BORCI

BOURCY

BÈSOGNE

TRAVAIL

3.2 Le monde du travail / Lès-ovrèdjes

3.2.0 Vie quotidienne / Vikèdje di tos lès djoûs

3.2.1 Secteur primaire

3.2.2 Secteur secondaire

3.2.3 Secteur tertiaire 

3.2.4 Les transports

3.2.5 L’enseignement

3.2.6 Illustrations

 

 

3.2.0 Vie quotidienne / Vikèdje di tos lès djoûs  (Octave, 1973, 121 & sv.)

 

LA GRANDE LESSIVE

 

Du temps de nos grands-mères, la lessive ne se faisait que une ou deux fois l’an. Habituellement au printemps et en automne. C’est dire, quelle réserve de linge contenait la grande armoire» du linge de qualité et non comme celui que contiennent nos lingères actuelles. C’était des piles de draps de lin, tissés à la maison ou chez le tisserand voisin, des draps presque inusables, des grosses chemises de chanvre, des flanelles, des “vantrins” des pantalons en velours côtelé ou en “pilou“.

Les cendres de bois recueillies durant les semaines précédentes avaient propriété, vu leur teneur en potasse, de blanchir le linge et de dissoudre les corps gras; elles faisaient office de savon. Dans une cuve en fonte, « li caboleû », l’eau de pluie chauffée était versée bouillante sur la cendrée que l’on avait déposée sur un linge au-dessus de la lessive, dans une cuve voisine. Ainsi l’eau recueillie, passait et repassait grâce aux bras vigoureux des “volontaires”. Ne connaissant pas les produits chimiques actuels, le soleil et l’herbe verte étaient les meilleurs blanchissants avant le rinçage au lavoir ou à la fontaine publique.

 

 

LES VIEUX LAVOIRS

 

Le lavoir qui pouvait être effectivement considéré comme tel à Bourcy était celui qui se trouvait sur la route allant vers Noville. Nous le supposons très ancien, mais nous n’avons pu trou­ver aucune date. Son origine se situe sans doute vers 1890 au mo­ment de l’installation des fontai­nes publiques dans la commune. Il fut détruit lors de l’offensive von Rundstedt et les habitants du village emportèrent les pierres pour la reconstruction de leurs habitations.                                                                       

En fait, il était abandonné depuis pas mal d’années ; l’eau ne coulait plus dans ses deux bacs de pierre, et il n’était plus utile, surtout depuis l’arrivée sur le marché, des machines à laver modernes. Le ruisseau de Bourcy y déversait ses eaux claires avant de descendre sur Hardigny. Les ménagères, chaque semaine, venaient y rincer leur linge, après l’avoir mis “au pré”. Que de cancans et de commérages ont entendu ces vieux murs couverts d’inscriptions humoristiques ou sentimentales. L’activité des doigts n’empêchait pas l’activité des langues. Que de parties de cache-cache y ont fait les enfants du voisinage.

Un autre lavoir, mais non couvert, était situé au croisement des rues, au voisinage de la maison V. Krack, lavoir et fontaine publique, tout comme la fontaine accolée à l’église paroissiale. Ces deux fontaines, ainsi que celle de “la Jacquette” (à côté de la maison Rijmester) servaient d’abreuvoirs aux animaux qui se bousculant, se cognant, encombraient les rues avant de partir pour la pâture ou avant de réintégrer l’étable. Toutes ces fontaines furent supprimées lors du placement de la distribution d’eau, certaines même, bien avant.

 

(p.123) LA CUISSON DU PAIN ET LE BARATTAGE DE LA CREME

 

Une ou deux fois par semaine. Actuellement le vieux pétrin est transformé en bureau ou en bar… et la baratte en lampadaire… Que sont devenues ces claies en vannerie d’osier évoquant les tartes au sucre qui sentaient si bon au sortir du four, et ces formes en bois qui permettaient de si jolis dessins sur les mottes de beurre ?

 

 

3.2.1 Secteur primaire

 

CULTURE – ELEVAGE (Octave, 1973, 55 & sv.)

 

Pendant des siècles, les forêts furent les principales ressources de l’Ardenne : le hêtre constituait les 9/10 des feuillus, suivit   ensuite par le chêne, le bouleau,  puis 1’épicéa.(I)

Les grandes forêts de jadis fournissaient la bruyère et le genêt qui servaient de litière aux animaux. En effet, le genêt ménageait au bétail une couche propre, élastique et sèche. Cette litière donnait un excellent fumier. On obtenait même un bon résultat en enfouissant le genêt grossiè­rement haché en lieu et place de fumier.

Certaines traditions veulent que dans nos Ardennes, les jeunes pousses de genêt étaient confites dans l’alcool ou le vinaigre et servaient.de câpres. Enfin, pour la médecine, le genêt aurait possédé des propriétés apéritives et diurétiques.

« Le genévrier aux essences résineuses, en wallon “pèkèt” porte des baies vertes et des baies mûres violacées qui, d’une part, servaient de condi­ments, et d’autre part, étaient utilisées en médecine. Ces baies macérées dans un litre d’alcool à 30° étaient à la base du “pèkèt” que buvait nos ancêtres ».(Abbé Dubois) Du hêtre, on tirait par carbonisation le charbon de bois,

la  farine du hêtre pour l’huile d’éclairage.

Les écorces du chêne servaient, comme nous l’avons expliqué, pour le tannage des cuirs.

Les cultures étaient moins considérables et se trouvaient directement aux alentours du village. La coupe des céréales se faisait à la force des bras. On ne moissonnait le seigle à la faux que lorsqu’il était dru, sinon, on l’abattait à la faucille.

Il y avait de nombreuses étendues de jachères que les végétations et les taillis reconquéraient lente­ment avant d’être de nouveau refécondés par l’écobuage.

C’était un mode de culture très répandu, rudimentaire, un procédé des pays pauvres, mais qui re­monte à l’antiquité. C’était un procédé de défrichement par le feu. On arra­chait d’un terrain les plantes sauvages, les herbes et gazon qui le couvraient, on les brûlaient avec la couche superficielle de terre et la cen­dre était répandue sur le sol. Ce procédé était employé dans les terrains d’où l’on voulait tirer une récolte sans y mettre un engrais animal. Mais le

résultat était souvent peu appréciable pour le travail à fournir.

 

(1) L’épicéa, appelé vulgairement le sapin, aurait seulement été introduit en Belgique vers le dernier quart du XVIIIe siècle. Encore ne formait-il à cette époque que des boqueteaux. Mais, depuis près d’un siècle, il est devenu très commun. Sapin Douglas, ainsi appelé parce qu’il aurait  été importé du NO de l’Amérique par David Douglas vers 1827.

 

(p.56) Cette époque de stagnation dura longtemps. Un puissant paradoxe subsistait à ce propos, car, en dépit du brassage des peuples, l’agriculture progres­sait lentement et conserva longtemps les mêmes techniques et les mêmes outillages. (…)

 

(p.56) Nos ancêtres vivaient aussi des produits de la chasse et de la pêche. Pour la chasse, à cette époque, on utilisait tout simplement des bâtons, des gourdins, la massue, le filet, des pièges des plus grossiers, des trappes, pour prendre le gibier de toute espèce dont regorgaient les forêts.  Aux époques reculées, la chasse ne faisait l’objet d’aucune ré­glementation – droit  égal sur les animaux sauvages. Mais sous le régime de la féodalité, le droit de chasse devint une espèce de droit réel formant l’apanage exclusif de la seigneurie. Les seigneurs l’exercèrent sans égard pour les récoltes. Des peines d’une rigueur très excessive étaient attachées à la moindre infraction par le peuple, mais de tous temps, il y eut des “braconniers”.

L’élevage du mouton était très répandu, tout comme l’élevage du porc. Jusqu’en 1846, c’est le Luxembourg, qui de toutes les provinces, comptait le plus de moutons. Comme on ne connaissait pas encore le “rouleau” pour les cultures, c’est aux moutons que l’on faisait appel pour tasser la terre, pour la piétiner (pour “triper”).

La disparition de l’élevage du mouton a suivi le mouvement des défriche­ments, et fut remplacé par l’élevage des bêtes à cornes. Le mouton fut alors, tout à fait délogé de ses pâturâmes, mais on conti­nua à l’élever, néanmoins, pour sa viande et pour sa laine, son lait qui donnait un supplément de ressources.

Actuellement, c’est fini… La bergerie ne fait plus partie de la maison ardennaise. Quant au berger, cette profession aussi a disparu.

