Epiphanie Belgique wallonne picarde gaumaise

LI DJOÛ DÈS RWÈS

L’Epiphanie

Li Djoû dès Rwès en Bèljike walone, picarde, gaumèse

(litt. Le Jour des Rois, L’Epiphanie en Belgique wallonne, picarde, gaumaise)

0.   Présentation / Présintâcion

in: Nadine Cretin & Dominique Thibault, Le livre des fêtes, éd. Gallimard, 1991

 

Le 6 janvier (ou le dimanche le plus proche)

Dernier jour des fêtes du solstice d’hiver, on a toujours célébré cette journée de passage à des jours plus longs. Au 4e siècle, ce jour de l’Epiphanie (en grec, manifestation) devint en Occident jour de l’Adoration des mages. Pour les Chrétiens d’Orient, cette fête importante, surtout en Ethiopie, a lieu le 19 janvier ; on l’appelle Théophanie.

(Les 12 jours qui séparent Noël de l’Epiphanie présagent les 12 mois de l’année à venir).

Les Mages 

L’évangile de Saint Mathieu rapporte que les mages, guidés par une étoile, sont venus adorer Jésus et lui offrir de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Les théologiens ont donc fixé à trois ces astrologues et les ont faits rois conformément à la prophétie d’Isaïe.

Le nom des Rois mages : Bède, un érudit anglais du 8e siècle, donna nom et apparence aux Rois mages : Melchior, à la longue barbe ; Gaspar, imberbe, et Balthazar, noir et barbu. On dit qu’ils représentent les trois âges de la vie et les trois continents alors connus (Europe, Afrique, Asie).

 

La fève désigne le « roi »

La fête de l’Epiphanie est l’occasion d’un repas où l’on « tire un roi » au moyen d’une fève cachée dans un gâteau. Cette tradition n’a pas de rapport avec la fête religieuse, si ce n’est qu’au Moyen Age, le clergé tirait au sort la personne qui jouait le Roi des rois dans les pièces de théâtre religieuses. Cette coutume pourrait venir des saturnales romaines durant lesquelles on tirait au sort le « roi » du jour.

Déjà les Grecs élisaient leurs magistrats avec une fève. A l’origine, la fève était aussi une graine, mais elle a été remplacée par un sujet moins digeste en porcelaine. En effet, le roi étant tenu d’offrir à boire aux autres convives, certains avalaient la fève pour éviter la dépense. Les premières fèves en porcelaine de Saxe datent de 1875.

Symbole de fécondité, la fève promet à celui qui la trouve chance, richesse, pouvoir et vertu.

 in A. Varagnac, M. Chollot-Varagnac, Les traditions populaires, PUF, 1978  

 

FETE DES ROIS (6/1): les Rois arrivant avec leurs cadeaux purificateurs > nécessité d’une purification dans le passage d’une année à l’autre cf chez les Han; chez les Parthes (dans Hérodote); Rome: les Saturnales; MA: Fête des Fous cf durant les 12 jours: cérémonies d’interversion: les dominateurs devenaient dominés (par leurs serviteurs, les enfants dans les églises, les femmes) > soupape de sécurité

in: Le temps de Noël, Tradition wallonne, Liège, 1992, pp 39-40

 

L’Epiphanie

 

“On bon rwè, ine bone royène !” « Un bon roi, une bonne reine ! »

Les mages ont joui d’une grande popula­rité dans les drames liturgiques où ils apportaient l’élément exotique. Leurs reliques, amenées de Milan à Cologne par Fré­déric Barberousse, en 1164, y faisaient l’objet d’un culte très important. La cité rhénane était un grand lieu de pèlerinage.

Dans nos régions, on appelait familière­ment les rois mages Djâspâr, Mèn’cheûr èt Baltazâr. Les trois noms prononcés par un enfant au cœur pur avaient le pouvoir de guérir du mal caduc.

Protecteurs des voyageurs, on les in­voquait contre la fièvre, les maux de tête, la mort subite et les ensorcellements. Cette dernière croyance vient très certaine­ment du rôle magique attribué au jour même de l’Epiphanie.

Dans l’Ardenne stavelotaine, on faisait appel à la puissance des mages dans des formules magico-religieuses. Ils étaient in­voqués pour protéger les gerbes contre les souris, les semailles contre les limaces et les oiseaux ou encore pour réussir la fabri­cation du beurre.

 

L’élection du roi

 

En Wallonie, on avait recours à deux mé­thodes pour désigner le roi :

la première consistait à « tirer les Rois ». Cette pratique commune au Nord de la France était traditionnellement employée en Hainaut et dans le Centre. On utilisait « un billet des Rois », feuille composée de seize vignettes xylographiques qui, découpées et attribuées aux participants du repas, désignaient le roi et les membres de sa cour : le conseiller, le portier, le suisse, le messager, l’écuyer, le secrétaire, le valet de chambre, le médecin, le verseur à boire, le laquais, le ménestrel, le confesseur et le fou. Chacune était accompagnée d’un quatrain que le convive devait chanter sur un air populaire ancien. Le refrain était repris en chœur par l’assemblée.

Les billets des Rois étaient vendus par les marchands ambulants. On en éditait surtout à Tournai à l’imitation de ceux de Lille, mais il y eut aussi une production à Mons au début du XIXe siècle. On les connaît aussi en Flandre.

Opposé à la première méthode, le gâteau des Rois était plus répandu. Une fève dissi­mulée à l’intérieur du gâteau désignait le roi. Souvent, elle était remplacée par une noisette ou un noyau d’abricot car les personnes avares voulant éviter de payer la tournée avalaient la fève.

Un article d’un journal liégeois évo­que ce phénomène et critique les poupons de porcelaine utilisés en guise de fève :

«… À la ville, la Fête des Rois ne sert plus guère de prétexte qu’à un dîner que le roi doit arroser. Pour cette raison, nombre d’invités avalent la fève, afin de n’avoir pas à délier les cordons de leur bourse.

Pour couper court à cet abus, les pâtis­siers n’ont rien imaginé de mieux que de remplacer la fève traditionnelle par un bébé de porcelaine contre lequel vous risquez de vous briser les dents».

Avant 1914, le gâteau traditionnel était offert par les boulangers à leur clientèle. Il se présentait sous une forme ronde dont les bords crénelés rappelaient l’étoile des mages à huit branches. La partie centrale, li mirou dè wastê passait pour souveraine contre les coliques. La personne qui en mangeait en était exempte pour l’année à venir.

in: Yernaux E., Fiévet F., Folklore montagnard, s.d., pp 129-130

 

LÈS  RWÈS

 

Le 6 janvier, c’est la Fête des Rois qui a complètement disparu chez nous depuis un grand nombre d’années.

Cependant, jadis, elle eut un grand succès. Au Moyen Age, elle fut célébrée un peu partout dans toutes les classes de la société.

M. O. Colson dit que cette fête en l’honneur des trois Rois Mages et de la manifestation de Jésus-Christ aux Gentils est une des plus anciennes de l’Eglise. Elle est mentionnée dans le premier calendrier paru en l’an 448. Sa célébration fut réglée par le Concile d’Orléans tenu en 54l. C’est à peu près un siècle plus tôt que l’Eglise prit l’ha­bitude de dissocier la Nativité de l’Epiphanie. Précédemment, les deux fêtes se confondaient. La Noël prit naturellement le plus d’importance, mais la Fête des Rois resta très populaire; sans doute parce que les Rois Mages jouèrent un grand rôle dans la foi populaire. Ils passaient pour guérir du mal caduc.

En Espagne, la Fête des Rois est restée la grande fête des enfants. Elle est l’équivalent de la Noël pour les enfants des pays de religion protestante et de la Saint-Nicolas en Belgique.

Dans le « Calendrier Belge », du baron Reinsberg, il est rappelé que dans la vieille « Chronique du moine Egidius li Muisis, abbé de Saint-Martin à Tournay», on lit que déjà en 1281 « selon une ancienne coutume, les citoyens les plus aisés et leurs fils se réunissent frater­nellement autour d’une table ronde et élisent leur roi. » Ces agapes familiales étaient très populaires car on affirmait « qu’on va sept heures large, sept heures loin pour manger le pain de ses parents. »

Jacques Mercier, Les Rois Mages, LB 06/01/2000

 

Epiphanie < epiphaneia: apparition, manifestation Fête d’origine orientale qui avait trait aux trois premières manifestations du Christ au monde: la naissance et son adoration par les mages, le baptême et le miracle de Cana.  Le 6 janvier a sans doute été choisi pour se substituer à la naissance du dieu Aïon (peut-être Hélios, le soleil), enfanté d’une vierge. En Occident, on fête l’Epiphanie comme la ‘maifgestation’ du Christ aux nations païennes symbolisées par la venue de ces Mages à Behtléem. Ils apportent de l’or, symbole de vertu, pour honorer le Christ comme Roi.  L’encens , une résine blanche qui vient d’Arabie et d’Afrique, correspond à la divinité et est symbole de prière.  La myrrhe, une gomme aromatique tirée d’un arbuste, est un signe de souffrance et est le symbole de l’humanité du Christ et donc de sa mort. Qui étaient donc ces Rois mages?  Il s’agirait d’astrologues venus d’Iran, attirés par le phénomène astronomique (les avis divergent: le passage de la comète de Halley en 12 avant J.-C. est vraisemblable ou l’apparition de la Nova du Capricorne en 4 avant J-C. …) qui signifiait la naissance d’un personnage illustre. Combient étaient-ils?  C’est Origène et Saint Léon Le Grand qui décidèrent du chiffre 3 vers 450.  Le titre de roi leur fut donné par l’influence d’un passage des Psaumes: “Les rois de Tharsis offriront l’encens.”  Ce n’est qu’au 7e siècle qu’on les nomme Melchior, Gaspard et Balthazar (une déformation de Belshatsar, surnom babylonien du prophète  Daniel).  Au 15e siècle, on leur attribua à chacun une origine différente: blanche pour Melchior, jaune pour Gaspard et noire pour Balthazar.  Ils sont devenus populaires depuis que Jean de Hildesheim, un prêtre rhénan, écrivit leur légende et après que l’on eût déposé ‘des’ reliques à Cologne.

1.   Traditions par régions / Tradicions pa réjions

(in: The Economist, 24/12/2014)

1.1   L’ouest-wallon / L’ ouwès’-walon

Françoise Hecq, Le jeu de l’Epiphanie, in : MA, 1, 1976, p.5

 

A l’Epiphanie, dans la commune de Leval-Trahegnies, une coutume répandue consistait à danser autour d’une payèle, poêle, dans laquelle brûlait de l’alcool dont la réverbération donnait aux invités un teint cireux.

Ce jeu porte le nom de djeù d’cint-ans, sans doute par analogie avec le teint des vieillards.

L’Epiphanie, in : EM 3/1982, p.44-48

La veille de l’Epiphanie : èl djoû de d’vant lès Rwas ; les villageois faisaient buskî lès campes, les possesseurs d’un fusil sakinetèt twâs coups d’ fusik in.n-ér. A Godarville (1), on dit que : « Le roitelet, sa femelle et tous les petits roitelets nés durant l’année, se réunissent au nid ». (Il s’agit cer­tainement du troglodyte (Troglodytes troglodytes) appelé improprement roitelet en français, car le roitelet huppé (Regulus regulus) et le roitelet triple-bandeau (Regulus ignicapillus) sont des nicheurs très rares dans le Centre).

Epiphanie : èl djoû dès Rwas, à Rwas ; c’est l’ djoû qu’ on mindje lès bonans.  De l’allongement des jours : à Rwas, on s’ d’ apèrçwat. Ce jour-là, on fét sèt’-eûres long-z-èt lardje pou daler vîr sès parints. On lave les brûlures avec la neige recueillie entre l’Epiphanie et la Chandeleur. A La Hestre, on disait : au Nowé, Nowé Jésus / lès twâs rwas sont rvènus / pou adorer l’anfant Jésus.

A Godarville (2), « à la veillée, on tire les Rois. Voici comment on pro­cède : un jeu de cartes est préparé et chacun prend une carte. Un roi, tiré du jeu, confère la dignité royale à qui échoit cette heureuse fortune ; il en est de même pour la reine et les valets qui représentent les aides de camp du roi. Chacun de ces dignitaires remplit les devoirs inhérents à sa charge durant le repas qui suit ».

Autrefois, au djoû dès Rwas, on achetait une feuille imprimée, illustrée de seize vignettes, des « billets des Rois », à découper pour « tirer » le roi du banquet ; chaque vignette est accompagnée d’un quatrain que le person­nage devra chanter sur l’air « J’ai du mirliton », dont le refrain sera repris en chœur ; « tirer le roi » de sorte est traditionnel dans la plus grande partie du Hainaut.

Flori Deprêtre (1871-1960)  a très bien décrit èl djoû dès Rwas (3).

Quand on.n-atrape dè l’ âdje, èyèt qu’ on tourne lès pâjes dè s’ vîye, on rvwat passer tous lès sortes dè coustumes qu’ on.n-a r’niyî èyèt, intrè l’s-autes, lès manières dè fé lès djoûs. Dju r’pinse à ‘l façon d’ fièster l’ djoû dès Rwas in famîye, invî 1880, à m’ vilâdje d’ Horûe.

Adon, poûves come riches fèsinetèt l’ fièsse dès Rwas. On scrènoût à saquants visins, on f’soût dès waufes ou bîn dès couyes-dè-Swisse èy on buvoût ‘ne boutêye dè goûte qu’ on daloût acater in m’tant chakun s’ pârt. Intrètemps, on tiroût dès coups d’ fusik ou bîn dès campes èy’ on.n-intindoût fé l’ min.me à in quart d’ eûre pus lon. Quand l’ djeû ît in route, t’t-in chakun cantoût s’ couplèt èy’ on s’ amûsoût insi in famîye. Maîs l’ clau, come dîroût l’ françès, c’ ît l’ tirâdje dou Rwa ; c’ èst là qu’ dju r’twêve ène coustume dou temps. V’là ci come ça daloût.

Ene fwêye d’imâdjes (jenre imâdjes d’ Epinal) qu’ on trouvoût dins lès boutikes èyèt qu’ on payoût ‘ne cense, compèrdoût, dju pinse, sêze pètits tâblaus ; lè Rwa astoût r’présintè avû tous lès pèrsonâdjes dè s’ coûr, dèspûs l’ fou djusqu’au pus waut sèrviteûr. El fwêye in quèstion astoût dèscoûpéye, on roûloût lès biyèts èy’ on lès m’toût dins ‘ne musète pou tirer in biyèt chakun à s’ toûr. Par dèzous l’ gravure, il-avoût in couplèt qui s’ raportoût à l’ imâdje èyèt l’ èscrèneû qui ll’ avoût tiré dèvoût canter. L’ ér dou couplet astoût bîn couneû, lès djon.nes vènus ll’ apèrdinetèt pa lès vîs èy’ il-avoût in rèfrin què v’là ci :

A son mirliton,

Mirliton, mirlitaine,

A son mirliton, Mirliton, ton, ton.

 

Vos vièz què ça n’ dit rîn grand choûse, mais dit su l’ ér scandé qu’ dj’ aî  r’tènu, c’ ît ‘ne saqué d’amusant. Volez què d’vos citisse saquants couplèts? D’in v’là :

 

L’Ecuyer                                                  Le Suisse

Pour bien trancher donne à boire,           Si  moi trouver quelque bête

Qu’on prenne le verre en main.              Qui vouloir vider mon pot,

Le Roi veut avoir la gloire                     Moi lui casserai la tête

De veiller jusqu’à demain.                      Avec un morceau de rot.

 

L’Epicier

Pour avoir votre pratique,

J’ordonne aujourd’hui du vin

Qui fait passer la colique,

Le souci et le chagrin (1).

 

Eyèt tous lès couplèts coupés pau rèfrin qu’on r’pètoût in keûr amûsinetèt insi lès scrènes dès Rwas djusqu’à bîn târd dins l’ nûte. Lès djeûs èt lès danses vèninet’ après ; èt c’ èst bîn târd su l’ matin què lès-amis’ d’ èl méso s’ inralinet’ in crokant l’ nîve pa d’zous leûs pîds èy’ in r’pètant guémint l’ rèfrain dès Rwas… ».

 

« Autrefois, au djoû dès Rwas, on achetait une feuille imprimée, illustrée de seize vignettes, des billets des Rois, à découper pour « tirer » le roi du banquet. Chacune est accompagnée d’un quatrain que le personnage devra chanter sur l’air « J’ai du mirliton » dont le refrain sera repris en chœur. Des billets des Rois analogues s’imprimaient à Epinal, à Lille, etc., et ils sont bien connus aussi dans l’imagerie populaire flamande et hollandaise. Ces feuilles étaient imprimées par la Maison Casterman, de Tournai ; une feuille de billets a été imprimée à Mons au début du XIX° siècle, celle-ci est l’édition courante de Tournai (d’après un bois remontant aux environs de 1820) imitée de celle de Lille » (4). Voici les couplets :

Le Roi                                           

Puisque je suis Roi, j’arrête :

Article premier, mangeons !

Et pour couronner la fête,

Article second, buvons !

 

Le Conseiller

A tous ici je conseille,

Comme un trésor de santé,

D’user du jus de la treille

Qui donne aussi la gaieté.

 

Le Portier

Pour éviter la cohorte

Des courtisans, des intrus,

Jusqu’à demain cette porte

A nul ne s’ouvrira plus.

 

Le Suisse

Mon verre et ma hallebarde

Sont les armes de mon choix,

Aussi qu’on prenne bien garde

D’y toucher lorsque je bois.

 

Le Messager

Qu’un autre aille à la campagne

Distribuer le courrier ;

Je vois mousser le Champagne,

J’arrête ici mon coursier.

 

Le Médecin

Par d’abondantes rasades

Noyons tous le noir chagrin ;

Aujourd’hui pour mes malades

Je n’ordonne que du vin.

 

Le Verseur

Qu’importé si je trébuche

Au sortir de mon cellier,

Vidons encore une cruche

Pour mieuv franchir l’escalier.

 

Le Cuisinier

Grâce à mes doctes épices

Et mon goûter délicat,

Je rends les palais propices

A savourer chaque plat.

 

Le Laquais

Mon office est respectable,

De nos jours bien des seigneurs

Avec fierté tiennent table,

Qui portèrent les couleurs.

 

Le Ménestrel

Allons ! vite, qu’on se gare

Et qu’on s’apprête à danser :

Aux accords de ma guitare

La danse va commencer.

 

L’Ecuyer-Tranchant

A l’Ecuyer, c’est notoire,

II faut du vin à foison ;

Ne voudrait-il pas, sans boire,

En vain découper l’oison ?

 

Le Secrétaire

Une fois n’est pas coutume,

Qu’on me serve de bon vin ;

Au courant de notre plume

Célébrons ce jus divin.

 

Le Valet de chambre

Qu’on nous serve donc à boire,

C’est fête jusqu’à demain ;

Le Roi veut avoir la gloire

De veiller, le verre en main.

 

Le Musicien

De ma flûte enchanteresse

Je veux de votre allégresse

Prodiguent les plus doux sons.

Accompagner les chansons.

 

Le Confesseur

Mon enfant, dans la liesse,

Sachons bien nous souvenir

Qu’il faut se garder sans cesse

D’offenser qui peut punir.

 

Le Fou

Et moi, Fou, j’aurai la gloire

De vous noircir à bon droit

Quand le Roi commence à boire.

Si vous ne criez : Roi boit !

 

A Seneffe, à Rwas, on chantait la chanson suivante recueillie auprès de Léopold Delattre, né en 1888 ; elle lui avait été apprise par sa grand-mère Catherine Delattre, née en 1845, à Feluy:

Melchior et Balthasar

sont partis d’Afrique

avec le roi Gaspard

Les trois rois sont partis

à la belle étoile (bis)

qui les a conduits.

Le premier offrit de l’encens,

le second la myrrhe

et le genou fléchissant.

Le troisième offrit de l’or

parce qu’il était riche

et qu’il n’était pas chiche.

Le troisième offrit de l’or

parce qu’il était riche

de son million d’or.

Comme la veille, dans cette localité, on tirait trois coups de fusil en l’air.

Le lundi qui suit l’Epiphanie : èl lundi brousè. Lès Brousès est une coutume disparue qui consistait à barbouiller, brouser, imbaudroûyî, imbaudoûser, les visages au moyen de suie ou de bouchon brûlé èl djoû dou lundi brousè. On disait fé lès Brousès, fé lès Rwas Brousès. De nos jours, à quel­qu’un qui s’est sali la figure, on dit c’est l’ lundi brousè ? ou vos fêtes lès Rwas Brousès? Ce jour était aussi appelé èl lundi pièrdu ; c’était la fête des tailleurs de lin, spindjeûs.

 

Voici la chanson Lès Rwas Brouzès de F. Deprêtre (5) à chanter sur l’air « L’appétit vient en mangeant » ; elle décrit très bien cette coutume :

 

I

In janviè, dou temps dè m’ nène,

iun dès pus bias plésis

qui kèyoût l’ preùmiére witène

èt què dju r’vwa co toudi :

Djôsèf qu’on loumoût l’arsouye

afutoût l’ coumére Zîrè

avû sès mangns nwâres dè souye,      

c’ ît pou fé lès Rwas Brousès (bis)     

 

II

On n’ avoût nîn maléjîle dè ratirer

l’ djon.ne mouchon,

èt Djôsèf l’ avoût facile

pou nwârci s’ djoli mouson.

Si  l’ pètite ît concanéye

dè vîr lès-autes in guétè,

on lyi criyoût dins ‘ne riséye :

c’ èst lès Rwas, lès Rwas Brousès (bis)

 

III                                                                               

Et bîn râde, c’ ît l’ grand dalâdje,           

fusse à ‘l souye, à ‘l mine dè plomb ;     

on brousoût tous lès visâdjes              

qui passinetèt d’ lardje in long.              

C’ ît dès négues èt dès négrèsses,     

on n’ vioût pus qu’ lès-îs lumès            

èt lès keûrs criyinet’ in fièsse :        

Djô! Et vîve lès Rwas Brousès (bis)

 

IV

Pou mète toutes lès tièsses in fiéve,

chakun mètoût s’ pârt au pot

pou payî Dite dè jènéve

qui aroseroût lès goulots.

On cantoût dès-arguèdènes,

on vioût ‘squ’à dès dos voûssès

s’ in r’doner à pièrde alêne

pou fièster lès Rwas Brousès (bis).

 

V                                                                        

Et pindant l’ guinse èt l’ musike,       

dèwoûrs, on f’soût rambuskî                

dès campes èt dès coups d’ fusik       

à fé triyaner l’ clokî.                              

Ça n’ arètoût nîn l’ chambréye                

qui tûtoût dès gris filèts                      

dins lès rèfrins, lès scliféyes,           

c’ ît l’ chîléye dès Rwas Brousès (bis).

 

VI

Ça finichoût pa dès rondes

èt tous lès djeûs d’ nos tayons ;

on.n-ît l’ pus contint d’ in monde

à danser l’ danse dou ramon.

A quatrè vingt-ans, m’ nènène

dèmandoût co tèvosè

« A-t-i co lon pou l’ èscrène

dou grand djoû dès Rwas Brousès ? » (bis)

 

VII

Djè sé bîn qu’ toute no djon.nèsse

trouvera l’ djeû bièsse à bon,

c’ èst qu’ on n’ a pus wére à ‘l tièsse

lès-idéyes dou temps d’adon.

C’ ît l’ plési à ‘l bone frankète ;

mi, doûci, dj’ aî asprouvè

dè vo fé r’vîve ène miyète

tout l’ plési dès Rwas Brousès (bis).

 

Robert DASCOTTE (6)

Un cortège composé de la Vierge, de saint Joseph, des trois Rois et d’un sot venait de Bassilly à Hoves. Ces figurants étaient revêtus de costume de papier et chantaient de nombreux couplets dont on n’a retenu que le refrain :

La première pluie qui est tombée,

mon habit a été gâtée (sic).

Cette coutume disparut bien avant 1914.

A Graty, un accordéon accompagnait le cortège des Rois. Habillés tout de blanc, les figurants chantaient :

Les Trois Rois sont venus pour adorer l’Enfant Jésus. L’Enfant Jésus est adoré comme le Seigneur l’a commandé.

 

Abbé Henri TEMPERMAN (7)

 

(1)   A. Harou, Le folklore de Godarville, Anvers, 1893, p. 15.

(2)   A. Harou, op. cit., p. 57.

(3)   * El Mouchon d’Aunia », janvier 1933, pp. 26-27.

(4)   « Enquêtes du Musée de la Vie Wallonne », t. 8, 1957-1958, p. 8.

(5)   « El Mouchon d’Aunia *, janvier 1935, pp. 15-17.

(6)   Les divisions du temps, l’année traditionnelle et les phénomènes atmos­phériques  dans quelques  communes  du  Centre,  dans  « Les  dialectes Belgo-Romans », t. 22, 1965, pp. 133-182 (pp. 142-146).

(7)   Histoire des communes  rurales de Hoves  et de Graty,  livre  second, chapitre V, Enghien 1974, p. 33.

 

Bonan : étrenne — campe : boîte d’artifices — chîléye : bombance — con-canè : contrarié — couye-dè-Swisse : pâtisserie faite de la façon suivante : boules de pâte levée, coupées à la cuillère, cuite à l’eau et, au moment de servir, arrosées de beurre fondu et saupoudrées de cassonade — (è)scliféye : éclat de rire — (è)scrène : veillée — (è)scrèner : assister à une veillée — (è)scrèneû : celui qui assiste à une veillée — gris filèt : petit verre de geniè­vre — guinse : guindaille — maléjîle : difficile — (nè)nène : grand-mère — ramon : balai — souye : suie — tayon : ancêtre — tèvosè : parfois — triyaner : trembler.

 

Willy Guerlement, in: Les cloutiers à Pont-à-Celles, in : EM, 8, 1982, p.163-165

 

« èl lundi brousè »

 

Comme la plupart des travailleurs des autres corporations, les cloutiers – et plus tard, les chaînetiers aussi – avaient une fête bien particulière qui se situait au premier lundi suivant l’Epiphanie.

