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DJEU D’ BALE

Jeu de balle

li djeu d' bale (le jeu de balle pelote)

(s.r.)

Benoît Goffin, La balle pelote au cœur de notre région, éd. Aparté, 2006

 

(p.12) Premières mentions

 

Parmi d’autres civilisations antiques, l’Egypte connaît la balle à jouer. Le lan­cer de balle y est déjà pratiqué vers 2350-2200 avant J.-C. Trois types de jeux sont évoqués sur les peintures murales égyptiennes, auxquels s’ajoutent des rituels où le pharaon lui-même procède au lancement d’une balle, dans un geste qui revêt certainement une signification hautement symbolique.

 

En Grèce, dans l‘Odyssée d’Homère, le jeu de balle constitue le divertisse­ment de Nausicaa et de ses compagnes, alors qu’une partie entre deux joueurs habiles forme un spectacle digne d’être offert à Ulysse par son hôte le roi des Phéaciens. Au nombre des amateurs de ce divertissement, on peut citer Alexandre le Grand, Denys l’Ancien ou Sophocle. Les jeux de balle grecs ont pour noms sphaeristikè, ephetinde et phoenindè.

 

Les Romains n’apportent pas moins d’ardeur au jeu de balle, qu’il se nomme harpastum, trigonalis, follis ou encore folliculis, termes qui désignent à la fois le jeu et la balle qui sert à le pratiquer. Ovide, Martial et Plaute parlent fré­quemment de ces divertissements qui tiennent une place de choix dans l’existence de leurs contemporains. De nombreux vases peints de cette époque montrent effectivement des femmes, enfants et jeunes gens se livrant à des jeux de balle variés.

 

(p.14) Dans nos régions

 

Dans la typologie des jeux, les disciplines connues sous l’Antiquité ont évolué vers deux grandes familles. La première peut être qualifiée de balle commune, dans laquelle la baJle est convoitée, simultanément, par les joueurs des deux camps. Concrètement, il y a lutte pour sa possession, ce qui implique la pos­sibilité de contacts physiques. Le jeu de soûle, connu dans nos régions dès le Moyen Age, est typiquement un jeu de balle commune. Bien que beaucoup plus tardif, le football appartiendra également à cette branche…

 

La seconde famille est d’une nature différente. Dans cette catégorie, la balle est mise alternativement à disposition de chaque camp. Ici, le but poursuivi n’est pas la possession de la balle, ce qui signifie qu’il n’y a pas de contact physique pour s’emparer de celle-ci. L’objectif de ces jeux est de faire mourir la balle dans le camp adverse. Il s’agit donc du principe du gagne-terrain. Le critère déterminant est l’endroit où la balle tombe, s’arrête ou est arrêtée. Cet endroit est marqué et les deux camps changent de rôle. Le camp qui met la balle en jeu s’efforce alors de faire tomber celle-ci au-delà de la marque susdite. Cette famille comprend le jeu de paume et tous ses dérivés. Parmi ces derniers, nos jeux de balle belges.

Qu’entendre par jeu de paume ? Comme son nom l’indique, il consiste à utiliser la paume de la main comme moyen de propulsion. Les premières mentions du jeu de paume dans nos régions datent de la première moitié du XIV’siècle. Elles concernent l’aristocratie, avec notamment l’achat de balles (esteufs) par le comte Guillaume de Hainaut, mais aussi les couches les plus humbles de la société. Car la population joue à la paume sur le parvis des églises, ce qui occasionne de nombreux dégâts aux vitraux et cimetières. En réaction, les autorités multiplieront les édits pour en réglementer la pratique. Parvenus jusqu’à nous, ces textes constituent de précieux indices de la popu­larité du jeu à cette époque.