Dans notre région couverte de chênes, l’élevage du porc était tout naturel. Dans chaque village, à côté du berger, du herdier, il y avait aussi le porcher. C’était une petite occupation très humble, payée par la caisse communale. Le porcher passait le matin en soufflant dans sa corne, les porcheries s’ouvraient et les cochons formant un cortège impressionnant et grognant, mais d’une parfaite docilité, tous les dos gras se touchant, se heurtant, le porcher conduisait sa troupe à la glandée ou la laissait errer dans les landes et les prés. C’était la ruée, dévorant et fouillant jusqu’aux racines; il s’ensuivait parfois d’irréparables dégâts.

La grande fécondité du porc permettait une prompte multiplication, ce qui assurait la consommation familiale et par la suite la vente sur le marché. De tous temps, les jambons d’Ardenne furent renommés. A quoi tenait donc ce goût qui le distinguait ? A la nourriture du porc, aux plantes qu’il ab­sorbait dans la campagne, à l’enfumage ensuite, d’abord enfumage aux genêts puis avec bûches de chêne et de hêtre.

Chacun de ces facteurs était sans doute pour quelque chose dans la qualité et la finesse du jambon, qui faisait apprécier ce morceau de choix.

Mais le régime du porc a changé, les bois lui sont fermés, la lande n’est plus, le porc est devenu sédentaire. En revanche, les moyens d’ali­mentation à la ferme se sont développés.

Là où subsiste encore dans nos villages, une large cheminée (elles sont rares), on enfume encore les jambons au feu de bois, mais uniquement pour la propre consommation de la famille.

Quant à la production des jambons pour la vente, et surtout pour les besoins touristiques, leur enfumage s’opère trop rapidement dans des fumeries spé­ciales. C’est toujours le beau jambon, mais ce n’est plus le “bon” jambon d’Ardenne à la renommée méritée.

 

(p.58) L’agriculteur de cette terre pauvre parvenait cependant à fournir à sa famille le pain quotidien, durement gagné. Les habitants vivaient surtout de l’agriculture et chaque famille exploitait un petit lopin de terre, même le journalier qui louait ses services dans des fermes plus importantes.

Le cultivateur avait peu de besoins ; les vêtements étaient fabriqués par les membres de la famille durant les longues soirées d’hiver: on filait, on tissait le lin et le chanvre qui se cultivaient par petites parcelles. Les hommes étaient tous un peu menuisiers, vanniers. On ne passait chez le spécialiste que juste pour les besoins, comme chez le tisserand, le cordonnier, le meunier. En échange de leurs services, on donnait quelques kilos de graines, du lait, du beurre, ou on leur laissait un supplément de fil.

Jadis, le troc était d’usage général et il resta d’ailleurs longtemps, même lorsque plus tard, bien plus tard, s’installèrent les premières épi­ceries.

Sur les terres, peu avenantes de l’Ardenne, les gens du dehors ne venaient pas volontiers s’installer dans les immenses étendues de bois sauvages et de friches désertes. Pour les y amener, on devait leur accorder des avanta­ges, des privilèges. On leur permettait donc de s’installer sur les terres, de les exploiter et en outre, d’user pour eux-mêmes et pour leur bétail, des terres incultes et des bois environnants. En échange, les habitants devaient procurer au seigneur un certain nombre des prestations et de corvées et une part de la récolte.

C’est ainsi, qu’autour de quelques châteaux se formèrent des bourgades où régnait le servage et les procédés d’une culture rudimentaire, où la ri­gueur du climat faisait manquer les récoltes.

Comme on l’a dit: ” Produire assez pour ne point mourir, trop peu pour vivre vraiment”.

Le climat de l’Ardenne est très rude, froid, humide, pluvieux. Mais cer­taines années sont citées dans l’histoire comme des années exceptionnelles, de sécheresse ou d’hiver rigoureux.

Voici quelques-unes des nombreuses années citées par les historiens pour avoir été d’une sécheresse excessive.

 

 

1022

sources desséchées, poissons morts, se putréfiant donnant lieu à une épidémie.

1132

sources taries

1276-1277

1294

chaleur excessive

1440, 1442

été sans pluie ; la terre est comme brûlée.

1473- 1536-1539-1540-1541- 1550   

grande sécheresse (dans toute l’Europe d’ailleurs)

1615-1616- 1646- 1652-1678

chaleurs accablantes.

1718

36° ; pas de pluie

1748-1754-1760-1767-1778-1738

six années notées comme sèches à l’excès.

1811-1818-1830-1835-1857-1864

périodes de grande sécheresse d’avril à octobre.

1921

année très sèche. Cette année, à part quelques privilégiés au puits intarissable, tous les habitants du village transportaient l’eau depuis les diverses sources entou­rant la localité, les fontaines publiques étant toutes taries.

1947

Année très sèche mais loin d’être comparable aux sécheresses précédentes.

 

(p.59) Par contre, l’abondance de neige en certaines années est restée mémorable, nous disent certains livres et documents.

 

1709

année de famine, la plupart des fontaines sont gelées.

1716

chutes excessives de neige, sans arrêt, en janvier et février.

1731, 1776

chutes de neige de 3-4-6 pieds dans certaines régions.

1783-84

énormes glaçons entraînés sur les rivières. On ne pouvait voyager ni à pied, ni à cheval.

 

 

A la date du 5 mars 1895, une neige de 30 à 50 cm tenait depuis 3 mois dans l’ensemble de l’Ardenne. Les diligences venant d’Arlon atteignaient Houffalize avec difficulté et devaient rebrousser chemin, ne pouvant continuer sur Aywaille et Liège.

Encore au début de ce siècle, disent les “anciens” la neige tombait en abondance dans nos villages. L’administration communale prenait l’initia­tive de demander à chaque homme valide sa contribution pour déblayer la ligne de chemin de fer et permettre au train de circuler.

Notons aussi la terrible épidémie de peste de 1636-1639 qui décima lit­téralement la population. Au dénombrement des feux de 1656, les rapports signalent une diminution allant des 2/3 aux 3/4 de la population.

 

1816-1829

furent des années de disette.

1866

épidémie de variole et de choléra.

1883

épidémie de typhus,  de même qu’en 1900.

guerre 1914/18

épidémie de grippe dite  “grippe espagnole”.

 

 

La culture du topinambour ou poire de terre précéda celle de la pomme de terre. On parle déjà de cette culture en Lorraine en 1709.

D’après Ozeray, la carotte fut introduite en Ardenne vers 1770, tandis que la pomme de terre,   “la crompîre“, la “Gromper” en luxembourgeois, fut introduite, d’après divers témoignages, vers 1730 dans la région. (En 1725, dans la région de Bouillon).

Plantée d’abord dans les jardins, puis dans les champs, sur des étendues de plus en plus grandes, elle devint l’un des rares produits que l’Ardenne ait pu exporter.

D’après les statistiques officielles de 1846, sur les 89.991 ha, que comp­tait l’arrondissement de Bastogne, 8.675 Ha seulement, étaient cultivés et 2.647 ha essartés. Les terres cultivées n’atteignaient donc pas le 1/10 de la surface totale.

On cultivait surtout le seigle, l’avoine, mais pas encore le froment, un peu l’épeautre, ce parent pauvre du froment.  On vendait vers 1846, 1 fr 10 les 40 litres d’avoine, 4 sous, la douzaine d’oeufs.

Les semailles se faisaient à la volée ; comme outillage, il y avait la char­rue et la herse en bois ;  comme attelage, les vaches et les boeufs.

Les étables étaient trop exiguës et mal aérées; les litières s’ac­cumulaient, le typhus et la peste bovine firent autrefois de grands ravages. L’épizootie avait pris une grande extension qu’une surveillance de plus en plus sévère aux frontières enraya heureusement (épidémies de 1866 et 1870). La peste bovine fit, de nouveau, ravage en 1921/1922 et la fièvre aphteuse resta  longtemps la grande plaie du bétail; elle y causa des pertes énormes surtout entre 1933 et 1940.

Vaines pâtures : certaines terres étaient, en principe, réservées. L’automne venu, elles étaient   « dusbanéyes » (“débannées”), le bétail pouvait alors paître librement sur toutes les prairies et les champs non clos. Au 1er avril, les terres étaient de nouveau « abanéyes » (“abannées”).

(p.60) De 1880 à 1914: c’est surtout durant cette période d’une trentaine d’années que ce fit la plus grande transformation culturale de l’Ardenne, et que se produisirent les plus grands progrès.

En premier lieu, les voies de communication rurales s’améliorèrent et permirent d’atteindre les différentes parties éloignées des exploita­tions. L’installation des lignes de chemin de fer qui commencèrent à sillonner le pays, permit des moyens de transports plus rapides.

Vers 1880, pour la première fois, les engrais apparurent. L’emploi de la chaux, encouragé et même subsidié par le gouvernement, le phosphate, le nitrate, la kaïnite, tout cela améliora les terrains, d’où, enrichis­sement des fourrages et augmentation de la production. Les cultivateurs en améliorant leur culture au moyen d’instruments plus perfectionnés, (charrue à soc, herse en bois puis en fer, appelé “hérisson » enfin le rouleau) parvinrent à vendre une partie de leur récolte. Les cultivateurs importants disposaient de semoirs pour les semis en li­gnes et des charrues double-brabant.