Dans le jargon en l’honneur dans nos forges, on l’appelait èl lundi brousè. Ce jour-là, on ne travaillait guère dans les boutikes, les cloutiers préférant faire honneur au genièvre dans les forges amies du voisinage. L’animation était grande dans certains hameaux où jusque tard dans la nuit, se répercutait la traditionnelle ritournelle : « Audjèrdû, c’ èst lundi brousè, lès claus qu’ nos frons sront clérsèmès… ».

 

in: Yernaux E., Fiévet F., Folklore montagnard, s.d., pp 130-132

 

Lès Rwès

 

M. Jules Lemoine, l’ancien directeur des écoles de Marcinelle, a consacré de longs travaux au folklore de notre région. A l’époque, où il écrivit ses études, c’est-à-dire vers 1890, il constatait déjà que l’an­cienne coutume de tirer les Rois, soit par une « traîrîye », soit par la fève avait presque disparu. Voici comment M. Lemoine raconte la fête de l’Epiphanie chez nous :

 

Huit jours après la fête des Rois, c’était un usage pour les pauvres de parcourir la localité vers le soir, de s’arrêter aux portes des gens aisés en chantant, sur un rythme monotone, un couplet qui se termine ainsi :

 

Sint Pansau n’ a nén co soupè

S’ i vos plaît, vos lyi in donerèz.

 

Et chacun s’empressait, selon sa générosité, de donner un quignon de pain ou de faire asseoir à table un de ces déshérités de la fortune et de lui servir copieusement à souper. »

Le boulanger, le jour des Rois, offrait à ses clients un cramique. Cette coutume était encore observée par certains boulangers, au lende­main de la guerre 1914-1918, notamment par Constant Genicot, de la rue Bayemont. Ce cramique remplaçait le traditionnel gâteau des Rois.

 

in: Roger Darquenne, Chapelle-lez-Herlaimont, Son histoire, ses gens, 1981

Lès Rwès à Tchapèle (L’Epiphanie à Chapelle-lez-Herlaimont)

in: Èl Mouchon d’ Aunia, 1933, p.26-27

Lès Rwès à Sougnî (L’Epiphanie à Soignies)

in: Le folklore à Hoves et à Graty, Annales du Cercle archéologique d’Enghien, 1973-1978, p.144-145

Lès Rwès à Hove (L’Epiphanie à Hoves)

1.2   La Picardie – Mons-Borinage / Li Picardîye – Mont-Borinâje

Daniel Foucart, Des retrouvailles autour du “lundi perdu”, LB 13/01/1997

 

Le lundi qui suit l’ Epiphanie, le lundi ‘parjuré’ ou ‘perdu’.

Parjuré, parce que, au moyen âge, les seigneurs de la ville demandaient à leurs sujets de prêter serment “sur les saints”: les gens étaient alors tenus de révéler tout ce qu’ ils savaient sur les crimes et délits jusqu’ alors impunis.

Autre explication étymologique: le ‘pieux parjure’ des rois mages qui, malgré leurs promesses, n’ ont pas révélé à Hérode l’ endroit où était né l’ enfant Jésus.

 

Lundi ‘perdu’ (plus récent) = perdu pour le travail.

in : Vie Wallonne, TXXXI, 1957, p.153-164

Folklore tournaisien

 

lapin à l’ GELEE. ch’ est come du poulet.

 

L’usage d’exposer à l’air vif le lapin « des Rois » pour le faire « rassir » remonte à une époque avancée. Nous n’étonnerons personne en disant qu’au XVIIe siècle on pouvait, comme de nos jours, voir dans nos quartiers populaires « l’ lapin des Rois pinte au cassis » (2).

Brûle-Maison, qui vécut de 1679 à 1740, dit dans une pasquinade intitulée « Noces Lilloises » en parlant de lapins :

Mis au chivèt aveu dès-ognons ;

Come ils avint sentu l’ jélé,

Ils étint téres come du poulèt !

Jacky Legrain, Le ‘lundi parjuré’ approche…, LS 02/01/1993

 

(= lundi perdu, pour les activités journalières)

(lès pus pôves mindjint on tchèt) (à Tournai: mets: le lapin : “A Tournai, pour bin faire cette fiète, l’ ceu qui n’ a pos d’ lapin n’ a rien.”

Peut-être suivant une légende selon laquelle les Mages qui avaient juré de révéler à Hérode la cache de la crèche de l’enfant Jésus prirent un autre chemin au retour et furent ainsi parjures à leur promesse.

Jean-Marie Bodelet, Le « lundi perdu » avec de l’avance, AL 07/01/2002

 

Le lundi perdu fêté par les Tournaisiens de la province de Luxembourg.

Le lundi perdu, sans doute parce que l’on ne travaille pas à Tournai lors de cette journée, fixée au premier lundi qui suit la fête des Rois.

La tradition remonte à l’époque où les Rois mages avaient refusé de renseigner Hérode sur la localisation du Christ, reniant de ce fait leur parole. Ce jour est passé à la postérité sous le nomd e lundi parjuré, de noir lundi ou ici, de lundi perdu. Et la tradition impose de manger du lapin.

Avant de passer à table, diverses vignettes avaient été placées dans des enveloppes. Au hasard, les partucipants ont choisi une enveloppe.

On a ainsi découvert le roi, le fou du roi ou le verseur. Au total, seize rôles ont été distribués.

Ces diverses personnes ont rythmé la soirée.

Ainsi, par exemple, lorsque le roi boit, tout le monde doit boire sous peine de se faire apposer du bouchon par le fou du roi.

Le repas s’est terminé par l’indispensable galette des rois.

in: Wallonia, 1903, p.13-14

in: Alain Audin, Mons-Borinage, s.d., p.205

Lès Rwès à Mont, dins l’ Borinâje (L’Epiphanie à Mons, dans le Borinage)

in: Le Folklore Brabançon, s.n., s.d., p.28-34

Lès Rwas en Picardîye (L’Epiphanie en Picardie)

   

(J.-F. Cantre, Les Rois)

1.3   Le centre-wallon / Li cente-walon

Jules Fivèz, Istwêre di Bièmeréye, èt di vint’-deûs-ôtes viladjes d’ avaurci dispûs noûf cints swèssante-quate, avou l’ concoûrs dès Bièrmèrwès, 1972

 

Li Djoû dès Rwès

 

Li 6 (chîj) di janvier, c’ èst 1′ djoû de 1′ fièsse dès Rwès qu’ on lomot ossi l’ Epifanîye. Ci djoû-là, on mougne ou mindje — lès deûs mots sont walons — li gaàtau dès rwès èt on tire li féve.

Quand nos-astins p’tits, nos momans qui cûjint leûs pwins zèles-min.mes s’ arindjint pou cûre ci djoû-là pou fé saqwants raubosses oudôbin dès flamitches au suke di pot. D’dins ène raubosse ou d’dins ène flamitche, nosse moman aveut mètu ène féve. Li cia ou l’ cène qu’ aveut l’ tchance di tchèy dissus l’ fève diveneut rwè oudôbin rin.ne pou deûs-trwès-eûres. Lès fîyes fyint co bin ène courone di papî d’ couleûr pou mète dissus 1′ tièsse do rwè ou dè 1′ rin.ne. Tote li famile asteut binauje di fièstè l’ eûreûs titulaîre dè 1′ courone.

Di nos djoûs, li pèrson.ne qu’ a tcheû d’awè li statuwète d’ ène espéce di p’tit Jésus oudôbin d’ ène ôte afaîre do min.me jenre come lès pâtissiers mètenut di nos djoûs, si c’ è-st-in rwè, i tchwèsi s’ rin.ne ; si c’ èst 1′ contraîre, c’ èst l’ rin.ne qui tchwèsit si rwè. Çoci è-st-ène ôte mode qui, d’alieûrs, n’ èst nin pus mau. Et pwis, il èst co eûreûs qui chakin dès siékes apwate ène saqwè d’ novia oudôbin nos d’mèrerins co d’dins dès cavèrnes ravôtyis dins dès pias d’ sauvadjès bièsses.

Le folklore au pays de Namur, 1930, Guide-programme de l’exposition de folklore et d’industries anciennes, A.R. de Namur, p.23

 

JOUR DES ROIS (6 janvier). — A l’occasion de cette fête, il était d’usage autrefois que les boulangers offrent gracieusement à leur clientèle un gâteau en forme de couronne royale, découpée en quar­tiers, avec, au centre, un rond de pâte.

Ce gâteau contenait une « fève » (haricot sec) ou une noisette, servant à désigner le roi de la fête : les fonctions de ce souverain éphé­mère consistent avant tout, à payer à boire à ses sujets.

in: Paul Moureau, Une belle figure wallonne: Edmond Etienne, 1862-95, Le Folklore Brabançon, 1930

Lès Rwès à Djodogne (L’Epiphanie à Jodoigne)

1.4   L’est-wallon / L’ ès’-walon

Bientôt une République Libre à Nonceveux-Aywaille, in: Annonces de l’Ourthe, 11/01/2001

 

Nonceveux : les « Hèyeûs » de l’Epiphanie

In : Annonces de l’Ourthe, 16/01/2003

ENCORE A PROPOS DES HÈYEUS DE L’EPIPHANIE 

 

L’évocation de cette antique tradition a suscité d’intéressants cour­riers. M. José Gathon, de Sprimont, tout d’abord qui me signale qu’il a recommandé ad Comité de Quartier d’Ogné-Hornay-Noidré (Sprimont)

de ne pas être sensible aux appels des sirènes commerciales qui pré­conisaient l’organisation de manifestations du genre halloween mais bien de préférer «une activité, apparemment similaire, mais qui, elle, fait vrai­ment partie de notre patrimoine culturel wallon-liégeois et qui mériterait de revivre, ce serait «Lès hêyeûs» (ine pitite hèye, Madame, s’ i v’plêt). Quand on voit le succès de cette activité aujourd’hui à Sougné-Remouchamps, où elle jouit du soutien d’un comité, nul doute qu’elle revivrait chez nous aussi. Elle aussi donnait aux enfants l’occasion de passer, déguisés, de maison en maison, d’y chanter, ou tout au moins d’y réciter, si possible en wallon, l’un ou l’autre des petits textes composés par la tradition popu­laire pour la circonstance.

Parmi d’autres chants de hèyes, on chantait aussi: Melchior et Balthasar sont partis d’Afrique, sont partis d’Afrique Melchior et Balthasar sont partis d’Afrique avec le roi Gaspard Ils sont tous les trois partis à la belle étoile, à la belle étoile Ils sont tous les trois partis à la belle étoile qui les a conduits

II devait encore y avoir l’un ou l’autre couplet que je souhaiterais retrouver…»

M. Gathon, comme bien d’autres avant lui, place donc sa confiance en vous les lectrices et les lecteurs de La Petite Gazette. Gageons qu’il aura eu raison. A vos plumes donc… Merci d’avance.

M. Raymond Mielich, d’Embourg, est originaire de Malmédy où, entre autres tradi­tions, existaient également les hèyes. «Malgré mes 78 ans accom­plis, j’ai gardé le souvenir de la chan­son qui accompagnait les hèyes. La voici :

 

Bone’ nut’, nosse dame, nos v’nans hèyi

Ç’ a stu l’curé qui nos-a avoyi,

Avoyî  hi hi, avoyî ha ha,

Dumander dès bonès wâfes

Èt nos serans bin brâves

Quand nos nn’ îrans, nos dîrans l’ â-r’vèy

Dusqu’à l’ an qui vint si n’ vikans co

Si n’ vikans co, nos vinrans co

Si nos n’vikans pus, nos n’ vinrans pus.»

 

Un tout grand merci pour ces témoignages et ces réflexions sur une tradition à laquelle l’Ourthe-Amblève tient tant…

 

In : AO 26/12/2002

TRADITIONS  DE  FIN  D’ANNÉE…  TRADI­TIONS DE CHEZ NOUS         

 

Le premier à répondre à mon appel a été M. Michel Lambion, de Louveigné, qui évoque une coutume multi-séculaire et pourtant toujours bien suivie en Ourthe-Amblève.

«Nous serons bientôt à l’Epiphanie, à cette occasion, je voudrais soumettre à tous vos lecteurs quelques réflexions au sujet de la coutu­me régionale aler hêyî! en espérant en connaître un peu plus à ce sujet.

C’est une coutume de notre Ardenne, poursuit M. Lambion, les enfants, la veille de l’Epiphanie, se déguisent et vont de maison en mai­son, de préférence le soir, quémander «ine pitite hêye», c’est-à-dire un sou, une friandise… Ils frappent à la porte, récitent ou chantent. Je vous livre deux textes dont je me souviens, il y en a certainement d’autres et j’aimerais les connaître.

 

Dji vin hêyi à l’ blanke mohone

L’ ome di-d-chal è-st-on brâve ome

Il a-st-aclèvé treûs crâs pourcês

Onk â lècê onk âs navês.

Ine pitite hêye

Madame s’ i v’ plêt !

 

Ou:

 

A l’ hêye, à l’ hêye, nos v’nans hêyî

Matante Marèye m’ a st-avoyî

Avou on sètch qu’ i n-a rin d’vins.

Boutez foû, boutez d’vins

Djisqu’à timp qu’ i seûye bin plin.

Dè blanc, dè blanc, c’ èst dè wassin

Dè neûr, dè neûr c’ èst dè crahê .

Ine pitite hêye, Madame, s’ i v’ plêt!

 

Les enfants de l’école catholique chantaient aussi leur petite chan­son:

Quand le petit Jésus allait à l’école / Il portait sa croix sur ses deux épaules /

Quand il savait sa leçon / On lui donnait des bonbons / Une pomme rouge / Pour mettre dans sa bouche / Un bouquet de fleurs / Pour mettre sur son cœur / C’est pour toi, c’est pour moi / Que Jésus est mort en croix.

 

Je sais, m’écrit M. Lambion, que cette coutume s’est perpétuée un certain temps dans le village d’Andoumont, commune de Sprimont.

Autre anecdote: on prêtait à certaines personnes des intentions moqueuses, voire inattendues lorsqu’elles recevaient les « hèyeûs ». Elles offraient, par exemple, les sortant de la poche de leur tablier ou les pré­sentant sur une assiette, des pièces de monnaie chauffées préalable­ment sur la taque de la cuisinière… C’était cela aussi le folklore.

(N.D.L.R. Cette anecdote est particulièrement intéressante car elle rappelle une des précautions à prendre lorsqu’on supposait que le men­diant qui approchait n’était autre qu’un macrê! Il y a vraisemblablement eu une confusion dans la mémoire collective. En effet, les hèyeûs n’ont rien à voir avec les mendiants!)

in : Les Amis de Logbiermé, 15, 1993-1994, p.78

 

Ci-dessous poursuite de l’interview de Léonie ARROZ de Petit-Thier.

Chaque famille plantait les pommes de terre nécessaires à sa subvenante pour l’hiver. On repiquait aussi des “choléras”.(ou “cholorâs” : rutabagas)

Les gens se nourrissaient de “groumiottes” et “bèt”, des “macarons”. Tout cela était bien indigeste. Pour préparer la groumiotte, on mettait cuire de l’eau dans laquelle on versait de la farine. Une pelletée de “petits crètons” était fondue, et ceux-ci étaient versés dans la pâte. Plus il y avait de crètons et meilleur c’était.

A Logbiermé, ce plat était surtout réservé pour la fête des Rois, l’Epiphanie. En jouant aux cartes pendant la soirée, celui qui levait trois rois dans sa main, obtenait une groumiotte. La façon de la préparer n’était pas la même. Cela ressemblait davantage à des beignets non levés. La boule de pâte était “rafricassée” dans la poêle.

Une autre habitude pour le Jour des Rois, trois rois dans sa main donnaient droit à rabattre une ligne supplémentaire au jeu de “couyon”. C’était un jour où de nombreuses personnes se rendaient à la sokée. Cette pratique de visites entre voisins était très fréquente, certaines familles en recevaient quotidiennement.

José Marquet,  « J’avais 15 ans en ‘45, Souvenirs de Sprimont, mon village, 1935-1944, éd. du CEFAL, 2000, p.94

 

Les traditions se perdent. J’ai pourtant encore connu à Sprimont la coutume d’aller « hêyî » la veille de l’Epiphanie. A la tombée du jour, on se rassemblait pour aller sonner aux portes et y chanter une formule de circonstance en wallon:

 

« Dji vin hêyî à l’ blanke mohone,

l’ ome di-d-chal è-st-on brave ome… »

 

On se déguisait plus ou moins et se maquillait avec des bouchons noircis. Au fur et à mesure de notre tournée, nous remplissions notre petit pa­nier de cadeaux offerts : friandises, fruits frais ou secs et pièces de monnaies. L’accueil était généralement bon.

 

Le temps de Noël, Tradition wallonne, Liège, 1992, pp.57-98

 

Bondjoû nosse Dame, dji vin hèyî!

 

Les quêtes de l’Epiphanie en province de Liège

 

La quête de la veille ou du jour de l’Epi­phanie est fort ancienne. Une charte de l’abbaye du Val-Saint-Lambert, datée du 1er octobre 1516 indiquait déjà que le jour des Rois était nommé «jour délie treisme ou le jour délie Heylle», c’est-à-dire de la quête de l’Epiphanie. Par ailleurs, les plaids géné­raux à Ozo, d’après un record de 1431, se tiennent « allé heilhle condist les Roys » ; à Ville, «allé octave délie heyle», et à Ocquier, selon un record de 1511, «le lundi après le heihle». En outre, le terme «heel» apparaît dans une Nativité jouée à Huy au XIVe siècle (1).

À l’origine, la tournée de l’Epiphanie de­vait être une quête de bénédiction, destinée à chasser les mauvaises influences et à ap­porter du bonheur. On peut comparer cette fonction à celle de la vente de la nûle, en ré­gion liégeoise. On collait cette hostie non consacrée en maints endroits. Dans le tiroir-caisse, la nûle avait la réputation de donner la prospérité. Collée au-dessus de la porte, l’hostie préservait la maison des mauvais esprits. La personnalité du vendeur pouvait être présage de bonheur ou de malheur. Si un jeune garçon était le premier à visiter une jeune fille, c’était pour elle présage de mariage prochain. La quête de la Noël sem­ble procéder aussi du même esprit que celle de l’Epiphanie. Néanmoins, affirmer avec Maurice Delbouille que «cette hésitation, quant à la date du hélièdje tient aux varia­tions qu’a connues l’histoire à propos du commencement de l’année» semble exces­sif, même si les trois dates des quêtes sont des temps forts liés au cycle des douze jours (26 décembre – 6 janvier).

Le caractère magico-religieux de la tour­née apparaît clairement dans une chanson de quête picarde composée à Arras par Adam de la Halle durant la seconde moitié du XIIIe siècle. Les quêteurs souhaitaient que «Diex soit en cheste maison et biens et goie a fuison ! No sires Noeus nous envoie a ses amis, c’est as amoureus et as courtois bien apris, pour avoir des pareisis (pièces de monnaies) a no helison (2) ». On perçoit aussi cette approche bénéfique-maléfique des quêtes de l’Epiphanie dans Li neûre poye, d’Henri Simon. À un personnage qui n’a pas daigné récompenser les chanteurs, Madame Mèncheûr lance : « Ô! Kinâve, qu’avez-v’ fêt là? On dit qu ça pwète mâ-leûr» (O! Kinâve, qu’avez-vous fait là? On dit que cela porte malheur) (3). Oscar Colson notait aussi qu’« à l’époque où la fête avait encore toute son importance tradition­nelle, le jour des Rois était béni des pau­vres. Ce jour-là, en effet, refuser l’aumône portait malheur » (4).

Mais, contrairement à ce que pourrait laisser croire cette citation de Colson, la tra­dition reste bien vivante en maints endroits de la province. Prenons donc notre bâton de pèlerin pour visiter ces localités encore atta­chées à la coutume et celles où elle était at­testée dans le passé :

HESBAYE:

– Les Awirs (Flémalle) : Jusqu’à la pre­mière guerre mondiale probablement, on quêtait le 6 janvier. On chantait :

Dji vin hiyî à l’ blanke mohone.

L’ ome di-d-chal è-st-on brâve ome,

Il a noûri treûs gras (crâs?) pourcês,

Onk âs rècènes, l’ ôte âs navês.

Plok, plok è m’ sètchê,

Madame, s’ i v’ plêt (5).

 

(Je viens quêter à la maison blanche. L’homme d’ici est un brave homme, il a nourri trois cochons gras, un aux carottes, l’autre aux navets. Plok, plok, dans mon sachet, Madame, s’il vous plaît).

– Une quête de l’Epiphanie a existé à Glons (Bassenge) (6). Les enfants ne di­saient rien. On leur donnait de l’argent. Vers 1880, c’étaient les enfants du pays flamand voisin qui venaient quêter en chan­tant au son du Rommelpot (7), le jour des Rois. Comme le mardi gras, en Hesbaye, on leur offrait une tranche de lard que l’on em­brochait sur une baguette de frêne ou de coudrier écorcée (8).

–  À Villers-Saint-Siméon (Juprelle), la tradition semblait mourante à la fin des an­nées quatre-vingt (9).

–  Herstal  :  Selon André Collart-Sacré (10), le 6 janvier, des bandes de jeunes des hauteurs de Cheratte (Visé), provenant des quartiers de Sarolay ou Sabaré, grossière­ment costumés, venaient quêter en chan­tant :

Lès treûs rwès par ôrdonance

A Betléem ont intrés.

Qwand lès treûs l’ ont-aporçû,

Il ont fêt leû-z-assimblêye.

Il ont d’mandé grâce à Diu,

Dèclarez-m votre pinsêye !

 

(Les trois Rois, sur ordre, à Bethléem sont entrés. Quand les trois l’ont aperçu, ils ont tenu leur assemblée. Ils ont de­mandé grâce à Dieu, déclarez-moi votre pensée).

Une année, le commissaire de police de Herstal mit toute la bande à l’ombre. Jamais plus on ne revit les quêteurs.

– Argenteau (Visé) : Durant l’entre-deux-guerres, des groupes travestis en Rois mages collectaient encore en chantant, le 6 janvier (11).

 

CONDROZ:

– Huy : Autrefois, les enfants circulaient en bandes et demandaient on bokèt d’ vosse crèyâté (un morceau de votre… (altération de royauté ou «créateur»?)). Si l’habitant ne se montrait pas généreux, on lui adres­sait ce couplet satirique :

Dji vin hèyi hèyi hèyète,

Li mêsse di-d-ci a pièrdou s’ brokète

Divins lès pîres èt lès câyâs.

 

(Je viens quêter hèyi hèyète, le maître de céans a perdu son sexe dans les pierres et les cailloux) (12).

– Filot (Hamoir) : Emile Détaille a noté de nombreuses chansons des quêteurs de l’Epiphanie. Parmi celles-ci, cette intéres­sante version wallonne, qui n’est pas sans rappeler un autre chant noté à Harzé (Aywaille) :

Dji vin hèyî, tral-flåbinète (il faut probablement lire “à l’ flaminète”),

Djihan Matî m’ a-st-avoyî

Avou on sètch èt on mèstî (probablement une déformation de on d’mêy-stî, un demi setier).

Tchî tchî, à l’ cwène di vosse plantchî.

Lès treûs rwès d’ Boumål

Qui vont-st-à l’ofrande

Èt vont d’mander

Lès bins d’  l’ osté.

Tchantez! Plantez!

Vosse mohone èst plinte di blé,

Vosse sânî, plin d’ sé,

Disqu’à Pâke, disqu’â Noyé.

Ène pitite hèye, Madame, s’ i v’ plêt!

On p’tit crèton

Po fé ramehî l’ tchôdron (13).

 

(Je viens quêter à la petite flamme (?). Jean-Mathieu m’a envoyé avec un sachet et un métier (un demi setier?). Tchî tchî, au coin de votre plancher. Les trois Rois de Bornai (?) qui vont à l’offrande et vont demander les biens de l’été. Chantez! Plantez ! Votre maison est pleine de blé, votre saunière, pleine de sel, jusque Pâ­ques, jusque Noël. Une petite ré­compense, Madame, s’il vous plaît! Un petit lardon pour faire frétiller le chau­dron).

Les quêteurs de Fairon (Hamoir) enton­naient une chanson fort proche de celle de Filot :

Lès treûs rwès Roumande

Qui vont-st-à l’ ofrande

Èt vont d’mander

Lès bins di l’ osté.

Tchantez ! Plantez !

(N-a) Vosse mohone qu’ èst plinte di blé,

Vosse sânî qu’ èst tot plin d’ sé,

Dispôy Pâke disqu’â Noyé.

(Parlé🙂 Ine pitite hêye, Madame,

Po çou qu’ dj’ a si bin tchanté! (14).

 

(Les trois Rois Roumande qui vont à l’offrande et vont demander les biens de l’été. Chantez! Plantez! Votre maison est pleine de blé, votre saunière est pleine de sel, depuis Pâques jusqu’à Noël. Une pe­tite récompense, Madame, parce que j’ai si bien chanté).

– Fairon et Comblain-la-Tour (Hamoir) : En quêtant, on chantait :

Hèyî! Hèya! Dji vin hèyî

Avou on sètch qui tint treûs stîs.

Mètez-mè le plin (ou: rimplihez-mè le)

Èt s’ mè le loyîz!

Djambe di bwès!

Djambe d’ohê!

On p’tit rondê ?

Plouk è m’ sètchê!

On p’tit galèt !

Plouk è m’ bodèt!

On p’tit patâr ?

Plouk è m’ foulârd!

Ine cigarète ?

Plouk è m’ malète !

Hèyî! Hèya! Dji vin hèyî!

 

(À Comblain-la-Tour, cette dernière phrase est remplacée par Djambe di bwès! Djambe d’ohê!).

(Hèyi ! Hèya ! Je viens quêter avec un sa­chet de trois setiers. Remplissez-le et liez-le. Jambe de bois ! Jambe d’os ! Une petite rouelle (de pomme?)? Plouc dans mon sachet! Une petite gaufre dure? Plouc dans ma malle! Un petit patard (sou de Liège) ? Plouc dans mon foulard ! Une cigarette? Plouc dans ma mallette. Hèyi ! Hèya ! Je viens quêter !).

Le mot patâr, qui désignait une monnaie ancienne, a été remplacé par le terme cigare (15).