 

(p.25) Le tamis, ce tambour utilisé à la livrée

 

S’il est un instrument dont l’usage reste mystérieux, c’est bien le tamis utilisé au jeu de petite balle. Historiquement, l’emploi du tamis pourrait trouver son origine dans l’usage du rebond au moment de la livrée. Le tamis, tambour placé à même le sol, pourrait consister en une alternative à l’irrégularité du sol, peu propice au rebond de la balle. En faisant rebondir la balle sur le tamis, le joueur trouverait alors le bond nécessaire à son mouvement. Les Albums de Croy, au début du XVIIe siècle, donnent déjà une représentation très fidèle de l’emploi du tamis au jeu de balle. Du point de vue de sa fabrication, le tamis était notamment produit par l’artisan qui concevait parallèlement les fûts de tambour. C’est le cas notamment des Lebon, une dynastie d’artisans binchois réputés pour leurs instruments de musique. A cet égard, les plus beaux tamis sont conçus en cuivre et même en bois. Si la balle au tamis a aujourd’hui disparu, le terme tamis est encore bien présent en balle pelote. Il y désigne l’aire de livrée, et par extension la force d’une équipe à la livrée. L’on parle ainsi d’une formation dont « le tamis sera cette saison le principal atout ». Quant au tamis, instrument spécifique de la petite balle, il est définitive­ment remisé dans la boîte à souvenirs. Pourtant, quelques places wallonnes – pour combien de temps encore ? – gardent encore la trace de l’emplacement du tamis, comme le dernier témoignage d’un sport qui les a fait vibrer. C’est le cas à Soignée et à Saint-Martin (région de Sombreffe).

 

(p.31)bEt la Flandre ?

 

La pratique contemporaine du jeu de balle, bien qu’essentiellement wallonne, concerne éqalement d’autres parties du pays. Si Bruxelles ne connaît plus d’équipe depuis les années 1990, la Flandre comporte encore quelques régions de tradition ballante, recensant des formations de tout premier plan. Historiquement, le jeu de paume est tout aussi présent dans le nord que dans le sud du pays. L’arrêt de sa progression et surtout son recul au XIXe siècle pourraient être mis en rapport, notamment, avec la crise économique majeure que connaît la Flandre à cette époque.

 

Toutefois, la disparition du jeu de balle ne sera pas totale. Les régions limitrophes de la Wallonie et la vallée de la Dendre verront se perpétuer une pratique ballante importante. Les modalités de cette transmission et de ce développement dans ces zones localisées, peu connues à ce jour, doivent faire l’objet d’une étude spécifique. Aujourd’hui encore, Grammont, Ninove, Alost ou Termonde constituent des pôles importants. Au cours des années 1980 et 1990, les équipes de Tollembeek (10 titres en une quinzaine d’années !) et Buizingen feront montre de leur suprématie au sein de l’élite ballante.

 

(p.38) En Europe

 

Loin d’en faire un inventaire exhaustif, il est bon de citer quelques exemples parmi les jeux qui, à l’heure actuelle, font partie intégrante du paysage spor­tif européen. Si de très nombreuses disciplines, marginalisées au sein même de leurs zones de prédilection, ont totalement ou quasiment disparu – c’est le cas de la balle au tamis belge et de sa consÅ“ur française aujourd’hui anec-dotique -, d’autres ont pleinement assuré leur passage du jeu au sport.

 

A cet égard, la Picardie réussit, avec plus ou moins de bonheur, la sauvegarde de ses jeux régionaux. Quant au Pays Basque et à la Frise, ils perpétuent la pratique de disciplines qui participent certainement à la consolidation d’une identité culturelle propre.

 

LA PICARDIE

 

LA BALLE À LA MAIN

 

Ce jeu utilise la paume comme seul moyen de propulsion. Ses terrains com­portent, à chaque extrémité, une délimitation matérialisée par une ligne appelée rapport et généralement bornée par des poteaux surmontés de dra­peaux. Historiquement, la balle à la main se pratique dans l’est de la Somme et le nord de l’Oise. Devenue confidentielle, la balle à la main connaît cepen­dant un regain localisé au sud-est de la Somme.

 

LA BALLE AU TAMIS

 

Utilisant un tamis pour engager la balle, ce jeu picard se différencie néan­moins de son homologue belge, puisque les gants sont remplacés par des tam­bours formés par une pièce de bois ovale, sur laquelle est tendue une peau de veau ou de porc. Sa terre de prédilection est le Vimeu, région située entre la Somme et la Bresle. La balle au tamis a quasiment disparu de la Picardie.

 

LA LONGUE PAUME

 

Le moyen de propulsion utilisé pour ce jeu est une raquette pesant entre 275 et 300 grammes, pour une longueur totale de 72 centimètres. Atteignant près de 3000 licenciés entre les deux guerres, les effectifs sont aujourd’hui de l’ordre de quelques centaines d’affiliés.

