VIKADJE DO PASSÉ

MANIÈRES DE VIVRE DU PASSÉ

CHABOTÎ

SABOTIER

chabotî (sabotier)

(H. Librecht) (Kempen / Kimpène / Campine)

1950s - chabotî namurwès (sabotier namurois)

(s.r.)

Elisée Legros, in: EMVW, 48-52, p.309-315

Dans le Hainaut, le savetier était appelé choumak (cf néerlandais: schoenmaker; allemand: Schuhmacher).

chabotîs (sabotiers)

(s.r.)

Raymond Fichet, in: Histoire nismoises, 1985, p.39-42

 

/La vie toute simple et rationnelle de nos ancê­tres les sabotiers/

 

La structure économique était avant tout à la base de ce métier primaire. Ce fut également le voisi­nage immédiat de la matière première, ainsi que la nécessité de se chausser qui déterminèrent son éclosion.

Mon enfance fut celle des pauvres gens, ma jeunesse fut un peu moins pauvre, mais je me souviens que mes parents et mes grands-parents déambulaient tous les jours de la semaine, dimanche compris, en sabots. Ma première paire de chaussures, je l’ai reçue à l’âge de huit ans et je n’en étais pas peu fier.

Mon enfance, pendant mes heures de loisir, je l’ai passée dans l’atmosphère des barakes de sabotiers. C’est en connaissance de cause que je peux vous en parler.

 

Le travail commençait à l’ pikète du djoû et se terminait très tard dans la soirée. Il faut toutefois reconnaître que le rythme était peu soutenu. L’essentiel était avant tout de produire in quauteron (deux chapelets de treize paires) par jour. Un bon ouvrier y arrivait facile­ment, mais toutes les occasions de se divertir étaient mises à profit. Les événements de la rue ne leur échappaient pas. In tchén aveu in tchapia, comme ils disaient si bien, et toute la barakéye sortait et les commentaires allaient bon train; ce qui provoquait l’hilarité générale, au grand dam de celui (p.40) ou de celle qui l’avait provoquée.

 

Le lundi matin était essentiellement con­sacré au débitage des bouleaux. Tout le personnel de la saboterie y participait. A l’aide de l’vis on plaçait les troncs sur des baudèts et c’est muni d’une énorme scie actionnée par deux hommes, que le travail s’effectuait. La longueur de la plote était déterminée par le patron qui, muni d’un mètre ru­ban et en fonction de la circonférence, estimait le nombre de sabots, sinon de paires, que l’on pouvait en tirer. Ces mêmes plotes étaient ensuite refendues: li r’findâdje. Le fil du bou­leau rendait cette tâche facile. C’était également le patron qui marquait à la craie bleue, l’endroit où devait se poser le merlin. D’un seul coup de l’énorme mayoche, le bois s’écartelait. On rentrait dans la barake les pièces destinées à de­venir des sabots, puis on ramassait les méfintes pour le chauffage.

 

Ce travail important durait toute la mati­née, mais l’après-midi, sans doute pour se reposer, le travail cessait. Ils appelaient cela fé l’ lundi. Mais quel après-midi! L’aire du jeu de quilles, toujours à proximité de l’établisse­ment, offrait à nos vaillants et joyeux sabotiers, l’occasion de se livrer à des joutes sans fin. D’autres jouaient aus sous, soit à la ligne ou au bouchon. De toute évidence, ils se retrou­vaient tous dans la soirée dans le cabaret du patron qui était le seul gagnant dans cette partie. Is n’ ratchét nén dins leû vêre et leur devi­se: “On n ‘ èrva nén su ène djambe!”

 

Le lendemain, très tôt, malgré la “gueule de bois”, on se remettait à l’ouvrage. Planeûs et creûseûs s’en donnaient à coeur-joie.

Il s’agissait, pour le planeur, d’ abloker à l’aide d’une hatchète recourbée et d’un hoyau, ensuite, à l’ai­de de la plane, il dégrossissait les sabots ablokés afin de leur donner le galbe et la courbure, depuis le talon jusqu’à la pointe ou bètchète.

Pour le creûseû, la première étape était le “gougetage”; ceci consistait à dégager l’espace compris entre le talon et l’ empègne. Ensuite venait le creûsâdje propre­ment dit. Muni de la “talonnière” , il dégageait le creux du talon. Avec la tarière, il creusait un trou entre la semelle et la couverture, avec la rwine et le boutwè, ainsi qu’avec les cwiyères de différentes largeurs, il évidait complètement la place réservée pour la pointe du pied et les orteils. Il ne restait plus alors qu’à scrèper l’intérieur et l’extérieur avec un scrèpwè.

 

Avant de passer à la phase suivante, il était indispensable de faire sécher les sabots. On se servait pour cela d’une tourâye qui était constituée d’un four voûté en bri­ques réfractaires, dans lequel on brûlait les méfintes et lès skètes. On disposait les sabots à sécher sur une plateforme située au-dessus du four, en prenant garde de les laisser bîler (se fendre sous l’effet de la chaleur). Après cette opération, les sabots étaient confiés, à la machureûse qui avec du nwêr di sabotî enduisait toute la partie extérieure, à l’exception de la semelle et du plat du talon. Après un nouveau séchage rapide, les sabots étaient alors cirés. Le cirwè avait la même dimension que la plane, avec cette différence qu’il ne possédait aucun tranchant. La partie centrale, le frotwè, comportait quatre faces planes d’environ deux cm de côté. Le travail consistait à frotter énergiquement la surface noircie, afin de la faire briller.