 

Les vaches et les boeufs qui servaient d’animaux de trait furent rempla­cés par les chevaux, plus onéreux, certes, mais plus rapides que les boeufs. Et puis…. comme le dit si bien l’abbé Dubois, que dire de la dignité paysanne ” tenir des boeufs quand le voisin exhibe des chevaux” ? Dut la bourse du cultivateur en pâtir, ou quitte à ce qu’il s’entende avec son voisin, le bon cheval ardennais que Napoléon qualifiait d’infa­tigable, se retrouva vite dans toutes les fermes. (L’abbaye de Saint-Hubert fut un centre d’élevage très important. Le marché de Neufchâteau fut célèbre.)

Quelques années plus tard, les machines s’améliorèrent encore, les fau­cheuses mécaniques, les machines à battre, les herses jumelles, les sca­rificateurs, les nouveaux modèles de charrues, les faneuses, etc., etc., c’est l’avènement de la mécanisation agricole. La prudence paysanne, la méfiance est vaincue, il veut des machines ; d’ailleurs sa ténacité d’Ardennais l’y pousse… produire… produire… En un mot, on ne connais­sait déjà plus alors les durs labeurs et la vie misérable des générations passées.

Que dire depuis la dernière guerre : les engins motorisés sont devenus né­cessaires à tout agriculteur.

Une nouvelle agriculture était née avec les premiers progrès agronomiques. Elle est ensuite devenue adolescente avec la mécanisation. Elle devient adulte par la motorisation.

Le travail de rénovation agricole entrepris par les générations précédentes s’est poursuivi avec persévérance. Nos ancêtres devaient vaincre, avant tout, la nature; les cultivateurs d’aujourd’hui doivent surmonter les dif­ficulté économiques.

Les uns et les autres n’en ont pas moins, appliqué les mêmes qualités de la race, formée aux tâches les plus dures.

Un humoriste reprochait un jour à la terre ardennaise de n’avoir pas d’entrailles : “On n’y trouve, disait-il, ni charbon, ni cuivre, ni or. C’est à peine, si on y tire un peu d’ardoise et de minerai de fer”. Il ajoutait: ” par contre, l’épiderme est généreux. On en retire, notam­ment la pomme de terre..”

 

(p.61) Anciennement, on ne connaissait pas l’écrémeuse qui fit son apparition vers la fin du 19e siècle.

Comment procédait-on alors ? Après la traite, le lait passait au filtre (coleû) puis il s’écrémait tout seul en reposant dans des pots en grès ou des bassins appelés « crameû » : pot en terre cuite avec bec qui pouvait retenir la crème)

Plus tard, le pot fut remplacé par un petit tonneau en forme de cône tronqué, dans lequel la crème était remuée à la force des poignets de la fermière ; ce procédé fut remplacé plus tard, par la baratte tournante, plus rapide. L’écrémeuse centrifuge allait tout révolu­tionner. L’écrémage était immédiat et les pertes moins lourdes. Comme ces machines étaient assez coûteuses, on essaya de les acheter en commun. La crème était envoyée à une laiterie qui se chargeait de la prise à domicile 2 ou 3 fois par semaine. Le fermier était payé par la laiterie pour la crème qu’il avait livrée et il pouvait prendre du beurre suivant ses besoins.

La coopérative rurale se développa ensuite et on créa des laiteries. Chaque cultivateur pouvait apporter le lait matin et soir, dans le local du village où se trouvait l’écrémeuse commune et le matériel nécessaire.

A Bourcy, nous nous rappelons notamment de deux familles qui s’occupè­rent longtemps d’une laiterie commune : Maria Octave pour le bas du village (de 1922 à 1944) pour la laiterie St Antoine de Bastogne, et la famille Ehlen pour la laiterie de Noville.

La personne préposée prélevait dans le seau du fermier un peu de lait à l’aide d’un tube dans lequel elle avait déposé une pincée de sulfate de fer. Elle inscrivait alors sur un tableau adéquat, en regard du nom de chaque famille, et pour chaque jour, la teneur en matières grasses.

Les laiteries passaient prendre les bidons de crème.

Toutes ces laiteries coopératives sont disparues et furent reprises actuel­lement par la Société beurrière “ILA” de Recogne-Libramont, jeune inter­coopérative constituée en 1964. (…)

 

 

La situation du secteur agricole (Octave, 1988, 93)

 

 

Jadis, les alentours du village étaient occupés par des forêts de chênes, bouleaux, futaies, des bruyères, des terres incultes où pâturaient moutons et chèvres, troupeaux qui furent remplacés plus tard par les bêtes à cornes.

Il n’existait qu’un petit rayon de cultures très peu éloignées du centre.  Les terres sartables étaient bien plus importantes que les terres labourables (voir carte de Cabinet des Pays-Bas Autrichiens levée à l’initiative du Comte de Ferraris 1771-1778.) On y voit très bien les terres cultivables directement aux alentours du village. Les parties hachurées horizontalement sont des prairies marécageuses longeant les ruisseaux.  On y distingue parfaitement le moulin de Bourcy.  Les surfaces pointillées ne sont que futaies).

En 1850, la région cultivée se limitait encore à un rayon de 500 à 600 m des habitations, à l’exception de quelques prairies plus éloignées.

Les parties incultes furent rapidement mises en valeur agricole les terres transformées en cultures et, dans le même temps, la bâtisse augmenta.

A partir du XIXème siècle seulement, l’épicéa fit son apparition et au cours du XXème siècle, les boisements de conifères progressèrent rapidement.

Les prairies étaient considérées comme terrains de première valeur, au point que dans les partages de famille au XVIIIème siècle, les parents léguaient leur patrimoine à un seul enfant. Les autres enfants étaient “égalisés”, c’est-à-dire que les parents leur versaient une certaine somme ou leur donnaient un certain nombre de têtes de bétail.  Ci-contre un exemple d’un contrat de mariage en 1795 (Copie Minutes du Notaire Thiry}.

Le partage égalitaire des successions entre les enfants devint réalité par la loi de mars 1793 et le code civil de 1804. Mais, de ce fait, ce fut le morcellement des propriétés entre les enfants afin qu’aucun ne soit lésé, ce qui diminua les fortunes individuelles et provoqua l’exode de la jeunesse.

Comme dans tous les hameaux, publicité faisant, il y a des hommes qui rêvent d’évasion.  Il semblerait qu’à chaque génération, l’un ou l’autre habitant désire se lancer dans “la grande aventure”: Nicolas SCHAAK s’en fut pour le Brésil, Michel DASSENOY partit pour les Indes Néerlandaises, Joseph DUSSART, Victor FREDERICK, Emile VOLVERT et Jules GROMMERSCH pour le Congo.

La plupart ne firent qu’un terme et s’en revinrent au pays. Seul Joseph DUSSART y fit carrière qu’il termina vers 1950 comme Administrateur Territorial.

La génération actuelle (R. ABINET) semble plutôt se diriger vers le Canada.

(p.96) L’agriculture était la source principale de richesse et la terre en constituait le capital.  Les cultivateurs rassemblaient les 3/4 de la population du village.

L’apparition des machines agricoles révolutionna l’agri­culture.  Ce fut l’arrivée sur le marché, dans les grandes et moyennes exploitations, des charrues à soc, des herses, des faucheuses, faneuses, moissonneuses, machines à battre etc.

De 1873 à 1908, la région se dota de groupements agrico­les, particulièrement utiles pour l’achat des semences et pour le crédit.

C’est vers 1880, que l’agriculture prit une nouvelle orienta­tion. On employa d’avantage d’engrais et d’aliments de bétail. Vers 1895, se créèrent des coopératives laitières.

 

Le paysan réalisait cependant des économies, fut-ce au prix de sacrifices et de privations.  Et petit à petit, à la lente cadence des générations, il avait finalement une terre à lui.  Ainsi, il devint petit ou moyen agriculteur. D’autres louaient leurs services à la journée à un agriculteur plus important.

Petit à petit, avec l’extension des cultures et le nouveau type de partage de succession, le regroupement des exploitations commença à poser des problèmes difficiles et longs à résoudre.

Les superficies exploitées, découpées précédemment, ont été regroupées en un tout depuis l’opération de remembrement agricole (loi du 22-7-1970 ; arrêté ministériel d’enquête en 1971,arrêté d’exécution en 1973).  Ce remembrement qui dura bien longtemps, accepté par les uns, dénigré par les autres, fut terminé pour notre région en 1980, avec un acte complémentaire du 9-5-1983 – (voir plans pages suivantes).

