Machines èt ostèyes agricoles dins l’ culture walone

Machines et outils agricoles dans la culture wallonne

PLAN

1 tchèrwadje / charruage

2 fautchadje / fauchage

3 transpôrt / transport

4 ostèyadje / outillage

1 tchèrwadje / charruage

tchèrûwe (tchèreuwe / tchèrowe) (charrue)

(Arthur Balle)

Elisée Legros, La charrue: in : EMVW, 1931-48, p.316-318

 

C’est le plus souvent ère, èrére, correspondant au latin aratrum et au français araire, lesquels désignent proprement la charrue sans roues.

Tchèrowe, généralement, ne désigne pas l’instrument qui sert au labour, mais le labour lui-même. Aler à l’ tchèrowe, aller au labour. Il dérive du latin carruca, mot d’origine gauloise signifiant voiture, et appliqué par analogie à la charrue à roues.

Fernand Gavage, GEROMONT A LA BELLE EPOQUE, in Echos de Comblain, 10, 1977, p.79

 

La Mécanisation à la Ferme

 Les machines agricoles

 

Avant 1900, l’antique araire est doublée par la charrue « double-brabant », Celle-ci permet au laboureur de ne plus s’occuper que de ses chevaux dès qu’il a mis le soc en terre. Plus de « queue d’araire » (mancheron) à tenir pour diriger l’engin ! Savoir maintenir le cheval « de main » dans le sillon, c’est tout. Et le vieux cheval « de main » savait ce qu’il avait à faire. Pour lui, « li lignoûle » (bride du cheval attelé à la charrue) était inutile.

En outre, à la fin du sillon, al forîre (forière, lisière ou petit côté d’un champ), il suffit de déclancher le système de changement de socs, de les basculer tout en tournant l’attelage et de remettre une des roues de l’avant-train dans le sillon, et d’appuyer sur la petite poignée derrière les versoirs pour enfoncer le soc. D’où gain de temps appréciable en comparaison avec le labour à l’araire (l’èrére). En effet, avec l’araire, si on labourait en ados, au fur et à mesure de la progression du travail, il fallait de plus en plus de temps pour aller du sillon de gauche à celui de droite. Pour ne pas faire un monticule au centre du terrain, l’année suivante, il fallait « taper å lådje », c’est-à-dire commencer le labour par les limites du champ et ter-

miner par un sillon au milieu Pour le labour en ados, le laboureur mesure à l’enjambée la largeur du champ et met à chaque demi-largeur un repère, en l’occurrence un fort rameau garni d’une touffe d’herbe (on sordjont). Il s’agit maintenant de faire le premier sillon et il faut le coup d’œil pour le creuser bien droit d’un repère à l’autre.

Si le champ est trop large, on le divise en « sèyons », parcelles ou portions Avec le « double-brabant », toutes ces manœuvres sont évitées. Une fois, le versoir « jette » en haut ; l’autre fois, en bas. Le labour est aussi plus profond et mieux fait. Il n’y a plus les irrégularités, appelées « dès r’nåds » (des « renards ») dues à un mauvais guidage de l’araire.

De nouvelles herses (« îpes ») font aussi leur apparition : la herse carrée qui, à l’aide d’un système d’attelage, travaille en diagonale et permet de mieux recouvrir les semences. Elle est surtout employée pour effectuer le dernier hersage du semis, ce qui se disait « ricori ». (Ce mot, avec ce sens précis, ne figure pas au Dictionnaire wallon de Jean Haust.)

Puis, vient « l’ipe a r’ssôrts », la herse à ressorts, dite aussi « canadienne » qui permet d’ameublir le sol plus profondément. On l’employait également pour désherber et déchaumer.

Tous ces nouveaux instruments aratoires sont utilisés à Géromont dès, sinon avant, le début de notre XXe siècle.

Quant au hersage des prairies (« houyî âs prés »), j’ai encore vu des herses triangulaires avec dents en bois auxquelles on avait agencé de grosses branches d’aubépine pour étendre les taupinières ou émietter le fumier épandu.

Ensuite, viennent les « hîrtcheûs » qui sont constitués de deux « poutres » parallèles ferrées dont une attache en fait des traîneaux pour les chemins, et l’autre des épandeurs de taupinières.

