VIKADJE DO PASSÉ
MANIÈRES DE VIVRE DU PASSÉ
GADE D’ÔR
CHÈVRE EN OR

bièsse fantastike en Bèljike walone: li gade d' ôr (animal fantastique en Belgique wallonne: la chèvre en or)
s.r., p.299-300
Nos lecteurs ont lu dans le premier volume (p. 18) que, au mois d’août 1868, des membres de la Société Archéologique de Charleroi opérèrent des fouilles près de Soleilmont, dans une enceinte dite Ville des Sarrasins; il existait plusieurs monticules, dont un plus élevé était un véritable tumulus. A son
sommet se constatait une dépression que les gens de l’endroit nommait : èl pus’ dè l’ gade d’ ôr. Ici aussi, on avait déjà été à la recherche du fameux trésor dè l’ gade d’ ôr. On n’y trouva plus que de la cendre et des os calcinés.
A propos de cette légende de la « gatte d’or », notons encore ce qu’écrit M. ROUSSEAU : « C’est le nom d’un trésor des plus précieux qui a la forme
d’une chèvre. Presque toutes les anciennes constructions recèlent un trésor de ce genre. Une gatte d’or est enfouie dans les châteaux de Samson, de Château-Thierry (en face de Waulsort), de Hauteroche (Dourbes); dans le camp préhistorique d’Hastedon (Saint-Servais); dans les tombes romaines de Champion, de Wagnée, etc., etc.
« Ces mystérieuses chèvres ont été enterrées par les Sarrasins, il y a des centaines et des centaines d’années. S’en emparer n’est point chose facile. Comme tous les trésors confiés à la terre, les chèvres sont placées sous la garde du démon. Il existe cependant divers moyens de tromper la surveillance du prince des ténèbres. La tradition nous en a conservé quelques-unes.
« Il faut tout d’abord connaître l’endroit précis où gît le précieux magot. Si on l’ignore, il est nécessaire de recourir à un particulier ayant le pouvoir de faire tourner la côrète ou baguette fourchue en bois de coudrier. Ce pouvoir n’appartient qu’aux personnes nées voilées, c’est-à-dire coiffées, ou qui ont vu le jour un dimanche matin au moment de l’élévation de la messe. Quand la côrète tourne d’elle-même entre les mains de l’opérateur, la gatte d’or n’est pas loin.
« Une fois l’endroit connu, on n’est pas au bout de ses peines. Les recherches doivent commencer après le coucher du soleil. La nuit, en effet, Satan abandonne ce qu’il garde le jour pour vagabonder à travers le monde. De plus, comme le Malin a l’oreille très fine, le silence le plus absolu est de rigueur. Un seul mot peut tout compromettre et déchaîner les pires malheurs. Enfin, pour s’éclairer pendant les fouilles, il faut user de chandelles bénies le jour de la Chandeleur ; ces chandelles ayant l’avantage de brûler sans être aperçues des
esprits infernaux.
« Il y a cependant une gatte d’or dont il est loisible de s’emparer à moins de frais. Chaque année, à la Noël, au moment de la messe de minuit – l’heure des merveilles – la chèvre d’or de Samson (Namur) est douée de vie ; elle sort de sa cachette et se met à gambader à travers les ruines du château-fort. Elle est même si agile que, jusqu’à présent, les plus intrépides chasseurs sont rentrés bredouilles ».

(in : Marquet, Roeck, Lievens, Légendes de Belgique, 1980)
Maurice Awoust (Malon.ne / Malonne), Li gade d’ ôr
Li gade d’ ôr a sti ètèrêye
Dispû dès cint èt dès cints-ans.
Quî qu’ lèverè on bia djoù l’ boléye
Tot distoûrnant 1′ gârde di Satan ?
Si sièrvu d’ one fortcheuwe côrète
Pace qu’ on-z-a v’nu au monde vwèlé
Donc dès chances di tchaîr su 1′ catchète
S’ on n’ a nin stî èmacralé.
Tot n’ èt nin co gangnî d’ si bèêle :
I faut cachî après, sins brût
Dè 1′ nêt avou l’ bènite tchandèle
Po ièsse sûr d’ ènn’ awè tot 1′ frût.
Li gade d’ ôr rét foû di s’ catchète
Tos l’s-ans au Noyé, à mèye-nêt.
On l’ vèt lûre su totes lès copètes
Èt nu tchèsseù nè l’ a stî qwê.
Quî qu’ n’ a nin sondjî à 1′ gade d’ ôr ?
On riskéye voltî tortos s’ chance.
Ça blonce di-d-ci, di-d-là, 1′ trésôr
Èt tchaîr à costé, pa malchance.