(p.99) Vers 1950, sont apparues deux innovations importantes dans le domaine de l’agriculture. D’abord, la motorisation qui a permis d’augmenter la capacité de travail.  La mécanisation de l’agriculture est, nul n’en doute, à l’origine du prodigieux bouleversement que le monde agricole a connu depuis cinquante ans.

Ensuite, les progrès de la chimie appliquée aux engrais, aux maladies frappant les cultures, à la sélection des diverses semences.

A Michamps, sous la direction du professeur Jean LAMBERT, fonctionne un laboratoire, opérationnel depuis 1969, qui permet aux agriculteurs, de connaître la valeur de leurs prairies, mais aussi, de profiter au maximum de leur production d’engrais organiques et, de la compléter par une fumure bien équilibrée pour un rendement quantitatif et qualitatif.

A Remoifosse, il existe un centre de recherches pour le bétail dirigé par le Professeur BIENFAIT.

Il y a aussi les nouvelles techniques, les échanges de connaissances avec d’autres pays, les principes de production, de stockage, de rationalisation du travail.

Cette double évolution a entraîné d’abord l’augmentation de l’importance des entreprises agricoles restantes, ensuite, la hausse de la production par hectare.

Les anciennes fermes parviennent difficilement à s’inté­grer dans ce nouveau circuit de production.

Peu de fermes modernes ont pu s’installer, car les investisse­ments auxquels il faut faire face sont très importants. Cette situation ébranle les petites et moyennes exploitations. Seules, quelques grosses fermes parviennent à être rentables, en s’équipant mieux et en se spécialisant davantage. Elles sont confrontées à la nécessité d’accroître la productivité à l’évolution des marchés et à la concurrence de l’industriali­sation.

On peut constater une orientation vers les herbages et les productions bovines, notamment vers le double bétail, lait et vaches allaitantes, avec livraison de 55 % de la production laitière aux laiteries.

Les cultures, elles aussi, sont exploitées en vue uniquement du bétail. Les bovins régnent en maîtres, le cul-de-poulain est le plus rentable…

Par contre, la production porcine périclite depuis quelques années, face à la concurrence des élevages industriels.

(p.100) Il y a une cinquantaine d’années, la plupart des gros cultivateurs possédaient une turbine écrémeuse centrifuge. Les autres portaient le lait à la laiterie coopérative, en rapportant le petit lait ; la crème était envoyée à la centrale régionale : la laiterie St Antoine de Padoue à Bastogne ou l’Excelsior à Noville.

Déjà fin 1947, les laiteries coopératives se trouvaient dans une situation précaire.  Les exigences des pouvoirs publics imposaient des conditions de fabrication (notamment la pasteurisation).  Les petites laiteries supportèrent diffici­lement le coût des transformations à leurs installations et finirent par disparaître. Celles-ci furent reprises par les sociétés beurrières plus importantes.

Par ailleurs, en 1947, les agriculteurs commençaient à réclamer une rentabilité plus grande de leur travail.  C’était déjà la bataille du lait… A cette époque, nous nous trouvions encore sous le régime des timbres de ravitaillement dont voici ci-dessous quelques spécimens.

(…)

(p.101) Actuellement, l’agriculteur doit être à la pointe du progrès. Tout est motorisé, électrifié, même l’informatique est entré à la ferme.

L’organisation de l’habitation et de ses dépendances agricoles, accès facile, circulation aisée, doit lui permettre un gain de temps et de travail.

Les fermes modernes ont leurs étables plus fonctionnelles, des locaux bien aérés, une salle de traite à double quai, avec toutes les facilités pour le soin des bêtes.

(p.102)

Les firmes spécialisées (*) ont mis au point des équipements de haute performance pour la rapidité de la traite, le confort des trayeurs et de son troupeau.

Le lait passe directement par une installation perfec­tionnée dans un tank refroidisseur avec agitation programmée et lavage automatique intégrée. Il existe aussi un système de désinfection des trayons, ce qui évite les infections intra-mammaires.

 

Conclusion

 

D’après certaines statistiques, les prairies recouvraient la région de 20 % en 1895, de 45 % en 1919, de 60 % en 1959 ; actuellement, elles constituent entre 75 et 80 % des terres. Il se confirme également, que le nombre d’exploitations de taille inférieure à 20 ha diminue, tandis que la classe de 20 à 50 ha est en croissance.

Les bras qui furent très nombreux pour la culture de la terre, le sont moins à présent pour la travailler dans son entièreté.  Les efforts modernes de mise en valeur se concentrent sur les meilleures terres et sur les patrimoines pour lesquels il reste encore des fermiers actifs et,

des successeurs éventuels.

A Bourcy, il reste actuellement 9 agriculteurs pour les 158 maisons.

La crise économique a quelque peu ralenti cette course à la modernisation et à la productivité.  Les prix agricoles sont bloqués, tandis que les coûts de production augmentent.

Cette situation accentue la dépendance de l’exploitation, des décisions prises au niveau national et même international (C.E.E.).

 

(*) La firme Mélotte à Rémicourt, fournisseur des premières machines agricoles, fut fondée en 1852 par Guillaume Mélotte. En 1878, son fils réalise ses premières inventions et met au point 1’écrémeuse à bol librement suspendu, brevetée en 1888. Ceci donna une formidable extension à l’usine jusque dans les pays voisins.

 

 

LA MINE  (Octave, 1973, 5 & sv.)

 

Cette ancienne localité mérite certainement une étude plus détaillée.

(p.5) C’est en 1820, qu’un habitant de Allerborn, premier bourg rural luxembour­geois, a quelque 2 km de Longvilly, au lieu-dit « Tchifontin.ne » (“Chiffontaine”) découvrit par hasard en irriguant ses terres, quelques blocs de plomb, dont l’un pesait 700 kilos.

L’un des premiers à être intéressé par cette découverte, fut Monsieur A. Siville, notaire à Bastogne, mais il fut concurrencé dans la course à la concession par une Société de Vedrin.

Après des discussions qui durèrent 2 ans, un pacte fut conclu le 7/9/1622 entre les deux parties. Mais ce n’est que 4 ans plus tard que la mine fut concédée à la « Société de Longvilly », par l’Arrêté du 26 août 1826, dont voici les deux premiers articles concernant l’étendue de la concession.(I)

 

Art.I : Il est accordé à la Société de Longvilly représentée par les Sieurs de Dommartin, de Berg, Baron d’Anethan de la Trapperie et A. Siville de Bastogne, concession des Mines de plomb situées dans les com­munes de Oberwampach, Niederwampach, Longvilly, Winseler, Harzy, et ce, sous une étendue de 3213 bonniers et 58 perches.

 

Art.2 : Cette concession est limitée au Nord, à partir du clocher de l’église d’Arloncourt par une ligne droite se dirigeant sur celui de 1’église de Moinet.

A l’Est, du clocher de Moinet sur celui d’Allerborn; de là, prenant le chemin d’Allerborn à Derenbach jusqu’au carrefour formé par le chemin d’Oberwampach à Bruchtenbach, puis continuant le même chemin d’Allerborn à travers le bois de Zatalle jusqu’à Grümelscheid. Au Midi, par le chemin de Grümelscheid à Harzy jusqu’à sa rencontre avec celui de Bras à Niederwampach et au couchant par une ligne droite tirée de ce point de rencontre sur le clocher d’Arloncourt, point de départ.

 

Ainsi, une nouvelle industrie était née, et cette exploitation était la seule, non seulement de la province de Luxembourg mais encore de la Belgique.

En 1827, les travaux d’exploitation commencèrent d’abord avec une ving­taine d’ouvriers sur une profondeur de 20 mètres.

 

En 1839, le tracé de la frontière entre Longvilly et Oberwampach coupa en deux la concession et le travail n’allait reprendre que sur le territoire belge.

Le nombre d’ouvriers augmentait sensiblement d’année en année, des travaux importants y furent effectués: des galeries d’écoulement, l’enfoncement d’un puit de reconnaissance d’une profondeur de 12 à 13 mètres en dessous du canal d’écoulement et au fond duquel le gîte présentait une épaisseur de 12 cm de galène pure. On y installa une machine d’épuisement d’une force suffisante pour porter les travaux à une plus grande profondeur, même avant que la partie supérieure soit épuisée.

 

(1) A.E.A. Mines – Rég. Hol., B.I.A.L.I949.

 

(p.6) Ce n’est qu’en 1865 que se terminèrent tous ces différents travaux d’aménagement, plus une bure d’aérage de la profondeur de 56 mètres et une grande galerie d’écoulement devant évacuer vers la Wiltz les eaux du fond de la mine. Les travaux terminés, la production augmenta : 183.000 kg et le salaire de l’ouvrier porté à 1,80 F..

Le minerai extrait consistait en plomb sulfuré nu galène dont on retirait la plus grande partie du plomb de commerce et qui, sous le nom d’alquifoux, était employé par les potiers pour faire le vernie des poteries grossières (1).