A ces « hîrtcheûs », on fixe aussi de grosses branches d’aubépine bien garnies, afin de réduire au mieux les taupinées pour que celles-ci n’entravent pas le fauchage.

Les poutres ferrées seront remplacées par des tronçons de rail, mais les branches d’aubépine seront toujours là pour mieux étaler les taupinières.

Ces instruments sont des inventions artisanales dont on ne connaît ni l’origine ni la date.

 

Une remarque d’intérêt local et régional : avant le « double-brabant », il y avait un « simple-brabant » dont l’inventeur, qui prit d’ailleurs un brevet, était M. Désiré Leduc de Mont-Comblain.

brabant (charrue du Brabant)

(Arthur Balle)

tchèreuwe avou dès reuwes (tchèrowe avou dès rowes) - charrue à roues

(EMVW, 1931-48, p.163)

èré à pîd (charrue à pied)

Elisée Legros, La charrue: in : EMVW, 1931-48, p.316-318

 

Ces deux charrues du XVIIIe et du XIXe siècles ont été en usage dans l’arrondissement de Liège. Elles sont presque entièrement en bois. La première sans avant-train, est l’ èrére à pîd. La seconde, l’ èrêre a rôlètes. Les noms des différentes pièces que nous indiquons sont ceux de la région liégeoise.

 

Légende des figures des pp. 317 et 318 :

A håye, grêle ou grègne : âge, haie ou flèche. — B. quowe : mancheron, queue. — C. pougnêye, pougnète : poignée. — D. hî (de l’ ére à pîd), bètchèt (de l’ ére à rôlètes) : soc. — E. talon : oreille. — F. rîsse : versoir. — G. coûte : coutre. — H. p’tit hî ou pèleû : peloir. — I. pîd : pied, sabot. — J. K. crama : crémaillère. — I. broke : cheville. — M. martê : marteau. — N. vis’ di prèssion ; vis de pression. — O. splinke sprinke : pleyon, tortoir. — P. tièsse : cep ou sep. — Q. èssihê, tchårê : avant-train. — R. prèsse : sellette. — S. fotche : timon. — T. spêye, rêye ou hêye : étançon.

tchèreuwe (tchèrowe) (charrue)

(André-Gérard Krupa, Nadine Dubois-Maquet, Françoise Lempereur, Le Musée de la Vie Wallonne, Crédit Comm.,Liège)

binwè

(Eric Ernalsteen)

hiètche (herse) (DL)

dosswè à brokes

(H. Plisnier)

2 fautchadje / fauchage

Guy Belleflamme, La prairie herbagère au pays de Herve-Blégny-Dalhem, Coll. Comté de Dalhem, 1998

 

(p.180) Chapitre 3 – Les prairies de fauche

 

CLXXXV Terminologie

 

1 Faucher, faner

 

Faucher : soyî. La fauchaison : lu (li) soyåhe [L31, 56, Ve8], soyåve [Ve19].

Souvent, on ne dissocie pas la fauchaison de la fenaison ; on parle alors de fenhe [L31, 56, Ve8], de fènåve [Ve6, 13]. L’époque de la fauchaison : ån fène sovint po l’ sint-Mèdåd « on fane souvent pour la saint-Médard », le 8 juin [L31] ; è meûs d’ djeû « au mois de juin » [L56, Ve6, 13]. On qualifie aussi le mois de juin de fènå-meûs «  mois de la fenaison  » [Ve8]. Le regain : lu (li) wayé (wayin). Un temps favorable à la croissance du regain est un wayé-timps [Ve13, 19]. Le foin : lu (li foûre.

 

2 Espèces, parties, qualités et défauts du foin

 

Le foûre di dj’vau «  foin de cheval  » est un gros foûre «  gros foin  » [L31, 70, Ve8].

