manières vivre passé vannier

VIKADJE DO PASSÉ

Manières de vivre du passé

LI BANSELÎ

Le vannier

Raymond Fichet, Histoire nismoises, 1985

 

Pendant la période hivernale, où les travaux de la forêt se mettaient en veilleuse, nos anciens profitaient de ce laps de temps pour confectionner de la vannerie artisanale. La production servait à l’usage courant et ne faisait pas à pro­prement parler l’objet d’un commerce quelconque. La matière pre­mière était à portée de main; il suffisait d’ aler aus côres pour on tirer des skinons ou chinons (éclisses) . Il fallait tout d’abord couper lu côrî (coudrier) à la bonne saison, c’est à dire octobre ou novembre. La perche obtenue, de la gros­seur d’un pouce, était le matériel de base. On plaçait ensuite cette baguette, que l’on avait au préalable entaillée à une extrémité, sur le genou, afin de l’arquer au fur et à mesure que se lève le sauinon qui devenait une fine lamelle, celle-ci allait servir au tissage. Les tiges dont on avait enlevé les éclisses servaient à faire l’ossature des futurs panîs, banses, rèspèlots, ou autres ustensiles à usage courant. C’était en quelque sorte, un mode de vie rationnel et sédentaire.

 

La présence de la matière première qu’était le bois et les réserves immenses qu’il constituait, laissaient entrevoir des perspectives sans limites pour l’avenir. C’est ains: que sont apparues les premières saboteries, scieries et tanneries Au début, tout ceci fut bien timide; les premiers sabotiers exer­çaient leur métier sur la coupe et travaillaient toute la semaine dans la forêt, couchant dans la hutte qui leur servait d’atelier. Vivant essentiellement de braconnage, très vite ils se virent expulser de la forêt. Ils furent alors dans l’obligation de s’ins­taller dans le village, et il en découla la création de petits ateliers: lès barakes di sabotî qui existent encore au bord de la rivière et si parfaitement illustrées par le poème de monsieur Auguste Masson

Edmond Delvaux, La fabrication des paniers, in : EMVW, TIII, 32-33, 1935, p.225-244

 

PREMIER ARTICLE

 

I Généralités

 

L’art du vannier est probablement l’un des premiers que l’homme ait exercés. Le panier est d’ailleurs d’un usage tellement commode, qu’on en fabriquera sans doute encore pendant de nombreux siècles, malgré la main-d’œuvre assez importante qu’exigé sa confection.

Mais si les produits de la vannerie ne sont pas près de disparaître, ils sont certainement en train de se transformer avec la rapidité que met la vie moderne à bouleverser les vieux usages. Autrefois, nombre de villages étaient spé­cialisés dans la fabrication de certains paniers, types immuables légués par la tradition, qui suffisaient à appro­visionner toute une contrée. Aujourd’hui, dans ces villages, des vanniers travaillent encore et leurs produits sont utilisés, mais une vannerie d’importation, anonyme et banale, est de plus en plus répandue dans le pays par les camions des grands magasins de la ville voisine ou les roulottes des marchands-vanniers ambulants. Dans les hameaux les plus écartés, où l’on espérait trouver des objets d’origine purement locale, on découvre avec déception, parmi les meubles de bazar qui ont remplacé les tables et sièget robustes des grands-parents, mêlés à l’effarante camelote étrangère par quoi l’on sacrifie à la mode du (p.226) bibelot, des paniers et corbeilles à prétention moderne et artistique, qui n’ont ni forme, ni nom, ni race, ni beauté.

C’est dire combien il est urgent de recueillir, pour nos collections, tous les types anciens de paniers que nos cor­respondants pourront encore découvrir et dont, pour chacun, ils noteront avec le plus grand soin le nom français, le nom wallon, l’usage auquel il était spécialement ou prin­cipalement destiné.

Il est de même nécessaire de rassembler sans retard toute la documentation possible sur la fabrication tradi­tionnelle des paniers, telle qu’elle se pratique encore dans certains de nos villages. Ceux de nos correspondants qui habitent non loin d’un centre de vannerie ou d’un vannier isolé nous obligeront en procédant pour nous à une enquête aussi détaillée que possible ou tout au moins en nous signalant les endroits que nous pourrons explorer nous-mêmes.

On distingue, en Wallonie, trois espèces de vannerie, d’après les matériaux employés : celle qui utilise l’osier et qui est la plus répandue ; celle qui se fait à l’aide du coudrier et qui est la plus rustique ; enfin celle qu’on obtient en cousant, à l’aide de lanières d’écorce ou de lames de bois, de la paille, spécialement celle du seigle, ou des brindilles d’autres plantes. C’est probablement le procédé le plus ancien ; il est presque disparu de nos régions taudis qu’on le trouve encore en honneur dans les pays exotiques et chez les peuples primitifs.