Mais cette situation fut de courte durée : manque de minerai et invasion des eaux dans les couches inférieures à la galerie d’écoulement. Le déficit ne faisait qu’augmenter d’année en année. Cette situation incita la Société à vendre ses droits à la maison d’Arenberg en 1876, soit une étendue de 1180 ha.

La maison d’Arenberg donna bientôt une nouvelle impulsion à l’entreprise. Les travaux reprirent et n’allaient cesser de se développer jusqu’en 1882. En août 1879, Monsieur Fr. Reusser, directeur des Mines, obtint l’autorisa­tion d’établir une machine à vapeur de 10 chevaux et une seconde en 1881; l’une pour l’épuisement des eaux et l’autre pour amener le minerai à la surface.

Six galeries s’allongeaient vers le “Thiers de la mine”, six autres vers Allerborn. Le puits principal descendait à 195 mètres et côtoyait sept étages. Les ouvriers se partageaient les trois

tournées dans le fond: de 6 h. à 14 h., de 14 h. à 22 h. et de 22 h. à 6 h.(2)

Un nouveau village s’était créé tout naturellement qui fut baptisé “LA MINE”. Occupé par les ouvriers et leur famille, il comprenait même quelques ateliers (forgerons-charpentiers). En 1853, on comptait 91 personnes qui occupaient le petit bourg. Plus tard, le hameau fut même doté d’une école qui accueil­lait 22 élèves (enseignement français et allemand).

Ce fut la meilleure période pour la Société qui trouva une nouvelle source de prospérité dans les perfectionnements apportés dans ses procédés de lavage, lui permettant de retirer de ses minerais, un alquifoux en poudre, presqu’aussi pur que l’alquifoux en roche.

L’alquifoux servant à vernir les poteries grossières était dirigé vers Charleroi et Anvers. (Avant sa découverte à Longvilly, les fabriques de poteries de la Belgique devaient le faire venir en majeure partie de la Prusse, mais il était de loin inférieur en qualité)

L’alquifoux en poudre se vendait de 19 à 20 frs les 100 kg suivant la classe, et 1’alquifoux en roche, 23 è 24 frs les 100 kg. Le minerai placé dans des sacs de 50 kg était transporté par attelage. Plus tard, avec l’installation du chemin de fer Bastogne-Gouvy, il fut dirigé vers la gare de Bourcy. Monsieur J. Schummer de Longvilly assura nous dit Monsieur Dechambre, le transport durant de nombreuses années.

 

(1) A.E.A., Mines Rég.Hol.- B.I.A.L. 1949

(2) Mr Dechambre- Longvilly.

 

(p.7) Chacun sait que les minerais tels qu’ils sont extraits du sein de la terre, ne peuvent être employés par les industries de transformation. Ils contiennent une quantité plus ou moins importante d’éléments stériles dont le transport serait inutilement onéreux.

C’est pourquoi le minerai tout venant doit subir une préparation qui a pour objet d’enlever le

plus possible de matières inutiles.

La première opération insistait donc en un triage à la main qui avait pour but de rechercher dans la masse extraite les roches facilement iden­tifiables, c’est-à-dire celles où l’on pouvait déterminer aisément la présence du minerai. C’est une méthode très ancienne (1)

Le minerai exploité à l’époque était un sulfure de plomb très pur (0,87 %). Les résidus s’exportaient en Prusse où ils étaient fondus avec des mine­rais plus réfractaires pour en retirer le plomb métallique.

Le lavage ne permet pas toujours une séparation économique lorsqu’un minerai mixte contient plusieurs métaux. La Société prit donc un essor plus considérable après la mise au point de ses procédés de lavage.

Les chiffres de production ne cessèrent d’augmenter :

 

11.000 kg en 1878

1.124.000 kg en 1881

70.000 kg en 1879

2.556.000 kg en 1882.

696.000 kg en 1880

 

 

 

L’année 1882 semble être l’apogée de la production minière. La Mine occupait à ce moment 300 ouvriers payés à raison de 2 frs et 2 frs 50 par jour. Ceux-ci exploitèrent 2.000.000 kg de minerai contenant 81% de plomb et 3 grammes d’argent par 100 kg. En outre, 2.000.000 kg de blende et de pyrite furent extraits. (2)

(pyrite: combinaison de soufre et de métal-blende: sulfure naturel de zinc)

 

Cependant, pour diverses raisons, la production commença à décliner et en 1887, les 140 ouvriers encore employés furent réduits au chômage. Il restait quelques ouvriers qui s’occupaient surtout de la recherche de filons, mais ces recherches n’amenèrent aucune découverte productive importante, à part quelques poches que l’on remis en exploitation une fois de plus, mais au ralenti.

La production de 1897 ne dépassa pas 30.000 kg, malgré la profondeur des galeries, et le déficit ne cessa d’augmenter d’année en année par suite de l’épuisement des filons.

Aussi, vers 1901, l’eau s’infiltrant dans les galeries, de grands travaux devaient être entrepris. Les moyens financiers faisant défaut, l’exploitation ferma définitivement ses portes.

Pourtant, Monsieur Dechambre nous signale que Monsieur Beaulieu, un ingénieur natif de Longvilly, effectua juste avant la guerre 1940/45 de nombreuses recherches dans la région et ce, jusque Longvilly et Michamps, mais rien ne fut découvert de tangible.

Le petit village de La Mine a aujourd’hui complètement disparu. Ces trois ou quatre dernières habitations furent détruites dans les premiers jours de l’offensive Von Rundstedt. Il ne reste qu’un pan de mur face au poste de douane, pauvre vestige d’une industrie aujourd’hui oubliée.

 

Actuellement, l’ancien terrain de La Mine est propriété d’un particulier, des épicéas y croissent par endroit tandis que les vieux puits regorgent d’eau qui sert à alimenter le Grand-Duché de Luxembourg.

 

(1) P.Vandermaelen: géologie, essais géognostiques.

(2) Bul.I.A.L. 1949.

 

 

3.2.2 Secteur secondaire

 

HORRITINE (” La Tannerie”) (Oritine / à l’ Tanerîe) (Octave, 1973, 8)

 

Lieu-dit d’une ancienne tannerie aujourd’hui disparue.

 

Nous donnons ici une courte synthèse de ce travail artisanal, afin d’en rappeler le souvenir.

Le tannage est une industrie qui remonte loin dans l’histoire. Il semble que la peau ait été utilisée sur une large échelle, même dans la préhistoire. En effet, à la suite d’observations plus ou moins réflé­chies, on avait constaté l’action conservatrice et tannante des sucs de végétaux, action qui se dévoilait au sein des forêts, aux endroits où les arbres abattus macéraient dans les mares d’eau.

A cette époque, le tannage ne pouvait être considéré comme constituant une industrie à proprement parler, il y avait tout au plus, dans chaque tribu un spécialiste du travail des peaux en vue de la confection des vêtements, des chaussures, d’équipements guerriers, ou encore pour les différents usages domestiques.

Après une longue série d’étapes et lorsque naquirent les agglomérations, l’humble spécialiste devint artisan.

Le travail du cuir occupera plus tard une place prépondérante dans les diverses activités, mais la nature malodorante des matières premières et les nécessités du travail obligeront son exécutant à se fixer à l’écart des habitations, de préférence le long d’un cours d’eau, l’eau étant in­dispensable à ce métier. A cette époque l’installation était modeste et rudimentaire, le maître y travaillait avec sa famille et quelques ouvriers.

D’artisanale, l’activité devint vraisemblablement industrielle dès que les produits chimiques vinrent remplacer les produits naturels et que furent utilisés les colorants artificiels.

L’outillage se mécanisa. On assista dès lors, à une disparition lente mais progressive de ces petites industries et de ces ouvriers de tanne­rie qui avaient été capables, avec les moyens de l’époque, de travailler la peau depuis la matière brute jusqu’au produit fini.

Les peaux, dépouillées ou peaux brutes étant très putrescibles, il était donc indispensable de ménager leur conservation pendant le temps, varia­ble et parfois assez long, qui s’écoulait entre le prélèvement de la peau sur la bête et sa mise en oeuvre en tannerie. Il y avait deux modes de conservation : le séchage et le salage. Le séchage était un procédé économique mais qui devait être conduit avec soin. On estime qu’après ce traitement le poids d’une peau se trouvait ré­duit de 60 à 70 %.

Le salage était le procédé employé le plus couramment ; lui aussi réduisait le poids de la peau, réduction provoquée par déshydratation, mais dans une proportion moindre (20%).

Les cuirs bruts étaient empilés, côté poils en dessous, le côté, chair de chacun d’eux étant recouvert d’une couche de sel gemme ou marin.