Il est plus tardif, plus dur ; les semences sont tombées. On le réserve pour les chevaux, pace qui li dj’vau inme co bin d’ crahî « parce que le cheval aime encore bien de ‘craquer’, grincer (des dents) ». C’èst dè foûre assåhené « c’est du foin ‘assaisonné’, fleuri », et souwé so pîd « séché sur pied » [L56]. Le foin devient fenèsse « desséché » lorsqu’il est fèné so pîd « fané sur pied  » [Ve13]. Ce foin grandit surtout duvins lès frèhès wêdes « dans les prairies humides » [Ve13]. Le foûre di vatche « foin de vache » est un bô foûre « bon foin », de meilleure qualité [L70, Ve8, 13]. Le pied du foin : lu (li) pîd dè foûre [L70, Ve13].

 

3 Le meilleur moment pour la fauchaison

 

I n’ fåt jamês lèyî d’ssåhener l’ foûre : qwand l’ foûre èst flori, èl fåt soyî « il ne faut jamais laisser dessaisonner (= perdre sa semence) le foin : quand le foin est fleuri, il faut faucher ». Si on tarde trop, le foin djanihe (djènihe [Ve13]) è cou èt i r’tome « jaunit à la base et il retombe » [L31]. Le moment idéal : i deût môter à fleûrs « il doit fleurir », commencer à fleurir. Ce foin-là est réputé pour être très lêtiant « lactifère » [L56]. Plus un foin est jeune, plus il est crås « gras » [L70]. Il ne faut faucher le foin ni trop timpe ni trop tård « ni trop tôt ni trop tard » [Ve6]. Un foin mûr est un foin assåhené [L31, Ve6], maweûr « mûr » [L56, Ve8]. Les foins fleurissent : i florihèt [Ve13]. Le foin est venu à semences : il èst s’mayî [L70]. Le foin est trop sec : i n’ a pus nole ameûr « il n’a plus aucune sève » [L31]. Il est épais : il èst

spès [L31, 56, Ve8]. Un foin maigre : il èst tène « ténu, mince » [L31], clér « clair » [L56]; ô mwinde foûre « un foin de qualité médiocre » [L70] ; il èst p’tit [L31]. Il est aqueux : èst lavé [L70], êwis'[Ve8, 13]. Il est sur : èst sâr [L56]. Les foins sont trop verts : i sôt trop vêrts [Ve6]. Le foin est versé : èst flahî [Ve8, 13]. Actuellement, on fauche de préférence lorsque li s’mince èst todi vète « la semence est encore verte » [Ve8].

li fås (la faux)

(Belleflamme 1998)

(p.181) La faux

 

La faux, lu (li) fås 248 (fig. 58), parmi lesquelles les cînerèsses 249 [L31, 70] sont réputées. Ce sont de grandes faux, de 1 m ou 1,20 m, construites, disait-on, dans un acier spécial [L70].

 

(A) Le dos de la lame : lu (li) hoûr [L56, 70, Ve13] ; li baguète « la baguette » [L70] ; lu bate [Ve13] ; lu scrène « l’échine » [Ve8] ; lu dos « le dos » [Ve19].

(B) La lame : lu (li) lame.

(C) Le tranchant est lu (li) tèyant « le taillant » [L31, 56, 70, Ve6, 13, 19], lu bate 250 [Ve8], lu cou dè l’ fås [Ve8]. À Olne Ve19], on distingue le tèyant « le taillant » de la bate, partie de la lame aiguisée en biseau.

(D) Le talon de la lame : talån [L31], talô [L70, Ve8, 19]. La queue : quowe dè ‘l få [L31], cawe [Ve7, 8]. (E) Le crok, çou qui s’ mèt’ è mantche « ce qui se met dans le manche » [L56].

(F) La pointe de la lame : bètchète.

(G) Le manche de la faux : fåmin [L31, 56, 70, Ve7, 8, 19], mantche [L70, Ve6, 8, 13].

(H, I) Les poignées : lès pougnêyes [L31, 56, 70, Ve6, 8, 13, 19] ; lès crânes [Ve7]. On appelle crâne tantôt la poignée inférieure [Ve8] tantôt la poignée supérieure [L70]. À Olne [Ve19], on appelle manote « manette » la poignée inférieure et crahô « corbeau » la poignée supérieure.