Sur ces diverses vanneries, nous avons reçu des notes substantielles. Les principales seront publiées à mesure que nous aurons pu les compléter par des enquêtes sur place, par des prises de vue photo- et cinématographiques ainsi que par l’acquisition des outils et des spécimens de paniers.

Nous publions aujourd’hui un premier travail, dû à M. Edmond Delvaux, technicien en constructions civiles à Marcinelle, originaire de Silenrieux. Il traite de la fabri­cation des paniers dans son village natal. Nous avons photographié et filmé toutes les phases du travail décrit dans cette étude, travail effectué par le père de l’auteur, qui habitait, à ce moment, Morialmé (fig. 1).

L’étude de M. Delvaux est accompagnée, en bas de page, de quelques notes dialectologiques dues à M. Louis Remacle, docteur en philosophie et lettres, attaché au Musée de la Vie Wallonne.

 

(p.227) II — La vannerie en coudrier  à Silenrieux (arr. de Philippeville)

par M. Edmond Delvaux (1930)

 

Dessins de M. M. salme, d’après nature et d’après croquis de M. Ed. delvaux.

J’ai eu l’idée de réunir ces notes parce que j’ai été frappé par le fait que certains paniers, autrefois d’un usage général, sont aujourd’hui presque entièrement abandonnés. Les

ménagères, par exemple, utilisent pour aller faire leurs achats ou pour se rendre au marché des « sacs à provisions » en toile cirée, des « filets », des sacoches, des mallettes ou encore des paniers de fantaisie en ralia ou recouverts (p.228) de toile grise. L’antique panier que nos grand’mères portaient au bras ou sur la tête est devenu extrêmement rare. D’autre part, la vannerie traditionnelle se transforme. Le moment est donc venu d’en décrire les produits et les procédés de travail. Les renseignements qu’on va lire ont été recueillis à Silenrieux même, principalement de mon père, d’un oncle âgé de 73 ans et de mon grand-père, décédé en 1924 à l’âge de 93 ans, tous anciens vanniers.

Il est à noter qu’à Silenrieux, de temps immémorial, presque tous les hommes de l’âge de mon grand-père connaissaient et pratiquaient le métier de vannier. La génération suivante abandonna cette tradition, qui ne fut pas même continuée par 50% de la population. Parmi les hommes de mon âge, 30 ans, il est rare d’en trouver sachant faire les paniers.

A l’époque de mon grand-père, un certain nombre de femmes s’occupaient aussi de vannerie, mais on leur repro­chait de manquer de force pour tirer les skinons. « L’ pagnî n’est nin sèré assez », disait-on.

En général, le travail du vannier était un métier d’appoint. On ne cite à Silenrieux qu’une famille dont la fabrication des paniers était l’unique profession. Ce travail ne peut d’ailleurs se faire en toute saison ; seul l’hiver s’y prête, car le bois conservé plus longtemps devient sec, se brise et — principal inconvénient — il ne skinèle plus, c’est-à-dire que, la sève étant partie, la lame joignant l’écorce ne se détache plus de l’aine du bois. Dès avril, il n’est plus guère possible de travailler. C’est donc en hiver et à temps perdu que les paniers se fabriquaient.

 

1 — Les matériaux

 

Le bois dont on fait les paniers dans notre région est le coudrier ou noisetier, côre (fém.) ou côrî. On cherche dans les bois, de préférence à sol rocailleux et exposés au midi, de belles pousses bien droites, ni trop vieilles ni trop jeunes, des jets de trois à quatre ans. On les coupe à la fin d’octobre, car pour qu’une côre soit bonne, il faut qu’elle soit cueillie al nochète (litt. « à la noisette ») quand les noisettes sont swères (1), c’est-à-dire lorsqu’elles com­mencent à brunir et tombent d’elles-mêmes. On lie ces jets en fwè (litt. faix, faisceau, botte) à l’aide d’une hart,

 

(1) swèr, swère, adj., correspond au fr. saur, -e, ou sor,-e, jaune brun.

(p.229) haurt, et on les reporte à la maison. Là, on place la botte debout afin de laisser sécher, hasi (2), les tiges pendant trois ou quatre semaines, pour leur laisser perdre leur sève et les rendre ainsi plus flexibles.