 

(p.9) Nous devons les renseignements qui suivent à la famille Lambert, d’Horritine, “La Tannerie” comme on l’appelle encore dans la région, vu que la famille Lambert y était installée depuis plusieurs générations. Cette tannerie, que l’on pouvait considérer comme déjà importante, compte tenu de la région dans laquelle elle était située, était connue pour la qualité de ses cuirs.

Elle existait depuis 1810 ; elle fut détruite en 1848 par un incendie, mais rapidement reconstruite. Elle occupait en permanence 8 à 10 ouvriers. Ces nombres étaient portés de 20 à 30 ouvriers de la région, quand en hiver les travaux des champs étaient terminés.

Elle possédait 80 fosses ou cuves et subsista jusqu’après la guerre de 1914-1918. Elle ferma ses portes vers les années 1921/22, mais durant la dernière guerre, on pouvait encore s’y procurer les tout derniers cuirs.

On utilisait donc des peaux indigènes quand celles-ci s’avéraient être de bonne qualité, c’est-à-dire non trouées par le varron (en wallon”waraba“). Quel est cet ennemi, le varron ? C’est la larve d’une mouche appelée “hypoderme du boeuf”.

 

Cette larve minuscule est entraînée dans le corps de la bête par la langue de celle-ci, lorsqu’elle se lèche; elle y subit dif­férentes transformations et, au printemps, elle finit par se loger sous la peau. Là, elle grandit jusqu’à atteindre une longueur de 25mm environ. Elle perce alors un trou dans la peau pour sortir à l’air libre en vue de sa métamorphose en mouche.

La peau de la bête étant gravement endommagée par les trous de sortie, ces peaux “waramées” ne pouvaient dès lors convenir aux tanneries. De même les blessures, les déchirures ou le mauvais entretien des bêtes dépré­ciaient la qualité des cuirs.

Vu la mauvaise qualité de la production indigène, la plus grande partie des peaux brutes était  donc achetée à l’étranger. La famille Lambert achetait particulièrement ses peaux en Amérique. Elles arrivaient à Anvers et leur transport s’effectuait par chariots. Les chariots furent remplacés par le chemin de fer dès la construction de celui-ci.

A leur arrivée, les peaux subissaient diverses opérations, disons de préparation au tannage proprement dit; opération de trempe, d’épilage et enfin décharnage.

L’opération de trempe, ou trempage, ou reverdissage, consistait à immerger les peaux durant 4 a 5 jours, soit dans l’eau courante, soit dans des bassins conçus à cet usage et dont l’eau était renouvelée afin d’éviter la putréfaction. Cette immersion permettait d’enlever à la peau les ma­tières solubles. Ceci explique la nécessité d’installer la tannerie à proximité d’un cours d’eau.

 

Les peaux, après leur sortie des bassins, étaient alors placées dans un “échauffoir” à température constante de 30° durant 15 jours à 3 semaines. Notons, gaiement, qu’avant le chauffage artificiel, la putréfaction dans les chauffoirs entraînait d’elle-même une forte élévation de température. La tannerie Lambert possédait vers 1859 une machine à vapeur de cinq che­vaux destinée à l’opération précitée.

La kératine des poils et des couches supérieures de l’épidémie résistait à l’action microbienne ; par contre, les cellules vivantes des couches pro­fondes non cornées Etaient désagrégées et dissoutes. Ainsi, tout l’épiderme disparaissait, la partie cutanée par dissolution, la partie externe par dislocation.

 

(p.10) L’épilage et l’écharnage qui lui succédait consistait à enlever les poils et résidus du côté fleur (poils) et les tissus sous-cutanés musculaires du côté chair.

L’écharneur, ouvrier très adroit, se servait d’un outil émoussé, c’est-à-dire non tranchant : outil à deux poignées muni d’une lame épaisse, un peu incurvée et d’une quarantaine de cm de long. Ce travail s’effectuait sur un chevalet semi-cylindrique. L’ouvrier étendait la peau bien à plat en la déplaçant au fur et à mesure de son travail, de façon à ce que toutes les parties de la peau se placent sur le cylindre. Il travaillait donc toute la surface en poussant son outil de haut en bas.

Au contraire, du côté chair, il utilisait un outil tranchant bien affilé.

Les peaux entières étaient ensuite placées dans des bassements, cuves en bois ou fosses d’environ 3 mètres de profondeur, 2 m. de longueur et 2 m de largeur.

Le cuir frais y était plongé dans des solutions d’abord très peu concentrées (beaucoup d’eau et peu de tannin) pour arriver, pro­gressivement à des concentrations de plus en plus fortes. Il y avait dix bassements successifs avec un séjour de 1 à 3 jours par bassement. Après ces manipulations, on plaçait dans une cuve, alternativement une couche de cuir et une couche d’écorces et ce jusqu’à ce que la cuve soit remplie. Une cuve pouvait ainsi contenir 50 cuirs. On plaçait des planches pour maintenir les cuirs ; les planches étaient chargées de pierres.

Le cuir séjournait d’abord un an en cuve, puis il était ‘recouché” avec des nouvelles écorces et y restait deux ans. Il fallait donc, terme moyen, un cours d’opération de tannage qui durait deux ans et même trois ans, les cuirs n’en étant alors que meilleurs. C’est dire qu’un tel procédé de travail ne pourrait plus être envisagé aujourd’hui.

Chaque tanneur avait, paraît-il, son mode de fabrication person­nel qui se différenciait de celui des autres par la durée du tannage. Il y avait le tannage rapide, le moyen, le lent et l’extra lent. La durée différait selon la sorte de cuir à obtenir.

L’opération du tannage présentait donc une importance primordiale pour obtenir des cuirs aux qualités requises, c’est-à-dire de fermeté, de résistance, d’imperméabilité.

Un jeu de mots, bien connu par les vieux tanneurs, peut-être utilement rappelé ici: ” Pour faire un bon cuir, il faut du tan et du temps”.

Le ” temps” nous en avons parlé ci-avant.

Le ” tan” est l’écorce du chêne hachée, broyée, puis moulue et qui constituait, jadis, la seule matière tannante utilisée.

(p.11-12) Les meilleures écorces étaient celles de taillis de chênes de 15 à 20 ans, à écorces lisses et non gerçurées et celles des taillis croissant aux expositions les plus chaudes : c’était les plus ri­ches en tan. Au delà de 25 ans, la teneur en tannin diminuait. La tannerie Lambert achetait ses écorces au Grand Duché de Luxembourg où les taillis étaient mis en exploitation tous les 15 ans.

 

Il nous paraît utile de donner succinctement quelques détails sur le travail de l’écorçage, activité aujourd’hui disparue des Ardennes en même temps que nos anciennes tanneries.

Voici le procédé de l’écorçage. Réalisé de préférence au printemps ( à cette époque, la montée de la sève produit une surtension de l’écorce particulièrement favorable) l’ouvrier écorceur, par une entaille d’abattage, dégageait le pied du chêneau; ensuite sur un côté du tronc, il incisait à la hache, l’écorce jusqu’à une hauteur de 2 m 50 environ. C’est dans cette rainure qu’il introduisait son ” peloir” nommé “pèleû”, de façon à détacher du tronc toute l’écorce cylindrique sur une longueur d’à peu près 2 m50. Il abattait ensuite l’arbre et continuait l’écorçage de la partie supérieure (suivant L. Hector)

Les écorces étaient réunies en fagots d’un poids de 25 kg, nommés « botes di chwaces », pour être conduites au moulin à écorces de la tannerie.

Le bois écorcé (bois pelard) s’appelait « clèpère » ou « pèlwê » et constituait un excellent bois de chauffage.

La parcelle exploitée n’avait pas besoin d’être replantée ; les souches des chêneaux donnaient des rejets (djitons) qui étaient écorces 15,20 ou 25 ans plus tard.

Dès leur arrivée à la tannerie, les écorces étaient broyées méca­niquement ou à la main, puis réduites entre des meules, afin d’obte­nir une poudre grossière nommée le “tan”. Cette opération était con­duite de façon à obtenir des solutions de concentration bien déter­minées, variables suivant les phases du tannage dont nous avons parlé.

Par suite des ravages causés dans les forêts de chênes, le tanin devint rare ; de plus, le tannage restait, comme nous l’avons vu, une opération de longue durée, ce furent les causes de la fin de cette industrie.

  1. Lenoir (1) originaire du Sud-Luxembourg ouvrit la voie au tannage chimique par ses différents essais de tannage. Il construisit, notam­ment un four dans lequel il déposait les peaux et y faisait passer un courant d’ozone ; au bout de trois heures pour certaines peaux, de trois jours cour d’autres, il obtenait un cuir utilisable. Ce fut le point de départ du tannage chimique. Il publia une brochure sur ses recherches ; dès lors, le tannage des cuirs passionna les chercheurs.

 Le tannage au chrome date de 1885.