(J) La tige en fer ou en bois qui ramasse le foin et forme les andains : li tchèt 251 « le chat » [L31, 56]; l’ièrbî [L56], l’èrbî [L70, Ve19] « l’herbier ». À Mortier [L56], on distingue le tchèt (tige en fer) de l’ièrbî, véritable claie, d’ailleurs parfois remplacée

 

248 Voir ALW, IX, notice 149 ‘faux (à faucher) et espèces de faux’ et carte 47, pp. 329-335 et PALW, II, 13 ‘faux’ et ‘faucher’

249 Cinerèsse, ou cînerèsse (DFL, 207a, sub v° faux), adj., cinacienne, originaire de Ciney (Condroz). Voir HOSTIN, p. 49 : « faux de première qualité, anciennement fabriquées à Ciney : lès cinerèsses èstint fwârt riqwèrûwes. »

250 Bate, s. f., c’est la partie que l’on bat. WARN., 102 : « Par glissement sémantique, ce terme en arrive à désigner le dos de la lame. »

251Tchèt, s. m., au point de vue sémantique, les griffes de l’outil ont fait penser aux griffes du chat, et l’outil entier fut dénommé chat, tchèt, WARN., 102.

 

(p.182) par eune cleûsète à l’ dorèye « petite claie à tarte », reliée à la faux avec un fil

de fer.

(K) A l’extrémité du fåmin, on a percé ån p’tit trau po-z-î mète li quowe dè l’ få, « un

petit trou où s’emboite la queue de la lame » [L31]. Talon et manche sont enserrés dans une bague en fer : bague [L31, 70, Ve8] ; viroûle [L56, 70, Ve6, 7], vèroûle [Ve8, 19], viroûle [Ve19], « virole » ; bûselâre « petit cylindre » [L56, 70]. C’est eune bague avou deûs scrowes « une bague avec deux écrous » [L31] ; c’ è-st-eune bague avou ô vis’« une bague avec une vis », ou c’è-st-eune bûse avou treûs rivèts « tuyau (en fer) avec trois rivets », qwand ô l’ mèt’ dissus, ô prind ô cogn (cougnèt [L70])

(L) du bwès èt ô l’tchèsse è costé « quand on la (la queue de la lame) place, on prend une cale en bois et on la fixe à côté » pour s’assurer la fixité complète du manche [L56]. On connaît la sépe bague (ô vis’) « bague simple (à une vis) » et la dobe bague (deûs vis’) « bague double (à deux vis) » [L70].

 

Emmancher une faux : èmantchî ‘ne fås [Ve6, 8, 13] ; môter ‘ne fås « monter une f. » [Ve19]. Si l’angle donné à la faux n’est pas suffisamment ouvert, la faux ruvét trop fwêrt « revient trop fort » [Ve13]. Pour calculer l’angle d’une faux, ån l’ calkeule so ‘ne djôdje 252 di brikes « on le calcule sur une rangée de briques » [L31] : la faux plantée devant un mur est inclinée de façon à amener la pointe à l’endroit où se trouvait le talon ; l’espace entre les deux points doit être d’une brique ou d’ eune aspane « d’un empan », dit-on à Cerexhe-Heuseux [L70].

p( (p.183) (1.56] ; èle èst r’bot’ 254 [L70]. Lorsqu’on bat la faux, on se sert d’une enclume et

d’un marteau : lu (li) batemint « le battement » [L31, 70, Ve6, 8, 19], lès batemints [56, Ve6, 13]. Parfois, on se sert de deux mots pour désigner distinctement l’enclume et le marteau. L’enclume : lu (li) batemint [L31, 56, 70, Ve6, 8]; l’ ècome (Ve13] ; ån hèrpê à pène « un ciseau à panne » [L31]. Le marteau : ô mårtê d’ coumê « un marteau d’enclume » [L56], mårtê [L70, Ve6, 8, 13]. On connaît les batemints à pène, avec lesquels on se sert du plat du marteau, et les batemints à plut sur lesquels on frappe avec la pène du marteau [Ve19]. Les quatre crochets de l’enclume : lès qwate croles [L31, 56, 70, Ve8, 13] ; l’ arèt « l’arrêt » [L56]. Habituellement, on plante l’enclume dans le sol, mais ça n’ rind nin bin côp « ça ne rend pas

