doer (dur) au lieu de dèr ; toet (toit) au lieu de têt ; djoe (jeu) au lieu de djeû ; yoe (œuf) au lieu de où ; bioe (bœuf) au lieu de boû.

De plus, la nasale an se prononce souvent à Vireux comme à Hargnies, c’est-à-dire on : ène tchonbe (une chambre) ; ène djonbe (une jambe). Enfin l’infinitif et le participe passé de certains verbes, au lieu d’être è, se prononcent é comme en namurois ; ex. : cassé (casser), cassé (cassé), tchônté (chanter) ; tchônté (chanté) ; sboyelé (renverser) ; sboyelé (renversé) ; de même, les terminaisons verbales en è, es, et, des localités voisines deviennent oe, oes, oet, à Vireux ; ex. : djipoes (je puis), au lieu de djipès ou djipus, i voroet (il voudrait), pour / vorèt ; / n ‘ploet maù (il n’avait garde), à la place de / n ‘plèt maù.

* Voir le début de l’article dans le n°97 d’A. W.

 

(1) Sans prétendre entrer dans le domaine complexe de la phonétique comparée (et historique), rappe­lons qu’une partie de la population viroquoise est issue de travailleurs venus du pays de Charleroi au milieu des XIXe siècle (A.. W.)

 

(p.61) Les verbes givetois se terminent à l’infinitif en e, é (comme on vient de le voir), en è, surtout en i ; ex. : djonde (joindre), prïnde (prendre), sautlé (sauter), trùnné (trembler) ; coutchi (coucher), vindji (venger).

Les verbes en e ont presque toujours, dans la syllabe finale, une consonne double qui se durcit devant cet e muet, mais qui reparaît devant une syllabe masculine. Ainsi vinde (vendre) se prononce vinte et on dit : nos vindons (nous vendons), il a vindu (il a vendu), etc. Un grand nombre de ces verbes en e ont un radical variable ; on les a rangés dans la conjugaison wallonne forte ; quant aux verbes en é, è et i, dont le radical est en général plus stable, on en a formé la conjugaison faible.

Les verbes givetois n’ont pas de passé défini, de passé antérieur, ni de seconde forme du conditionnel passé.

Le premier de ces temps se confond avec le passé indéfini ; ex. : dj ‘ai chanté signifie à la fois j’ai chanté et je chantai.

Le passé antérieur est rempkcé par le même temps surcomposé ; ex. : quand dj ‘ai yeu tchanté (quand j’ai eu chanté) équivaut à quand j’eus chanté. Il existe un plus-que-parfait surcomposé ou lointain ; ex. : si dj’avès yeu couru pus rade (si j’avais eu couru plus rapidement). Quant au mode conditionnel, il possède également un passé surcompo­sé : dj ‘aurès yeu vèyu ça voltîye (j’aurais eu vu cek volontiers).

Le singulier du subjonctif présent et celui de l’imparfait du même mode sont identi­ques, excepté pour les verbes awé (avoir) et yesse (être). Le premier fait, au présent : qui dj’oye, qui t’oyes, qu’il oye ; à l’imparfait : qui dj’eûche, qui t’eûches, qu’il eûche2. Le second se conjugue aux mêmes temps : qui dji soye, qui ti soyes, qu ‘i soye et qui dji fuche, qui tifuches, qu’ifuche. Au pluriel, on emploie de préférence le présent avec ses terminaisons onches, ouches, onchent (oyi) ou anches, oches, onchent (ayi), et on dé­laisse l’imparfait qui finit en èches, èches, èchent (oyi) et en inches, inches, inchent (ayi).

Le subjonctif est souvent remplacé par d’autres formes ; ainsi cette phrase : il aurait voulu que nous mourussions de faim, se dit : il aurèt vlu nos vèye mori d’fwin, c’est-à-dire nous voir mourir de faim. Parfois, c’est rinfinitif du verbe même qui remplace le subjonctif : il aurait fallu que nous fussions bien sots, se tourne ainsi : / nos aurèt falu yèsse bin bièsses (être bien sots). Faisons remarquer aussi que le sous-dialecte d’ayi em­ploie le pronom personnel dji (je) pour le pluriel nos, nous ; par exemple, on dit : i faut qui dj’eun’alanches au bwès, pour il faut que nous allions chercher du bois. Toutes ces formes du subjonctif sont délaissées peu à peu.