 

(1) Etienne Lenoir est né à Mussy la Ville près de Virton en 1822. Il est décédé en France en 1900.Ce Luxembourgeois presque ignoré fit bien d’autres découvertes ( L.Lefèvre, A.I.A.L.1948.)

 

(p.13) Vers 1840, on comptait environ 94 tanneries pour la province de Luxembourg.

En province de Liège, les tanneries de Stavelot et Malmédy étaient les plus importantes.

A La Roche: 10 tanneries dont H. Orban de Xivry. A Bastogne : 8 tanneries: Brunotte, Faber, Servais, Lambert, Croisy, Gérard, Nivarlet, Jacquemin. A Houffalize : 3 tanneries: Poncin, Lemaire,  Dubru. A Noville : P. Jacquemin. A Wiltz : 19 tanneries. Cette bourgade

possédait également une fabrique de colle forte, qui était une activité annexe à celle de la tannerie. A Clervaux: 9 tanneries.

Echternach possédait une fabrique de cuirs laqués et maroquinés. Elle utilisait les peaux de moutons du pays et de chè­vres, des Ardennes et de Suisse.

HORRITINE, autrefois, siège d’une importante tannerie est aujourd’hui le centre provincial d’information agricole (dirigé jusque récemment par le professeur Jean Lambert (UCL)).

 

 

ANNEXE

 

in : Yannick Pieltain, Mémoires d’anciens ou Bourcy vu et conté par les anciens, s.d.

(p.20) Anciennement, aux alentours de la guerre 14-18, existait à Bourcy une fabrique de cirage. Cette fabrique était alors tenue par le frère de Jules MAQUET. Située au début à la place de l’actuelle maison de Roger SULBOUT, elle fut transférée par la suite à la place du café DOMINIQUE. On amenait là les matières premières pour créer le cirage de marque « VishWALL » Monsieur Maurice MAQUET de BOURCY habitant   actuellement   à   Burnontige-Ferrière   nous   écrit   et   donne   un   complément d’information…

Je suis le petit fils d’Alphonse MAQUET, le frère de Jules et fabricant de cirage. Cette exploitation a pris fin un peu avant la guerre de 1940. Il fabriquait du cirage dont la marque n’était pas VISHWALL, mais bien VELVET et BURY (donc deux marques différentes).

 

 

 

3.2.3 Secteur tertiaire

 

SILHOUETTES DISPARUES  (Octave, 1973, 125)

 

le marechal-ferrant

Cravatte,  J. Jacquemin, E.Ries.

Disons avec Verhaeren (La multiple splendeur) :

……..Et vous, enfin, batteurs de fer, forgeurs d’airain,

Visages d’encre et d’or trouant l’ombre et la brume,

Dos musculeux tendus ou ramassés, soudain

Autour de grands brasiers et d’énormes enclumes…

 

Plus de chevaux à ferrer, plus de roues à bander, plus de forgerons.

 

LE RETAMEUR BOXER

D’origine allemande disait-on, il venait une ou deux fois l’an, pour 2 jours, tout au plus. Il s’installait au milieu du bourg, sous l’oeil in­téressé ou moqueur des gosses, tirait de se vieille roulotte vermoulue, le soufflet que sa “vieille” actionnait, l’oeil vague, assise sur une caisse.

Il réparait les casseroles et les seaux troués ou à l’anse arrachée, tous les humbles ustensiles de ménage à rafistoler pour quelques sous.

 

LE MARCHAND DE CHIFFONS, de vieilles ferrailles, de peaux de lapins, de peaux de taupes etc.

 

LE MARCHAND DE ‘SORÈTS’ du vendredi. Il venait de Bastogne tôt le matin, le panier au bras: il avait sa clientèle régulière et s’en retournait le panier vide de poissons, mais rempli d’oeufs.

 

LE MARCHAND D’ŒUFS

Le plus typique dont on se souvient, fut sans doute le Verviétois ” le vieux Emile ” qui, régulièrement chaque semaine, un immense panier à chaque bras faisait le tour des fermes. Le vieux chapeau délavé, les lunettes de myope” glissant sur le bout de son nez, avec sa voix de crécelle et son accent verviétois: « Les oeufs baissent », savèz, m’ fîe, « cette semaine »; et il comptait méthodiquement d’un geste empreint de gravité en prélevant les oeufs de la corbeille pour les mettre dans son panier: “trois-six-neuf-une douzaine, “trois-six-neuf- plus trois-deux douzaines, et ainsi de suite. Puis sortant de sa poche un sac de toile, qui se fermait simplement à l’aide d’une ficelle, la monnaie rap­prochée sous le nez, il vous comptait l’argent.

 

Il y avait aussi les MARCHANDS AMBULANTS, les COLPORTEURS,  les  gagne-petits, avec un panier de quelques merceries, lacets, épingles de sûreté, peignes. Puis les plus importants, comme Alphonse Collin-Hens, qui chaque matin quittait le village avec sa voiture et son cheval pour faire ses tournées régulières dans les bourgs environnants. Attert de Bastogne puis Dedoyard de Baconfoy. Celui-ci, parfois accompagné de son fils, ouvrait les deux battants arrière de sa voiture arrêtée au moyeu de la rue, et comme une envolée, les ménagères accourues, regardaient, palpaient, discutaient, et marchandaient, les coupes de drap, de tissus, chemises, tabliers, lainages. Et combien d’autres encore, marchand des quatre-saisons, le boulanger (Mathieu de Buret), etc.

 

LES MENDIANTS aussi étaient assez réguliers dans leur visite, soit chaque semaine, comme les deux petites vieilles de Wardin comme on les appelait, la petite, un peu bourrue, et sa soeur récitant, sur le seuil, un ave et un pater en promettant la récompense divine.

(p.126) D’autres, moins réguliers peut-être, mais que l’on reconnaissait, les uns à l’air peu engageant et qui faisaient peur aux enfants, comme un cer­tain ” garou”, les autres, à l’air de bons vieux à la barbe blanchie.

Le soir venu, ils étaient certains de trouver un abri pour la nuit, car dans chaque village l’hôte charitable était connu (Louis Octave); après la tartine et le café, ils discutaient les nouvelles apportées des autres localités, lors de leurs pérégrinations, et ils passaient la nuit sur le fenil, pour repartir au petit jour.   

Il n’y en a plus dans nos villages, du moins des vrais, de ceux d’autrefois. Actuellement, la mendicité est officiellement interdite en Belgique.

 

Céline Paquay-Collin ou ” Céline “d’â pont“, qui guérissait certains maux et les petites blessures, par la rhubarbe sauvage, le chiendent, le plan­tain, l’herbe St Antoine, toutes ces “herbes spéciales” étant cueillies à la rosée du matin.

 

Catherine Jacquemart-Collin qui durant tant d’années ensevelissait les morts du village.

Beaucoup d’anciens se souviennent encore, vers les années 1927, de “Nanèsse” qui fut à ses débuts une feuille hebdomadaire amusante, mais qui dégénéra bientôt en un réseau d’intrigues mesquines propres à réveil­ler des animosités (éditée à Liège).

 

N’oublions pas de citer “les romanichels”, qui faisaient halte à l’entrée du village avec leurs roulottes et leurs chevaux. Les femmes exploraient le hameau avec, accrochés à leurs jupes longues et bariolées, des bambins au teint brun et aux cheveux noirs. Mais on ne les aimait pas, on les disait voleurs, et ils étaient plutôt accueillis avec méfiance. Ils partaient d’ailleurs rapidement.

 

(Octave, 1973, 128) ECHOS SUR LES METIERS D’HIER ET D’AUJOURD’HUI

 

Comme dans le plupart des hameaux ardennais, Bourcy comprenait autrefois en majorité des cultivateurs et leurs aides, le berger,  le vacher, le porcher, un meunier, peut-être un artisan,  comme Biaise le tisserand, un tailleur, un cordonnier.

 

L’exploitation de “La Mine” et la tannerie de Michamps fournirent un gagne-pain à nombre de famille. Ensuite vinrent s’ajouter des menuisiers (H. J. Brunet, Kollé, D. Lassine, Dussart,.. ), sabotier, (E. Jacquemart) des bûcherons, des marchands de bois, des maréchaux-ferrants.

On nous raconte qu’un frère Kollé, menuisier, avait inventé une scie circulaire actionnée par un gros chien. L’animal était enfermé dans une immense roue à aubes entièrement fermée. En voulant se maintenir en équilibre, il actionnait la roue qui grâce à une courroie reliant une petite roue à la scie, faisait actionner celle-ci. Toutes les heures on remplaçait le chien

par un autre. (R.Maquet)

 

Odon Warland débuta au château de Bourcy comme domestique, tout en roulant à ses moments perdus, des cigarettes qu’il vendait aux habitants; puis de­venu petit ambulant,  il parcourut les villages voisins avant de s’installer à Liège, puis à Bruxelles, où il fonda la Société Odon Warland” et la ciga­rette “Boule d’Or”.

