VIKADJE DO PASSÉ

MANIÈRES DE VIVRE DU PASSÉ

FWÊRES ÈT MÂRTCHIS

FOIRES ET MARCHÉS

mârtchi d' Châlèrwè (marché de Charleroi)

Eugène Gillain, in : Sovenances d’on vî gamin, éd. Duculot, 1932, p.46

 

Les djoûs d’ fwêre à Fosse (Fosses-la-Ville) – on côp par mwès – c’ èstèt one vraîye porcèssion : lès gros mârtchands d’ vatches avou leûs grands sauros à p’tits blancs botons, lès djins dès viladjes qu’ amwinrnint leû vatche à l’ fwêre, lès coméres qui rapwârtint su leû dos one satchîye di p’tits couchèts qui winkint ; lès cârioles di totes les sôrtes avou dès tch’vaus à sonètes…

mârtchji d' Tubize (marché de Tubize)

Marie-Françoise Hainaux, in : Raconte-moi Neufchâteau, éd. Weyrich, 1999

Foires et marchés

 

 

(p.85) Grâce au château qui les protège, les “franches foires” existaient depuis long­temps déjà, au croisement des routes venant des quatre points cardinaux. La carte d’Arenberg, réalisée en 1609 pour les princes d’Arenberg, co-seigneurs de Neufchâteau, nous montre un paysan, venant de Tournay, conduisant son troupeau pour le vendre à une de ces franches foires.

Une des plus anciennes foires, incomparable aux autres, est la foire du Biseux qui se tenait deux fois par an autour d’un ermitage situé dans la forêt entre Mellier et Marbehan. On n’en connaît pas l’origine mais on peut supposer qu’elle continuait un marché du haut Moyen Age (9e siècle?). On ne sait pas non plus pourquoi l’er­mite de la forêt d’Anlier descendit, en 1654, aux bords fangeux du ruisseau de la Mandebras, entraînant avec lui la foire “des biseux” (nom donné aux toiles de lin). On peut supposer que les marchands venus des confins des prévôtés de Neufchâteau et d’Arlon dressaient là leurs échoppes, à proximité d’une voie très fréquentée à cette époque par les transporteurs du fer, au carrefour de la Gaume et de l’Ardenne.

Les foires Saint-Quirin du 30 avril et Saint-Fiacre (patron des ermites) du 30 août troublaient la paix et le calme de la vallée. Les marchands arrivaient de partout, cer­tains n’hésitaient pas à faire plus de 70 km pour présenter leurs produits. Les Allemands venaient pour vendre, les Français pour acheter. La clairière entourant l’ermitage pouvait contenir, dit-on, mille boutiques. Le percepteur des droits des sei­gneurs venait lever les droits d’étalage et de gabelle sur le vin qu’on y débitait. Une description de ces foires est relatée dans un rapport de la fin du 18e siècle :

“…c’est dans cet endroit solitaire qu’abondent les marchands de soie­rie de Lyon, de moltons de Beauvais, de draps de Reims, de quin­cailleries de Stolberg, de joujoux de Nuremberg, ceux qui fréquentent les foires de Francfort, de Leipzig dont ils apportent les échantillons. Là se vendent les laines et les toiles des Ardennes, les draps de Verviers, du pays de Limbourg, d’Aix-la-Chapelle, les outils de Bruxelles, les toiles peintes de Liège, le café, le sucre nécessaire à la consommation du pays, les parures pour les femmes, les dentelles, les croix, les cous d’or, les boucles d’oreilles, à souliers, les mousselines, baptistes, chapeaux de paille, indiennes et tout ce qui sert à l’habille­ment des hommes. Les cy-devant hermites, propriétaires de la prairie au milieu des bois où se tiennent ces foires, louent les places pour mettre les tentes, les boutiques de marchands et en avaient eux-mêmes un certain nombre qu’ils louaient”.