 

LE BALLON AU POING

 

Le ballon utilisé est, dans sa conception moderne, semblable à celui du hand­ball : vessie de caoutchouc à valve, recouverte de cuir de vache. Une équipe de ballon au poing se compose de 6 joueurs. Le ballon au poing est le sport régio­nal de l’Amiénois, son implantation la plus dense se situant dans le triangle Amiens-Doullens-Albert. A l’instar des jeux de balle, il connaît le principe du gagne-terrain (chasses). Actuellement, le ballon au poing est le jeu picard le plus pratiqué (1000 licenciés) et le seul à prétendre au statut de sport.

 

(p.40) LE JEU DE PAUME FRANÇAIS

 

La balle pelote se pratique également en France, dans une zone jouxtant la Belgique. Appelée jeu de paume, cette discipline connaît un championnat régu­lier. Parallèlement, plusieurs équipes françaises participent ou ont participé au championnat belge. L’exemple le plus connu est certainement celui de la forma­tion de Maubeuge. Celle-ci deviendra d’ailleurs… championne de Belgique !

 

LE PAYS BASQUE

 

La pelote basque est certainement l’une des formes les plus connues du jeu de paume. Il est plus correct de parler des jeux de pelote, puisque cette appellation générique recouvre en réalité une vingtaine de spécialités, aux règles spécifiques.

 

En ce début de siècle, 19 000 licenciés et 70 000 pratiquants sont répartis dans tout l’Hexagone. Ce sport affirme sa dimension d’internationalisation bien au-delà des frontières du Pays Basque puisque 24 pays le pratiquent sous ses formes les plus courantes. Son statut de discipline de démonstration aux Jeux olympiques de Barcelone en 1992, confirme cette universalité. La pelote basque, connue surtout par ses parties de balle au mur, continue à être pratiquée également en face à face, avec chasses, sous sa forme d’origine, le rebot (de reboter synonyme de rechasser). Le rebot se. joue en plein air entre équipes de 5 joueurs, sur des terrains limités au moins d’un côté (côté reboi) par un mur ou fronton. La pelote est mise en jeu à main nue, après avoir rebondi sur un butoir, sorte de billot de bois plein taillé en plan incliné (vers le mur de rebof) et posé sur un trépied. Après avoir engagé, le joueur poursuit le jeu avec un gant de cuir. Les 4 autres joueurs de l’équipe sont munis de chisteras qui, pour les parties de rebot, sont peu profondes.

 

A côté du rebot, il faut également mentionner le jeu à main nue qui constitue la forme la plus originelle du jeu, ne nécessitant aucun instrument, mais aussi la Cesta Punta, spécialité la plus spectaculaire et la plus lucrative avec notam­ment un championnat professionnel aux Etats-Unis.

 

(p.41) LE JEU DE BALLE AU TAMBOURIN EN FRANCE ET EN ITALIE

 

Le jeu de balle au tambourin se joue principalement dans le Languedoc-Roussillon et en Italie. La palla tamburello transalpine recense environ 450 sociétés pour une dizaine de milliers de licenciés. Le jeu se pratique à l’aide de tambourins formés, depuis quelques années, par un cylindre de matière plas­tique de 5,5 centimètres de haut et d’un diamètre de 28 centimètres, sur lequel est tendue une peau généralement plastifiée pour accentuer la sonorité du contact et ajouter ainsi au côté spectaculaire des échanges.

Les joueurs français et italiens ont abandonné complètement le système des chasses pratiqué naguère. Il s’agit maintenant d’une sorte de tennis sans filet, par équipes de 5 joueurs.

 

LA PALLAPUGNO ITALIENNE

 

Homologue italienne du ballon au poing picard, la pallapugno (anciennement pallone elastico) se joue dans le sud du Piémont et en Ligurie occidentale, sur des terrains appelés sphéristères. Le ballon utilisé, en caoutchouc, pèse environ 200 grammes pour un diamètre approximatif de 105 millimètres. Les parties se jouent généralement en 11 jeux, entre équipes de 4 joueurs. Autre jeu, la palla alla mano, la balle à la main italienne, est encore pratiquée par quelques équipes de la région de Brescia.