Le radical de certains verbes varie d’un sous-dialecte à l’autre ; par exemple, on dit : nos perdons, nos perdes (pour prenons, nous prenions) ; dji vès, ti vès, i vêt, vènous (je viens, tu viens, il vient, venez) ; dji vès, ti vès, i vêt (je veux, tu veux, il veut) en langage d’oyi, et nospurdans, nospurdins ; dji vins, ti vins, i vint, vinos ; et dji vus, ti vus, i vut en patois d’ayi.

Quant aux terminaisons, elles diffèrent aux mêmes personnes et aux mêmes temps, mais elles sont identiques pour tous les verbes de chaque subdivision. Voici le tableau de ces désinences verbales :

 

(2) Les formes qui d’joye, qui dji soye, sont surtout utilisées dans les localités où l’on fait usage du sous-dialecte d’ayi ; ailleurs, on dit plutôt qui dj’eûche, qui dji juche, etc.

 

(p.62) En résumé, les verbes givetois ont pour terminaisons :

1° Aux trois personnes du singulier, présent de l’indicatif: e, es, e ou t (verbes fai­bles en é, è, i) ou s, s, t ou d (verbes forts en e) ;

2° Au singulier de l’indicatif et du conditionnel présent : es, es, et ou oes, oes, oet ;

3° Au singulier du futur simple : è, es, et, è, oes, oet (oyi) ; è, as, a (ayi) ;

4° Au singulier de P imparfait du subjonctif : e, es, e ;

5° Le participe passé a les mêmes terminaisons dans les deux sous-dialectes : è, i, u, eu, ou, ai (Vireux excepté pour les verbes en e).

Les finales diffèrent :

1° Aux deux premières personnes du présent de l’indicatif et du futur simple : ans, ous (oyi) ; ans, os (ayi) ;

2° Aux trois personnes du pluriel de l’imparfait de l’indicatif et du conditionnel pré­sent : es, es, et (oyi) ; ins, is, int (ayi) ;

3° Aux deux premières personnes du pluriel du subjonctif : onches, ouches (oyi) ; anches, oches (ayi) ;

4° Enfin au pluriel de l’imparfait du subjonctif : èches, èches, èchent (oyi) ; inches, iches, inchent (ayi).

Le givetois a pour voisins : au nord, le namurois, un des plus importants dialectes belges et, au sud, le fumacien ou patois du canton de Fumay, à l’extrême limite de la Wallonie dans la vallée de la Meuse.

Le namurois et le givetois traduisent par ia la syllabe française « -eau » ; ex. : tcha-pia (chapeau), drapia (drapeau), martia (marteau), tonia (tonneau), batia (bateau). Un certain nombre de mots sont communs à ces deux dialectes ; ex. : agasse (pie), agrape (agrafe), inmye (anguille), aronde (hirondelle), caute (carte), hièbe (herbe), mouchon (oiseau), tchaurli (charron), etc. ; d’autres au namurois et au sous-dialecte d’ayi seule­ment ; ex. : tchin (chien), bin (bien), rin (rien), sur aie (oseille), nin (ne… pas) ; quelques-uns (p.63) diffèrent peu : on dit gurzèle, gurzia (groseille, grésil) à Chooz et gruzale, gru-zia dans le dialecte de Namur. La syllabe ou du givetois fait place à o dans le namurois : coupète (sommet) si dit copète ; confesse (confesse), cofesse : ajoute (chou gras), djote ; routche (rouge), rotche ; boutchi (boucher), botchi, etc. Les verbes namurois sont aussi terminés en é comme à Vireux ; beaucoup de verbes en / sont identiques ; par exemple aroké (être arrêté par un obstacle) se dit en givetois arokè ; stauré (répandre), stauré ; plonké (plonger), plonkè ; mais briji (briser), payi (payer), rwédi (raidir), waiti (regar­der), s’écrivent et se prononcent de la même façon dans les deux dialectes.

Le namurois et le sous-dialecte d’ayi ont des terminaisons communes : ans, os, aux deux premières personnes du pluriel du présent de l’indicatif et is à la deuxième personne du pluriel du présent de l’indicatif et is à la deuxième personnel du pluriel de l’imparfait de ce mode ainsi que du conditionnel présent ; anches et oches aux deux premières per­sonnes du pluriel du subjonctif présent ; on trouve également dans les deux langages : qui djifuche (que je fosse), qui vosfuchîches (que vous lussiez).