Ces deux foires comptaient parmi les plus importantes du pays. Cela ne plaisait (p.86) pas aux gens d’Habay-la-Neuve qui obtiennent de l’empereur Joseph II, en 1788, la suppression de la foire du 30 avril et la création chez eux de deux nouvelles foires aux mêmes dates que celles du Biseux! Ils iront même très loin : dans la soirée du 26 août 1788, une troupe d’hommes vient incendier la remise et tout le matériel desti­né aux boutiques pour la foire qui a lieu quatre jours plus tard.

Les foires du Biseux continueront sous la protection des seigneurs. En 1801, l’er­mitage est fermé par les Français, les Allemands ne viendront plus aux foires. En 1804, les foires du Biseux sont définitivement supprimées et la vallée de la Mandebras retrouve son calme. La verdure et les ronces enfouissent jusqu’à leur der­nier vestige-Dé grandes foires existaient dans la prévôté de Neufchâteau : à Hamipré, le 30 juin et le 9 septembre; à Neufchâteau, huit foires s’étalaient du 25 février à la fin décembre. Ces foires étaient très importantes : à côté des chevaux, bêtes à cornes et porcs, on y trouvait des étoffes, de la mercerie et quincaillerie, du blé et mille objets. A Neufchâteau, les bêtes avaient leurs emplacements établis : les poulains occupaient la nie Saint-Roch, les vieux chevaux les actuelles me Clément et place Bergh, les bes­tiaux la place de la Foire, les porcs la route de Florenville. Les marchands de che­vaux envahissaient tous les hôtels dès la veille des foires. A la fin du 18e siècle, les meilleurs chevaux ardennais sont systématiquement réquisitionnés par l’année fran­çaise. Napoléon les emmènera jusqu’en Russie où ils feront preuve de leur endu­rance. D’autres chevaux partent vers la Suède ou l’Italie. Plus tard, l’armée belge en achètera aussi, 341 pour la seule année 1910.

La plus grande foire de l’année était celle du 25 février, la foire de la Saint-Martin, qui durait plusieurs jours. Avec l’arrivée du chemin de fer, on peut y amener jusqu’à 2200 chevaux. Certains jours de foires, plus de cent wagons sont chargés de chevaux à la gare de Longlier, à raison de 8 à 9 bêtes par wagon. Un marchand de Longlier en exporte dans toute l’Europe et même en Argentine et au Canada. Lorsque l’armée se désintéresse des chevaux ardennais, ceux-ci seront utilisés pour les mines et le charroi des brasseries.

Pour protéger la race du cheval ardennais, une société est fondée à Neufchâteau en 1841. Elle sera remplacée par la “Société Royale le Cheval de Trait Ardennais”, créée en 1926 à Libramont. Un premier concours régional a lieu l’année suivante, point de départ de la célèbre foire agricole et forestière de juillet à Libramont.

Outre les chevaux, on vendait aussi des moutons, des chèvres et des porcs. La carte d’Arenberg nous montre des porcs hauts sur pattes, couverts de longues soies, passant leurs journées dans les bois où ils se nourrissent de glands et de fruits sau­vages. Trois siècles plus tard, leurs descendants vagabondent encore volontiers à l’in­térieur des villages. Ils étaient nombreux à chaque foire, entre 2000 et 3000 têtes. L’élevage était spécialisé vers la production de lard, seul complément aux pommes de terre dans l’assiette des paysans, car la viande était considérée comme un aliment de luxe. A la fin du 19e siècle, la viande de porc salée coûtait 50 centimes la livre, le lard maigre 50-60 centimes, le lard gras 65 centimes et le saindoux 70 centimes. A l’époque, un ouvrier gagnait 2 francs par jour, une servante bien payée de 25 à 30 francs par mois, un instituteur 1100 francs par an.

(p.87) A côté des foires se tenaient aussi, depuis la fin du 16e siècle, des marchés heb­domadaires. Ils se tenaient dans une halle construite jadis au milieu de Factuelle place de l’Hôtel de Ville jusqu’au milieu de la cour de l’Athénée Royal. Les mar­chands installaient leurs boutiques entre les piliers. Au 17e siècle, la halle est victime d’une tempête et d’un incendie. On la démolit à moitié pour construire des habita­tions et la Maison de la Ville (1675). Après sa destruction au 18e siècle, on construi­ra des habitations.

 

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