bien coup », le marteau ne rebondit pas suffisamment [L31, 70]. On préfère planter l’enclume dans ô på tchèssî è têre « un pieu planté en terre » [L70] ou dans un cou d’ åbe « une souche d’arbre » [Ve19]. Méthode : il faut toujours commencer par la pointe et se diriger vers le talon [Ve19]. Le système le plus facile est celui du batemint à plat, pace qu’ o veût mî çou qu’ ô fêt « ‘battement’ à plat, parce qu’on voit mieux ce qu’on fait » ; en effet, on bat la faux avec lu tèyant è l’êr « le tranchant vers le haut » [Ve19]. Battre mal sa faux : fer dès dints d’ soris « faire des dents de souris » [Ve19]. Pour bien battre sa faux, il faut frapper régulièrement, avec la même force, veiller à ce que le marteau soit bien achou « assis » et frapper en tirant le marteau vers soi : bate tot rassètchant « battre en retirant ». Le marteau ne peut pas servir à un autre usage, sinon on ferait des héves « entailles » [Ve19]. Sur un batemint à pène, dit-on ailleurs [L31], ån sètche mî l’ tèyant foû pus tène « on obtient un tranchant plus fin ». On ne bat pas la faux à chaque fois. Si elle est à peine émoussée, on l’aiguise. Le faucheur emploie pour ce faire une pîre à sèmî « pierre à aiguiser » |L56, 70, Ve8, 13] ou une pîre di få « pierre de faux » [L31, 56, 70, Ve6, 8] ou une pîre sin.merèce « meule à aiguiser » [L70]. Ces pierres à aiguiser, « coticules », provenaient surtout de la région de Vielsalm ; aujourd’hui, ce sont des pierres artificielles [L70].

Pour aiguiser la faux, on se tient debout, on retourne la faux en plantant le manche dans le sol, on la tient d’une main en l’inclinant et, de l’autre, on fait glisser la pierre, de part et d’autre de la lame. La pierre à aiguiser est placée dans un coffin : lu (li) cohî (gohî [Ve13]). Il était d’ bwès ou d’ cwène « en bois ou en corne » [L70]. Il est composé d’ ô picot qu’ ô tchôke è têre « d’une pointe qu’on pousse en terre » [L70], d’un crochet, ô crok[L70], crochèt [Ve8], lorsqu’on veut l’accrocher à la ceinture, al cingue « à la sangle » [L31, 56, Ve8, 13]. Dans le coffin, la pierre trempe d’ordinaire dans : d’ l’ êwe èt dè vinêgue « de l’eau et du vinaigre » [L31, 70, Ve7, 13], dè vinêgue [L56, 70, Ve19] ; dè clér di makêye « du petit-lait » [L31] ; de l’eau èt dè sé « et du sel » [L56] ; de l’eau èt d’ l’ èsprit d’ sé « et de l’esprit de sel » [L56, Ve19) ; certains, enfin, urinaient dans le coffin [L70]. On employait particulièrement l’esprit de sel po hagnî fwêrt « pour mordre fort », mais il abîmait très vite la lame ; on l’employait surtout po magnî lès båbes « pour manger les barbes » du

 

254 r’bot’, comp. bot, fr. (pied) bot ; all. butt, néerl. bot, DL ; du germ. BUTT, FEW, 1, 658 ; du néerl. BOT -émoussé, mal aiguisé », GESCH., 29-30.

 

(p.184) tranchant [Ve19]. On se souvient vaguement de la racloire, dè bwès qu’ èst såblé « du bois qui est sablé » [Ve13]. Li raclète servait à couper l’ mwêrt tèyant, li båbe « le tranchant mort, la barbe », qui apparaît lorsqu’on a sèmî « aiguisé ». Les Ådeneûs « Ardennais » l’employaient jadis [L70].