On a coupé en même temps, pour faire l’armature des paniers quelques pousses de plane, platane ; de frane, frêne ; ou même quelques tchènelins, jeunes chênes. Mais ces essences sont particulièrement surveillées par le garde, si bien que, parfois, on se borne à n’emporter que des côres,quitte à se servir de noisetier pour faire les toûrnants, c’est-à-dire l’anse et la charpente du panier. Ces dernières pousses sont courbées eu cercle le soir même, pour qu’elles prennent la forme qu’elles devront avoir dans le panier (fig. 2).

 

  • hasi est le même mot que le liég. hasi, hèsi, que le DL ( = Dictionnaire liégeois) rattache à l’anc. h. heizen, échauffer.

 

(p.230) 2  — L’outillage du vannier

 

II est rudimentaire : un couteau de poche solide et tranchant, coutia, quelques clous, un marteau, martia, deux ou trois bouts de ficelle et une genouillère composent tout l’outillage du vannier.

La genouillère, djènoulière, en est le seul élément original : c’est un morceau de cuir, d’étoffe ou de sac que l’ouvrier se lie autour de la jambe afin de ne pas user son pantalon; car, au cours de son travail, comme nous le verrons, il passe souvent les baguettes sur son genou (fig. 3).

 

3  — Les « skinons »

 

Les skinons sont les longues lames de coudrier qui servent à tisser les paniers (3). On les obtient en entaillant la tige, un peu obliquement, à 10 ou 15 centimètres de sa base. L’entaille est plus ou moins profonde selon l’épaisseur qu’on désire donner au skinon (fig. 4).

 

Pour détacher celui-ci de la tige, le vannier s’assied, saisit la côre des deux mains et la courbe en l’appuyant sur le genou du côté opposé à l’entaille. Le skinon se détache alors sur une certaine longueur (fig. 5). Ce bout de lame glissant entre l’index et le médius, on continue à ployer la tige jusqu’à ce que le skinon s’en soit détaché sur toute sa longueur, c’est-à-dire sur environ trois, quatre ou cinq mètres. Par suite de cette pression continue, la côre est devenue courbe. On la ramène à son point de départ tout en la redressant ; on pratique une nouvelle entaille à côté de la première et l’on enlève une deuxième lame, une troisième et même davantage, tant qu’il reste de l’écorce. Ces lames ont 8 à 10 millimètres de largeur. Traiter de cette façon les côres, c’est les skinelé.

 

(1) skinon, liég. hinon, dér. de l’anc. h. all. skîna, qui donne en liég. hène (morceau de bois fendu) et scrène (échine). La traduction par le français « éclisse » n’est qu’approximative. Voy. DL, hène et hinon.

 

(p.231) Parfois, au cours de cette opération, le skinon inte dèdins ou sôt’, entre dans le bois ou en sort, change donc subi­tement d’épaisseur. C’est que les fibres de la pousse manquent de résistance, soit que le coudrier ait été coupé trop jeune, soit qu’il provienne d’un bois marécageux ou exposé au nord.

On donne aux skinons une épaisseur régulière en les « traînant » sur le genou, sous la lame du couteau. Après ce raclage, les lames, très flexibles, présentent sur une face l’écorce brunâtre et sur l’autre le bois blanc.

Notons en passant qu’autrefois on se servait aussi des skinons pour faire des balais, ramons. On les utilisait encore pour la confection de la vannerie en paille dont il est question dans l’introduction et à laquelle le Bulletin des Enquêtes consacrera un article. Enfin les bouts de 25 à 30 centimètres étaient employés comme allumettes.

(p.232) 4 La confection du panier

Les toûrnants

L’armature ou carcasse du panier, pagnî, comprend en ordre principal deux cercles de bois, deux toûrnants, dont l’un forme, sur un plan horizontal, le bord supérieur du récipient tandis que l’autre, placé verticalement, contourne le panier par-dessous et, dans sa partie supérieure, forme l’anse.

Les cercles, avons-nous vu, ont été préparés d’avance (fig. 2). On en taille les deux bouts en biseaux très aigus ; on les applique l’un contre l’autre ; on les lie provisoirement avec un morceau de ficelle, puis on les cloue (fig. 6 et 7).

(p.233) Les deux tournants finis, on les introduit l’un dans l’autre, leurs plans se coupant perpendiculairement. On vérifie l’égalité des écartements entre les demi-cercles en prenant comme mesure un morceau de skinon. Enfin ou cloue les tournants l’un à l’autre aux deux endroits où ils se croisent (fig. 8 et 9).