A Comblain-la-Tour, lorsqu’on n’ouvrait pas ou lorsqu’on refusait de donner, on criait :

Vû sètchê! Plinte marone! (16).

 

(Sachet vide ! Pantalon plein (ou plein les poches)!).

Dans ce village, la tradition de la quête, déjà décrite comme mourante par certains auteurs, semble avoir complètement disparu vers 1985 (17).

– Comblain : Dans la région de Comblain, la tradition des hèyes était déjà mourante en 1936. À Géromont, les der­nières hèyes eurent lieu en 1938. À l’épo­que, les Etudes comblinoises avaient publié quelques couplets traditionnels :

Bone nut’, vwèsin, èt bone santé.

Nos v’nans tchanter po v’ rècrèyer.

On nos-a dit tot comeunemint

Qui v’s-èstîz dès si brâvès djins,

Qui l’ consyince ni v’ pwètereût nin

Di nos lèyî tchanter po rin.

Sêyîz nos brâves,

Fez-nos lès wâfes

Èt lès galèts

Po mète è nosse pakèt.

Ine pitite hèye, Madame, s’ i v’ plêt! (18).

 

(Bonne nuit, voisin, et bonne santé. Nous venons chanter pour vous récréer, on nous a dit généralement que vous étiez de braves gens, que votre conscience ne vous permettrait pas de nous laisser chan­ter pour rien. Soyez bon avec nous, faites-nous les gaufres molles et les gau­fres dures pour mettre dans notre paquet. Une petite récompense, Madame, s’il vous plaît).

Binamèye nosse Dame, nos v’nans hèyî.

Ç’ a stu l’ curé qui nos-a èvoyî.

Avoyî hi hi!

Avoya ha ha !

Avoyoz dès bonès wâfes

Èt nos serons bin brâves.

Ine pitite hèye, Madame, s’ i v’ plêt!

 

(Bien-aimée notre Dame, nous venons quêter. C’est le curé qui nous a envoyés. Avoyî hi hi! Avoya ha ha! Envoyez-nous de bonnes gaufres molles et nous serons bien braves. Une petite récompense, Ma­dame, s’il vous plaît!).

Cette dernière version est très proche du chant que les gamins de Malmedy enton­nent encore aujourd’hui.

On connaissait aussi des couplets vengeurs :

C’ è-st-on pôve mêsse.

Qu’ i broûle è si-êsse.

Is n’ ont pus rin,

Ni pan, ni vin.

 

(C’est un pauvre maître. Qu’il brûle dans son âtre. Ils n’ont plus rien, ni pain, ni vin).

Dji vin hêlî [sic] à l’ ôliyète (à l’huile de pavot, ou au pavot blanc lui-même ?)

Quu l’feume du ci n’a pus dès tètes

On lî a côpé avou ‘ne cisète,

On l’ s-a rosti èn-one pêlète (19).

 

 (Je viens quêter (ou plutôt proclamer dans ce cas) à l’ ôliyète que la femme d’ici n’a plus de seins. On [les] lui a cou­pé avec une paire de ciseaux, on les a rô­tis dans un poêlon).

(Les trois Rois de Hollande qui mon­taient à l’offrande et vont demander les biens de l’été. Chantez! Plantez! Votre maison est pleine de blé, depuis Pâques jusqu’à Noël).

Mont (Comblain) : On a quêté le 6 jan­vier jusque vers 1965. Les enfants étaient déguisés et souvent masqués. Ils récitaient la formule suivante :

Dji vin hèyî à l’ vête èplåsse !

Li mêsse di-d-chal a tchî è s’ coû-d’-tchåsses !

 

(Je viens quêter chez la verte emplâtre (ivrogne et paresseux). Le maître de céans a chié dans sa culotte).

Dji vin hèyî à l’ flaminète.

L’ ome di-d-chal n’ a nole kèkète.

On lî a côpé avou ‘ ne (vîhe) cisète !

Et on li a ranokî avou ‘ne (poûrêye) quawète (20).

 

(Je viens quêter à la petite flamme. L’homme d’ici n’a plus de sexe. On lui a coupé avec de (vieux) ciseaux et on lui a recousu avec un fil) (pourri).

Emile Détaille avait noté un autre chant de quête intéressant à Comblain, proche de versions notées par ailleurs à Harzé et Filot:

Lès treûs rwès d’ Holande

Qui montèt à l’ ofrande

Èt vont d’mander

Lès bins di  l’ osté.

Tchantez ! Plantez !

Vosse mohon èst plinte di blé,

Dispôy Pâke djisqu’â Noyé (21).

Dji vin hèyî à l’ blanke mohone.

L’ ome di-d-chal è-st-on brâve ome.

Il a touwé deûs crâs pourcês,

Onk en (ås?) lècê,

L’ôte en (ås?) navês.

Eune pitite hèye, Madame, s ‘i v’ plêt.

 

(Je viens quêter à la maison blanche. L’homme d’ici est un brave homme. Il a tué deux cochons gras, un au lait, l’autre aux navets. Une petite récompense, Ma­dame, s’il vous plaît).

Puis on leur donnait des galets ou de l’ar­gent (22).

Emile Détaille a décrit l’ancienne cou­tume d’après les souvenirs d’un hèyeû adulte d’autrefois, Georges Reisch. Jadis, jusque dans les années 1925-30, des adultes allaient quêter des victuailles. Un accordéo­niste faisait partie de l’équipée, qui comp­tait une demi-douzaine de chanteurs. Partout, les quêteurs étaient bien reçus et on leur versait la goutte. La quête se terminait après minuit. Les quêteurs faisaient partie de la troupe théâtrale locale. Le produit de la tournée était dégusté lors des répétitions. Dans la salle, les comédiens pouvaient aller puiser dans la réserve pommes, noix, ga­lettes…

Voici le texte de la chanson des hèyeûs de Mont, telle que l’entonnait sur l’air de «Mad’moiselle, voulez-vous dan­ser? » le groupe de Georges Reisch :

Hoûtez-nos, bonès djins!

Nos v’nans fé nosse toûrnêye.

I n-a d’djà si longtimps

Qu’ nos v’ ayanhe pus v’nou r’vêy!

Mins, come c’ è-st-oûy lès Rwès,

N’s-avans fêt ‘ ne pitite fwèce

Po v’ tchanter nosse bokèt

Di quékès râyes è crèsse.

Mins s’ vos v’lez qui nos v’ vinanhe co r’vêy

L’ an qui vint, l’ an qui vint,

Mètez-st-è l’ kêsse

Si pô d’ tchwè qui ç’ seûy

Et nos n’ vis roûvèyerans nin.

Nos purdans dès pomes,

Tot çou qu’ on nos done :

Dès cûtès peûres,

Et co min.me dès mèseûres,

Dès p’tits-ognons,

Dès cornichons.

Nos purdans tot.

Tot-à fêt mousse è bot.

 

(Écoutez-nous, bonnes gens! Nous ac­complissons notre tournée. Il y a déjà si longtemps que nous ne sommes plus ve­nus vous revoir! Mais comme c’est au­jourd’hui les Rois, nous avons fait un petit effort pour vous chanter notre chan­son de quelques lignes de travers. Mais si vous désirez que nous revenions vous voir, l’année prochaine, l’année pro­chaine, mettez dans la caisse si peu que ce soit et nous ne vous oublierons pas. Nous prenons des pommes, tout ce qu’on nous donne : des poires cuites, et même des mesures, de petits oignons, des corni­chons. Nous prenons tout. Tout entre dans la hotte).

Emile Détaille avait également noté une autre chanson, que les jeunes chantèrent sur l’air du «Régiment de Sambre-et-Meuse» jusque vers 1910 :

I.  Lès Rwès n’ s’ ont fêt ciste an.nêye.

Is sont brâmint pus vîs qui tos nos pâpes!

Mès djins, n’ fât nin qu’ on lès roûvèye,

Mès djins, i n’ fât nin qu’ on seûy dès-ingrats.

Nos purdans dès pomes,

Tot çou qu’ on nos done :

Dès cornichons

Èt co min.me dès-ognons,

Dès cûtès peûres

Et dès mèseûres.

Nos prindans tot :

Tot-a-fêt mousse è bot.

 

II.  Mès djins, lès cis d’ l’ an.nêye passêye,

Is v’nèt co r’tchanter ‘ne sérénâde.

Si èle n’ èst min.me qui racolêye,

C’ è-st-à l’ auteûr qu’i fât d’ner l’ fâte.

Nos prindans dès pomes,

Tot çou qu’ on nous done… (23).

 

(I. Les Rois n’ont pas été créés cette an­née. Ils sont plus vieux que nos papes. Mes gens, il ne faut pas les oublier, mes gens, il ne faut pas être ingrats. Nous pre­nons des pommes, tout ce qu’on nous donne : des cornichons, et même des oi­gnons, des poires cuites, et des mesures. Nous prenons tout : tout entre dans la hotte. II. Mes gens, ceux de l’année pas­sée, ils viennent encore chanter une séré­nade. Si elle n’est que rafistolée, c’est à l’auteur qu’il faut en attribuer la faute. Nous prenons des pommes, tout ce qu’on nous donne…).

– Oneux (Comblain) : Avant la guerre 14-18, on entonnait un chant composé d’un refrain et de deux couplets. Il avait été composé au village. Les chanteurs décla­raient vouloir faire des farces et pendre des casseroles aux sonnettes ou faire dévaler un vieux chaudron sur la route. Ils affirmaient être traités de loups-warous (loups-garous). Cette chanson où l’on parlait d’ anârchisses (anarchistes) semble de composition ré­cente. Elle ne doit pas être antérieure à la fin du XIXe siècle, du moins dans la version transcrite par Emile Détaille (24).

Il avait également consigné par écrit ce chant, en 1959 :

Dji vin hèyî à l’ flâminète,

Ç’ a stu l’ curé (ou: Djôzèf, voire: Haubèrt…)

Qui m’ a-st-avoyî

Avou on sètch qui tint treûs stîs

(Ça) vosse mohon èst plinte di blé

Dispôy Pâke djisqu’â Noyé.

Èle coûrt foû po d’zos lès grés.

Ine pitite hovelète po l’ ramasser!

Ine pitite hêye, Madame,

Po çou qu’ dj’ a si bin tchanté.

 

(Variante : On p’tit bokèt d’pan,

Madame, s’ i v’ plêt,

Pisqui dj’ a si bin tchanté) (25).

 

(Je viens quêter à la petite flamme, c’est le curé (ou Joseph, voire Hubert) qui m’a envoyé avec un sachet de trois setiers (car) votre maison est pleine de blé de­puis Pâques jusqu’à Noël. Il tombe des escaliers. Une petite brosse pour le ra­masser! Une petite récompense, Ma­dame, parce que j’ai bien chanté. (Un petit morceau de pain, Madame, puisque j’ai si bien chanté).

Toujours avant 1914, on chantait aussi «Quand le petit Jésus allait à l’école…» (26).

– Sougné-Remouchamps (Aywaille) : Une trentaine d’enfants parcourent encore les rues du village les 5, 6 ou 7 janvier. Cer­tains petits groupes représentent trois mages, dont les visages sont parfois grimés. L’un est blanc et les deux autres sont noir et jaune. On leur offre du chocolat, des gau­fres, des pommes, des oranges et aussi de l’argent (27). Ils entonnent encore de nom­breux chants en wallon, très typiques. Mal­heureusement, avec le temps, ceux-ci se perdent. En voici quelques-uns, notés lors d’une enquête sur place en 1988 :

Quête de l’Epiphanie à Sougné-Remouchamps, jan­vier 1988 (Photo Y.B.).

Madame, dji vin hèyî

Po veûy ceu (probablement: “çou” à l’origine) qu’ vos m’ dinrîz.

Si vos-avîz fêt dès wafes,

Vos lès m’ (probablement: “m’ lès” à l’origine) lêrîz sayî.

Boutez foû ! Boutez d’vins !

Djusqu’à tant qu’ i seûy bin plin.

Eune pitite hèye, Madame,

Pace qui dj’ a si bin tchanté (28).

 

(Madame, je viens quêter pour voir ce que vous me donnerez. Si vous avez fait des gaufres molles, vous me les laisserez essayer. Tirez hors ! Fourrez dedans ! Jus­qu’à ce qu’il soit bien plein. Une petite récompense, Madame, parce que j’ai si bien chanté).

On djoû, moncheû l’ cwèrbâ,

A l’ copète d’on tiyou :

« Tinez, volà mi min,

Kimint va-t-i, mon Dju ? »

Nosse pôve pitit houlot,

Qu’ est toûrné foû dè nid (bis)

Tot s’ câssant lès deûs dj’nos.

Su l’ êr du tradèridèra, su l’ êr du tradèridèra,

Su l’ êr du tradèridèra èt tralala.

Eune pitite hèye, Madame,

Pace qui dj’a si bin tchanté.

 

(Un jour, monsieur le corbeau, au som­met d’un tilleul : «Tenez, voilà ma main, comment cela va-t-il, mon Dieu ? » Notre pauvre petit dernier né de la couvée qui est tombé du nid (bis) tout en se cassant les deux genoux… Une petite récompense, Madame, parce que j’ai si bien chanté).

Quand le petit Jésus allait à l’école, / II portait sa croix sur ses deux épaules. /

Quand il savait sa leçon, / On lui donnait des bonbons, / Une pomme rouge /

Pour met’ dans sa bouche. / Un bouquet de fleurs, / Pour met’ sur son cœur. / C’est pour vous, c’est pour moi, / Que Jésus est mort en croix. (29)

Eune pitite hèye, Madame,

Pace qui dj’a si bin tchanté.

 

(Une petite récompense, Madame, parce que j’ai si bien chanté).

 

Chers amis, / Nous venons ici / Nous venons vous offrir / Un instant de plaisir / Et sans hésiter / De nous écouter / — Nous sommes tous chanteurs / A vous récréer —. (30)

Avoyîz d’ l’ ârdjint,

Volà nosse boûrsî.

Nos vos rimèrciherans di voste onêtité

Èt nos v’ prèyerans

Bone nut’ èt bone santé.

Eune pitite hèye

Pace qui dj’ a si bin tchanté.

 

(Envoyez de l’argent, voilà notre tréso­rier. Nous vous remercions de votre hon­nêteté et nous vous souhaiterons bonne nuit et bonne santé. Une petite ré­compense parce que j’ai si bien chanté).

Lorsqu’on n’ouvrait pas, on se voyait créditer d’un vibrant :

Dji v’ sohête li djâle è l’ coûlèye po tote l’an.nêye

(Je vous sou­haite le diable au coin du feu pour toute l’année) (31).

Jean-Denys Boussart a interrogé quel­ques anciens de Sougné-Remouchamps, en 1972. Il a publié le résultat de ses investiga­tions dans Li Clabot, l’année suivante. Il a répertorié une quinzaine de chansons de hèyeûs locales (et notamment les chansons 1, 3 et 4 ci-dessus). En voici quelques-unes, parmi les plus intéressantes :

Madame, à l’ blanke mohone,

L’ ome di-d-chal, c’ è-st-on brâve ome.

‘l a ècrâhî deûs crâs pourcês,

Onk â laton, l’ôte à lècê.

Dinez-me li quawe, Madame, s’ i v’ plêt! (32).

 

(Madame, à la maison blanche, l’homme d’ici, c’est un brave homme. Il a engrais­sé deux cochons gras, un au son, l’autre au lait. Donnez-moi la queue, Madame, s’il vous plaît).

Madame à l’ ponte di tchètê,

Dj’ a noûri treûs crâs pourcês,

Onk à l’ djote,

Onk âs rècènes,

Onk âs navês.

C’ èsteût l’ ci âs rècènes qu’ èsteût l’ pus bê!

Eune pitite hèye, Madame, dj’ a si bin tchanté!…

 

(Madame au fil enduit de poix (à l’usage des cordonniers), j’ai nourri trois cochons gras, un au chou, un aux carottes, un aux navets. C’était celui qui avait été nourri aux carottes qui était le plus beau. Une petite récompense, Madame, j’ai si bien chanté).

Notru-Dame èt sint Djôsèf,

Tot-â matin, is s’ ont lèvé.

Is-ont pris hèpe èt bordon,

Oute dès mérs, is-ont ‘nn’ alé.

Qwand ‘l ont stu so Floritchamp,

Bon poumî, is-ont trové,

Qu’ èsteût si tchèrdjî di rodjès pomes,

Qu’ ènnè poléve pus d’ pwèrter.

Notru-Dame tinda li min,

Bon poumî baha lès rins.

Sint Djôsèf vint.

Tot si bon poumî, i s’a r’lèvé.

Qwand nos sèrons turtos mwèrts,

Nos sèrans è tère boutés ;

Nos n’ ârans pus ni fré ni soûr

Qui nos vinrè toûrmèter,

Si ç’ n’ èst Diaw ou l’ amér Diaw,

Cès-là n’ sont nin pwissants assez! (33)

Eune pitite hèye, Madame, pace qui dj’ a si bin tchanté!

 

(Notre-Dame et saint Joseph tout au ma­tin, ils se sont levés. Ils ont pris hache et bâton, au-delà des mers, ils sont allés. Quand ils ont été à Florichamps, ils ont trouvé un bon pommier, qui était si char­gé de pommes rouges, qu’il n’en pouvait (p.68) plus de porter. Notre-Dame tendit la main, bon pommier baissa les reins. Saint Joseph vint. Un si bon pommier, il s’est relevé. Quand nous serons tous morts, nous serons portés en terre; nous n’au­rons plus ni frère ni sœur qui viendront nous tourmenter, si ce n’est le diable et l’amer diable, ceux-là ne sont pas assez puissants! Une petite récompense, Ma­dame, parce que j’ai si bien chanté).

Jean-Denys Boussart notait qu’autrefois, seuls ceux qui ne quêtaient que le 5 janvier n’étaient pas considérés comme des bribeûs (mendiants). Ceux qui prolongeaient étaient mal vus et devenaient des mendiants aux yeux de la population. Aujourd’hui, on se montre moins à cheval sur le calendrier et l’on quête généralement deux ou trois jours. On se déguise avec les fripes que l’on peut découvrir chez soi. Certains se masquent (34).

– Awan (Aywaille) : Le 5 janvier, dans le courant de la soirée, les enfants, déguisés et parfois masqués, viennent hèyî. Certains fi­gurent un Roi mage. Tous ces enfants en­tonnent différents chants dont «Melchior et Balthasar sont venus d’Afrique… ». Certains disent aussi :

A l’ hèye! A l’ hèye!

Dji vin hèyî.

A l’ hèye! A l’ hèye!

Avou on sètch

Qui tint treûs stîs.

Boutez foû ! Boutez d’vins !

Djusqu’à tant qu’ i seûye bin plin.

À vosse bon coûr, M’ssieurs, Dames.

 

(À la quête ! À la quête ! Je viens quêter, la quête ! À la quête ! Avec un sac de trois setiers. Tirez hors ! Fourrez dedans ! Jusqu’à ce qu’il soit bien plein. À votre bon cœur, Messieurs, Dames).

Ou bien:

Bondjoû Madame (ou: nos djins),

Dji vin hèyî avou eune hote

Qui tint treûs stîs…

 

(Bonjour Madame (ou nos gens), je viens quêter avec une hotte de trois setiers…).

Voire:

A l’ hèye.’ A l’ hèye!

Dji vin hèyî

Divins on sètch

Qu’ èst tot hiyî.

As-se fêt dès wafes

Ou dès galèts ?

Dji lès vôreû bin sayî.

 

(À la quête ! À la quête ! Je viens quêter dans un sac qui est tout déchiré. As-tu fait des gaufres molles ou des gaufres dures? Je voudrais les essayer).

Bondjoû, mès djins, dji vin hèyî

Avou on sètch qui tint treûs stîs.

Tchôkez foû, tchôkez d’vins,

Disqu’à tant qui seûye tot plin.

Vos-ave dè frumint.

Vos-ave dè wassin.

Ine pitite hèye pace qui dj’ a si bin tchanté.

 

(Bonjour mes gens, je viens quêter avec un sachet de trois setiers. Tirez hors, fourrez dedans, jusqu’à ce qu’il soit bien plein. Vous avez du froment, vous avez du seigle. Une petite récompense parce que j’ai si bien chanté).

 Autrefois, les enfants recevaient des ga­lèts. Aujourd’hui, bonbons et argent s’y sont substitués. Dans plusieurs maisons, des membres d’un jury attribuent des notes aux enfants selon la qualité de l’interprétation des chansons. À 20 heures, les enfants se réunissent dans la salle du village, où une collation leur est servie. En 1988, une cin­quantaine d’enfants avaient quêté. Ils s’é­taient répartis en groupes de deux à huit membres. Quelques-uns représentaient des Rois mages (35).

– Aywaille : La tradition régresse. Mais on rencontre encore des hèyeûs, dont cer­tains sont costumés en Rois. Tous sont gri­més et travestis. Voici quelques textes qu’ils scandent encore en sonnant aux portes des maisons de la localité :

A l’ hèye! A l’ hèye!

Dji vin hèyî

Divins on sètch

Qu’ èst tot hiyî.

As-se fêt dès wafes

Ou dès galèts ?

Dji lès vôreû bin sayî.

Madame, dji vin hèyî,

Po vèyî ceu (probablement “çou” à l’origine) qu’ vos m’ dinrîz.

Ine pitite hèye, Madame, s’ i v’ plêt.

 

(Madame, je viens quêter pour voir ce que vous me donnerez. Une petite ré­compense, Madame, s’il vous plaît).

Certains chantent aussi en français « Melchior et Balthasar… » ou «Quand le petit Jé­sus allait à l’école, il portait sa croix sur ses épaules… Un bouquet de fleurs pour mettre sur son coeur… (36)» .

Emile Détaille avait également noté d’au­tres chants, peu intéressants (37).

– Chambralles (Aywaille) : Le 5 janvier, en soirée, après l’école, une demi-douzaine d’enfants font le tour du hameau, déguisés en Rois mages. Ils chantent le morceau sui­vant :

Bondjoû, Madame,

Dji vin hèyî

Po veûy ceu qu’ vos m’ dinrîz.

Si vos-avez fêt dès wafes,

Vos m’ lès lêrîz sayî.

Boutez foû ! Boutez d’vins !

Djusqu’à tant qu’i seûye bin plin.

Ine pitite hèye, Madame,

Pace qui dj’ a si bin tchanté (38).

 

(À la quête ! À la quête ! Je viens quêter dans un sachet qui est tout déchiré. As-tu fait des gaufres molles ou des gaufres dures? Je voudrais les essayer).

(Bonjour, Madame, je viens quêter pour voir ce que vous me donnerez. Si vous avez fait des gaufres molles, vous me les laisserez essayer. Tirez hors ! Poussez dedans! (p.71) Jusqu’à ce qu’il soit bien plein. Une petite récompense, Madame, parce que j’ai si bien chanté).

On entonnait aussi « Melchior et Baltha-sar…»(39).

–  Deigné (Aywaille) : Une demi-dou­zaine de groupes, composés généralement de trois ou quatre enfants, quêtent le 5 jan­vier. Certains sortent aussi les deux jours suivants. On leur donne de l’argent et des bonbons. Les enfants sont souvent déguisés en Rois mages. L’un figure un noir, le deuxième a la peau jaune et le dernier est blanc (40).

Jadis, lorsqu’on se montrait chiche avec les quêteurs, ils chantaient :

Nosse Dame, dji vin hèyî

A l’l blanke mohone.

L’ ome di-d-chal è-st-on chamau!

À r’veûy, blanke mohon! (41).

 

(Notre Dame, je viens quêter à la maison blanche. L’homme d’ici est un chameau ! Au revoir, blanche maison !)

– Harzé (Aywaille) : À l’Epiphanie, les enfants déguisés et masqués parcouraient les rues du village. Aujourd’hui, la tradition a perdu de sa superbe et seule une poignée d’enfants fait encore le tour du village. Il n’en était pas  ainsi  avant la deuxième guerre mondiale. En général, c’étaient les garçons qui faisaient la tournée. Mais les filles pouvaient les accompagner si elles comptaient un frère dans la bande. On se déguisait n’importe comment et on recevait friandises et argent. Autrefois, quelques ha­bitants de la localité lançaient aussi des pommes aux enfants.

Les quêteurs chantaient le classique «Melchior et Balthasar…» (42), ou des chants wallons traditionnels tels ce :

Madame, dji vin hèyî avou on sètch

Qui tint treûs stîs.

Boutez foû! Boutez d’vins!

Djisqu’à tant qu’ i seûye bin plin (43).

 

(Madame, je viens quêter avec un sachet de trois setiers. Tirez hors ! Fourrez de­dans ! Jusqu’à ce qu’il soit bien plein).

On chante aussi :

Lès treûs rwès vous mandent, / Qui vont à l’offrande. / Que voulez-vous donner / Pour le bien de l’osté ?

(Les trois Rois… de l’été).

L’Atlas linguistique donne une version plus complète de ce chant, aujourd’hui cor­rompu :

Lès treûs rwès Boumâl

Qui vont-st-à l’ ofrande

« Que voulez-vous donner

Pour les biens de l’ ostél»

Tchantez! Plantez!

Vosse mohone èst plinte di blé.

Eune pitite hêye, Madame, s’ i v’ plêt,

di vosse plantchî-tchî-tchî-tchî (44).

 

(Les trois Rois Bornai (?), qui vont à l’of­frande… été? Chantez! Plantez! Votre maison est pleine de blé. Une petite ré­compense, Madame, s’il vous plaît, de votre plancher-cher-cher-cher).

Une version plus longue et comportant plusieurs différences importantes avait été notée à Filot (Hamoir) par Emile Détaille (cfr ci-dessus).

Le folkloriste comblinnois avait aussi consigné par écrit ces deux chansons :

Dji vin hèyî à l’ clarinète

Avou on sètch qui tint treûs stîs.

Tchôkez foû! Tchôkez d’vins!

Djusqu’à ç’ qu’ i seûye bin plin (45).

 

(Je viens quêter à la clarinette avec un sa­chet de trois setiers. Tirez hors ! Fourrez dedans ! Jusqu’à ce qu’il soit bien plein).

Madame, Madame, vos n’ dwèrmez nin

I fêt sifreûd chal so lès pîres.

N-a m’ nez qu’ èdjale come ine crompîre.