En revanche, le namurois se distingue par des finales caractéristiques. Prenons par exemple dans le verbe yèsse (être). Nous trouvons :

Au présent de l’indicatif : dji sos (je suis) au lieu de dji sus ;

A l’imparfait : dj’esteuve, t’esteuves, il esteuve, nos estâmes, ils estainent, pour dj’astês, fastes, il astèt, nos astèt ou astins, etc. (j’étais, tu étais, etc.) ;

Au plus-que-parfait : dj’aveuve sti, etc. (j’avais été) au lieu de dj ‘avès sti, etc.

Au conditionnel présent : dji sreuve, ti sreuves (je serais), etc., et non dji srès, ti srès, comme en givetois ;

A l’impératif -.fuchans (soyons), fuchis (soyez), qu’ifuchenuchent (qu’ils soient), au lieu defuchous ou fâchons ;fuchos et qu ‘ifuchonchent ;

Au subjonctif présent : qui dji seuïe (ou seuché), qui ti semés, qui seuyenuchent (que je sois, etc.), tandis qu’en givetois on dit : qui dji soye, qui ti soyes, qu “i soyon-chent, etc.

Au subjonctif imparfait : troisième personne du pluriel : qu ‘i fuchenuchent ; en gi­vetois : qu ‘ifuchèchent ou fuchinchent (qu’ils fussent).

Dans la conjugaison interrogative, le pronom sujet tu se soude à la fin du verbe sous la forme se : quifaisse ? (que fais-tu ?), yù irèsse (ou irais-tu ou où iras-tu ?), qui disse ? (que dis-tu ?), qu ‘asse dit ? (qu’as-tu dit ?), astèsse voye (étais-tu parti ?). Cette remar­que est commune aux dialectes dont il vient d’être question, ainsi qu’au fomacien. Indi­quons, pour finir, quelques-unes des divergences qui existent entre le givetois et le patois du canton de Fumay. A Hargnies, par exemple, la nasale an se prononce on et inverse­ment ; on dit : ène tchonbe (une chambre), ène panpe (une pompe), etc. Les mots qui, à Givet, se terminent en ta, ont pour finale è en fiimacien ; ex. : in toné (un tonneau), in marte (un marteau), (beau), nouvé (nouveau), etc. ;

maison                 se dit          mwéjà,                en givetois          maujon ;

bois                                        bos                                              bwès ;

malade                                    malaude                                      malade ;

poche                                     tâchât                                         potche ;

jeune fille                                bwèchèle                                      djônefiye ;

tête                                       fiasse                                          tièsse ;

bœuf                                      bioe                                             boù ;

maître                                     mwaisse                                       maisse ;

 

(p.64)

mieux                                   mie                                            mia ;

bien                                     bin ‘                                           bé ou bin ;

rien                                      rie                                             ré ou rin ;

ne… pas                               gnè                                            né ou nin ;

papillon                                perwé                                        plomion ;

punaise                                 leuvrin                                      punaise, etc.

Le verbe ou(faire) se conjugue différemment dans les deux langages ; à Givet, on dit : dji fais, dj ‘ai fait, etc. ; à Hargnies, par exemple, on emploie djè fwais, dj ‘ai fwait, etc. Au lieu des formes givetoises ifièt, i vnèt (il faisait, il venait), etc., on trouve dans le ftimacien ifja, i vna, etc. L’adjectif sa s’applique parfois aux deux genres : sa pi (son pied), sa dos (son dos). A Haybes, au lieu de bin (bien), on emploie bè, et on dit : djè voes bè (je veux bien).

On voit, par ces quelques exemples, que le langage du canton de Fumay, quoique parlé sur une des frontières extrêmes de la Wallonie, a aussi son originalité et mérite d’être étudié au même titre que ses congénères moins excentrés. Ajoutons, pour finir ce qui concerne le givetois, que les 6.300 mots exclusivement wallons et les 1.200 exemples du Vocabulaire* suivant achèveront de compléter et de préciser les caractères distinctifs de ce dialecte.      

 

(2) Vocabulaire wallon-français (dialecte givetois), par J. Waslet, professeur de lycée honoraire, Sedan : Imprimerie E. Laroche, 1923. La publication commencée dans la Revue d’Ardenne et d’Argonne, inter-romptue par la guerre de 14-18, s’est donc étalée sur douze ans.

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