 

C’est alors qu’intervenaient les fleûrisses, véritables artistes, qui, munies de plusieurs goudjes et grifèts de formes et de dimensions différentes, gravaient des motifs décoratifs sur les sabots. Ces motifs s’appelaient “épis”, “rosettes”, “marguerites” etc… Les fleûrisses avaient soin de recouvrir leurs genoux et leur poitrine avec une bavète pour prévenir tout accident.

 

Et le travail était terminé. Il ne restait plus qu’à empiler les sabots en chapelets de treize paires et de les classer par catégories, c’est à dire les deûs pou iun, lès fiyètes, lès feumes, lès-omes et lès sabots-botes.

 

Le sabotier restait la journée à l’atelier, ce qui entraînait l’obligation de se munir de marindes. Les repas étaient pris en groupe, et croyez-moi, sans morosité!

Les quolibets allaient bon train, les couyonâdes aussi. Oh, ces repas étaient frugaux, sans excès. On n’ mindjeut nén dès tchîyerîyes, come asteûre et le sayin, saindoux , remplaçait bien souvent le beurre. Le déjeuner consis­tait en tartines trempées dans la marmite à café que l’on avait préalablement fait chauffer su 1′ plate-bûse. Il m’est arrivé très souvent de porter à din.ner à mes parents et à mon grand-père, tous occupés dans la même barake, et j’en profitais pour partager leur repas, mais aussi de l’atmosphère régnante. (p.42)

C’était parfois l’occasion de fé cûre lès canadas su l’ pwèle aveu dès kèrtons et je vous assure qu’ on n’ fouteut rén avoye. Pou r’ciner, c’était à peu de chose près le processus du déjeûner, mais le repas du soir revêtait une importance exceptionnelle. C’était en général les épouses qui portaient le repas tout préparé aux époux ou aux proches parents et qui, la plupart du temps, restaient toute la soirée dans l’atelier. Caquetant entre elles, elles égayaient la barake avec les djiperîyes déclenchées par les farces, les quolibets et les boutades des ouvriers.

C’était très tard que l’on fermait la bou­tique, et l’on rentrait à la maison bras d’zêus,bras d’zous, sans oublier l’inévitable satchîye di skètes que l’homme por­tait sur une épaule .

Comme nous avons pu le constater, les sabo­tiers étaient de joyeux drilles ot l’ambiance qui régnait dans les ateliers ne démontait nullement la réputation de bons vi­vants qu’ils s’étaient taillés. Ils n’étaient nullement tenus par les impératifs  de l’horaire, chacun travaillait à son rythme, et le salaire était attribué en fonction de la produc­tion. Toutes les occasions de se divertir étaient exploitées; que ce soit l’ bév’nûwe d’un débutant, l’ bistoke du patron le 18 mars, veille de St Joseph ou encore et surtout, la période du carnaval.

 

Je me suis attardé longuement sur le prin­cipal métier qu’exerçaient nos aïeux, en raison de la place prépondérante qu’il tenait dans la vie économique de mon vil­lage et ce, pendant de très nombreuses années.

C’était un métier simple, pratiqué par des gens simples, et, pour le décrire, j’ai employé des termes simples. Cette simplicité était jadis de bon aloi. Je me suis efforcé de la respecter dans le texte et la littératu­re, n’en déplaise à certains esprits critiques…

(à Montegnè / Montignies-sur-Sambre)

 

Yernaux E., Fiévet F., LE SAVETIER, in: Folklore montagnard, s.d., p.344

 

Le savetier passait de maison à maison réparer les souliers. Il s’en allait tenant en main un bâton retenu pa in scorion et portant sur le dos une hotte contenant ses cuirs, ses clous, une pierre plate pour battre le cuir, ses outils et ses formes ou pîds d’ fiêr qu’il emboîtait dans un cylin­dre en bois, cerclé de fer.

Pour réparer les souliers, à la bonne saison, il demandait une chaise et un seau d’eau pour tremper ses cuirs. Quand il pleuvait, il se plaçait à l’intérieur de la maison, sur le seuil de la porte à moins qu’il n’ait à sa disposition ène ran ou bén in fourni. Pour (p.345) coudre, il usait du tètcha (chanvre) et du warpi (poix). Il èscrèpeut les bords des semelles et des talons. Quand ces derniers étaient bien râpés, scrèpès au vêre èyèt bisècléyes avec un morceau d’ bos d’ paukî (buis), il crachait dessus et les frottait avec un morceau d’ couperôse (sulfate de fer) pour les noircir.

Les deux derniers savetiers de Montigny furent deux Français. L’un habitait la cour Devilé à la Neuville, l’autre à la rue Champeau. C’était un Auvergnat appelé Pierre. Quand il passait dans les rues et qu’il lan­çait son appel « Pierre à raccommoder », il le disait avec un tel accent que les Montagnards s’imaginaient entendre « Pierre à racoli » et na­turellement lui donnèrent ce spot.

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