Madame, Madame, vos n’ dwèrmez nin.

Eune pitite hêye, ça m’ freût dè bin (46).

 

(Madame, Madame, vous ne dormez pas. Il fait si froid ici sous les pierres que mon nez gèle comme une pomme de terre. Madame, Madame, vous ne dormez pas. Une petite récompense, cela me ferait du bien).

– Houssonloge (Aywaille) : En 1987, seule une poignée d’enfants venaient encore quêter pour l’Epiphanie. Ils étaient dégui­sés, mais pas masqués ou grimés. Ils chan­taient :

Bondjoû, Madame, dji vin hèyî avou on sètch

Qui tint treûs stîs.

Boutez foû ! Boutez d’vins !

Djisqu’à tant qu’ i seûye bin plin (47).

 

(Bonjour, Madame, je viens quêter avec un sachet de trois setiers. Tirez hors! Fourrez dedans! Jusqu’à ce qu’il soit bien plein).

– Kin (Aywaille) : Depuis très long­temps, il est de coutume le 5 et le 6 janvier, d’aller quêter en chantant «Melchior et Bal-thasar…» ou

Madame, dji vin hèyî,

Po veûy ceu (probablement “çou” à l’origine) qu’ vos dinrîz.

Vos-avîz fêt dès wafes,

Ni m’ lès lèyîz-ve nin sayî?

Boutez foû! Boutez d’vins!

Djusqu’à tant qu’ i seûye bin plin.

Ine pitite hèye, Madame, pace qui dj’ a si bin tchanté.

 

(Madame, je viens quêter, pour voir ce que vous me donnerez. Vous avez fait des gaufres molles, ne me les laissez-vous pas essayer? Tirez hors! Fourrez dedans! Jusqu’à ce qu’il soit bien plein. Une petite récompense, Madame, parce que j’ai si bien chanté).

Par groupes de trois ou quatre, une di­zaine de hèyeûs participent encore à ce tour du village au cours duquel ils reçoivent des gaufres, des pommes et de l’argent (48).

– Martinrive (Aywaille) : Une grosse de­mi-douzaine d’enfants parcourent chaque année le hameau, à l’occasion de la fête des Rois. Déguisés et masqués, ils chantent « Melchior et Balthasar» (49).

– Niaster (Aywaille) : La quête de la fête des Rois a disparu vers 1980 (50).

–  Nonceveux (Aywaille)  : Les hèyeûs sont encore nombreux. En 1987, ils étaient encore une trentaine, déguisés selon leur fantaisie, qui circulaient par groupes de trois ou quatre. Outre le classique «Melchior et Balthasar… », dans leur répertoire figurent quelques chants intéressants :

Tchouf! Tchouf! Bon Dju !

Qu’ i fêt-i freûd!

Lès dints clakèt

Pace qui dj’ a freûd d’ mès deûts,

Cré bon Dju, quéne djalèye !

Ine pitite hèye, Madame, pace qui dj’ a si bin tchanté.

 

(Tchouf! Tchouf! Bon Dieu! Qu’il fait froid! Les dents claquent parce que j’ai froid aux doigts. Sacré bon Dieu, quelle gelée ! Une petite récompense, Madame, parce que j’ai si bien chanté).

Ou bien:

Bone nut’, Madame,

Ni dwèrmez nin.

C’ è-st-oûy lès hèyes,

Vos l’ savez bin.

I fêt sifreûd d’moni so lès pîres,

N-a m’ nez qui djale come ine pètèye crompîre

Et mès deûts sont tot à crampions.

Binamèye nosse Dame,

I n fêt nin bon.

Ine pitite hèye, Madame,

Pace qui dj’ a si bin tchanté.

 

(Bonne nuit, Madame, ne dormez pas. C’est aujourd’hui les quêtes de l’Epipha­nie, vous le savez bien. Il fait si froid res­ter sur les pierres, mon nez gèle comme une pomme de terre cuite sous la cendre et mes doigts sont tout racornis. Bien-ai-mée Notre-Dame, il ne fait pas bon. Une petite récompense, Madame, parce que j’ai si bien chanté).

Ou encore:

Tchouf! Tchouf! Bon Dju!

Qu’ i fêt-i freûd.

A-dje mâ mès mins,

A-dje mâ mès deûts ?

Cré doûs Dju, quéne djalèye.

Ciste èfant sèrè mwêrt di freûd

Si on n’ lî pwète nin ine bone blamèye.

 

(Tchouf! Tchouf! Bon Dieu! Qu’il fait froid. Ai-je mal aux mains, ai-je mal aux doigts? Sacré doux Dieu, quelle gelée. Cet enfant mourra de froid si on ne lui porte pas une flambée).

On chante aussi certains chants connus à Sougné-Remouchamps (numéros 1 et 3 ci-dessus) ainsi que la formule de vengeance notée pour la même localité.

En soirée, les adultes sortent aussi. Ils se rendent chez leurs connaissances et se font servir la goutte (51). Autrefois, certains se costumaient comme les Rois (52).

– Paradis (Aywaille) : À l’Epiphanie, une vingtaine d’enfants font le tour du village et sonnent aux portes pour quêter de l’argent (p.74) et des bonbons. Ils entonnent un chant de circonstance (53).

–  Septroux (Aywaille) : Les 5 et 6 jan­vier, en soirée, quelques enfants passent dans le hameau et quêtent de l’argent ou des galets. Leur visage est maculé de noir. Aujourd’hui, les enfants chantent toujours «Melchior et Balthasar…». Mais autrefois, on entonnait aussi le deuxième chant (On djoû moncheû /’ cwèrbâ…) renseigné pour Sougné-Remouchamps (54).

–  Stockeu (Aywaille) : Une demi-dou­zaine d’enfants du hameau y quêtent à l’oc­casion de l’Epiphanie. Ils sont déguisés et masqués (55).

–  Dolembreux (Sprimont) : D’après M. Remy, dont le témoignage avait été recueilli par Rodolphe de Warsage, on chantait :

Lès treûs Marîye, où allez-vous?

Nous allons à Saint Quérant

Nous ne savons si nous l’trouv’rons,

Madame, de histene [sic],

Madame, de longuene [sic].

Qui l’ bon Diu v’ rèvôye di l’or

Å si gros qu’ ine tiène (probablement ine tièsse),

On bon mitchot, on bon wastê

Ine pitite héle, Madame, s’ i v’ plêt.

Nos v’nans hèyi à l’ mohinète.

L’ ome di chal n’ a nole brokète (56).

 

(Les trois Marie… Que le bon Dieu vous renvoie de l’or autant qu’une tête (?), un bon gâteau, un bon gâteau des Rois. Une petite récompense, Madame, s’il vous plaît. Nous venons quêter à la maison­nette. L’homme d’ici n’a pas de sexe).

Les trois Marie citées dans cette chanson semblent se rapporter à un pèlerinage. Peut-être s’agit-il des femmes qui allaient invo­quer traditionnellement saint Julien, dont la statue a été recueillie peu après 1860, à l’église Saint-Remacle, dans le faubourg liégeois d’Amercoeur, où elle continua d’être vénérée, ou des trois femmes (dont Marie de Magdala et Marie, mère de Jac­ques) qui découvrirent le tombeau du Christ vide et qui avertirent alors Simon Pierre, peut-être le saint Quérant de la chanson, et les apôtres. Mais il se peut aussi, quoique cela semble peu probable, que nous soyons en présence d’une référence aux pèlerinages ardennais aux trois Marie, attestés notam­ment à Sainlez (Bastogne).

Une autre chanson de quête, recueillie à Oneux (Comblain) par Emile Detaille per­met d’éclairer quelque peu certains des points obscurs de la chanson notée par M. Remy :

A l’ hêye! A l’ hêye! Dji vin hèyî

Dès bonès pomes di so l’ plantchî,

Dès bonès djêyes di so l’ gurnî.

Madame di liyète (sens?),

Madame di copète,

Avoyîz-me di l’ ôr si gros qu’ vosse tièsse

Po mârier tos vos bês p’tits-èfants (57).

 

(À la quête ! À la quête ! Je viens quêter de bonnes pommes du plancher, de bonnes noix du grenier. Madame de liyète (diminutif d’Elisabeth?), Madame du sommet (?), envoyez-moi de l’or pour l’équivalent de votre tête pour marier tous vos beaux petits-enfants).

Cette chanson nous montre qu’il faut cer­tainement lire également tièsse dans la ver­sion de Dolembreux. Par ailleurs, on y fait clairement allusion à la valeur matrimoniale de la quête.

Au village, on connaissait aussi cette chanson vengeresse, fort semblable à une autre notée à Comblain :

Nos v’nans hèyî à l’ mohinète.

L’ ome di-d-chal n’ a nole brokète,

On li a côpé avou ‘ne (vîhe) cisète!

Et on li a ranokî avou ‘ne (poûrêye) quawète!(58).

 

(Nous venons quêter à la maisonnette. L’homme d’ici n’a pas de sexe, on lui a coupé avec de (vieux) ciseaux et on lui a recousu avec un cordon) (pourri).

– Florzé et Rouvreux (Sprimont) : Les enfants viennent par petits groupes quêter les 5 et 6 janvier. Au total, ils ne sont guère plus d’une demi-douzaine, semble-t-il. Ils sont déguisés et masqués selon leur fantai­sie. Ils chantent la même rengaine qu’à Houssonloge, le célèbre «Melchior et Bal-thasar» ou d’autres chants selon leur inspi­ration du moment. On a par exemple déjà entendu chanter «Frère Jacques» (59).

Emile Detaille avait également noté ces chansons, plus traditionnelles :

A l’ hêye! A l’ hêye!

Dji vin hèyî à l’l blanke mohone.

L’ ome di-d-chal è-st-on brâve ome.

Il a aclèvé deûs crâs pourcês,

Onk âs navês, onk â lècê.

Ine pitite hêye, Madame, s’ i v’ plêt!

 

(À la quête ! À la quête ! Je viens quêter à la maison blanche. L’homme d’ici est un brave homme. Il a élevé deux porcs gras, un aux navets, l’autre au lait. Une petite récompense, Madame, s’il vous plaît).

 

(Idem à Sprimont où la première ligne était manquante et où la cinquième était transformée en onk, â laton, l’ ôte, â lècê, un au son, l’autre au lait).

Madame, dji vin hèyî

Po veûy si vos m’ dinrîz.

Dès wafes, ca on m’a dit

Qu’ on ‘nn’ aveût fêt voci.

Boutez foû! Boutez d’vins! (60).

 

(Madame, je viens quêter pour voir ce que vous me donnerez. Des gaufres molles, car on m’a dit qu’on en avait fait ici. Tirez hors ! Fourrez dedans !).

– Fraiture (Sprimont) : Une cinquantaine d’enfants circulent dans le village, les 5 et 6 janvier. Ils sont souvent masqués. Lorsque la bande figure les Rois mages, l’un d’eux a souvent le visage noirci (61). Les enfants récitent la même formule que la première mentionnée pour Mont (Comblain) (62).

–  Gomzé-Andoumont (Sprimont) : Le vendredi ou le samedi après l’Epiphanie, en soirée, les membres adultes du comité des fêtes, une vingtaine au total, vont de maison en maison. On leur sert du genièvre et d’au­tres boissons alcoolisées dans le verre dont ils ont soin de se munir. Ils scandent plus qu’ils ne chantent :

A l’ hèye ! A l’ hèye !

Nos v’ nans hèyi.

M’ matante Marèye m’ a-st-avoyi

Avou on sètch qu’ i n-a rin d’vins.

Boutez foû! Boutez d’vins!

Disqu’à tant qu’ i seûye bin plin.

Dè neûr, dè mûr, c’ èst dè crahê ;

(p.76) Dè blanc, dè blanc, c’ èst dè wassin.

Eune pitite hèye, Madame, s’ i v’ plêt (63).

 

(À la quête! À la quête! Nous venons quêter. Ma tante Marie m’a envoyé avec un sachet vide. Tirez hors ! Fourrez de­dans ! Jusqu’à ce qu’il soit bien plein. Du noir, du noir, ce sont des morceaux de houille incomplètement brûlés ; du blanc, du blanc, c’est du seigle. Une petite ré­compense, Madame, s’il vous plaît).

Après avoir accompli tout le tour du vil­lage, la bande se dirige chez l’un des parti­cipants où l’on termine la soirée en dansant. La tradition était déjà attestée au début de ce siècle.

Quant aux enfants, ils quêtent le 6 janvier ou le samedi qui suit par groupes variant de deux à six quêteurs. Ils chantent la même ri­tournelle que les adultes ou «Melchior et Balthasar… ». Certains entonnent un troi­sième chant :

«Les trois Rois sont revenus / Adorer l’Enfant Jésus. / (Récité) Et nous autres, que ferons-nous ? / Nous nous mettrons à genoux / Et nous chanterons tous en chœur / Vive Jésus, vive sa croix» (64).

– Lincé (Sprimont) : La tradition d’aller hèyî se perd. Les enfants étaient déguisés et on leur donnait des fruits et de l’argent. Certaines années, aucun enfant ne vient quêter. On disait la même formule qu’à Fraiture (65).

Henri Simon a noté plusieurs formules de quêtes, à Lincé et Sprimont. Il les met en scène dans sa pièce Li neûre poye (66) :

I. Bone nut’, binamêye wèsène,

Acorez po v’ni hoûter.

C’ èst lès cis d’ l’ an.nêye passêye

Qui v’ vinèt-st-èco r’trover.

Nos-èstans dès militaîres

Qui s’ ont stu précipiter.

Nos rim’nans di d’vins nos mêsses;

C’ èst po v’ vint rècrèyer (bis) (67).

 

II. Redoublez de vos largesses

Et vos générosités.

Avoyîz-nos ‘ne bone grosse pèce,

Dè lârd ou bin dè salé,

Di l’ ârdjint — c’ èst bin tot l’ min.me —,

Dè l’ sâcisse ou dè djambon.

Nos v’ sohêtans ‘ne bone an.nêye

Et vivent et vivent les bons garçons (bis).

 

(I. Bonne nuit, bien-aimée voisine, venez écouter. Ce sont ceux de l’année dernière qui viennent encore vous retrouver. Nous sommes des militaires qui se sont préci­pités. Nous remenons (ou revenons?) chez nos maîtres, c’est pour venir vous récréer. II. (…) Envoyez-nous une bonne pièce, du lard ou de la viande salée, de l’argent — c’est bien tout de même —, de la saucisse ou du jambon. Nous vous souhaitons une bonne année, et vivent les bons garçons).

Bone nut’ èt bone santé!

C ‘è-st-oûy li djoû d’ nos rècrèyer.

Nos-èstans chal ine kipagnèye,

Nos-ègadjans vos djônès fèyes.

Ciste ègadjemint, c’ è-st-in-oûhê

Qui hufèlerè lisquél aîr qu’ on vôrè.

 

(Bonne nuit et bonne santé ! C’est aujour­d’hui le jour pour vous récréer. Nous sommes ici une compagnie, nous enga­geons vos jeunes filles. Cet engagement, c’est un oiseau qui sifflera l’air qu’on voudra).

«Remercions qui est généreux / Et en mémoir’ souvenons de nous deux (comprenez : souvenons-nous d’eux). / Nous somm’ des garçons, n’en doutez point, / A fair’ du plaisir à notre prochain, / Nous nous retrouv’rons à une autre occasion / Et en mémoir’ nous aurons » (remerciement). / nous dirons beaucoup de bien de vous, et nous dirons adieu, jusqu’à l’année pro­chaine).

Dji vin hèyî à l’ vète èplåsse.

L’ ome di cial a pièrdou s’ cou-d’-tchâsses,

Il a lèyî sès censes divins,

C’ èst po çoula qui n’ mi done rin. (vengeance)

 

(Je viens quêter chez la verte emplâtre. L’homme d’ici a perdu sa culotte, il a laissé ses sous dedans, c’est pour cela qu’il ne donne rien).

«Bonjour, l’ami, / Nous venons ici / Pour t’offrir un instant de plaisir. / Accourez, jeunes fillettes, / Écoutez ces gais chanteurs. / Apportez ici Jambons et rôtis, / Nous les recevrons avec plaisir».

Tchantans tos po r’mèrci

Cès brâvès djins,

Èt-z-acwèrdans nos vwès

Âs-instrumints.

Là qui n’s-îrans fé l’ fricot,

Nos dîrans bêcôp d’ bin d’ vos,

Et n’ dîrans :

Adiè, djisqu’à d’vins in-an! (remerciement).

 

(Chantons pour remercier ces braves gens, et accordons nos voix aux instruments. Là où nous irons faire le fricot, nous dirons du bien de vous. Et nous dirons: Adieu, à dans un an!)

D’après Eugène Polain, Henri Simon avait modifié la formule traditionnelle, qu’il ne pouvait reproduire telle quelle dans une pièce de théâtre destinée au grand public. D’après lui, voici la chanson que l’on en­tonnait pour vilipender un avare :

Dji vin hèyi à l’ vête èplâsse.

L’ ome di chal a tchî è s’ cou-d’-tchâsses

Èt-z-a-t-i fêt on sifêt stron

Qu’ il a v’nou foû po lès kènons (canons de fusil ou, plus vraisemblablement, les «jambes » du pantalon) (68).

 

(Je viens quêter chez la verte emplâtre. L’homme d’ici a chié dans sa culotte et il a fait un si bel étron qu’il est venu hors des jambes).

– Louveigné (Sprimont) : Le 5 janvier ou parfois quelques jours avant, des enfants déguisés vont quêter dans le village. Cer­tains figurent des Rois mages. Ils chantent entre autres «Melchior et Balthasar… » (69).

Autrefois, ils entonnaient aussi «Quant le p’tit Jésus allait à l’école… » (70).

Dans le registre wallon, on note la chan­son suivante : 

Bonsoir, Mesdames, binamèyes fèmes,

Nos v’nans veûy si v’ nos pôriz hèyi.

Hèyîz-nos bin, ni spâgnîz rin.

Qwand nos l’ ârans, nos v’ rimercîrans.

Eune pitite hèye, Madame, s ‘i v’ plêt (71).

 

(Bonsoir, Mesdames, bien-aimées femmes, nous venons voir si vous pour­riez nous récompenser. Donnez-nous une bonne gratification, ne soyez pas chiches. Quand nous l’aurons, nous vous remer­cierons. Une petite récompense, Ma­dame, s’il vous plaît).

– Sprimont : Les 4, 5 et 6 janvier, le soir, environ vingt-cinq enfants déguisés et ma­quillés sillonnent le village pour hèyî. Parmi eux, beaucoup de petits Italiens et de Portu­gais de la deuxième ou de la troisième gé­nération.   Ce   qui   ne   les   empêche   pas d’entonner en wallon le même chant qu’à Houssonloge  (72).  Naguère,  on chantait aussi «Melchior et Balthasar…» et «Quand le p’tit Jésus allait à l’école…» (73) (voir aussi les chants mentionnés pour Lincé).

– Esneux : Autrefois, on venait hèyî (74). Lorsque les habitants faisaient mauvais ac­cueil aux quêteurs, ceux-ci s’écriaient : N-a l’ tchèt qu’ a tchî è l’ mê (Le chat a chié dans le pétrin) (75).

–  Tilff (Esneux)  :  Avant  la première guerre mondiale, des enfants venaient quê­ter le 6 janvier. Un des membres de la bande portait une hotte. Ils chantaient :

C’ èst po veûy çou qu’ vos m’ donerez

On p’tit côp d’ borda,

Ine saqwè, on gabè (?),

Tot-à-fêt vint bin à pont

Po lès pôvès djins qui n’ ont rin po d’min,

Nos-avans-st-on bot, nos-èstans nos tos.

Porveu qu’ i seûye plin, nos ‘nn’ èrîrans contints.

 

(Je viens quêter, Madame, c’est pour voir ce que vous me donnerez. Un petit coup de vin de Bordeaux, quelque chose, un gabè, tout vient bien à point pour les pau­vres gens qui n’ont rien pour demain. Nous avons une hotte, nous sommes toute la bande. Pourvu qu’elle soit bien pleine, nous nous en irons contents).

Pour remercier ceux qui les récompen­saient, un des enfants agitait une clochette. Lorsque la porte ne s’ouvrait pas, la bande criait : Hou, hou, hou.

À l’origine, la quête locale devait être le fait de jeunes gens. C’est du moins ce que laisse augurer l’allusion au vin dans la chanson (76).

–  Beaufays (Chaudfontaine) : Jadis, les enfants entonnaient le classique «Melchior et Balthasar…» en quêtant pour l’Epiphanie (77).

–  Trasenster (Trooz) : On ne vient plus hêlî depuis 1977 environ. Les enfants chan­taient « Melchior et Balthasar… » (78).

– Xhoris (Ferrières) : La quête de l’Epi­phanie tend à disparaître. Les enfants sont déguisés en Rois mages et viennent par pe­tits groupes de trois ou quatre (79).

Autrefois, les enfants chantaient :

Dji vin hèyi, Madame,

Dji vin hèyî a l’ pwète di drî.

Ç’ a stou l’ curé qui m’ a-st-avoyî

Avou on sètch èt on mèsplî (ou déformation de “on d’mêy stî”?).

Djambe di bwès! Djambe d’ohê!

On p’tit rond(ê?)?

Plouk è m’ sètchê!

Eune pitite wafe ?

Plouk è m’ tahe !

On galèt?

Djè l’ magnerè!

Eune pitite hêye, Madame, s’ i v’ plêt (80).

 

(Je viens quêter à la porte de derrière. C’est le curé qui m’a envoyé avec un sac et un néflier (ou d’un demi setier). Jambe de bois ! Jambe d’os ! Une petite rouelle (de pomme?)? Plouc dans mon sachet! Une petite gaufre molle? Plouc dans mon sac! Une gaufre dure? Je la mangerai! Une petite récompense, Madame, s’il vous plaît).

Ou:

Dji vôreû bin wèdjî

Qui nos sèrans hèyîs

D’ ine bèle bâcèle, d’ on bê valet,

D’ on bon cougnou, d’ on bon cafè.

C’ èst tot d’on qwè

Vo-no-ci nos tos, èt s’ n’ avans-gne qu’ on bot,

Porveûy qu’ i seûye bin plin,

Nos-è rîrans bin contints! (81).

 

(Je voudrais parier que nous serons ré­compensés d’une belle jeune fille, d’un beau garçon, d’un bon gâteau de Noël, d’un bon café. Cela revient au même. Nous voilà tous et nous avons une hotte, pourvu qu’elle soit bien pleine, nous nous en irons contents).

L’allusion à la jeune fille ou au garçon n’est pas évidente à interpréter. D’autant plus que la mention du cougnou, unique dans le cas des quêtes liégeoises de l’Epi­phanie, semble directement rapporter la chanson à la période de Noël. Peut-être s’agit-il d’une tournée de l’Epiphanie desti­née à emmener les jeunes gens du village pour aller déguster ensemble le produit de la quête, comme cela se déroulait dans nombre de villages ardennais le mardi de la fête. Il n’est pas vain de rappeler que le der­nier jour de la fête était celui de la chasse au vèheû dans maint village. C’était l’occasion de ramasser, voire de subtiliser, les reliefs de la fête et de venir chercher les jeunes filles du village. Or, d’après Léon Marquet, dans certaines localités, cette «chasse» était organisée à l’Epiphanie. Il est possible que dans bien des cas, la date de la chasse ait changé pour être fixée à la fête paroissiale (82).

Emile Detaille avait également noté cette autre chanson, très intéressante :

Dji v’ prêye bon djoû èt ‘ne bone santé,

Nos-èstans v’nous po v’ rècrèyer (bis)

Avou treûs coplèts d’ tchansons.

Dji v’ prèye dè prinde atincion (bis).

Nos-èstans dès pôves pèlèrins

Qui vont toujours demander leur pain.

Li bon Dju î a bin stou.

Ç’ a stou po l’ aprinde avou.

Ine pitite hêye, Madame, s’ i v’ plêt (83).

 

(Je vous souhaite le bonjour et une bonne année, nous sommes venus pour vous ré­créer avec trois couplets de chansons. Je vous prie de prendre attention. Nous sommes de pauvres pèlerins qui vont tou­jours demander leur pain. Le bon Dieu y est bien allé. Ce fut pour l’apprendre aus­si. Une petite récompense, Madame, s’il vous plaît).

‘là m’ grand-mére qui m’ a-st-avoyî

Avou on sètch qu’ èsteût prèmî (déformation de “qui tint treûs stîs”).

Boutez foû ! Boutez d’vins !

Djusqu’à quand i seûye bin plin.

On p’tit côp d’ vosse bîre,

Ça m’ frè bin plêsîr.

Po lès pauvès djins qui n’ ont pu rin po d’min (bis),

One pitite hèye, Madame,

Pwisquè dj’ a si bin tchanté (84).

On semble faire référence, dans cette chanson, à la pratique de pèlerinage qui consistait à mendier chemin faisant. Elle est attestée pour la région d’Aubel, par exem­ple, lorsqu’on pèlerinait à Saint-Vith. De même, certains pèlerins demandaient une obole lorsqu’ils allaient invoquer sainte Renelde à Huy.

– Juslenville (Theux) : Par groupe de deux ou trois, quelques rares enfants dégui­sés viennent hèyî à l’occasion de l’Epipha­nie. Ils chantent :

C’ è-st-oûy lès hèyes,

I n-a pus dè l’ misére.

Fez-nos lès wafes

Si v’s-èstez braves,

On p’tit galèt

Po mète è nosse cafè,

One tâte du makèye

Po djusqu’à l’ anèye.

A l’ an.nèye, nos r’vinrans co

Po fé tralaligo.

 

(C’est aujourd’hui la quête de l’Epipha­nie. Il n’est plus question de misère. Faites-nous des gaufres molles si vous êtes braves, une petite gaufre dure pour tremper dans notre café, une tartine de fromage blanc et mou pour jusqu’à l’an­née prochaine. L’année prochaine, nous reviendrons encore pour faire tralaligo. Ma grand-mère m’a envoyé avec un sa­chet de trois setiers (?). Tirez hors ! Four­rez dedans! Jusqu’à ce qu’il soit bien plein. Un petit coup de votre bière, cela me ferait plaisir. Pour les pauvres gens qui n’ont plus rien pour demain, une pe­tite récompense, Madame, parce que j’ai si bien chanté).