 

LA FRISE

 

Le jeu de balle, de kaatssport, est également très vivant en Frise. Il est considéré dans cette région néerlandaise comme le sport numéro un. Le jeu s’y pratique généralement par équipes de 3 joueurs, sur des terrains mesurant 60 mètres de long sur 32 de large. La balle utilisée pèse +/- 22 grammes. Le joueur est muni d’un mince gant de cuir. C’est en 1853 qu’est créée une Permanente commissie, chargée de l’organisation de compétitions de jeu de balle. La Nederlandse kaats ^oW(NKB) date quant à elle de 1897. Chaque année, se déroule à Franeker le plus important tournoi de la saison, le PC Dag. Celui-ci regroupe les meilleures équipes et attire des milliers de spectateurs, dans un esprit de fête et de communion autour de ce sport national frison.

 

(p.42) Le jeu de balle ne s’est pas contenté d’un confinement au sein de quelques tégions belges. Il a tenté, avec plus ou moins de réussite, la voie de l’interna­tionalisation. En essayant de sortir de ses frontières naturelles, mais aussi en rencontrant des jeux apparentés…

 

Exportation du jeu de balle

 

Des ressortissants belges ont pu pratiquer leur discipline favorite à l’étranger. C’est le cas au Congo belge, avec des championnats disputés par région. Si l’on pratique la balle pelote au Katanga, c’est à Léopoldville, l’actuelle Kinshasa, que l’activité ballante est la plus développée. La capitale congolaise compte ainsi une dizaine de ballodromes.

 

La pratique du jeu de balle à l’étranger prend également la forme de luttes de démonstration ou de propagande. C’est ainsi qu’en 1888 et 1893, la société de Bruxelles-Sablon délègue en Frise des joueurs de petite balle au tamis, en vue d’y livrer une exhibition. Le but de cette manifestation est clairement la propagande de ce jeu. Fernand Hannotiaux et Jef Claessens, joueurs réputés de balle au tamis, auront ainsi l’occasion de participer à des luttes à Franeker, lors des journées nationales frison nés. Près d’un siècle plus tard, en août 1974, dix jeunes joueurs belges de pelote seront invités par l’ADEPS à participer au Festival International de la Jeunesse qui se déroule au Canada. Ces deux sélec­tions de juniors auront pour mission « d’y faire découvrir notre discipline sportive et, qui sait, d’y susciter des adeptes ».

 

(p.43) Contacts avec les jeux apparentés

 

La balle pelote tentera, dès le début du XX’ siècle, des rapprochements avec les jeux voisins. En 1899, des joueurs belges se rendront en Frise et s’essaye­ront au jeu frison, alors qu’une équipe néerlandaise rencontrera, au jeu de balle pelote, la délégation belge. De cette époque, datent des visites régulières de délégations de joueurs belges de pelote en terre frisonne.

 

Les rencontres entre Belges et Français auront lieu dès le début du XIX’ siècle. Ces contacts sont bien sûr facilités par la pratique d’un jeu commun. Il ne s’agit pas alors de rencontres entre équipes nationales à proprement parler. Pour ce faire, il faudra attendre le début du siècle dernier.

 

Les contacts entre jeux belge, français et néerlandais prendront une tout autre ampleur avec la création, le 13 mai 1928, de la Confédération interna­tionale du jeu de balle pelote-paume (CIBPP). Cet organisme est alors constitué de la Fédération nationale du jeu de paume française (FNJP), de la Koninklijke nederlandse kaatsbond(KNKB) et de la Fédération royale natio­nale de balle pelote belge (FRNP). Le but de cette confédération est d’assu­rer la propagande des jeux de pelote-paume et d’obtenir sa participation aux Olympiades. La CIBPP est chargée de la mise sur pied d’épreuves internatio­nales. Elle organise à partir de 1928 un tournoi triangulaire entre sélections belge, française et néerlandaise. La première édition de cette manifestation se déroulera à Namur. En 1930, l’édition organisée au Sablon à Bruxelles, devant plusieurs milliers de spectateurs, prendra le nom quelque peu exagé­ré de Championnat du monde…

 

(p.44) A l’aube de ce siècle et après s’être abstenue de contacts pendant une douzai­ne d’années, la Belgique reprend progressivement sa place dans le concert international des jeux de paume. Il ne s’agit plus ici des traditionnels tournois triangulaires avec ses voisins français et néerlandais, mais d’une participation à une internationale beaucoup plus large de jeux de balle et ballon. Elle a ainsi participé en 2003 au Championnat d’Europe organisé à Saint-Amand-les-Eaux (France), mais aussi au Mondial italien de 2004. Une équipe natio­nale, formée des meilleurs pelotaris du royaume, rencontre pour l’occasion d’autres formations européennes ou sud-américaines dans diverses disci­plines. Parmi celles-ci, le fronton et le jeu dit international, discipline jouée à main nue au moyen d’une balle de tennis pelée.

