in : Le temps de Noël, Tradition wallonne, Liège, 1992
(p.94) – Membach (Baelen) : Le 6 janvier, surtout en soirée, les enfants viennent sonner aux portes pour recevoir des galettes, des friandises et de l’argent. Ils sont déguisés en Rois. Ils portent barbes et couronnes. Deux sont blancs, le visage du troisième est noirci. Une douzaine de groupes circulent. Ils entonnent « Melchior et Balthasar…», en français. Avant la deuxième guerre mondiale, le répertoire était plus fourni. On chantait en allemand et en patois germanique (133).
La quête de Membach n’est pas sans rappeler la tradition telle qu’elle se perpétue en Rhénanie et dans une grande partie de l’Allemagne.
NDLR Egalement ailleurs en province de Liège :
Le temps de Noël, Tradition wallonne, Liège, 1992
(p.57) Bondjoû nosse Dame, dji vin hèyî!
Les quêtes de l’Epiphanie en province de Liège
La quête de la veille ou du jour de l’Epiphanie est fort ancienne. Une charte de l’abbaye du Val-Saint-Lambert, datée du 1er octobre 1516 indiquait déjà que le jour des Rois était nommé «jour délie treisme ou le jour délie Heylle», c’est-à-dire de la quête de l’Epiphanie. Par ailleurs, les plaids généraux à Ozo, d’après un record de 1431, se tiennent « allé heilhle condist les Roys » ; à Ville, «allé octave délie heyle», et à Oc-quier, selon un record de 1511, «le lundi après le heihle». En outre, le terme «heel» apparaît dans une Nativité jouée à Huy au XIVe siècle (1).
À l’origine, la tournée de l’Epiphanie devait être une quête de bénédiction, destinée à chasser les mauvaises influences et à apporter du bonheur. On peut comparer cette fonction à celle de la vente de la nûle, en région liégeoise. On collait cette hostie non consacrée en maints endroits. Dans le tiroir-caisse, la nûle avait la réputation de donner la prospérité. Collée au-dessus de la porte, l’hostie préservait la maison des mauvais esprits. La personnalité du vendeur pouvait être présage de bonheur ou de malheur. Si un jeune garçon était le premier à visiter une jeune fille, c’était pour elle présage de mariage prochain. La quête de la Noël semble procéder aussi du même esprit que celle de l’Epiphanie. Néanmoins, affirmer avec Maurice Delbouille que « cette hésitation, quant à la date du hélièdje tient aux variations qu’a connues l’histoire à propos du commencement de l’année » semble excessif, même si les trois dates des quêtes sont des temps forts liés au cycle des douze jours (26 décembre – 6 janvier).
Le caractère magico-religieux de la tournée apparaît clairement dans une chanson de quête picarde composée à Arras par Adam de la Halle durant la seconde moitié du XIIIe siècle. Les quêteurs souhaitaient que « Diex soit en cheste maison et biens et goie a fuison ! No sires Noeus nous envoie a ses amis, c’est as amoureus et as courtois bien apris, pour avoir des pareisis (pièces de monnaies) a no helison (2) ». On perçoit aussi cette approche bénéfique-maléfique des quêtes de l’Epiphanie dans Li neûre poye, d’Henri Simon. À un personnage qui n’a pas daigné récompenser les chanteurs, Madame Mèncheûr lance : «0! Kinâve, qu’avez-v’ fêt là? On dit qu ça pwète mâ-leûr» (O! Kinâve, qu’avez-vous fait là? On dit que cela porte malheur) (3). Oscar Col-son notait aussi qu’«à l’époque où la fête avait encore toute son importance traditionnelle, le jour des Rois était béni des pauvres. Ce jour-là, en effet, refuser l’aumône portait malheur» (4).
Mais, contrairement à ce que pourrait laisser croire cette citation de Colson, la tradition reste bien vivante en maints endroits de la province.