MILITANTS WALOFONES

MILITANTS WALLOPHONES

Auguste Lurquin

in : Joseph Noël, Tirans nosse tchapia !, Quelques Fossois typiques !, 25/01/1948

 

Auguste Lurquin, dont l’âme fossoise était parvenue au summum de la connaissance de notre patois local, était l’un des nôtres puisque c’est en 1854 qu’il vit le jour ‘en Laiche’ ; son père, maître cordonnier l’avait invité à suivre la profession paternelle, mais battre le cuir n’était pas le sort vers lequel aspirait ce cerveau.

Notre concitoyen fréquenta l’école communale, ‘à l’ bate’, puis, ayant travaillé quelque peu à ‘rapètassî sins gout dès solés’ comme il l’a dit lui-même, il fit son service militaire à Namur, au 1er Régiment de Ligne ; bien noté, il devint sergent. Déjà wallonisant, il se rendait fréquemment au « Caveau » qui était alors situé dans un estaminet face à Saint-Aubain ; il y rencontra les patoisants de l’époque, se prit d’amitié pour eux et en gagna l’estime.

Libéré, Auguste Lurquin entra à l’administration des Postes ; comme tant d’autres, il séjourna dans différentes localités namuroises, liégeoises ou hennuyeères, mais, chose curieuse, jamais il n’exerça de fonctions dans sa villenatale.

Ses capacités le firent remarquer de ses supérieurs et bientôt il est envoyé à Bruxelles-Centre en qualité de commis-chef où  son activité lui fit remanier de fond en comble les services de la distribution. Peu à peu, il gravira l’échelon des grades ; homme au franc parler, affable et serviable à l’excès (si l’on peut dire), il se fit partout aimer par ses sous-ordres ; évoquer Lurquin à un ancien facteur de Bruxelles, de Verviers ou de Charleroi, c’est lui parler du paradis postal.

Nommé percepteur, il eut la vie itinérante de ces fonctionnaires, mais son ambition ne voulut plus de perception provinciale : il voulait qu’un Wallon devint ‘patron’ d’un bureau de la capitale, mais pour ce faire, il fallait connaître le flamand.

Chose incroyable, à 60 ans, Auguste Lurquin abandonne quelque peu ses travaux de linguistique dialectale wallonne et , littéralement, s’attache à l’étude la langue de Van Artevelde. Esprit autodidacte, il parvint, sans aucune aide professorale, à s’assimiler le langage requis et passa l’examen avec la plus grande distinction. C’était au temps du ministre Segers qui félicita le vieux lauréat ; celui-ci, n’ayant cure de politesse, répondit : « Monsieur le Ministre, je trouve ignoble qu’un Wallon puisse prétendre à devenir fonctionnaire à Bruxelles sans la connaissance du flamand ». Segers parla d’autre chose et leva la séance. Peut-être savait-il que le récipiendaire n’était pas « one crosse di taute » et qu’il avait obtenu une médaille d’or au Concours des Glossaires wallons.

Notre nouveau promu, peu fier de son ascension, n’eut dès lors que deux buts : le bien-être de son personnel et l’achèvement de son dictionnaire du patois de Fosses qui devait comprendre plus de dix mille mots.

Souvent, cependant, il se laisse tenter par la Muse, sa verve primesautière se donnait alors libre cours ; ses fables, dont une partie fut éditée en 1908, sont de petits chefs-d’oeuvre de bon goût et surtout de graphie.

Prisé par les sommités dialectales de notre Wallonie, Auguste Lurquin était le familier de Jean Haust, de Feller, de Glesner et tant d’autres épris du même idéal. Père de famille adoré, homme de grand cœur, travailleur infatigable, ami de bon conseil, bref l’intégrité personnifiée, tel fut Auguste Lurquin, le vieux Fossois.

Ce chercheur acharné, ce Wallon de cœur et d’âme, qui oeuvra tant pour le pays, qui porta si haut les vertus wallonnes, mérite mieux qu’un simple souvenir ; son attachement à notre petite ville et son travail linguistique ont droit à notre reconnaissance ; que sa mémoire trouve ici une affectueuse pensée d’admiration et de respect.

 

J.N.

 

Tirans nosse tchapia

 

Dins lès-eûves da Lurquin, lîjant nosse bia lingadje.

Combin d’ côps avans-ne rî jusqu’aus lârmes do ramadje

Plaîjant èt todi chér do tchant di nosse payis ;

Do Fosswès disparètu qu’ on n’ duvréve nin rovî.

Tot djon.ne èt cor è scole, si plaîji li pus grand

Èstéve di fé rimer tot ç’ qu’ à s’-t-èsprit d’ èfant,

Vineûve : lès prés, lès bwès, lès pus p’tits amûsemints,

Lès mamoûrs èt lès prautes estin.n è-n-on momint

Rwèd coûtchî su l’ papî. Â! lijoz-me ç’ qu’ il a scrît,

Vos compudroz bin mia l’ douceû di nosse payis !

(à complèter / à compléter)

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