 

La ” fabrique Maquet” qui était une entreprise de famille, fournissait la poix pour cordonniers (harpie) et une graisse spéciale pour grosses chaus­sures. L’aîné des fils, Alphonse Maquet,  surnommé “Vîje ôle” (à cause de la graisse de fabrication à base d’huile de poisson) reprit d’ailleurs cette fabrique à son nom personnel, mais se spécialisa un peu plus tard dans la fabrication du cirage.

 

Avec le développement économique, le construction des chemins de fer, le village cessa d’être uniquement agricole, le monde rural s’ouvrit rapide­ment à de nouvelles activités : tailleurs de pierres et ouvriers des routes et dos chemins de fer, employés des chemins de fer et des postes.

 

On vit s’ouvrir les premiers cafés (avant l’installation de la voie ferrée un café se trouvait face à l’église, dans la maison Schaak-Bourguin), les épiceries se multiplièrent, un fabricant de limonades s’installa près de l’école communale, et le boucher Franzen-Abinet eut sa clientèle (bien avant les maisons Geuzaine et Annet). (NDLR Ce boucher, ne supportant pas la nouvelle concurrence, tenta de nuire à la première maison d’une façon répréhensible qu’on ne mentionnera pas ici.)

 

Jusque vers 1920, Bourcy possédait une briqueterie exploitée par Monsieur Henri Zimmer: le chantier créé par lui, était situé route de Moinet. Dès le début de l’installation de l’électricité, vers 1928, s’établit route de Hardigny, une fabrique de construction de poteaux en béton. Le trafic s’intensifiant entre les pays limitrophes, les douaniers se fixèrent, dans les hameaux longeant la frontière.  (…)

 

Une gendarmerie vint s’y installer également, en 1938 (1er chef Massin) et ce jusqu’en 1954. En 1906, Bourcy eut son médecin, mais comme nous l’avons dit, il ne revint pas de la guerre 1914/18. Le docteur Louis vint s’y fixer, au plus grand profit de tous, à partir d’octobre 1924.

Dans le courant de l’année 1946, Messieurs Booz, industriel de Laneuville, et un associé, Monsieur Sterck de Namur, fondèrent “la scierie de Bourcy”, avec une vingtaine d’ouvriers. Les travaux de reconstruction nécessitant une grande quantité de bois, celle-ci fonctionna à plein rendement. Le 1er juillet 1968, elle fut reprise en association, avec la maison Burelet de Cognelée (Namur), Messieurs J. Fertons et R. Martin. Cet atelier s’occupait du pelage de

planches, de bois pour lambris et de panneaux pour coffrage suivant un processus spécial de fabrication. (…)

 

 

FOIRES  (Octave, 1973, 109)

 

Depuis les temps les plus reculés, il s’est toujours tenu à Bastogne, des foires très fréquentées où l’on vendait des grains, non pas seule­ment de provenance indigène, mais aussi de l’étranger, d’Allemagne principalement.

Il y avait aussi le marché aux chevaux, chevaux que l’on appréciait déjà pour leur robustesse et leur endurance, ainsi que les marchés aux moutons et aux porcs.      

Un relevé signale qu’en 1799, les 6 foires de Bastogne étaient très célèbres avec leurs 400 chevaux, 500 bêtes à cornes, 600 moutons et 800 porcs.

A côté du bétail, on y trouvait également tous les produits de la terre, denrées saisonnières, ainsi que les mannes, les paniers, les ” ramons”…

On ne voyait pas d’échoppes sur le marché, les marchandises se trouvaient dans des tombereaux ouverts dételés, reposant sur leurs brancards. Les fermiers venaient vendre les produits de la ferme ou s’approvision­naient de marchandises en échange. (…)

Les foires d’Houffalize étaient également très anciennes ; déjà en 1388, le Comte de Luxembourg autorisait son vassal Thierry de Houffalize à instituer deux foires annuelles : l’une le mercredi avant la Pentecôte, la seconde à la St Barthélémy (24 août); celles-ci confirmées par Charles-Quint en 1528.

En 1682, il y avait trois foires dans la seigneurie de Houffalize : la 1ère commençait trois jours avant, pour finir trois jours après le St-Sacrement, la seconde à la St Barthélémy, la 3ème se tenait à Cowan et commençait le second samedi de septembre pour finir le lundi à midi (1).

Dès 1827 et 1833, de nombreuses foires aux bestiaux, surtout aux moutons, avaient lieu dans divers villages. Ainsi, on signale 2 foires annuelles aux bêtes à laine à Noville: le premier mai et le 20 septembre Une à Buret, au mois d’août, également à Wibrin, Bas-Bellain, Clervaux, etc.

En 1853, à Bourcy, dans la première quinzaine de juin de chaque année, se tenait, pendant 3 jours, une foire spécialement destinée à la vente de la laine (2)

En 1895: suite à une demande des habitants, des foires à bestiaux eurent lieu six fois l’an, en mars, avril, mai,juillet, août et septembre. Celles-ci furent annulées le 22 janvier 1908, par le Conseil communal. (2)

En 1912, Bourcy se glorifiait d’avoir de nouveau ses foires aux bêtes à cornes et aux porcs, qui avaient lieu le dernier lundi de chaque mois, (surveillants sanitaires: Drs Lefevre et Defoy) Finalement elles tombèrent en désuétude. (2)

En 1932: un nouvel élan les rétablit. Elles eurent lieu, tous les 4e lundi de chaque mois, sauf en décembre, à la place de la gare; foires aux bes­tiaux et camelots.(L. Defoy est de nouveau Dr inspecteur). Elles durèrent quelques temps.

Déjà, avant 1940, de nombreuses foires étaient en voie de disparition. Seules celles de Bastogne gardaient et gardent encore de l’importance.

 

(1) A.I.A.L. année 1911.  (2) Arch. communales.

 

 

Services à la population

 

 

in : Yannick Pieltain, Mémoires d’anciens ou Bourcy vu et conté par les anciens, s.d.

(p.24) La distribution d’eau à Bourcy

 

La distribution d’eau à Bourcy, quoique l’on puisse en penser n’est pas si lointaine. C’est en 1966 que fut installé définitivement ce service. On ‘supprima alors les anciens bacs pour obliger les habitants à se raccorder et ainsi amortir l’investissement initial. Des bacs, le village en était bien pourvu. En effet, situé sur une multitude de sources, il ne fallait pas chercher bien loin pour puiser l’eau. Chaque maison était d’ailleurs pourvue d’un puits privé… Il y avait des bacs à l’entrée de l’église, près de chez KRACK et également sur la route de Noville. Celui de l’église était alimenté par un captage situé à la source de l’actuelle maison COLLIGNON. Une   laverie existait également (…).

C’est là que les ménagères se rendaient régulièrement pour   battre   leur linge. La lessive était   alors   toute une   tradition   et un   long   travail.

On faisait tremper le linge la veille dans de l’eau et du savon.

On le faisait ensuite bouillir dans une immense marmite. Ensuite, les femmes égouttaient le linge et le battaient. Elles se rendaient enfin à la laverie pour achever de battre le linge sur le grand bac.

 

3.2.4 Les transports

Voir 3.1.6. 

3.2.5 L’enseignement

Voir  3.1.5.

3.2.6 Ilustrâcions / Illustrations

3.2.6.0 Vikèdje di tos lès djoûs / Vie quotidienne

lavwèr di Borci / lavoir de Bourcy

3.2.6.1 Secteur primaire

lès bokions (les bûcherons) (dèssin / dessin: J.-Cl. Servais)

dèbârdadje / débardage

Borci / Bourcy - tchâr tchèrdjî d' foûr / chariot chargé de foin

moûde lès vatches / traire les vaches

cinse Faîron (Mîtchamp) / ferme Fairon (Michamps)

Louis Jacquemin, cinsî biyo / fermier bio

(Proximag, 25/05/2016)

à l' mine di plomb / à la mine de plomb (Longvli / Longvilly)

3.2.6.2 Secteur secondaire

Mîtchamp / Michamps - Oritine / à l' Tanerîe (Horritine à la Tannerie)

 3.2.6.3 Secteur tertiaire

Borci / Bourcy - cabarèts / cafés

Borci / Bourcy - intèrprîje / entreprise Collin (machines agricoles)

Borci / Bourcy - amon Collin / chez Collin

pus târd ... / plus tard ...

3.2.6.4 Les transports

tram et chemin de fer

L'énergie (ici: le gaz)

3.2.6.5 L’enseignement

à l' pitite sicole / à la petite école - Mme Francine

(VA, 25/10/1991)

2000s

2009 "Mr Scrooge"

(VA, 24/12/2009)

Borci - à li scole / Bourcy - à l'école

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