La tournée se déroule du 4 au 6 janvier. Vers 1975, les membres des mouvements de jeunesse (patro et scouts) s’étaient costu­més et maquillés afin de quêter pour leurs caisses, à Spixhe, Theux et Juslenville. Mais l’initiative revint rapidement à des groupes informels d’enfants (85).

– La Reid (Theux) : Autrefois, des hèyeûs circulaient dans le village à l’époque de l’Epiphanie (86).

– Polleur (Theux) : Au siècle dernier, les quêteurs de l’Epiphanie entonnaient le chant suivant :

Nosse Dame, c’ è-st-oûy lès hèles

I n-a pus dè l’ misére.

Çu n’ èst pus qu’ tos hélieûs

I n-a pus dès bribeûs.

Sèyîz-nos brave,

Fez-nos lès wafes,

Lès wafes èt lès galets

Po mète è nosse pakèt (87).

 

(Notre Dame, c’est aujourd’hui la quête de l’Epiphanie. Il n’est plus question de misère. Ce ne sont que des quêteurs de l’Epiphanie, il n’y a plus de mendiants. Soyez bonne pour nous, faites-nous les gaufres molles, les gaufres molles et les dures pour mettre dans notre café).

 

LIEGE :

– D’après Eugène Polain, à Liège, autre­fois, on chantait la chanson suivante, en quêtant le jour des Rois :

I C’ è-st-en hèyant, dji vin hèyî.

Li mêsse di chal m’ a-st-avoyî,

I m’ a dit qui vos m’ dinahîz

On bokèt d’ wastê d’ vosse boledjî

Dji v’s-èl rindrè divins in-an

Ca po oûy, dji n’ a pus d’ êdant. (sou, argent).

 

II Redoublez donc vos largesses

Et vos générosités

Avoyîz-me ine bone grosse pèce,

Di lârd ou bin dè salé,

Dè l’ sâcisse ou dè djambon,

Di l’ ârdjint — c’ èst bon tot l’ min.me-

Nos v’ sohêtans ‘ne bone an.nêye

Et vivent les bons garçons ! (88).

 

(I. C’est en quêtant, je viens quêter. Le maître de céans m’a envoyé, il m’a dit que vous me donneriez un morceau de gâteau de votre boulanger. Je vous le ren­drai dans un an car aujourd’hui je n’ai plus d’argent. II. (…) Donnez-moi une bonne grosse pièce, du lard ou bien du salé, de la saucisse ou du jambon, de l’ar­gent — c’est bon tout de même —, nous vous souhaitons une bonne année et vi­vent les bons garçons).

Joseph Defrecheux citait ces deux cou­plets :

C’ è-st-en hèyant, dji vin hèyî,

Li mêsse du cial m’ a-st-avoyî,

Èt s’ a-t-i dit qu’v os m’ dinahîz

On bokèt d’ wastê di mon vosse boledjî.

Dji v’s-èl rindrè d’vins in-an,

Ca ç’ste an.nêye chal, dj’ a pris dè pan.

 

(C’est en quêtant, je viens quêter, le maî­tre de céans m’a envoyé et il s’est dit que vous me donneriez un morceau de gâteau de votre boulanger. Je vous le rendrai dans un an car cette année, j’ai pris du pain).

 

Madame, dji vin hèlî,

Po vèy çou qu’ vos m’ donerez.

On p’tit côp d’ vosse bîre,

Djè l’ make so l’ pîre.

On p’tit côp d’ vosse vin,

Djè l’ heûre bin (89).

 

(Madame, je viens quêter, pour voir ce que vous me donnerez. Un petit coup de votre bière, je le marque sur la pierre. Un petit coup de vin, je le boirai bien).

Si l’on en croit A. Pirotte, l’usage aurait disparu vers 1846 dans la Cité ardente. Le soir du 5 janvier, écrivait-il en 1886 dans les colonnes de La Meuse, « des femmes du peuple, leurs jupons relevés sur la tête, le visage couvert de façon à ne pas être re­connues, pénétraient dans les corridors des maisons, agitaient une sonnette pour appe­ler la dame du logis, puis, jusqu’à l’arrivée de celle-ci, chantonnaient, sur un ton traî­nard, les vers que voici :

Dji vin priyî à l’ blanke mohone.

Li mêsse di chali è-st-on brâve (brave?) ome.

(p.83) Il a noûri treûs crâs pourcês,

Onk âs rècènes, deûs âs navês.

Ine pitite pârt-Dièw, Madame, s’ i v’ plêt.

 

(D’après Théodore Gobert : Dji vin hèlî… onk ås navês…)».

 

(Je viens porter mes souhaits à la maison blanche. Le maître d’ici est un brave homme. Il a nourri deux porcs gras, un aux carottes, deux aux navets. Une petite part de Dieu, s’il vous plaît). (Je viens quêter… un aux navets…).

La dame du logis ne manquait pas d’ap­porter des morceaux du gâteau des Rois et de les distribuer aux chanteuses. Souvent celles-ci allaient par groupe de trois per­sonnes, dont un homme. Ce dernier était ha­billé de blanc et coiffé d’une chape de papier (90) ».

D’après Emile Detaille, en «région lié­geoise» (mais où précisément?), on chantait aussi :

Dji vin hèyî à l’ flaminète.

Li dame di chal fêt dès boûkètes,

Ine pitite pârt-Dièw, Nosse Dame, s’ i v’ plêt (91).

 

(Je viens quêter à la petite flamme. La dame d’ici fait des crêpes à la farine de sarrasin. Une petite part de Dieu, notre Dame, s’il vous plaît).

Cette formule ainsi que celle qui a déjà été citée pour Oneux (Comblain) éclaircit le mystère de la flaminète, que d’aucuns ont identifiée avec le souci ou le roitelet huppé, dont on dit qu’il aurait apporté le feu au monde et qu’il regagne son nid le jour de l’Epiphanie. Mais les explications de ce

terme apparaissant souvent dans des for­mules vengeresses où la maîtresse du logis était nommée la dame à l’ flaminète ne satis­faisaient guère. Dans les chants d’Oneux et de la région liégeoise, la flaminète n’a pas de rapport direct avec l’habitant. Il y a donc lieu d’insérer une virgule entre dame et à l’. Par conséquent, logiquement, ce mot sem­ble correspondre à la lanterne, voire l’étoile lumineuse, dont les quêteurs se munissaient dans certaines localités.

Emile Detaille citait aussi cette chanson liégeoise :

Dji vin hèyî èt rahèyî!

C’ èst l’ ome di-d-chal qui m’ a-st-avoyî.

Il a ‘ne tièsse! Vos dîrîz ‘ne bièsse

Qui n’ sipingne mây qu’ âs rârès fièsses.

On p’tit bokèt d’ wastê,

Nosse Dame, s’ i v’ plêt (92).

 

(Je viens quêter et encore quêter! C’est l’homme d’ici qui m’a envoyé. Il a une tête! Vous diriez une bête qui ne se peigne qu’aux rares fêtes. Une petit mor­ceau de gâteau, notre Dame, s’il vous plaît),

Et cette formule vengeresse, valable pour la «région liégeoise» :

C’è-st-on pôve mêsse

Qu’ i broûle è si-êsse.

Is n’ ont pus rin,

Ni pan, ni vin (93).

 

(C’est un pauvre maître. Qu’il brûle dans son âtre. Ils n’ont plus rien, ni pain, ni vin).

ARDENNE:

– Sart (Jalhay) : II était jadis de coutume de venir héyi (94).

–  Creppe (Spa) : Quelques enfants fai­saient la quête des mages, le 5 ou le 6 jan­vier.   Ils   récoltaient   de   l’argent   et   des friandises. Ils circulaient par groupe de trois (dans ce cas, ils figuraient les trois Rois) ou de quatre (en l’occurrence, le quatrième portait l’étoile) (95).

– Spa : La quête de l’Epiphanie par des enfants déguisés en Rois a subsisté jusque vers 1815, dans la ville d’eau. Le 6 janvier, les enfants circulaient par groupes de trois et étaient censés représenter les mages al­lant adorer le divin enfant. L’un d’eux por­tait une hotte. Un autre avait le visage mahuré   [mâchuré].   Ils   chantaient   une complainte de ferme en ferme. On leur of­frait des galettes de farine d’avoine ou de sarrasin, du beurre, des poires tapées et sur­tout des oeufs (96). En outre, d’après Jean-Louis Wolff, «une autre coutume qui s’est perpétuée jusqu’aux premières années du siècle   [le   XIXe],   était   pour  les  jeunes hommes d’aller, l’avant-veille des Rois, hèyî chez les jeunes filles. Celles-ci leur donnaient des gauffrettes et des noix. Le lendemain pendant toute la journée, mais surtout le matin, tous les enfants allaient de porte en porte des maisons bourgeoises crier hèyîz-m’ ! mot à mot, donnez-moi une aubaine».

Albin Body notait qu’au début de ce siè­cle, c’étaient surtout des personnes, vrai­semblablement des adultes, provenant du pays de Hervé et de Verviers qui s’y li­vraient. Cependant, à la fin du XIXe siècle, seuls les enfants indigents quêtaient encore, au crépuscule. Ils débitaient de banales chansons de Noël, à l’issue desquelles ils entonnaient un couplet invitant au don :

Dju vin hèyî,

Maîs ç’ n’ èst nin po rîre ;

Ârès-dje bin voci,

On p’tit côp d’ vosse bîre ? (97).

 

(Je viens quêter, mais ce n’est pas pour rire; aurai-je ici un petit coup de votre bière?).

Si le maître du logis ne daignait pas ré­pondre favorablement à la demande des chanteurs, ceux-ci entonnaient un autre couplet, vengeur celui-là :

Dju vin hèyî

A l’ vète èplâsse ;

Li mêsse du voci

A tchî è s’ cou-d’-tchâsse.

 

(Je viens quêter à la verte emplâtre (porte du logis, communément peinte en vert, selon Albin Body, mais plus vraisembla­blement homme ivrogne et paresseux). Le maître de céans a chié dans sa cu­lotte).

Après cette sérénade, la marmaille déta­lait à toutes jambes (98).

A Spa on chantait aussi le classique « Melchior et Balthasar».

Si l’on en croit G.E. Jacob, on chanta aussi la chanson «Quand le p’tit Jésus allait à l’école…» jusque peu après 1918. L’arrêt provisoire de la quête date vraisemblable­ment de cette époque (99).

Sans préciser si elles concernaient l’Epi­phanie ou la période de Noël, Léon Mar­quet a publié trois chansons de quêtes spadoises :

Dji vin hèyî, nosse Dame,

Mês ç’ n’ èst nin po rîre,

C’ èst po vèy si vos m’ donerez.

On p’tit côp d’ vosse bîre.

One wafe ? Plok è m’ tahe !

On stô ? Plok èm’ hô!

(Parlé) : On skèlin fêt tant dè bin ås pôvès djins

Qui n’ ont rin à magnî po d’min matin.

(Je viens quêter, notre Dame, mais ce n’est pas pour rire, c’est pour voir si vous me donnerez un petit coup de votre bière. Une gaufre molle? Plok dans mon sac! Un stô (?) ? Plok dans mon giron ! Un escalin (monnaie ancienne) fait tant de bien aux pauvres gens qui n’ont rien à mager pour demain matin).

Bondjoû, Madame, èt bone santé.

Nos v’nans hèyî po v’ rècrêyer.

Vosse bon coûr n’ îreût nin bin

Si v’ nos lèyîz hèyî po rin.

I fêt si freûd là so lès pîres,

Dj’ a l’ nez qui djale come one crompîre

Ca d’vins lès mâlès sâhons,

Binaméye Madame, i n’ fêt nin bon.

 

(Bonjour, Madame, et bonne santé. Nous venons quêter et vous récréer. Votre bon cœur n’irait pas bien si vous nous laissiez quêter pour rien. Il fait si froid là sous les pierres, j’ai le nez qui gèle comme une pomme de terre car durant les mauvaises saisons, bien-aimée Madame, il ne fait pas bon).

A l’ hèye! A l’ hèye! Dji vin hèyî.

Mi tante Marêye m’ a-st-avoyî

Avou on sètch qui tint treûs stîs.

Boutez foû! Boutez d’vins!

Mi p’tit sètch n’ èst nin coplin.

Dès blancs, c’ èst dès wastês,

Dès neûrs, c’ èst dès crahês.

Ine pitite hèye, Madame, s’ i v’ plêt.

 

(À la quête ! À la quête ! Je viens quêter. Ma tante Marie m’a envoyé avec un sac de trois setiers. Tirez hors ! Fourrez de­dans! Mon petit sachet n’est pas encore plein. Des blancs, ce sont des gâteaux. Des noirs, ce sont des morceaux de houille incomplètement brûlés. Une pe­tite récompense, Madame, s’il vous plaît).

Ce dernier chant est presque identique à celui que l’on entonne à Gomzé-Andou-mont (Sprimont).

La tradition des hèyes a été remise sur pied le 27 décembre 1988, soit à une date qui ne correspond plus avec l’Epiphanie. Des enfants, en groupe, se sont rendus chez les personnes âgées du quartier du Vieux-Spa pour y chanter les chansons notées par Léon Marquet (100).

–  Winamplanche (Spa – Theux)  :  On quête pour l’Epiphanie. On dit une formule commençant par Hèye et hèye et treûs Ma-rèye… (101).

–  Autrefois, vraisemblablement encore au début du siècle dernier, d’après Jean-Louis Wolff, «aux bords de l’Amblève, à Stoumont, à Desniez, à Becco, on appelait cette coutume [la quête de l’Epiphanie] fé l’ vèheû [sic], faire le putois, ou la fouine […]. Les jeunes gens qui prélevaient ainsi sur les manants de quoi festoyer plusieurs jours finirent par exciter les récriminations et l’on en vint à interdire cette quête, qui n’était qu’un gaspillage (102) ».

À Stoumont, il était de coutume de venir héyi. On chantait :

Dju vin hêyi à l’ vète èplâsse

Avou on sètch qui tint treûs stîs.

Boutez foû! Boutez d’vins!

Djusqu’à tant qu’ i seûye bin plin.

Pitite hêye, Madame, s’ i v’ plêt!

Nos ‘nnè rîrans bin contints

Djusqu’à d’min â matin (103).

 

(Je viens quêter chez la verte emplâtre a-vec un sac de trois setiers. Tirez hors! Fourrez dedans! Jusqu’à ce qu’il soit bien plein. Petite récompense, Madame, s’il vous plaît! nous nous en irons bien contents jusqu’à demain matin.)

– La Gleize (Stoumont) : Des mendiantes venaient quêter du lard et de la farine pour faire la groumote, le jour des Rois. (…)

– Malmedy : Autrefois, les adultes al­laient quêter à l’occasion de l’Epiphanie. Au fil du temps, seuls les enfants perpétuè­rent la coutume. Aujourd’hui, ils se rendent encore chez les commerçants et entonnent le premier chant cité ci-dessous.

Voici quelques extraits du répertoire an­cien. D’autres chants, d’allure moins popu­laire, ont également été notés par Olivier Lebierre (108) :

Binamée nosse Dame, nos v’nans hèyî;

Ç ‘a stu lès rwas

(Laurent Lombard, Emile Detaille et Henri Bragard notent : l’ curé; Olivier Lebierre note : «C’ èst lès rwas»; Emile Détaille transcrit encore : C’ è-st-oûy lès hèyes; dju vin hèyî, ç’ a stu l’ Bon Dju…)

qui nos-ont (ou: m’ a-st-) avoyî,

Avoyî hî hî! Avoya ha ha !

Avoyoz dès bonès wafes,

Et nos sèrans (ou: dji sèrè) bin brâve(s) (109).

«Les trois rois ont fait présent

À Jésus, roi de Judée ;

Les trois rois ont fait présent

À Jésus, Dieu tout puissant» (104).

 

(Bien-aimée notre Dame, nous venons quêter; ce sont les Rois (le curé, le bon Dieu) qui nous ont (m’a) envoyé(s), A-voyî hî hî! Avoya ha ha! Apportez de bonnes gaufres molles et nous serons (je serai) bien brave(s)).

— Stavelot : Jadis, on quêtait en enton­nant le classique «Melchior et Balthasar…» (105) ou des chants en wallon. Alfred Ha-rou en a transcrit deux. Dans l’un d’eux, on réclame un skèlin (escalin) et une wafe (gaufre) (106).

– Bernister (Malmedy) : Autrefois les habitants du hameau allaient chanter la chanson des trois Rois en Wallonie malmé-dienne. Ils étaient costumés et masqués et recevaient vivres et argent (107).

Olivier Lebierre citait cet autre chant malmédien, dont Rodolphe de Warsage donnait une version très proche :

Nos v’nans hèyî, maîs ç’ n’ èst nin po v’ni briber.

C ‘è-st-one câse qui va d’ tos costés.

Avoyoz-nos dès wafes èt dès crènés ;

Nos-èstans voci po l’s-acsèpter (bis).

(p.87) Qwand nos ‘nn’ îrans, nos v’ dîrans l’ adiu

Dusqu’à  l’ an qui vint, s’ i plêt-st-à Diu (bis)

(si n’ vikans co, selon de Warsage et Y Armonac wallon dol Saméne de 1909, p. 57).

One pitite lôtîre, s ‘i v’ plêt,

Po çou quu n’s-avans si bin chanté.

(Pusqui n’s-avans si bin tchanté,

selon de Warsage, Pace quu, selon l’Armonac) (110).

 

(Nous venons quêter, mais ce n’est pas pour mendier. C’est une cause qui va de tous les côtés. Apportez-nous des gaufres molles et des petits pains fendus par le milieu ; nous sommes ici pour les accep­ter. Quand nous partirons, nous vous di­rons l’adieu jusqu’à l’année prochaine, s’il plaît à Dieu (si nous vivons encore). Une petite récompense, s’il vous plaît, parce que nous avons si bien chanté).

Il s’agit en fait du troisième couplet d’une chanson parue dans L’ Armonac wallon dol Saméne, en 1887. Le deuxième af­firme que c’est une chanson que les quêteurs avaient déjà apprise de leurs pa­rents (111).

Olivier Lebierre citait encore les chan­sons de quête suivantes :

I. Nosse Dame, c’ è-st-oûy lès hèyes!

Qu’ on n’ parle nin d’ briberèyes;

Çu n’ èst qu’ tos héyeûrs ;

I n’ i a pus dès bribeûrs.

Sèyoz-nos brave,

Dunoz dès wafes,

Dès wafes ou on brikèt po mète è nosse pakèt.

 

II. Si v’ n’ avez rin o l’ ârmâre,

Atchôkoz quékes patârs

Ou on bon vî skèlin ;

Nos v’ rumèrciherans bin.

N’s-avans invèye

D’ one bone frêrèye,

Èt çou quu v’ nos dinroz,

Çu sèrè po tortos.

 

III. À r’vèy donk, binamée,

C’ èst fêt po ciste ânée,

Maîs nos-èspèrans bin

Ruv’ni co l’ an qui vint.

Vunoz nos vèy

A nosse frêrèye

Vos-î troûveroz l’ guêté.

Bone nut’ èt bone santé.

 

(I. Notre Dame, c’est aujourd’hui les quêtes de l’Epiphanie! Qu’on ne parle pas de mendicité ; ce ne sont que des quê­teurs ; il n’y a plus de mendiants. Soyez braves avec nous, donnez-nous des gau­fres molles, des gaufres molles ou un qui­gnon de pain pour mettre dans notre paquet.

II.  Si vous n’avez rien dans l’armoire, fourrez quelques patards ou bien un bon vieil escalin ; nous vous remercions bien. Nous avons envie d’un bon festin. Et ce que vous nous donnerez ce sera pour tous.

III. Au revoir donc, bien-aimée, c’est fait pour cette année, mais nous espérons bien revenir l’an prochain. Venez nous (p.88) voir à notre festin, vous y trouverez la gaieté. Bonne nuit et bonne santé).

Rumèrcihans cès brâvès djins (bis),

Qui nos-ont payî si lârdjumint (bis).

Èspèrans qu’ à l’ ânée, si n’ ruv’nans co,

Vos mètroz co (bis)

Duvins nosse bot (remerciement).

 

(Remercions ces braves gens, qui nous ont rétribués si largement. Espérons que l’année prochaine, si nous revenons en­core, vous mettrez encore dans notre hotte).

Tchantans co po r’mèrci cès brâvès djins

Qui nos-ont payî si lârdjumint.

Nos dîrans do bin d’ vos

Wice quu n’ frans nosse frikot,

Et nos v’ criyans :

Adjus’, dusqu’à d’vins on-an (remerciement).

 

(Chantons encore pour remercier ces braves gens qui nous ont rétribués si lar­gement. Nous dirons du bien de vous où nous ferons notre fricot, et nous vous crions : Adieu, jusqu’à l’année pro­chaine).

Si les personnes sollicitées étaient de mauvaise composition, on leur balançait une chanson plutôt crue :

(Nous venons quêter à la petite flamme, le Jean-Gérard n’a plus de seins. Ils sont si ratatinés qu’on ne peut plus les voir).

 

PAYS DE HERVE :

– Blégny : Des enfants circulent dans la localité pour quêter, à l’occasion de l’Epi­phanie. Ils sont peu déguisés. Aujourd’hui, la tournée est surtout le fait d’enfants d’im­migrés (113).

Jusqu’en 1865 environ, des membres de la famille Cresson, des indigents provenant de Blegny-Trembleur, partaient de cette lo­calité et se rendaient à La Préaile (Herstal) en entonnant une chanson des trois Rois, en treize couplets (114). «Les collecteurs étaient toujours à trois : trois hommes, ou deux hommes et une femme. Deux de ces personnages étaient habillés de grandes blouses, l’une blanche, l’autre rayée de blanc et de bleu ; ils portaient des chapeaux coniques, ornés de noeuds d’étoffe de cou­leur. Le troisième, qui représentait « Le Roi noir», se basanait la figure; il était coiffé d’un turban; il portait une bourse attachée à un long manche, et au-dessous de laquelle pend [sic] une petite sonnette ». À la fin du siècle dernier, la coutume subsistait encore, mais les Cresson ne se rendaient plus jus­qu’à Herstal, la gendarmerie locale leur ayant signifié qu’ils y étaient personae non gratae (115).

À Trembleur même, la quête se faisait surtout le 1er janvier autrefois (116).

– Ayeneux (Soumagne) : Des enfants et même    des    adultes    quêtaient    gaufres, pommes, monnaie… en entonnant ce chant :

Nos v’nans hèyî à l’ flaminète,

Lu Tchan-Djèrâ n’ a pus dès tètes,

Eles sont si rakètchîes

Qu’ on n’ lès pout pus loukî (112).

C’ è-st-oûy lès hés,

I n-a pus dè l’ misére.

Fez nos lès wafes,

Nos sèrans braves.

Ô p’tit bokèt d’ galèt

Po mète è nosse cafè,

Ô p’tit bokèt d’ djambon

Po fé goter (ou glèter) nosse minton.

Sitrumez-me, nosse Dame,

Dji prèyerè l’ bô Dju qui v’ mète

Divins ‘ne sinte èt ureûse an.nêye

(ou: Sitrumez-me, nosse Dame,

Ci n’ èst qu’ ène fêye so èn-an) (ou: so l’an) (117).

 

(C’est aujourd’hui les quêtes, il n’y a plus de misère. Faites-nous des gaufres molles, nous serons braves. Un petit mor­ceau de gaufre dure pour mettre dans no­tre café, un petit morceau de jambon pour faire goûter (ou baver) notre menton. Etrennez-moi, notre Dame, je prierai le bon Dieu qu’il vous place dans une sainte et heureuse année) (Etrennez-moi, notre Dame, ce n’est qu’une fois par an).

Ce chant semble cependant avoir été em­prunté au répertoire des quêtes de nouvel an.

– Dison : Les enfants viennent quêter à l’Epiphanie. Ils sont costumés et chantent ce couplet, emprunté aux quêtes de la nou­velle année, très populaires dans la région de Thimister :

Bondjoû, Madame, nos v’nans hêlî,

Eune bone annêye àv’s sohêtî.

Ifêt sifreûd chai so lès pires,

I n’a m’ nez qui djale come eune pètèye crompîre.

 

(Bonjour, Madame, nous venons quêter, une bonne année à vous souhaiter. Il fait si froid ici sous les pierres, mon nez gèle

comme une pomme de terre cuite sous la cendre).

On les récompense en leur donnant des pièces. La tradition existait aussi à Otto-mont, où cet air était également utilisé, mais elle y a disparu (118).

– Verviers : D’après Jean Wisimus, au­trefois, les enfants quêtaient le soir du 5 janvier chez les commerçants de leur quar­tier. Ceux-ci leur donnaient des vivres de toute nature. Ces quêtes, lès hèles, s’ac­compagnaient de couplets que les enfants reprenaient tous en choeur. En voici, deux, publiés par l’auteur verviétois :

C’ è-st-oûy lès hèles,

I n-a pus dè l’ misére;

C’ èst tos hélieûs,

I n-a pus dès bribeûs.

Seûyîz nos braves,

Apwèrtez nos dès wafes,

On p’tit brikèt (ou: bricelèt, croissant au sucre)

Po mète è nosse cafè ».

(Variante notée par Joseph Meunier :

Fez-nos lès wafes

On bon galèt

Po mète è nosse bansetè.)

(Variante de Henri Poetgens :

Avoyîz-nos dès wafes,

ô p’tit brècelèt

Po mète è nosse cafè.)

(Variante d’Emile Détaille :

Fez-nos lès wafes,

Vos sèrez bin braves.

On bon bricelèt

Po mète è nosse cafè).

(Autre variante d’Emile Detaille :

Sèyîz-nos braves,

Fez-nos lès wafes,

Lès wafes èt lès galèts

Po mète è nosse pakèt).

 

(C’est aujourd’hui les quêtes de l’Epi­phanie, il n’y a plus de misère; ce sont tous des quêteurs, il n’y a plus de men­diants. Soyez brave à notre égard, appor­tez des gaufres molles, un petit quignon de pain (un croissant au sucre) pour met­tre dans notre café (Faites-nous des gau­fres molles, une bonne gaufre dure pour mettre dans notre panier) (Envoyez-nous des gaufres molles, un petit croissant au sucre pour mettre dans notre café) (Faites-nous des gaufres molles, vous se­rez bien brave. Un petit croissant au su­cre pour mettre dans notre café) (Soyez brave à notre égard, faites-nous des gau­fres molles, des gaufres molles et des dures pour mettre dans notre paquet).