 

CLXXXVIII. Le travail du faucheur 255

 

Le faucheur : lu (li) soyeû. Une herbe qui se fauche aisément, c’ è-st-eune bone côpe « c’est une bonne coupe ». Eune måle côpe, c’ èst tofêr li båbe-di-gade « une mauvaise coupe, c’est toujours la ‘barbe de chèvre’ » [L31]. On fauche de droite à gauche. Un andain est : eune bate [L31, 70, Ve13] ; eun-andin [L56,70,Ve6,8]. Faucher très près du sol : prinde du près « prendre de près » [Ve13]. Le faucheur qui ne fauche pas à ras du sol : i crèstêye « litt. il fait des crêtes » [L31, 56]. On dit aussi : a l’ wayé qu’ èl sût å cou « il a le regain qui le suit au derrière » [Ve13]. Si le foin est flahî « versé », il est molåhî à soyî « difficile à faucher » ; c’est ô foûre, ô fwêrt foûre qui va djus « un foin fort qui verse », à cause d’averses trop grosses [L70]. Dans ce cas, on est contraint de faucher à rôsaces [L31], à rôsètes [L70, Ve6, 8], à rôdês [Ve7] « en rond ». Si l’ fås ièrbêye trop fwêrt, li tèyant ‘nnè va « si la faux ‘herbe’ trop fort, le tranchant s’en va » ; le tranchant, tourné vers le sol, doit être relevé. Chaque faucheur doit adapter la faux à sa taille [L56]. Les bôs soyeûs « bons faucheurs » venaient d’Allemagne ou du Luxembourg [Ve7]. Ils venaient aussi de Houtain-Saint-Siméon, de Bassenge, d’Heure-le-Romain, de Wonck, etc. C’étaient des ouvriers des fabrikes ås tchapês « fabriques de chapeaux » qui chômaient en été [L56, Ve8]. D’autres encore venaient de la province de Namur [L70, Ve8]. C’étaient surtout des Åneleûs « Ardennais » [L70, Ve8, 13]. Ils travaillaient à l’ vèdje « à la verge » [L56, 70] ou å bounî « au bonnier » [Ve13]. Certains ouvriers pouvaient faucher jusqu’à dix verges par jour [L70].

Èlzî faléve li plate di pèkèt à noûv eûres, divant dè dîner, à deûs-eûres, à cink eûres « il leur fallait la (bouteille) plate de genièvre à neuf heures, avant le dîner, à deux heures, à cinq heures » [L31]. À Cerexhe-Heuseux [L70], on connaît une exploitation où les cinq faucheurs commençaient leur journée avec ô p’tit tonê d’ pèkèt de quinze à vingt litres (!). Chaque faucheur buvait deûs gotes « deux gouttes » au début dès lôkès vôyes « des longs andains » qu’on fauchait. À chaque nouvel andain, on buvait. Comme boisson, les faucheurs réclamaient li cafè àl’ canèle « le café à la cannelle », dè l’ tisane ou coco, breuvage fait d’ êwe avou dè l’ duzêye « d’eau avec du jus de réglisse » [L31].

(p.185) Ils commençaient la journée à quatre heures du matin. Å dîner, qwand i féve tchôd, i s’ rihapît one pêre d’eûres « à midi, quand il faisait chaud, ils se reposaient une paire d’heures », puis ils fauchaient jusqu’à huit ou dix heures du soir [Ve7]. In.mît co bé ô bô bokèt d’ lård « ils appréciaient un bon morceau de lard » [Ve7] ou dèl tchår « de la viande » [Ve13]. On raconte, à Mortier [L56], que les faucheurs qui revenaient de Charneux [Ve6] se plaignaient de n’avoir pas eu de crôpîres « pommes de terre » et n’avaient eu à manger que dè l’ salåde « de la salade ». Is lodjît amô l’ vatch’li, è stå ou è l’ fôrî, si ô n’ aveût né ô p’tit plantchî po lès mète « ils logeaient chez le vatchelî, à l’étable ou dans la fôrî, si on n’avait pas une petite chambre pour les loger » [Ve7].

La fauchaison terminée, is passît toucher leûs çans « ils passaient toucher leur argent ». On leur préparait un repas avec du jambon ; c’était un extra [Ve13].

Actuellement, la faux a pratiquement disparu. On emploie la machine à soyî [L31, 56, Ve6] ou faucheûse à traction animale (fig. 59), ou mieux encore un tracteûr avou eune båre faucheûse « tracteur avec une barre faucheuse ».

machine à soyî (fautchî) (faucheuse)

(Belleflamme 1998)

Share This