 

Les oreilles

 

On dénomme oreilles les ligatures qui se font aux croise­ments des deux cercles ; ce sont les deux côtés du panier et ses deux points importants. On choisit, pour faire les oreilles, les plus beaux et les plus grands skinons. On commence par faire une ligature en forme de croix à l’inter­section des deux tournants (fig. 10 et 11) et l’on continue en allant d’un cercle à l’autre, le skinon formant une boucle autour de chacun (fig. 12). Pour terminer l’oreille, on passe le skinon sous la boucle précédente (fig. 13).

(p.235) Les côres

 

Afin de permettre le tissage du panier, il faut adapter à l’armature formée par les deux cercles une série de fortes baguettes, les côtes, lès côastrés ou lès côsses. On emploie à cet usage un tchènelin ou encore une pousse de coudrier dont on a enlevé les skinons, c’est-à-dire une côre skinelée. Celle-ci est fendue en deux, à l’une de ses extrémités, dans le kieur, le cœur (fig. 14). Une simple flexion suifit à la diviser sur toute sa longueur de la même manière qu’on en a détaché les skinons. Les côtes ainsi obtenues ont une section en forme de demi-cercle.

Après avoir enlevé au couteau les aspérités laissées par le skineladje et coupé les côtes à la longueur voulue, on en amincit les deux extrémités en forme de pointes (fig. 15).

Pour les fixer, on les insère dans les petites encoches trian­gulaires formées lors de la confection des oreilles (fig. 16 et 17). Leur tendance à se redresser et à reprendre leur forme droite les empêche de se détacher. Il faut quatre ou cinq castrés de chaque côté et les deux plus rapprochés du tournant du fond doivent être plus longs que celui-ci pour assurer la stabilité du panier (fig. 18).

Le tissage

 

L’armature assemblée, l’ouvrier peut se mettre à entre­lacer un skinon entre les côstrês, à tèchî, c’est-à-dire à tisser (fig. 19).

Commençant d’un côté du toûrnant horizontal, où le bout du skinon est maintenu, la lame flexible passe de côte en côte, alternativement par-dessus et par-dessous, jusqu’à l’autre côté du tournant, d’où elle revient en sens inverse pour recommencer aussitôt. Mais avant de recommencer (p.237) un nouveau voyage, le vannier a soin de tordre le skinon afin que l’écorce se présente toujours à l’extérieur (fig, 20).

Arrivé au bout du skinon, l’ouvrier en prend un autre à l’aide duquel il double le premier sur deux ou trois côtes (fig. 21). Ainsi l’espace compris entre les côtes se remplit (p.238) peu à peu. Et bientôt le dernier vide, au milieu de la « panse » — c’est par. là qu’on termine — se trouve comblé. Le panier est terminé (fig. 22).

C’est ce qu’on appelle un gris pagnî. On en fait de diverses grandeurs et il sert à des usages variés ; mais généralement on l’emploie comme pagnî à canadas, c’est-à-dire qu’on l’utilise lors de l’arrachage des pommes de terre ou pour laver celles-ci avant de les éplucher. Un panier moyen contient une dizaine de kilogs de ces tubercules. D’où, l’emploi du panier comme mesure approximative : « J’ai arraché cinq paniers » .veut dire : une cinquantaine de kilogs.

Dans les mines de fer (Morialmé, Fraire) et les exploi­tations de terre plastique on employait des paniers de cette forme, mais de grandes dimensions, pour la remonte des matériaux. Le corps en était en skinons, mais toute la charpente était en chêne et le toûrnant formant anse était ordinairement renforcé au moyen de cordes ou de fils de fer.

 

5 Autres paniers fabriqués à Silenrieux

 

Ils sont confectionnés à l’aide des mêmes matériaux et suivant les mêmes procédés. Les types traditionnels sont principalement le rèspèlot, la mande à canadas et la peunète. On y fabrique aussi quelques articles de luxe.

 

Le rèspèlot (4)

 

C’est un panier de grandeur variable, allongé et peu profond (fig. 23). Il n’a qu’un seul tournant, celui qui constitue le bord supérieur. Il se fait comme ceux du pagnî, mais est de forme elliptique, la partie opposée au raccord étant presque droite (fig. 24). L’armature se com­plète de deux côtes maîtresses, mwêsses côstrês, qu’on obtient en fendant en deux une côre. Ces côtes sont amincies près des deux extrémités pour qu’elles puissent s’adapter au tournant en le contournant (fig. 25 et 26).

 

(1) rèspèlot,  dér.   de  rèspe,  qui  est namurois.  All.  luxemb. respel, liég. rèsse, corbillon en vannerie, voy. DL.

(p.240) Les côtes maîtresses se placent dans le sens de la longueur du rèspèlot. Elles sont de grandeurs différentes de manière à assurer une base au panier et à lui donner sa forme caractéristique qui consiste à avoir une partie du bord relevée et l’autre rejoignant presque le sol, à la manière d’un van (fig. 27, 28).