Al hèle, ô Dame, dju vin hélî,

C’ èst po vèy çou qu’vos m’ dôrez,

On p’tit côp d’ vosse bîre,

Ôte tchwè, c’ èst todi bon,

Tot-à fêt vêt bèn à pont

Po lès pôvès djins

Qui n’ ont ré po d’min.

One pitite saqwè

Po lès haveteûs d’â Tchèt (tondeurs de l’établissement Simonis, situé au lieu-dit â Tchèt, à Verviers).

les pauvres gens qui n’ont rien pour de­main. Une petite chose pour les tondeurs du Tchèt).

Les chanteurs recevaient de la «couque», un morceau de gâteau, du café, de la tarte, des pieds de porc, des gaufres, du genièvre (119)…

Joseph Meunier a recueilli d’autres chan­sons de quête. En voici les textes :

I fêt si freûd voci so lès pîres,

A m’ nez qu’ èdjale come one crôpîre

Èt mès deûts tot à crandjons.

Binamèye Madame, i n’ fêt né bon.

Avoyîz-nos ‘ne pitite hèle, Madame, s’ i v’ plêt.

 

(Il fait si froid ici sur les pierres, mon nez gèle comme une pomme de terre et mes doigts se tortillent. Bien-aimée Madame, il ne fait pas bon. Apportez-nous une pe­tite récompense, Madame, s’il vous plaît).

Bôdjou nosse Dame, dju vé héli.

Dj’ a-st-ô sètch qui têt treûs stîs.

Boutez foû ! Boutez d’vins !

Dusqu’à tant qu’ i seûye tot plin.

 

(Bonjour, notre Dame, je viens quêter. J’ai un sac de trois setiers. Tirez hors! Fourrez dedans ! Jusqu’à ce qu’il soit tout plein). (…)

Lès treûs Marèye qui s’ è vont

– Quu qwèrez-ve, don, Marèye ?…

– Nos qwèrans l’ Èfant Jésus.

Nos n’ savans là qu nos l’ troûverans.

– Vos l’ troûverez à l’ aube dè l’ creûs

Inte lès deûs larons pindant!…

Marèye qu’ est toumèye.

Ayez pitié de son enfant.

Saint Djuhan qu’ èsteût tot près

El rulîve tot plorant…

Avoyîz-nos vosse hèle

En l’ oneûr dè Rwè pwissant.

 

(Les trois Marie qui s’en vont. – Que cherchez-vous donc Marie?… – Nous cherchons l’Enfant Jésus. Nous ne savons pas où nous le trouverons. – Vous le trouverez à l’arbre de la croix, pendant entre les deux larrons!… Marie est tom­bée. Ayez pitié de son enfant. Saint Jean qui était à proximité la relève en pleu­rant… Envoyez-nous votre récompense en l’honneur du Roi puissant).

A l’ hèle, ô l’ Dame, ô l’ vète èplausse.

A l’ mêsse qu ‘a tchî tot plin s’ cou-d’-tchausse !

Flèyau, Dame, à l’ flaminète (vengeance) (120).

 

(À la quête, ô la Dame, ô la verte emplâ­tre. Le maître de céans a chié dans sa cu­lotte ! Fléau, Dame, à la petite flamme).

Ces deux chants, dont le dernier n’était entonné qu’en cas de refus de donner quoi que ce soit, ont été notés par Joseph Meu­nier d’après un article de l’auteur wallon Nicolas Grosjean, publié dans Le Jour.

L’Aurmonak de l’ foleie donnait d’autres formules vengeresses, provenant proba­blement de la cité lainière :

Madame n’ èst nin là :

Ile a fêt ô faus pas,

Ile a toumé so s’ nez.

 

(Madame n’est pas là : elle a fait un faux pas, elle est tombée sur son nez).

Lu mêsse est sûr au lieû :

‘l a mèsauhe, lu pouyeû.

 

(Le maître (de céans) est certainement aux toilettes : il a besoin, le radin).

Pelé Mossieû, pèlèye Madame.

 

(Homme avare, femme avare. Formule inspirée des cris vengeurs poussés à la sortie des baptêmes).

En cas de mauvais accueil, notait Jean Wisimus, on avait le choix entre les trois couplets suivants :

‘l a l’ diâle è s’ tchapê!

‘l a l’ diâle è s’ tchapê (pour un homme).

 

(Il a le diable dans son chapeau).

 

A l’ hèle, ô Dame, à l’ flaminète,

Lu fame du chal a s’ cou qui pète (pour une femme).

 

(À la quête, ô Dame, à la petite flamme, la femme d’ici a son cul qui pète).

 

A l’ hèle, ô Dame, à l’ flaminète.

L’ ome du chal n’ a pus nole mizwète :

(p.92) On lî a côpé avou ‘ne cisète,

On l’ a rosti èn-one pêlète (121).

 

(À la quête, ô Dame, à la petite flamme. L’homme d’ici n’a plus de petite souris (sexe) : on lui a coupé avec des ciseaux, on l’a rôtie dans un poêlon).

Joseph Meunier notait que parmi les quê­teurs, il s’en trouvait un qui tenait une hotte pour recevoir les dons en nature et un autre qui se chargeait de la bourse. Souvent un membre de la bande se noircissait le visage. Ces groupes étaient souvent formés d’indi­gents, mais aussi déjeunes ouvriers.

Parfois, les quêteurs allaient trois par trois et se costumaient en Rois. L’un se noircissait le visage avec de la suie. Ces groupes chantaient surtout le célèbre « Melchior et Balthasar… » (122).

–   Lambermont (Verviers):  Jadis, les jeunes gens se réunissaient à l’Epiphanie, pour aller quêter dans les commerces et les maisons. Ils entonnaient  la chanson de quête notée par Jean Wisimus (première version) et, lorsque la personne sollicitée se montrait chiche, l’un des trois couplets ven­geurs recueillis par le même auteur (123).

–  Charneux (Hervé) : Le 5 ou le 6 jan­vier, de petits groupes d’enfants viennent hêlî à l’occasion de l’Epiphanie. Lorsqu’ils sont trois, ils figurent chacun un Roi mage. Deux sont alors grimés en noir et en jaune. Quand un quatrième apôtre se joint à la bande, il porte l’étoile (124).

Parfois, jadis, des mendiants non dégui­sés et provenant de Hervé venaient égale­ment quêter dans le village (125).

–  Herve : Jadis, la ville était parcourue par trois jeunes garçons, plus ou moins dé­guisés, qui figuraient les Rois mages se ren­dant à Bethléem. Ils chantaient aux portes la chanson des trois Rois. Un des enfants portait une hotte, un autre avait le visage noirci pour figurer le Roi noir. Il agitait une sonnette fixée à un bâton (126).

–  Froidthier (Thimister) : Quelques en­fants viennent quêter de maison en maison, comme pour la nouvelle année (127).

– La Minerie (Thimister) : Entre trente et quarante enfants font la quête de l’Epipha­nie. Ils se déplacent par groupes de trois ou quatre. Un des membres de la bande est gri­mé comme s’il s’agissait d’un noir. Un au­tre porte souvent une étoile. Parfois, un quêteur joue d’un instrument pendant que les autres chantent (128).

–  Thimister : On fait aussi la quête des Rois au village, même si c’est celle de la nouvelle année qui semble remporter le plus de succès. Les quêteurs se déguisent en Rois mages pour celle de l’Epiphanie. Ils entonnent les mêmes chansons tradition­nelles que celles que l’on chante pour la quête de la nouvelle année (129).

–  Bilstain (Limbourg) : Durant toute la soirée du 6 janvier, les enfants vont par pe­tits groupes, vêtus de hardes, pour hèlî à l’occasion de l’Epiphanie. On les invite à chanter le traditionnel Bondjoû, Madame… (voir la notice sur Dison). Ceux de Bilstain vont aussi à Clermont (Thimister) (130).

Quête de la nouvelle année à Thimister, 31 décembre 1987 (Photo Y.B.).

–  Dolhain (Limbourg): D’après Ro­dolphe de Warsage, jadis, on chantait:

Hèyî, nosse Dame, dji vin hèyî.

Voste amoureûs m’ a-st-èvoyî

Po-d’zos lès grés di vosse plantchî.

Djambe di bwès ! Djambe d’ohê !

On p’tit rondê è m’ sètchê.

Lès treûs rwès vu d’mandent

Qui vos fîhes l’ ofrande.

Tchantez ! Plantez !

Dusqu’à Pâke èt Noyé,

Totes lès-eûres qui vont soner.

On p’tit [sic] hèle, do (dô ?), Madame,

Dj’ a si bin tchanté.

 

(Quêter, notre Dame, je viens quêter. Vo­tre amoureux m’a envoyé par dessous les marches de vôtres plancher. Jambe de bois! Jambe d’os! Une petite rouelle dans mon sachet. Les trois Rois vous de­mandent que vous passiez à l’offrande. Chantez! Plantez! Jusques Pâques et Noël, toutes les heures qui vont sonner. Une petite récompense, Madame, j’ai si bien chanté).

Cette chanson fait clairement référence à trois Rois qui quêtent. Le fait que ce soit l’amoureux qui envoie les enfants, selon leurs dires, semble révélateur de la croyance qui voulait que dans certaines conditions la personnalité du quêteur soit un bon présage matrimonial ou un gage de prospérité.

C’était notamment le cas lorsque le premier vendeur de nûles qui se présentait chez une jeune Liégeoise était un garçon (131).

– Limbourg : Les hèles se faisaient les 4, 5 et 6 janvier. On entonnait une chanson longue. Si la personne sollicitée refusait de donner, on chantait :

Hêlî Dame à l’ vète èplausse,

A l’ fame du voci

qu’ a tchî è s’ cou-d’-tchausse (ou Hêlî Dame à l’ clarinète…)

 

(Quêter, Dame, à la verte emplâtre, la femme d’ici chie dans sa culotte) (ou Quê­ter, Dame, à la clarinette…) (132).

– Membach (Baelen) : Le 6 janvier, sur­tout en soirée, les enfants viennent sonner aux portes pour recevoir des galettes, des friandises et de l’argent. Ils sont déguisés en Rois. Ils portent barbes et couronnes. Deux sont blancs, le visage du troisième est noirci. Une douzaine de groupes circulent. Ils entonnent « Melchior et Balthasar…», en français. Avant la deuxième guerre mon­diale, le répertoire était plus fourni.  On chantait en allemand et en patois germani­que (133).

La quête de Membach n’est pas sans rap­peler la tradition telle qu’elle se perpétue en Rhénanie et dans une grande partie de l’Al­lemagne.

 

Après avoir passé en revue toutes les at­testations de la partie de la province de Liège relevant de la Communauté française, il convient de tirer quelques conclusions :

1. L’origine du terme hêli et de ses déri­vés fit l’objet de plusieurs hypothèses. Maurice Delbouille a rédigé un savant arti­cle à ce sujet. Ses informations étaient erro­nées cependant quand il affirmait que la quête du 31 décembre a disparu. Il n’en est rien. Elle est toujours bien vivante, notam­ment dans les environs de Thimister.

Au sujet du verbe heel, Jean Haust écri­vait : «Descendons la Meuse vers Maes-tricht et le Limbourg, et nous rencontrerons le moyen-néerlandais heel (d’où geheel), correspondant au gothique hail-s, à l’ancien

et au moyen haut-allemand heil, à l’anglo-saxon haël (d’où l’anglais whole), etc., qui ont à la fois le sens d’augurium, de bonne santé et de bonheur. – Dans l’ancienne Ger­manie, le nominatif de cet adjectif servait de formule de salutation. Le vieux haut-al­lemand connaît aussi un verbe heilisôn au-gurari. Hêli, qui s’est conservé à l’est de la province de Liège, c’est souhaiter à quel­qu’un le heel» (134).

2.   Plusieurs  indices  prouvent  que  les chansons de quête utilisées en province de Liège sont anciennes. Ainsi, à Spa, Malme-dy et Stavelot, on parlait de skèlins, tandis qu’à Fairon, Comblain-la-Tour et Malme-dy, on évoquait les patards, monnaies de l’Ancien Régime. En maints endroits, on compte aussi en setiers (stîs) pour remplir les paniers. Ce mot, qui finit d’ailleurs par ne plus être compris, fut déformé par cer­tains   quêteurs.   En   outre   les   chansons contiennent de nombreux mots archaïques.

3.  L’évolution des quêtes, lorsque l’on peut l’esquisser,  amène  à la conclusion qu’elles furent souvent effectuées par les adultes, mendiants ou non, autrefois. Ils é-taient cependant  imités par les  enfants. Moins ailiers, ceux-ci ont mieux maintenu la coutume. En ce qui concerne l’appropria­tion des quêtes d’adultes et de jeunes gens par les enfants, il faut se garder de conclure trop rapidement, comme nous y invite Ar­nold van Gennep (135). En tout cas, il est certain   que   dans   diverses   localités,   les adultes et les jeunes gens furent les pre­miers à abandonner la quête. Mais on ne peut pas affirmer qu’il y eut un glissement généralisé  vers   la  catégorie  d’âge  infé­rieure. En effet, les enfants semblent quêter depuis longtemps dans de nombreux en­droits. Une analyse au cas par cas s’avére­rait nécessaire, pour autant qu’on puisse l’envisager.

4. Aujourd’hui, le produit de la collecte consiste surtout en argent et en friandises. Leur nature a cependant évolué : aux fruits (p.95) et aux pâtisseries, ont succédé les bonbons, les «chiques», d’aujourd’hui.

Néanmoins, les chansons de quête nous permettent de dresser un tableau des vic­tuailles et des objets dont on gratifiait les quêteurs.

Ils recevaient souvent de la viande, géné­ralement de porc : du lard (Filot, Lincé, (p.96) Sprimont), la queue du cochon (Sougné-Re-mouchamps), de la saucisse (Lincé et Spri­mont), des morceaux de jambon (Lincé, Sprimont, Liège, Ayeneux, Sougné-Remouchamps, Florzé) ou des côtes de porc salées (Lincé, Sprimont, Liège). A Sougné-Remouchamps, on note aussi le don de quar­tiers de mouton.

Les quêteurs recevaient aussi des fruits : noix (région de Spa), pommes (Oneux, Ayeneux), poires cuites (Mont).

Mais c’étaient les mets préparés avec des denrées panifiables qui se taillaient la part du gâteau : gaufres (Comblain, Sougné-R-mouchamps, Aywaille, Chambralles, Kin, Xhoris, Juslenville, Polleur, Spa, Stavelot, Malmedy, Ayeneux, Verviers), tartes (Verviers), cougnous (Xhoris), galets (Fairon, Comblain-la-Tour, Comblain, Sougné-Re-mouchamps, Aywaille, Xhoris, Juslenville, Polleur, Ayeneux, Verviers, Florzé, région de Spa), crènés (Malmedy), quignons de pain (Malmedy, Verviers), pains (Oneux), tartines de makêye (Juslenville), couques (Verviers), croissants au sucre (Verviers), gâteaux (Lincé, Sprimont, Dolembreux, Liège, Spa) et boûkètes (région liégeoise). On donnait aussi de la farine de seigle ou de froment (Verviers, Gomzé-Andoumont).

Le morceau de gâteau donné aux quê­teurs était parfois nommé la pârt-Dièw, ap­pellation qu’on trouve également attestée dans certaines régions françaises (136). Ce don d’un morceau de gâteau des Rois sem­ble plutôt lié aux centres urbains, notam­ment à la Cité ardente, où le gâteau du 6 janvier semble avoir joui d’une plus grande popularité que dans les campagnes.

Pour préparer toutes ces victuailles, les quêteurs ont probablement sollicité des dons en combustible, autrefois. Ainsi, à Spa et Gomzé-Andoumont, on demandait des crahês (morceaux de houille incomplète­ment brûlés).

Certains dons semblent avoir été exclusi­vement réservés aux adultes et aux jeunes gens. C’est le cas des cigarettes et des ci­gares (Fairon et Comblain-la-Tour). De même, les boissons alcoolisées devaient être destinées aux aînés. On s’étonnera ce­pendant que le genièvre ne soit attesté qu’une seule fois, à Verviers, alors que les quêtes se déroulent en plein hiver. Les chansons font parfois allusion au vin (Tilff, Liège, Sougné-Remouchamps) et à la bière (Juslenville, Liège, Spa et Verviers). On ne sollicite le don de café qu’à Xhoris et Ver­viers.

Le don d’argent n’est pas récent, ainsi que l’attestent les mentions de patards et d’escalins. Néanmoins, il devait être peu fréquent autrefois, car la monnaie était rare dans les campagnes.

5. Lors de leur tournée, les hèyeûs sancti­fient et purifient les maisons qu’ils visitent. Cette quête est — nous l’avons déjà dit — un gage de prospérité pour les visités ainsi qu’un geste de protection de la maisonnée.

Et si l’on ne se montre pas généreux, on risque, comme à Sougné-Remouchamps, de s’entendre souhaiter le diable dans la mai­son toute l’année. Dès lors, il n’est pas é-tonnant que, parfois, le quêteur fasse allusion à une demande émanant du maître des lieux.

C’ è-st-en hèyant, dji vin hèyîr

Li mêsse di chal m’a-st-avoyî

Il a dit qu’ vos m’ dinahîz

On bokèt d’ wastê d’ vosse boldjî

Dji v’s-èl rindrè divins in-an

Ca ç’t-an.nêye chal, dj’ a pris dè pan (137).

 

(C’est en quêtant, je viens quêter, le maî­tre de céans m’a envoyé. Il a dit que vous me donneriez un morceau de gâteau de votre boulanger. Je vous le rendrai dans un an car cette année j’ai pris du pain).

Il doit exister un certain parallélisme en­tre les quêtes de l’Epiphanie et la fertilité que l’on demandait à d’autres occasions, notamment lors des tournées de la Saint-Grégoire (12 mars). D’ailleurs, ne retrouve-t-on pas une allusion à des oignons pourris dans une des chansons de quête notée à Sougné-Remouchamps par Jean-Denys Boussart? De même, à Fairon (Hamoir) par exemple, les quêteurs «allaient à l’of­frande» et demandaient les « biens de l’été». Ils se posaient en quelque sorte en intercesseurs pour obtenir la fertilité et de bonnes récoltes. Enfin, les quêteurs incitent ceux qu’ils visitent à planter après leur vi­site.

La quête a dû aussi jouer, comme la vente de la nûle, un rôle matrimonial, ainsi que le laissent penser les formules recueil­lies à Dolhain (Limbourg) et Oneux (Comblain), où l’on demande de l’or, qui devrait permettre de marier tos vos bês p’tits-èfants.

Dans l’extrait de chanson d’Adam de la Halle, les quêteurs s’adressaient déjà aux a-moureux.

6. Les formules de réprobation qu’enton­nent les quêteurs pastichent souvent la chanson de bénédiction. Les quêteurs sont alors grossiers. Ils font fréquemment allu­sion à la constitution physique peu avanta­geuse des habitants.

Mais il leur arrive aussi de proférer de réelles menaces à l’égard des avares. Ainsi, à Spa, on chantait l’histoire d’une dame qui refusa l’aumône à Dieu personnifié par un pauvre et que l’on retrouva morte devant son crucifix, le lendemain (138). Voici le texte de la chanson, tel qu’il fut publié en 1938 :

«C’était not’ Sauveur Jésus-Christ

Qui s’en va porte à porte pour demander sa vie

II lui dit : «Madam’ enfin,

Vous plaît-il de m’ donner un petit morceau de pain? »

Madam’ lui répond : «C’est certain

Je n’ sais qui que vous et’s et je n’ai pas de pain

Allez-vous en chercher :

Allez, ce que j’achète, ce n’est pas pour donner».

Hélas Madam’, à quoi pensez-vous, De refuser l’aumône à Jésus si doux? Pensez à votre fin

Sûr et certain que vous mourrez demain. Le lendemain, de grand matin

On trouva Madam’ morte devant son crucifix.

On fit la procession.

A l’entour de la ville, avec grand’ dévotion.

Madam’ est morte, chose assurée. En dehors de l’église on l’a enterrée Elle est morte sans confession

Pour refuser l’aumône à Jésus tout-puissant».

Les quêteurs jouent parfois sur le qu’en-dira-t-on. Ils crient leurs formules gros­sières pour qu’elles soient bien entendues de tous. Parfois, en cas d’accueil favorable, ils assurent aux habitants qu’ils diront du bien d’eux dans les autres maisons (Lincé, Sprimont, Malmedy).

7. La référence à des éléments chrétiens est clairement attestée par la présence de Rois mages dans certaines localités et par le contenu de certaines chansons. Ainsi dans celle-ci, notée par Henri Simon :

C’ è-st-oûy lès hêyes, dji vin hèyî

Ç’ a sti (stî) l’ bon Diu qu’ m’ a-st-avoyî.

Puisque Dieu m’a-t-envoyé,

Vos n’ nos polez don rèfuser

Alez, alez, çou qu’ vos donerez,

È paradis, vos l’ ritroûverez (139).

 

(C’est aujourd’hui les quêtes de l’Epi­phanie, je viens quêter; c’est le bon Dieu qui m’a envoyé. Puisque Dieu m’a en­voyé, vous ne pouvez donc refuser. Al­lez, allez, ce que vous donnerez, au paradis, vous le retrouverez).

De même à Dolembreux (Sprimont), on affirmait que le Bon Dieu renverrait de l’or, un mitchot ou un wastê aux généreux dona­teurs. Nous ne sommes pas loin de la for­mule «Dieu vous le rendra au centuple», classique dans la bouche des mendiants d’autrefois.

Cependant, si l’on excepte le classique «Melchior et Balthasar…», aucun des chants de quête ne semble avoir été compo­sé dans des buts de propagande religieuse. Il s’agit de chants populaires, créés par et pour des laïques. Le vernis religieux ne fait que donner une coloration à la quête.

8. Les chansons véhiculent plusieurs élé­ments symboliques. Parmi ceux-ci, le chif­fre trois. Bizarrement, il ne s’applique que rarement aux Rois mages, dans les chan­sons. On cite bien des rois, mais qu’il ne va pas de soi d’identifier avec les têtes couron­nées qui auraient adoré le Christ. On re­trouve aussi le symbole du chiffre trois dans les mentions des trois setiers et de trois Marie (Winamplanche, Verviers, Do­lembreux), qui semblent pouvoir être iden­tifiées avec les femmes ayant découvert le tombeau vide du Christ.

Plusieurs allusions à la symbolique de la lumière semblent transparaître dans les chansons. On parle de la flaminète, dont s’éclairaient probablement les quêteurs. Le thème de la blanke mohone est aussi récur­rent. Il paraît évoquer une demeure où l’on reçoit un bon accueil. On peut l’opposer à la vête épiasse des couplets vengeurs. La couleur verte a souvent une connotation diabolique dans les récits traditionnels de Wallonie.

9.  Le bruit semble jouer un rôle impor­tant dans les quêtes. Les chants qui ont été notés  sont rarement mélodieux.  On  les scande à tue-tête. En outre, dans quelque cas, on signale l’utilisation d’une clochette (Liège, Tilff, Blegny, Hervé). Il est possible que cet instrument ait anciennement joué un rôle magique, par le bruit qu’il produisait.

10. Le cycle des douze jours est considé­ré comme une période durant laquelle des êtres  maléfiques  peuvent  se  manifester. C’est par exemple le cas des âmes qui n’ont pu trouver une place au paradis. C’est peut-être pour les symboliser que l’on met en exergue la flaminète de la chanson.

D’autres éléments semblent faire réfé­rence à cette croyance au retour des âmes. Ainsi dans la chanson spadoise évoquant la mort de la personne n’ayant pas voulu rece­voir Jésus, on conclut en affirmant que la morte n’a pu être enterrée à l’église.

Une chanson notée par Jean-Denys Boussart à Sougné-Remouchamps est plus expli­cite :

[…] Qwand nos sèrans turtos mwèrts,

 

Nos sèrans è tère boutés ;

 

Nos n’ ârans pus ni fré ni soûr,

 

Qui nos vinront toûrmèter,

 

Si ç’ n’ èst Diaw ou l’ amér Diaw […].

 

 

(Quand nous serons tous morts, nous se­rons portés en terre; nous n’aurons plus ni frère ni sœur qui viendront nous tour­menter, si ce n’est le diable et l’amer dia­ble).

Un témoin explique qu’il s’agit de petits diables. On peut les comparer avec les vi­sages noircis de certains des Rois, qui, au-delà de la référence aux mages, semblent indiquer qu’ils viennent d’outre-tombe.

Ces quelques éléments semblent attester la survivance de visites des esprits des morts qu’il faut apaiser par des dons et qu’ils faut récompenser car ils sont redouta­bles (140).

Mais il serait bien hasardeux de conclure trop rapidement. Les attestations anciennes font défaut pour établir une véritable filia­tion avec des usages remontant au haut Moyen Âge ou encore avant. Ainsi que le notait Arnold van Gennep : « II se peut que les Gallo-Romains aient eu des tournées de quêtes et des distributions d’étrennes; mais aucun texte ne le prouve. De même des Mé­rovingiens et des Carolingiens» (141).

11. Les quêtes de l’Epiphanie ne sem­blent pas être, comme le pensait Maurice Delbouille, la répétition d’autres coutumes liées au début de l’année. En effet, on n’y trouve pas ou peu d’éléments rappelant la Noël. Dans les chansons, on ne cite que ra­rement les boûkètes ou les cougnous. En outre, le répertoire de chansons de la nou­velle année ne correspond guère avec celui des Rois. Enfin, si la quête des Rois avait jadis eu comme fonction de marquer le dé­but de l’année, on aurait certainement trou­vé plus de mentions d’étrennes ou d’un renouvellement calendaire qu’on en voit ap­paraître dans les chants repris ci-dessus. Dès lors, dans l’état actuel des recherches, il faut considérer la quête de l’Epiphanie comme une manifestation relativement ori­ginale dans le calendrier folklorique lié­geois. Il ne s’agit point d’un nouvel an «ersatz».