 

A côté de ces relations entre fédérations nationales ayant comme objectifs l’organisation de rencontres internationales et le rapprochement des diffé­rentes formes de jeu, les rapports se concrétisent aussi par la participation d’équipes françaises au Championnat de Belgique ou, à titre individuel, de pelotaris étrangers. Ainsi, en 1985, la formation de balle pelote de Braine-le-Comte accueillera un authentique champion de pelote frisonne, Johannes Brandsma. Livreur d’exception, Brandsma deviendra la grande attraction du championnat, au point d’être surnommé le Hollandais volant…

 

Jeux sans frontières

 

En analysant la Picardie, l’ethnologue Marie Cegarra tend à démontrer le caractère transfrontalier des pratiques ludiques et leur interpénétration au-delà de limites administratives ou politiques. Les jeux de pelote-paume dits picards ou belges sont effet très proches, tant du point de vue du principe, des règles, des acces­soires ou du vocabulaire utilisés. En ce sens, la frontière franco-belge ne doit pas être vue comme une zone de fracture. Selon l’auteur, les aires des pratiques ludiques se caractérisent plutôt par des éléments culturels, telle la langue – le picard dans son sens le plus large -, mais aussi un droit coutumier aux traits spé­cifiques – le groupe des coutumes picard-wallon.

 

A l’heure actuelle, la Picardie tente de sauvegarder ses jeux de balle et ballon en mettant en évidence leur richesse et leur spécificité. L’intérêt qu’ils suscitent auprès des instances publiques doit être replacé dans une volonté d’affirmation d’une identité régionale autour d’un patrimoine commun dont font partie inté­grante les jeux traditionnels. La pérennisation de ces pratiques devra passer par cette volonté politique qui s’accompagne d’une mise à disposition de moyens financiers, matériels et humains au service des associations de terrain, mais aussi et surtout par la sensibilisation et la prise de conscience de l’ensemble de la population régionale.

 

(p.138) In djouweû d’ pachî

 

Loisir traditionnel, le jeu de balle est un marqueur social privilégié, révélateur des usages et des mentalités des populations qui le pratiquent. Parmi eux, la langue, indissociable d’un milieu et d’une époque donnés. Dans ce registre, le dialecte, qu’il soit picard, wallon ou thiois, est classiquement la langue utilisée dans le milieu du jeu de balle comme dans la plupart des activités de la vie courante. La disparition progressive, depuis quelques décennies de nos parlers régionaux a considérable­ment remis en cause ce constat. Malgré cette évolution, le milieu ballant reste attaché à une langue dont les expressions imagées en traduisent à merveille la richesse faite de moments de tension, de temps morts, de comédie, mais surtout de convivialité. Il en reste de nombreux termes et expressions aux multiples variantes parfois intraduisibles qui résonnèrent et résonnent toujours sur et autour des ballodromes.

 

Ces quelques exemples témoignent d’une certaine moquerie, très présente lors d’une lutte de jeu de balle… :

donèz ène payèle à ç’t-ome-là : donnez une poêle à cet homme-là, afin de se moquer d’un joueur qui a frappé à côté de la balle ;

lîvrer in canada / ène pètote : livrer une pomme de terre, c’est-à-dire une balle peu puissante et sans danger. Connaît les variantes kèkète et cacawète ;

èl lîvreû a fét chichite au tamis : le livreur a eu une diarrhée au tamis, raille un joueur dont le tour de livrée a été catastrophique ;

in djouweû d’ pachis : un joueur de prairie, caractérise un élément qui, à tout le moins, n’est pas brillant… ;

 

Quant à l’expression djouweû d’ tennis, elle stigmatise un joueur qui reprend systématiquement la balle après un bond, comme au tennis, mais également une discipline que les djouweûs d’bale ont longtemps jugée hors de leur monde…

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