Ajoutons que, dans les angles extérieurs formés par le toûrnant et les côstrês, on tisse des oreilles triangulaires analogues à celles du pagnî (fig. 13 et 29). L’espace compris entre deux oreilles, à chacune des extrémités du rèspèlot, reste vide et sert de poignée. Les deux côtes maîtresses doivent donc être écartées de la largeur d’une main (fig. 23). Les autres opérations — placement de côtes et tissage aux skinons — se font comme pour le panier ordinaire.

Le rèspèlot de grandeur moyenne a une contenance double d’un pagnî moyen. On ne s’en, sert que pour des transports à de courtes distances. On le porte à deux mains.

Vers 1898, il se vendait soixante centimes environ.

(p.241) La mande à canadas

 

Cette « manne à pommes de terre », est une petite corbeille, une mandèrlète, où l’on place les pommes de terre à éplucher et qu’on pose sur les genoux de manière que les épluchures y tombent directement. Elle ressemble au rèspèlot, mais est plus petite (fig. 30).

L’armature en est simple : elle ne possède qu’un mwêsse côstrê (fig. 31 et 32) et les oreilles sont doubles de celles du rèspèlot (fig. 33). Cette mande est dépourvue de ppignées, celles-ci étant inutiles à cause de la faible capacité de cette corbeille : un tiers environ d’un panier ordinaire.

A la fin de XIXe siècle, ce panier se vendait de trente à quarante centimes.

 

La peunète

 

C’est un pondoir ayant la forme d’un quart de sphère (fig. 34). Son armature se compose d’une bâre de bois de 4 à 6 centimètres de côté, longue de 40 à 60 centimètres (p.242) (fig. 35), et de deux toûrnants de coudrier ployés en arcs de cercle qui, insérés par leurs extrémités  dans la barre (fig. 36), y sont calés par de petits coins, cougnèts (fig. 37). De chaque côté, on tisse une oreille qui servira d’épauleinent aux côtes. Le tissage se fait comme pour les autres paniers. La peunète se fixe au mur à l’aide de crochets ou crampons (fig. 38). Elle se vendait, il y a trente ans, 1 fr. 10 à 1 fr. 20.

 

(fig. 35), et de deux tournants de coudrier ployés en arcs de  cercle qui, insérés par leurs extrémités  dans la barre.

(p.243) Vannerie de luxe

 

A côté des paniers rustiques décrits plus haut, on con­fectionne aussi à Silenrieux des articles fins, notamment le « blanc panier » ou pagnî à l’ salade (fig. 1), la mande à-z-ieus ou panier à œufs et la mande à l‘ buée, manne à la lessive, ayant la forme d’une grande mande à canadas, maia possédant deux poignées aux extrémités de la côte maîtresse.

Pour exécuter ces paniers, on utilise de la côre scrèpée, c’est-à-dire raclée au moyen d’un morceau de verre de manière à la dépouiller de son écorce brune. On tire des skinons aussi minces et aussi étroits que possible, mesurant ordinairement un millimètre d’épaisseur et 4 à 5 millimètres de largeur. Plus étroit sera le sfcirion, plus le panier sera beau et fin. Certains vanniers, pour assurer aux skinons une largeur uniforme, utilisent même des rabots spéciaux dont ils gardent jalousement le secret.

Les procédés de confection ne varient pas mais, le panier blanc est plus petit et parfois son manche, c’est-à-dire son anse, reçoit une garniture de skinons. Voici comment le vannier procède pour exécuter cet ornement.

On insère trois skinons dans une oreille, au bas de l’anse (fig. 39). Ces trois lames vont rejoindre l’autre oreille, l’une suivant le dessus de l’anse, les deux autres longeant les côtés. Ensuite, on tourne un skinon très fin en l’entre­laçant dans les trois premiers. Ainsi l’anse se couvre peu à peu d’un élégant tissu de lames de coudrier (fig. 40). Ce genre de travail ne se fait plus à Silenrieux.

(p.244) La confection de ces ustensiles blancs était fort lent. L’amateur qui en fabriquait à la veille, à l‘ chîje, en acheva à peine deux sur le courant de l’hiver. Aussi ces pains de luxe ne se vendaient pas, sinon très rarement. Ils faisaient l’orgueil des ménagères.

D’autres paniers blancs étaient fabriqués par des femmes, des  vieillards  ou  des  ouvriers  disposant  de leurs  soirées, tels les bûcherons.  Ils produisaient surtout des mandes à buée, dont ils faisaient le commerce.

Share This