Les quêteurs ne se considèrent pas comme des bribeûs, des mendiants, mais plutôt comme des hèyeûs. Leur fonction est donc étroitement liée au jour de la quête. Sonner aux portes avant ou après relevait, dans l’esprit populaire, de la mendicité. Cette conception confère au jour des Rois et aux quêtes un caractère solennel tout parti­culier et contribue à en faire une étape char­nière du cycle traditionnel annuel qu’il convient de mettre en valeur et de sauvegar­der, au même titre que nos carnavals ou nos grands feux.

 

Yves BASTIN

 

Notes

(La rédaction remercie Mme Marie-Thérèse Cou-net, dialectologue, pour les précieux conseils qu’elle a bien voulu donner lors de la relecture des textes en wallon).

(1)  Les textes de la région de Stavelot et la men­tion hutoise sont cités par L. marquet, Origine d’un type carnavalesque : le vèheû de Malmedy, Bruxelles, Commission royale belge de Folklore. Section wal­lonne (Collection Folklore et Art populaire de Wallo­nie, vol. VI), p. 21, d’après Les Records des Coutumes du Pays de Stavelot, édités par É. Poncelet, M. yans et G. hansotte, Bruxelles, 1958, pp. 264, 234 et 353, et G. cohen, Mémoires de l’Académie royale de Bel­gique. Classe des lettres, 2e série, t. XII, 1953, p. 173. Pour l’attestation de 1516, voir J.G. schoonbroodt, Inventaire analytique et chronologique des archives de l’abbaye du Val-St-Lambert, lez-Liège, t. II, Liège, 1880, p. 138.

Repris notamment dans A. body, Recherches sur le folklore de Spa, dans Wallonia, t. VII, 1899, p. 190, et R. thisse-derouette, Quêtes de l’Epiphanie. Grou-mote et vèheû, dans Ardenne et Famenne, n° 1, 1963, p. 34.

(2)  M. delbouille, A propos de «hèyî-hélî», dans Bulletin du Dictionnaire général de la Langue wal­lonne, t. XVI, pp. 46-52.

(3)  H. simon, Quatre comédies liégeoises, Liège, 1936, p. 59 (Collection «Nos dialectes», n° 5).

(4) O. colson, Le jour des Rois, dans Wallonia, 1.1, 1893, p. 5.

(5) M. René Gentes (Les Awirs).

(6) Mme Marie-Thérèse Herman (Glons).

(7) L’utilisation de cet instrument populaire dans le cadre  des  quêtes  de  l’Epiphanie  était  également connue en Flandre française et en Flandre belge. Cfr A. van gennep, Manuel de folklore français contem­porain, t. I, vol. VII, Paris, 1958, p. 2915. Voir aussi E.   closson,   Chansons populaires  des provinces belges. Anthologie, 2e éd., Bruxelles, 1905, p. 36.

(8) E. freson, Folklore. Les Rois, dans Bulletin du Vieux-Liège, t. VI, 1961, p. 44.

(9)  Mme Marguerite Baré et abbé Charles Gillard (Villers-Saint-Siméon).

(10)   A. collart-sacré, La libre seigneurie de Herstal. Son histoire, ses monuments, ses rues et ses lieux-dits, 1.1, Liège, 1927, p. 70.

(11) Société archéo-historique de Visé et des sa Ré­gion. Bulletin officiel, n° 7, mars 1934, p. 19.

(12)  Atlas linguistique de la Wallonie <=ALW), t. HI, Liège, 1955, p. 314.

(13)  Échos de  Comblain  (=EC),  février  1957, p. 13.

(14) EC, mars 1957, p. 22.

(15) EC, avril 1957, p. 31.

Version quelque peu différente publiée dans EC, jan­vier 1971, p. 4.

(16) EC, janvier 1960, p. 5, et janvier 1971, p. 5.

(17) Mme Nicolay-Halleux (Comblain-la-Tour).

(18) La veille des Rois, dans Études comblinoises, n° 8, novembre 1936, p. 68.

Également cité par Emile Détaille pour la «région lié­geoise». Cfr EC, mars 1957, p. 21. Le même auteur cite un autre chant comblennois offrant des simili­tudes avec la version citée, ainsi qu’un autre chant fort semblable provenant de Fraiture (Sprimont). Cfr EC, janvier 1959, p. 1; janvier 1960, p. 4; janvier 1957, p. 2.

(19) La veille des Rois, dans Études comblinoises, n° 8, novembre 1936, p. 68.

Version semblable, à quelques détails près, citée par Emile Détaille pour la région verviétoise. Cfr EC, jan­vier 1960, p. 6.

(20) EC, janvier 1960, p. 5.

(21) EC, février 1957, p. 14.

(22) M. Louis Defgnée (Mont).

(23)  EC, avril 1957, p. 31, janvier 1959, p. 1, et, janvier 1980, p. 4.

(24) EC, février 1959, p. 13.

(25) EC, janvier 1960, p. 4.

(26) EC, janvier 1960, p. 5.

(27)  Soeur Marie-Pierre, Mmes Etienne et Rachel Malempré (Sougné-Remouchamps).

(28) Également donné par Emile Détaille. Cfr EC, février 1957, p. 14.

(29) Chanson également notée à Filot. Elle servait aussi de chanson de quête à Oneux (Comblain) avant 1914, à Sprimont et Louveigné (Sprimont). Cfr Chan­sons populaires de l’ Ardenne septentrionale (Lorcé et Filot), recueillies par É. senny, publiées et commen­tées par R.  pinon, vol.  1, Bruxelles, Commission royale de Folklore, 1961, p. 7. Elle est reproduite dans le vol. 2, 1962, pp. 122-123.

(30)   Jean-Denys Boussart ajoute à cet endroit, d’après Rachel Malempré :

« Apportez au moins Une bouteille de vin Et un bon jambon, Un quartier de mouton».

(31) Mme Rachel Malempré (Sougné).

(32)  Version très proche recueillie à Aywaille par Emile Détaille. On y parle de trois porcs, dont un a été engraissé aux carottes et deux aux navets. Cfr EC, avril 1957, p. 31.

(33) C’était la chanson des vieux parents Laguesse, les passeurs d’eau de Sougné, que la grand-mère d’un des  témoins   interrogés  par Jean-Denys  Boussart, morte en 1939 à 72 ans, fredonnait aussi.

Une autre version donne, à l’avant dernier vers : «Si ç’ n’est l’ Diaw et la mère Diaw, cès-là sont pwissants assez».

Selon les témoins, il s’agirait de petits diables (pour la première version) ou de Dieu et de la mère de Dieu (dans le cas de la seconde).

(34) J.-D. boussart, Au pays des «Gad’lîs», dans Li Clabot, janvier 1973, pp. 6-7.

(35) MM. Hayebin, Albert Renard et Fernand Bas-tin (Awan).

(36)  Mme Vilenne, abbé Michel Reginster (Dieu-part), M. Carpentier (Aywaille).

(37) £C, avril 1957, p. 31.

(38)    Mme   Germaine   Pêcheur-Copay   (Cham-bralles).

(39) £C, janvier 1960, p. 5.

(40) Mme Etienne (Deigné).

(41) EC, janvier 1960, p. 5.

(42) EC, janvier 1960, p. 5.

(43) M. René Amand (Harzé). Voir aussi ALW, t. III, 1955, p. 314.

(44) ALW, t. HI, 1955, p. 315.

(45) EC, février 1957, p. 14.

(46) EC, avril 1957, p. 31.

Cette chanson a probablement été inspirée par celles des hêlieûs du plateau de Hervé, qui quêtent le soir du 31 décembre.

(47) Mmes Lejeune et Marie Minguet-Bonmariage (Houssonloge).

Version légèrement différente notée à Comblain-au-Pont par Emile Détaille (Bon’ nul, nosse Dame…Guis-qu’à…). Idem à Chambralles (Aywaille) (hormis Djusqu’à). Cfr£C, février 1957, p. 14.

(48) Mme Jeanne Monseur (Remouchamps), Mme Ghislaine Léonard-Herbet et M. François Léonard (Kin).

(49) Mme et M. Bonfond (Martinrive).

(50) Mme Defossé (Niaster).

(51)  Mme Paula Delbouille-Cadet et diverses per­sonnes vues au village, en janvier 1988.

(52) J.-D. boussart, Au pays des «Gad’lîs», dans Li Clabot, janvier 1973, p. 6.

(53) M. Christophe Godinas (Paradis).

(54) M. Raymond Noël (Septroux).

(55) M. Jean Cornet (Stockeu).

(56)  R. de warsage, Folklore wallon, t. I, p. 66 (Ms. conservé à la bibliothèque du Vieux-Liège).

(57) EC, mars 1957, p. 22.

(58) EC, janvier 1960, p. 6.

(59)   Mmes Lemaire et Hansenne (Florzé-Rou-vreux) et M. Jules Mathieu (Lincé).

Emile Détaille avait noté une formule légèrement dif­férente de celle de Houssonloge (A l’ hêye! A l’ hêye! Dji… tot plin). EC, mars 1957, p. 22.

De même à Fraiture, où la formule commençait ce­pendant directement par Dji… et se terminait par tôt plin. Ine pitite hêye, Madame, s’iv’ plêt.

(60) EC, mars 1957, p. 22; janvier 1957, p. 2.

(61) Mme Block (Sprimont).

(62)  Sauf que l’on utilise l’article ine (ligne 6) et que l’on prononce crâs (ligne 3).

(63)  Chanson identique citée pour Louveigné par M. Martin Gavray (Sendrogne).

Il inverse cependant les deux dernières phrases.

(64)  Mme Noirfalise, MM. Charles-Henri Bourge, Fernand Frisée et René Malherbe (Gomzé-Andou-mont).

Le dernier chant est également signalé par M. Martin Gavray pour Louveigné (Sprimont). A noter cepen­dant : «… En chantant… Eunepitite hêye, Madam’, s’i v’ plêt».

(65) M. Jules Mathieu (Lincé).

(66)  H. simon, Quatre comédies liégeoises, Liège, 1936, pp. 57-58 et 70 (Collection «Nos dialectes», n° 5).

Les deux derniers ne sont repris que dans un article de Henri Simon publié dans Wallonia, 1.1, 1893, pp. 200-203.

(67) Le premier couplet, quelque peu modifié, a été noté par Emile Détaille à Florzé, Louveigné (Spri-mont), aux Chambralles (Aywaille) et à Comblain. CfrEC, janvier 1959, pp. 1-2.

A Florzé, on sollicitait le don de farine, de galets ou de jambon.

(68) E. polain, Li neûre paye. Commentaire folklo­rique, Ms. 3305C, bibl. ULg, p. 11..

(69) Abbé Pierre Geron, Mme Delhaes-Fabry et M. Albert Léonard (Louveigné).

M. Martin Gavray (Sendrogne) donne une version rac­courcie de la chanson. On demande la hèye dès après le quatrième vers.

(70) EC, janvier 1960, p. 5.

(71) M. Martin Gavray (Louveigné).

(72) M. René Lecrenier (Sprimont).

Autrefois, on entonnait aussi un couplet commençant par ces mots : C’è-st-oûy lès hêyes… Cfr ALW, t. El, p. 314.

(73) EC, janvier 1960, p. 5.

(74) ALW, t. El, p. 314.

(75) ALW, t. ffl, p. 315.

(76) M. Jules-Florent Hollange (Tilff).

(77) D’après Edouard Monseur. Cfr Wallonia, t. II, 1894, p. 77. L’article reproduit cette chanson, qui était également connue comme ronde à Liège et comme chanson de quête à Stavelot.

(78) M. Dodémont (Trasenster).

(79) Mme Marie Devahive et M. Luc Orban (Xhoris).

(80) EC, février 1957, p. 14. (81)£C, avril 1957, p. 31.

(82)  L. marquet, Origine d’un type carnavales­que : le vèheû de Malmedy, Bruxelles, Commission royale belge de Folklore Section wallonne (Collec­tion : Folklore et art populaire de Wallonie, vol. VI), 1977, pp. 16-24.

(83) EC, janvier 1959, p. 1.

(84) Abbé Robert Werner et M. Louis Beauve (Jus-lenville).

(85) M. Alex Doms (Juslenville).

(86) ALW, t. ni, p. 314.

(87)  O. colson, Le jour des Rois, dans Wallonia, t.I, 1893, p. 6.

(88) E. polain, Li neûre paye. Commentaire folklo­rique, Ms. 3305C, bibl. ULg, p. 10.

Cette formule n’est pas sans rappeler celle citée pour Lincé et Sprimont.

(89) J. defrecheux, Les enfantines liégeoises, dans BSLLW, 1889, pp. 127-128.

(90) M.A.P., dans La Meuse, 9 janvier 1886. Théodore Gobert qui affirme que l’usage subsistait encore durant la première moitié du XIXe siècle, note que les hommes accompagnant les femmes quêtant, «au visage voilé», étaient tous vêtus de blanc. La maî­tresse de maison donnait des restes du gâteau des Rois. Cfr Th. gobert, La fête des Rois. Coutumes, dans Chronique archéologique du Pays de Liège, r année, 1906, p. 10.

(91) EC, mars 1957, p. 21.

(92) £C, janvier 1960, p. 4.

(93) EC, janvier 1960, p. 6.

(94) ALW, t. III, p. 314.

(95) Abbé Joseph Polis (Goé).

(96) D’après les notes de Jean-Louis Wolff. Cfr A. body, dans Wallonia, t. VII, 1899, pp. 188-189.

(97) La référence à ce type de boisson laisse augu­rer que cette quête était précédemment réservée aux jeunes gens plutôt qu’aux enfants. Ce sont les indi­gents et surtout les enfants qui semblent avoir repris à leur compte les traditions délaissées par la jeunesse.

(98) A. body, art. cit., p. 189.

(99) Cahiers ardennais, octobre 1962, pp. 26-27.

(100)  L. marquet, Lès hèyes ou quêtes de l’Epi­phanie, dans Réalités, n° 73, janvier 1989, pp. 25-29. La première chanson avait déjà été publiée en partie par Joseph Defrecheux (art. cit., p. 128).

(101) M. Roland Ledoyen (Winamplanche).

(102) A. body, art. cit., p. 189.

(103)  EC, janvier 1957, p. 2. Cfr ALW, t. III, p. 314.

(104)  L. remacle, Glossaire de La Gleize, Liège, Société de Langue et de Littérature wallonnes (Biblio­thèque de Philologie et de Littérature wallonne, 5), 1980, p. 183.

(105)  D’après Louis Detrixhe. Cfr Wallonia, t. II, 1894, p. 77.

(106)  A. harou, Miettes du folklore de Stavelot, dans Revue des Traditions populaires, t. XXIV, 1909, pp. 247-248.

(107) ALW, t. ffl, p. 315.

(108) O. lebierre, Lyre mâmédiéne, Leipzig, 1901, pp. 32-39.

Pour les traditions malmédiennes, on consultera aussi les notices d’Henri Bragard parues dans VArmonac walon d’ Mâmdî en 1936 et R. houart, Le calendrier folklorique malmédien, dans Folklore Stavelot – Mal-medy – Saint-Vith, t. XLIV, 1980, pp. 103-105.

(109) La Lyre malmédienne, Malmedy, 1972, p. 41. Ce recueil de chants malmédiens reproduit non seule­ment la chanson telle qu’elle est entonnée encore au­jourd’hui, mais aussi un autre couplet, une formule parlée et un couplet de remerciement. Cfr L. lom­bard, La vitalité romane de Malmedy, Verviers, [1931], p. 54. – Fré Mati (= Henri Bragard), dans Ar-monac walon d’ Mâmdî, Malmedy, 1936, p. 7. – EC, mars 1957, pp. 21-22.

(110) R. de warsaoe, Le calendrier populaire wal-lon, Anvers, 1920, p. 180.

Il cite encore une autre version, légèrement différente dans Folklore wallon, 1.1, p. 65 (Ms. conservé à la bi­bliothèque du Vieux-Liège).

La version de Lebierre a également été notée par Emile Détaille, d’après Marie Pausseur, de Malmedy.

(l11)Armonac wallondolSaméne, 1887, p. 57.

(112) Fré Mati, art. cit., p. 7.

(113)  Abbé Arnold Balaes et M. Jules Fontaine (Blegny).

(114) Un extrait de cette chanson avait déjà été pu­blié par Eugène Monseur, à la fin du siècle dernier. Il ne précisait cependant pas la provenance de la version qu’il avait notée. Cfr E. monseur, Le folklore wallon, Bruxelles, 1892, p. 122.

Sur cette même chanson, voir O. colson, dans Wallo-nia, t. VI, 1898, pp. 118-121, et thisse-derouette R., art. cit., pp. 33-38.

(115)   O.  colson,  dans  Wallonia, t. VI,  1898, pp. 120-121.

(116) ALW, t. III, p. 314.

(117) ALW, t. III, pp. 314-315.

(118) MM. Lacroix et Léon Levieux (Dison).

(119)  J. wisimus, Dictionnaire populaire wallon-français   en   dialecte   verviétois,   Verviers,   1947, pp. 221-223.

J. wisimus, Dès rosés et dès spènes, Verviers, 1926, pp. 74-75.

Ces deux chansons ont aussi été publiées par Joseph Meunier dans Verviers. La bonne ville, Paris, Bruxelles, 1932, pp. 155-156, et dans 1651-1951. Ver­viers «bonne ville» a trois cents ans, Verviers, Administration communale, 1951, pp. 62-66. Joseph Meunier signale que le couplet vengeur fut no­té par Joseph Poetgens, sous le pseudonyme Jos. Krahli.

La première est publiée également dans A.-J. ma-thieux, Notes historiques sur Verviers, Ensival…, Ver­viers, Vieux-Verviers, 1928, p. 35. Henri Poetgens ne cite que la première chanson. Il ajoute qu’on l’entonnait devant toutes les demeures et que l’on recevait des couques, des gaufres, des ci­gares, du tabac… Cfr H. poetgens, Souvenirs du Ver­viers ancien, dans Bulletin de la Société verviétoise d’Archéologie et d’Histoire, vol. XI, 1™ partie, pp. 37-38. – E. detaille, dans Échos de Comblain, février 1957, p. 14.

La plus ancienne transcription de la dernière chanson citée a sans doute été publiée par Joseph Defrecheux (art. cit., p. 128). Il ne donne cependant pas les deux dernières lignes de la chanson.

(120) Au rayon des formules de vengeance, citons aussi cette formule, notée par A.-J. Mathieux : «l-a l’ diâle è s’tahe».

(121) J. wisimus, Dès rosés…, p. 74.

(122) 1651-1951…, pp. 64-66.

(123) M. Jean Dourcy (Lambermont).

(124)  MM. Henri Leruth et Félix Moreau (Char-neux).

(125) ALW, t. m, p. 314.

(126)  E. monseur, op. cit., p. 123. Cet auteur re­produit la chanson de quête des enfants (pp. 68-73).

(127) M. Nicolas Jennes (Froidthier).

(128) M. Halleux (La Minerie).

(129) Mme Émerence Bastin (Thimister).

(130) M. J. Peiffer-Kôttgen (Bilstain).

(131) R. de warsage, Folklore wallon, 1.1, pp. 66-67 (Ms. conservé à la bibliothèque du Vieux-Liège).

(132) ALW, t. IH, p. 315.

(133) Abbé Joseph Bastin, MM. Jérusalem, Joseph Beckers et Joseph Vilvorder (Membach) et abbé Her-man Bebronne (Moresnet).

Guillaume Massenaux notait que la coutume était an­térieure à la première guerre mondiale.

(134)  J. haust, dans La Vie wallonne, t. I, 1921, p. 334.

Voir aussi W. von wartburg, Franzôsisches Etymo-logisches Wôrterbuch, t. XVI, livraison 53, Baie, 1956, p. 188.

(135) A. van gennep, op. cit., p. 2975.

(136) A. van gennep, op. cit., pp. 2980-2981.

(137)  Cité par Oscar Colson dans Wallonia, t. I, 1893, p. 8.

(138) J’ose, décembre 1938, p. 187. – H. george, Folklore spadois.  Vie et moeurs d’autrefois,  Spa, 1935, p. 7.

Il s’agit probablement de la même histoire que celle que G.E. Jacob rapporte pour Nivezé, d’après La Vie spadoise, de janvier 1950. Elle met en présence Jésus et une dame du village, qui refuse de lui donner du pain. Jésus se présente alors et assure à la matrone qu’elle mourra le lendemain. Elle traite alors le mysté­rieux personnage de sorcier et le fait garotter. À sa place, le lendemain, on aurait trouvé un crucifix que les habitants promenèrent processionnellement dans le village. Quant à la dame, elle serait morte comme il lui avait été prédit. Cfr Cahiers ardennais, janvier 1963, pp. 59-60.

(139)  Cité par Oscar Colson, d’après Henri Simon dans Wallonia, 1.1, 1893, p. 7.

(140)  Au sujet des quêtes de l’Epiphanie, tant en Wallonie qu’en Europe, on consultera L. marquet, Origine d’un type carnavalesque…, pp. 20-26. L’auteur s’y fait notamment l’écho des théories de Meuli.

(141) A. van gennep, op. cit., p. 2874, note 5.

 

Le temps de Noël, Tradition wallonne, Liège, 1992

 

L’Epiphanie

On bon rwè, ine bone royène ! » « Un bon roi, une bonne reine ! »

Les mages ont joui d’une grande popula­rité dans les drames liturgiques (64) où ils apportaient l’élément exotique. Leurs reli-

Les trois Rois, lithographie de F. Wentzel à Wissem-bourg, XIXe siècle (MVW A 7287).

Ci-contre : billet utilisé pour «tirer les Rois», Tournai, XIXe siècle (Photo MVW).

ques, amenées de Milan à Cologne par Fré­déric Barberousse, en 1164, y faisaient l’objet d’un culte très important. La cité rhénane était un grand lieu de pèlerinage.

Dans nos régions, on appelait familière­ment les rois mages Djâspâr, Men-cheûr et Baltazâr. Les trois noms prononcés par un enfant au cœur pur avaient le pouvoir de guérir du mal caduc (65).

Protecteurs des voyageurs (66), on les in­voquait contre la fièvre, les maux de tête, la mort subite et les ensorcellements (67). Cette dernière croyance vient très certaine­ment du rôle magique attribué au jour même de l’Epiphanie.

Dans l’Ardenne stavelotaine, on faisait appel à la puissance des mages dans des formules magico-religieuses. Ils étaient in­voqués pour protéger les gerbes contre les souris, les semailles contre les limaces et les oiseaux ou encore pour réussir la fabri­cation du beurre (68).

 

L’élection du roi

En Wallonie, on avait recours à deux mé­thodes pour désigner le roi :

la première consistait à «tirer les Rois». Cette pratique commune au Nord de la France était traditionnellement employée en Hainaut et dans le Centre. On utilisait «un billet des Rois», feuille composée de seize vignettes xylographiques qui, découpées et attribuées aux participants du repas, dési­gnaient le roi et les membres de sa cour : le conseiller, le portier, le suisse, le messager, l’écuyer, le secrétaire, le valet de chambre, le médecin, le verseur à boire, le laquais, le ménestrel, le confesseur et le fou. Chacune était accompagnée d’un quatrain que le convive devait chanter sur un air populaire ancien. Le refrain était repris en chœur par l’assemblée.

Les billets des Rois étaient vendus par les marchands ambulants. On en éditait surtout à Tournai (69) à l’imitation de ceux de Lille, mais il y eut aussi une production à Mons au début du XIXe siècle. On les connaît aussi en Flandre (70).

Opposé à la première méthode, le gâteau des Rois était plus répandu. Une fève dissi­mulée à l’intérieur du gâteau désignait le roi. Souvent, elle était remplacée par une noisette ou un noyau d’abricot (71) car les personnes avares voulant éviter de payer la tournée avalaient la fève.

Un article d’un journal liégeois (72) évo­que ce phénomène et critique les poupons de porcelaine utilisés en guise de fève :

«… À la ville, la Fête des Rois ne sert plus guère de prétexte qu’à un dîner que le roi doit arroser. Pour cette raison, nombre d’invités avalent la fève, afin de n’avoir pas à délier les cordons de leur bourse.

Pour couper court à cet abus, les pâtis­siers n’ont rien imaginé de mieux que de remplacer la fève traditionnelle par un bébé de porcelaine contre lequel vous risquez de vous briser les dents».

Avant 1914, le gâteau traditionnel était offert par les boulangers à leur clientèle. Il se présentait sous une forme ronde dont les bords crénelés rappelaient l’étoile des mages à huit branches. La partie centrale, li mirou dè wastê passait pour souveraine contre les coliques (73). La personne qui en mangeait en était exempte pour l’année à venir.

 

Michel VINCENT

 

Notes

(64)  Voir not. la Nativité de Jodoigne, dans T. Pi-rard, Le jeu de la Nativité en Wallonie, Liège, 1950, pp. 56 à 62.

(65) G. rem, op. cit., p. 21.

(66) R. dascotte, Religion et traditions populaires dans la région du Centre, Haine-Saint-Paul,  1982, p. 164. Il existait des billets de protection dont se mu­nissaient  les  voyageurs.   Ces  vignettes,  mises  en contact avec les reliques de Cologne, furent surtout ré­pandues à la fin du XVIIf siècle.

(67) F. lautman, op. cit., pp. 180-181.

(68) L. marquet, Un carnet de remèdes et de for­mules magiques de l’Ardenne stavelotaine, dans Le Pays de Saint Remacle, 1971-1972 , n° 10, pp. 58 et 59.

(69)   R.  pinon, Notre folklore, Andenne,   1974, p. 33.

L’édition de Tournai venait de chez Casterman, celle de Mons de chez Tercelin.

(70)   V.   de  meyere,  L’art populaire flamand, Bruxelles, 1934, p. 276.

(71) M.V.W., Guide du visiteur, op. cit., p. 8.

(72)  E. fourrier, Le gâteau des Rois, dans La Meuse du 6 janvier 1898.

(73) O. colson, Aux environs de Liège, dans Wallonia,t. I, 1893,p. 5.