Li léjende dè l’ gade d’ ôr / La légende de la chèvre d’or
(in: Notices folkloriques sur la commune de Ben-Ahin, s.d.)
Au souvenir du vieux “Castel de Beaufort” se rattache la légende de la gade d’ ôr. Cette même légende se rapporte d’ailleurs à bon nombre de vieux châteaux dans la partie montagneuse de la Wallonie. La gade d’ ôr représente par excellence un trésor d’une valeur fabuleuse.D e là viendrait l’expression: « Dji n’ frè nin ça po one gade d’ ôr. »
La gade d’ ôr du château de Beaufort se trouve dans les souterrains ou au fond du puits. Ce n’est point chose facile que de s’emparer de ces trésors. La gade d’ ôr est placée sous la garde du démon ou de ses suppôts. Selon la tradition, il existe cependant un moyen de tromper la surveillance du prince des ténèbres: Il
faut d’abord connaitre l’endroit précis où git le trésor. Si on l’ignore, il faut recourir à un particulier qui a le pouvoir de faire tourner la baguette fourchue en bois de coudrier ou la côrète. Quand la côrète tourne d’elle-même entre les mains de l’opérateur, la gâte d’or n’est pas loin. Une fois l’endroit connu ce n’est pas tout. Les recherches se font la nuit ; en ce moment, Satan abandonne son poste de garde pour courir le monde et faire son oeuvre néfaste. Mais, comme Satan a l’oreille très fine, le silence le plus absolu est de rigueur. Un seul mot et tout serait perdu et les pires malheurs seraient à craindre.
Or donc, un jour deux solides gaillards décidèrent de s’emparer de notre gade d’ ôr. C’est la nuit .. et le grand silence … déjà la masse inerte est remontée du puits. Mais, au moment même qu’ils la tenaient par les cornes, un des hommes ne peut s’empêcher de montrer sa vive joie. “Ci côp-ci, nos l’ tènans“, s’écrie-t-il de vive voix. Aussitôt, un ouragan se lève, les chandelles s’éteignent, le sol tremble, la chèvre d’or retombe dans son puits et des mains invisibles frappent nos pauvres chercheurs qui ne trouvent leur salut que dans une fuite éperdue.
Parfois aussi, la chèvre d’or s’anime et devient vivante ; cela se passe habituellement la nuit de Noël, à minuit. Elle se met alors à gambader à travers les ruines du château, défiant les chasseurs les plus adroits.
Les provinces flamandes du pays ne possèdent pas de légende de la chèvre d’or, mais bien celle des “Chevaliers du bouc”. C’était une association de gens sans foi ni loi, ayant vendu leur âme au démon et ayant reçu en retour le pouvoir de se changer en animal et de se déplacer miraculeusement. Les trésors volés étaient cachés dans une grotte gardée par une chèvre en bois. A ce propos, voici – dit-on – ce qui arriva un jour au curé de Spoelbeek. Il revenait un jour de Maeseyck où il s’était attardé. La voiture roulait trop lentement au gré du brave curé. Il s’en plaignit à Jean, le cocher. “Monsieur le curé”, lui répondit celui-ci, il ne tient qu’à vous d’aller plus vite ; asseyez-vous dos à dos avec moi mais gardez-vous bien ensuite de vous retourner, faute de quoi nous nous casserons le cou tous les deux. Le curé ferma les yeux et moins d’une minute plus tard, cheval, voiture et voyageurs étaient rendus à la porte du presbytère de Spoelbeek. Le curé, ajoute la légende, parvint à convertir le cocher mais jamais il n’osa raconter cette étrange aventure.