Léon Marquet, Le vèheû, BSLW, 12/1975, p.13-21

 

La chasse du putois

D’autre part, dans Wallonia (t. VII, 1899, p. 37), Albin Body, à propos des quêtes de l’Epiphanie à Spa, dit qu’au bord de l’Amblève, à Stoumont, Desniez et Becco, on appelait cette coutume fé lvèheû ‘ faire le putois ou la fouine ‘, parce que la majeure partie des dons qu’ils recevaient consistant en œufs, ils ressemblaient à cet animal qui hume volon­tiers les œufs.

(…)

Mais voici maintenant un témoignage plus important encore, celui de Mme Thisse-Derouette, dans la revue Ardenne et Famenne (n° 21, 1963).

Elle nous apprend qu’en Ardenne, à Grandmenil, non loin de Manhay. jusqu’il y a une soixantaine d’années d’ici, la « chasse du putois » se pratiquait à l’Epiphanie. Cette chasse s’accompagnait d’un repas, où l’on mangeait la groumote, pâte faite, de farine mouillée d’eau et cuite au lard, sans levain ni levure.

 

Les quêtes de l’Epiphanie

A propos de la groumote, nous avons cité des fragments de la chan­son qui accompagnait la quête.

Le texte wallon dit : « Nos-èstans v’ni hayî » (nous sommes venus quêter).

Ce terme hayî, ou hèyî, se retrouve en Wallonie dans la plupart des chansons de quête de. l’Epiphanie. Ainsi, à Malmedy, on chante :

Binaméye nosse dame, nos v’nans hèyî

Mês sondjoz bin qu’ c’ èst nin po nosse plêsir

Çu n’ èst nin qu’ nos-alans briber,

C’è-st-one câse qui va tot costé…   (C’est une chose admise.)

(Cfr Wallonia, 1, p. 7.)

 

A Stavelot, les enfants qui venaient hèyî se disaient envoyés par le curé et précisaient également qu’il ne s’agissait pas de mendicité. Dans d’autres régions, des variantes les disent mandés par le maître du logis et même par le Bon Dieu.

Une chanson de quête de Polleur, dans l’est de la province de Liège, reproduite par O. Colson dans un article de Wallonia consacré au Jour des Rois (Le hèlièdje aux environs de Liège, Wallonia, 1893), dit :

 

Nosse dame, c’ è-st-oûy lès hèles

I n-a pus dè l’ misére

Çu n’ èst pus qu’ tos hèlieûs

I n-a pus dès bribeûs.

 

On voit qu’à l’est de la province de Liège, on dit hèlî et non hèyî.

Arrêtons-nous à ce mot hèle. Suivant les Records de Stavelot, les plaids généraux à Ozo, d’après un record de 1431, se tiennent allé heilhle condist les Roys; à Ville, allé octave délie heyle, el à Ocquier, selon un record de 1511. le lundi après le heihle (13).

Une charte de l’abbaye du Val-Saint-Lambert, datée de 1516, appelle le Jour des Rois jour délie treisme ou jour delle Haylle (14).

Le mot heel apparaît déjà au XIVe siècle dans un dialogue entre les bergers figurant dans un Jeu de la Nativité joué à Huy, mais vraisembla­blement originaire de l’est de la province de Liège. Cette œuvre a été publiée par G. Cohen dans les Mémoires de l’Académie Royale de Bel­gique, Classe des Lettres, 2e série, t. XII, 1953).

Une bergère, Eylison, y dit au troisième pasteur  :

« Et a bien, tredoux frère,

Que Dieu vous met huy en boue heel. »   (p. 173.)

 

(13) Les Records tins Coutumes du Pays  Je Stavelot,  \iac Ed.  PoNCELET,  Mau­rice yans et Georges H an sotte, Bruxelles, 195H, pp. 264, 234, 353.

(14)  Annuaire de la Société liégeoise de Littérature Wallonne, 1892, p.  100.

Les « Hèyeûs d’ Sov’nis » de l’A.R. D’Aywaille, Histoire et traditions de nos vallées, TI, éd. Dricot, 1995, p.207

 

Li djou dès hèyes

 

Lès treûs rwès d’ Boumål

Qui vont-st-à l’ ofrande,

Qui volèt v’ diner

Po lès bins d’  l’ osté.

Plantez, tchantez,

Vosse mohone èst plin.ne di blé

Dispôy Pâke disqu’â Noyé.

Eune pitite hèye, Madame, s’ i v’ plêt !

 

(Propos de Julien Mathieu recueillis par Marc Lamboray)

Les « Hèyeûs d’ Sov’nis » de l’A.R. D’Aywaille, Histoire et traditions de nos vallées, TI, éd. Dricot, 1995, pp206-207

 

Jadis, c’était dans presque tous les villages de Wallonie que les petits “hèyeûs” parcouraient rues et campagnes pour quêter de quoi faire ensemble un repas copieux. Rares étaient les adultes qui les accueillaient mal et leur refusaient la petite obole qu’ils demandaient. Il est vrai qu’ils étaient des mes­sagers de bonheur. Comme les rois mages qu’ils symboli­saient, ils annonçaient l’arrivée du Sauveur. Ils signalaient aussi, deux semaines après le solstice d’hiver, la longue offensive que venait d’entamer la lumière pour triompher des ténèbres de la morte saison. D’ailleurs, malheur à qui se montrait ladre. Dans ce cas, il s’exposait à un autre couplet, insolent et satirique.

Dans Hier en Ourthe-Amblève. Réalités et Mystères, p. 141, René Henry vous dira tout ce qu’il faut savoir à propos des “hèyèdjes” tels qu’ils se déroulaient et se déroulent encore dans notre région.

Les « Hèyeûs d’ Sovenis » de l’A.R. D’Aywaille, Histoire et traditions de nos vallées, TII, éd. Dricot, 1997, p257

 

Les hèyes et les hèyeûs

 

“Aller hèyi en zoûr (?)” signifie, en wallon, “aller chanter en groupe” sur le seuil ou sous les fenêtres des maisons, dans le but de recevoir des habitants une gratification en comestible ou en argent. Ceux qui vont “hèyî” sont des “hèyeûs”.

Les “hèyes” ont perdu beaucoup de leur vitalité, de leur pittoresque d’antan. Jadis, le 5 janvier, vers 18 ou 19 heures, garçons et fillettes se réunissaient par petites bandes et parcouraient le village. Ils étaient souvent costumés tandis que l’un d’entre eux était barbouillé de noir pour simuler le roi Gaspard. Un chef de file portait fièrement un bâton au bout duquel brûlait une chandelle ou une bougie fixée dans une betterave ou un navet évidé. Cette lumière repré­sentait, fort vraisemblablement, l’étoile qui guida les mages. Le barbouillement du visage et cette lumière (p.258) ne font-ils pas supposer qu’à l’origine, les “hèyeûs” partaient seulement à trois ?

A une époque plus rapprochée, les “hèyeûs” n’a­vaient plus de porte-lampe, mais étaient précédés d’un joueur d’harmonica qui rendait leur marche plus allègre et soutenait leurs chants.

Les “hèyeûs” avaient des chants de circonstance dont le répertoire était très vaste et très varié. Les chants un peu longs étaient souvent chantés dans les espaces non occupés par des maisons. Les chants exé­cutés devant les habitations étaient courts, mais mélo­dieux. Ils étaient toujours en wallon. Certains quémandeurs ne chantaient pas, mais récitaient des vers également de circonstance. Dès que le chant ou le récit était terminé, ils débitaient l’une ou l’autre des formulettes suivantes, notées à Comblain.

Ine pitite hèye nosse dame

Pace qui dj’ a si bin tchanté.

Ou simplement:

Ine pitite hèye, nosse dame

S’ i v ‘plêt!

Plus anciennement, ils disaient :

Ine pitite pârt-Dièw, nosse dame

S’ i v’ plêt!

Cette ancienne expression fait allusion au fait que, jadis, une portion du gâteau des rois était toujours réservée à des mendiants de passage ou à des malheureux du village. Nous avons constaté que c’est, pres­que exclusivement, à Comblain que la formule “nosse dame” était employée. Presque partout ailleurs, nous trouvons “Madame”.

La porte s’ouvrait alors et les participants étaient récompensés et gratifiés de fruits : pommes, noisettes, noix, de gaufres dures, galets, voire de saucisses et de jambon. Et surtout, de menue monnaie : des “neûrès censes”, des “bouroutes”. Parfois, le maître de céans fai­sait entrer les “hèyeûs” qui chantaient une nouvelle fois, soutenus par l’accordéoniste. Puis, la jeunesse, remerciée, s’en allait. Nous n’avons pas relevé de for­mules spéciales dans notre localité. A Malmédy, à ce moment, les gamins disaient : “Rimèrcihans cès brâvès djins qui nos-ont d’né cès… “.

Mais la formule de séparation était très différente quand on n’était pas venu ouvrir la porte ou qu’on n’avait rien donné. Alors, les quémandeurs se retiraient en scandant à forte voix, des couplets tradition­nels fort peu révérencieux, ce qui les obligeait souvent à déguerpir et même à s’égailler.

Lorsque plusieurs groupes parcouraient le village, il y avait toujours une certaine émulation pour arriver les premiers dans certaines places réputées géné­reuses. Si ces groupes se croisaient, ils échangeaient des rires et s’indiquaient réciproquement les bonnes et les mauvaises maisons.

Lorsque leur tournée était accomplie, les gosses se partageaient les provendes qu’ils avaient recueillies et s’offraient un petit régal en commun au domicile de l’un d’entre eux. Est-il nécessaire d’ajouter que les “hèyeûs” se rendaient aussi dans d’autres villages ?

Où en est actuellement la coutume des “hèyes” ? C’est là une étude d’ensemble que nous n’avons pas eu le temps d’entreprendre. En 1938, à Géromont, les der­niers “hèyeûs” sont venus chanter le jour même des Rois (p.260) de simples chants populaires alors en vogue. A Comblain aussi, la coutume a complètement disparu, mais elle subsistait encore en 1956 à Louveigné, Sprimont, Florzé, Remouchamps, Aywaille, Chambralle, Harzé et Comblain-la-Tour. En 1956, à Chambralle, onze “hèyeûs”, partis en groupe compact, ont récolté cha­cun douze francs et deux filets de pommes. Le hameau compte vingt-trois maisons. Elles ont toutes donné quelque chose. En 1956 encore, à Comblain-la-Tour, les vingt-cinq “hèyeûs” qui ont marché ensemble ont récolté chacun quarante-cinq francs. Partout, les chants traditionnels ont été entonnés.

Voici quelques couplets récités par les petits qué­mandeurs.

 

Florzé

A l’ hèye, à l’ hèye, dji vin hèyi à l’ blanke mohone

L’ ome di-d-chal è-st-on brâve ome

Il a-st-aclèvé deûs crâs pourcês.

Onk avou dès navês, onk â lècê.

Ine pitite hèye, madame, s ‘i v’ plêt.

A Stoumont :

Dju vin hèyî à l’ vète èpiasse,

Avou on sètch qui tint treûs stîs .

Boutez foû, boutez d’vins

Disqu’à tant qu’ i seûye bin plin.

Pitite hèye, Madame, s’ i v’ plêt.

Nos ‘nn’ îrans bin contints

Disqu’à d’min â matin.

(Propos de Léonie Dehossay recueillis par…)

 

C’est avec grand plaisir que nous avons reçu le té­moignage de Madame Dehossay. Il nous éclaire sur ce que furent les “hèyes” et constitue l’ébauche d’une vé­ritable étude sur le sujet. On se demande pourquoi une coutume aussi vivante a presque entièrement disparu. L’attraction de la télévision sur les enfants le soir est-elle à ce point souveraine qu’elle les empêche de sortir, même la veille de l’Epiphanie, ou l’insécurité des rues conseille-t-elle aux parents de garder leurs enfants à la maison, en toute circonstance ? Il est bien difficile de répondre à cette question, d’autant plus que, si la cou­tume a pratiquement disparu partout, elle est encore bien vivante dans quelques-uns de nos villages.

 

Chansons de hèye

(…)

Nos v’ rimèrcîrans di vos bontés

Èt nos v’ prèyerans bone nut’ èt bone santé

Ine pitite hèye, madame, s’ i v’ plêt.

 

Madame a l’ crâsse minète,

L’ome di-d-chal n’ a nole kèkète.

On lî a côpé avou ‘ne cisète

Èt l’ ranoukî avou ‘ne quowète.

Ine pitite hèye, madame,

Pace qui dj’ a si bin tchanté.

(Propos de Rachel Malemprée recueillis par Marc Lamboray)

Ce couplet, qu’aucun enfant n’oserait chanter lors de la quête, sous peine d’être impitoyablement chassé, est peut-être beaucoup plus ancien qu’il n’y paraît. Probablement est-il le reflet d’une époque où les hèyes étaient réalisées, non par les enfants, mais par les adultes, ce qui explique le ton égrillard employé.

D’ailleurs, nous en avons retrouvé un, fort sembla­ble, chanté jadis à Lambermont, près de Verviers, par les jeunes hommes réunis en bande, quand ils s’adres­saient à un mari dont la femme portait la culotte :

“A hèle, ô dame, à l’ flaminète,

L’ ome dès tchèts n’ a pus nole mizwète.

On lî a côpé avou ‘ne cisète

On l’ a rosti èn-one pêlète… “

 

(in: Lambermont mon village, p. 178)

Les « Hèyeûs d’ Sovenis » de l’A.R. D’Aywaille, Histoire et traditions de nos vallées, TI, éd. Dricot, 1995

 

Les Hèyes à Lincé

 

Pendant mon jeune âge, je me rappelle que nous allions à plusieurs copains et copines à la fête de l’Epiphanie, les 5 et 6 janvier. C’était la tradition d’aller solliciter les person­nes du village de Lincé.

C ‘était un plaisir en ce temps-là qui n ‘existe pratiquement plus aujourd’hui, car cette coutume se perd peu à peu par la crainte de sortir le soir.

Nous nous déguisions avec des habits appartenant à nos parents pour ne pas être reconnus. Voici le petit chant que mon père m’avait appris et confié.

 

Acorez turtos vèy cisse binde di djônes-amis

Qui tchantènt tos’ â pus fwèrt leus bês èt djôyeûs-êrs.

Is dîront sérieûsemint, tot tindant leûs mins:

C’ è-st-ine pèce di manôyes qui nos frîs bin dès bins.

Eune pitite hèye, Madame, s’ i v’ plêt…

 

Alors, à l’époque, nous recevions une pièce de 25 centi­mes, un bonbon ou une pomme, et on repartait tout joyeux… C’était le bon temps !

 

(Propos recueillis par Caroline Evrard)

Les « Hèyeûs d’ Sovenis » de l’A.R. D’Aywaille, Histoire et traditions de nos vallées, TI, éd. Dricot, 1995  

“Li Djoû dès Hèyes” à Sougné-Remouchamps

 

Chaque année, le 5 janvier, veille de l’Epiphanie, quel­ques dizaines d’enfants sillonnent encore les rues du village vêtus d’habits les plus divers. Ils s’arrêtent à chaque maison pour chanter un petit couplet en wallon ou en français. C ‘est le seul moment de l’année où l’on entend ces chansonnettes, car elles sont bien spécifiques et ne se chantent qu’à cette occasion. Pour ne pas faillir à la

tradition, les personnes ainsi sollicitées remettent à chaque enfant une petite “hèye” : un bonbon, un fruit, une petite pièce… Autrefois, (p.204) certains “hèyît” aussi le 6 janvier, mais ce n’était pas très bien considéré, on disait que c’était le jour des “bribeûs” (mendiants).

Imaginez le plaisir des enfants, déjà lors des préparatifs, car il faut trouver un déguisement, réapprendre les chansons de quête. ..Quelle récitation lorsqu ‘ils se retrouvent tous dans les rues, attendant cachés au coin d’un mur qu’une maison soit libre. Notez que d’année en année, ils se souviennent des “bonnes places”, mais… des mauvaises aussi et les person­nes qui ne donnent rien s’exposent à leurs malédictions.

Ne soyez donc pas surpris le 5 janvier prochain si, au crépuscule, vous entendez chanter à votre porte et réservez un bon accueil à ces petits “hèyeûs”, car ils perpétuent une coutume très ancienne qu’il serait dommage de voir dispa­raître. Et pourquoi vos enfants ne participeraient-ils pas à cette fête ?

Voici quelques chansons typiques :

 

1

Madame, dji vin hèyi

Po veûy çou qu’ vos m’ dinrîz;

Vos-avîz fêt lès wafes.

Vos m’ lès lêrez sayî.

Boutez foû, boutez d’vins,

Disqu’à tant qu’ i seûye bin plin !

Eune pitite hèye, Madame,

Pace qui dj’ a si bin tchanté !

 

2

Bondjoû, Madame, dji vin hèyî,

Eune bone an.nèye à v’ sohêtî

On bon rôy po l’ djoû d’ vosse vèye

Èt dès galants à vos djônès fèyes.

Dji so v’nou chal è vosse payis

Tot nou, tot d’hâs, tot mâ tchâssî.

Ine pitite hèye po m’ rimoussî

Dj’ a si bin tchanté.

 

3

N’s-èstans nos traze :

Mi èt l’ bwègne Godinas,

Houlé Tchantchès,

Mitchî, Pière èt Colas;

Wice qu’ i n-a onk qui va

On-î va tos lès traze !

Eune pitite hèye, Madame,

Pace qui dj’ a si bin tchanté !…

 

4

Madame, à l’ blanke mohone,

L’ ome di-d-chal, ç’ è-st-on brâve-ome.

Il a ècrahî deûs crâs pourcês :

Onk â laton, l’ôte â lècê;

Dinez-me li quawe, Madame, s ‘i v’ plêt !…

 

5

A l’ hèye, à l’ hèye, dji vin hèyî

Avou on sètch qui tint treûs stîs.

Boutez foû, boutez d’vins,

Disqu’à tant qu’ i seûye bin plin.

Eune pitite hèye, Madame,

pace qui dj’ a si bin tchanté !…

 

(…)

Les « Hèyeûs d’ Sovenis » de l’A.R. D’Aywaille, Histoire et traditions de nos vallées, TI, éd. Dricot, 1995

 

Notre version, elle aussi, est probablement des environs de Comblain-au-Pont, si l’on en croit l’article consacré à la fête des rois : “A Comblain-au-Pont, les quatre vers qui suivent s’ajoutent invariablement à toutes les chansons.

 

Vosse mohon èst plin.ne di blé

Qu’ èle coûre foû po lès-ègrés.

Inen pitite hèye, nosse dame,

Po çou qu’ dj’ a si bin tchanté.

 

(in: Bulletin de folklore, t. III et IV, 1909, p. 146)

Les enfantines liégeoises, d’après Joseph Defrêcheux, Supplément, pp.1-8, in: La Wallonne, 1/2005

 

Les rois mages se nomment en wallon Djaspâ, Mèn’cheûr et Baltazâr. On les dépeint souvent en ces termes :

Lès treûs rôys : on blanc, on neûr

èt onk qu’ èsteût d’ totes lès coleûrs.

 

Pour terminer, rappelons qu’il est d’usage de souhaiter, aux jeunes gens et aux jeunes personnes, on bon rôy ou ine bone royin.ne, c’est-à-dire un bon mari ou une excellente épouse.

 

 

C’est le 5 janvier que l’on avait coutume de manger le gâteau traditionnel et, par suite, de hèyî ou hélî, c’est-à-dire de quêter en chantant.

Citons encore deux couplets jadis en vogue à Liège:

 

C’ è-st-en hèyant, dji vin hèyî,

li mêsse di-d-chal m’a-st-avoyî,

èt-z-a-t-i dit qu’ vos m’ dinahîz

on bokèt d’ wastê d’amon vosse boledjî.

Dji v’s-èl rindrè d’vins in-an,

ca ç’t-an.nêye chal, dj’ a pris dè pan.

Madame, dji vin hèyî,

on p’tit côp d’ vosse bîre,

djè l’ make so l’ pîre.

On p’tit côp d’ vosse vin,

djè l’ beûrè bin.

 

Le refus de donner était suivi de chansons satiriques ou remplies d’insinuations insolentes: Madame avait fait un faux pas; Monsieur manquait du meuble nécessaire etc., ajoutons que les diverses bandes de chanteurs en venaient souvent aux mains.

 

Les enfants pauvres allaient aussi réclamer leur part du gâteau des rois; mais, moins insolents que les solliciteurs dont nous venons de parler, ils se contentaient de faire appel à la générosité publique en disant simplement :

On p’tit bokèt d’ wastê,

nosse dame, s’ i v’ plêt.

 

A Verviers, on disait, la veille des Rois

A hèle! Nosse dame, dji vin hélî,

c’ èst po vêy çou qu’ vos m’ donrez.

On p’tit côp d’ vosse bîre,

ôte tchwès, c’ èst todi bon.

Tot-à fêt vint bin-n-a pont

po lès pôvès djins,

qui n’ont rin po d’min.

 

Tandis qu’à Spa, on chantait:

Dji vin hèyî, nosse dame,

ci n’ èst nin po rîre,

c’ èst po vêy çou qu’ vos donrez.

On p’tit côp d’ vosse bîre

èt ‘ne wafe,

plonke è m’ tahe

 

Les enfantines liégeoises, d’après Joseph Defrêcheux, Supplément, pp.1-8, in: La Wallonne, 1/2005

 

LE JOUR DES ROIS (6 janvier)

 

Dans la première moitié du XIXème siècle, le jour des Rois on rencontrait dans les quartiers populaires et dans les faubourgs, des femmes du peuple, leurs jupons relevés sur la tête, le visage couvert de façon à ne pas être reconnues. Elles pénétraient dans les corridors des maisons, agitaient une sonnette pour appeler la dame du logis, puis, jusqu’à l’arrivée de celle-ci, chantonnaient, les vers que voici sur un ton traînard:

Dji vin priyÎ al blanke mohone,

li mêsse di d’-chai è-st-on brâve ome.

I a nouri treûs cras pourcês,

onk as rècènes, deûs as navèts.

Ine pitite part Dièw, Madame, si v’ plêt.

La Dame du logis ne manquait pas d’apporter des portions du gâteau des Rois et de les distribuer aux chanteuses. Souvent celles-ci allaient par groupe de deux accompagnées d’un homme. Ce dernier était habillé de blanc et coiffé d’une chape en papier.

C’est le 5 janvier que l’on avait coutume de manger le gâteau traditionnel et, par suite, de hèyÎ ou hélÎ, c’est-à-dire de quêter en chantant.

             Citons encore deux couplets jadis en vogue à Liège:

(p.3) C’è-st-an hèyant, dji vin hèyî,

Ii mêsse di d’ chaI m’a-st-avoyî,

èt-z-a-t-i dit qu’ vos m’ dinahîz

on bokèt d’ wastê d’amon vosse boldji.

Dji v’s-èl rindrè d’vins in-an,

ca c’t-annêye chaI dj’a pris dè pan.

Madame, dji vin hèyî,

on p’tit côp d’ vosse bîre,

dj’èl make so l’ pîre.

On p’tit côp d’ vosse vin,

dj’èl beûrè bin.

Le refus de donner était suivi de chansons satiriques ou remplies d’insinuations insolentes: Madame avait fait un faux pas; Monsieur manquait du meuble nécessaire etc., ajoutons que les diverses bandes de chanteurs en venaient souvent aux mains.

Les enfants pauvres allaient aussi réclamer leur part du gâteau des rois; mais, moins insolents que les solliciteurs dont nous venons de parler, ils se contentaient de faire appel à la générosité publique en disant simplement :

On p’tit bokèt d’ wastê, nosse dame, s’i v’ plêt.

A Verviers, on disait, la veille des Rois

A hèle! Nosse dame, dji vin hélî,

c’èst po vêy çou qu’ vos m’ donrez.

On p’tit côp d’ vosse bire,

ôte tchwès c’èst todi bon.

Tot-a fêt vint bin-n-a pont po lès pôvès djins,

qui n’ont rin po d’min.

Tandis qu’à Spa, on chantait:

Oji vin hèyi, nosse dame,

ci n’èst nin po rire,

c’èst po vêy çou qu’ vos donrez.

On p’tit côp d’ vosse bire

èt ‘ne wafe,

plonke è m’ tahe

Les rois mages se nomment en wallon DjâspaMèncheûr et Baltazâr. On les dépeint souvent en ces termes :

 

Lès treûs rôy : on blanc, on neûr

èt onk qu’èsteût d’ totes lès coleûrs.

Pour terminer, rappelons qu’il est d’usage de souhaiter, aux jeunes gens et aux jeunes personnes, on bon rôyou ine bone royin.ne, c’est-à-dire un bon mari ou une excellente épouse.

Maurice Piron, Anthologie de la littérature wallonne, éd. Pierre Mardaga, 1979

 

raide comme un piquet:

I s’ tint pus reûd qui l’ Roy dès fèves !  (litt. il se tient plus raide que le Roi des fèves)

héyî dins l’ province di Lîdje (quêter (durant l’Epiphanie) en province de Liège)

p.188-189-190, in: Recherches sur le folklore de Spa, Wallonia, 1899, p.187-196

 

Lès Rwès à Spå (L’Epiphanie à Spa)

in: Wallonia, 1895, p.5-7

 

Lès Rwès è Payis d’ Lîdje (L’Epiphanie au Pays de Liège)

in: Armonak walon d’ Mâmedi, 1936

 

Lès Rwès à Mâmedi (L’Epiphanie à Malmedy)

VA, 06/01/2012

in: Les Echos de Comblain, oct. 1997

Lès hêyeûs à Comblin (Les quêteurs (de l’Epiphanie) à Comblain)

1.5   Le sud-wallon / Li sûd-walon

Le pays de Bastogne au gré de sa mémoire, 1982, p.189

 

L’Epiphanie, ou jour des Rois, est l’occasion de manger la traditionnelle galette farcie d’une fève qui désigne le roi ou la reine du jour; d’où l’expression «tirer les Rois». L’heureux élu en est généralement quitte pour payer une bouteille.

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1.6   La Gaume / Li Gaume

in : Edmond P. Fouss, La Gaume, éd. Duculot, 1979, p.45

 

6 janvier

Epiphanie. Jour des rois. A Lamorteau, on faisait cuire un « épalon » (jambon de devant) et les gamins allaient jouer sur la colline la plus élevée du village pour y faire des Saint-Denis, c’est-à-dire construire des monticules aussi hauts que possible, avec la pierraille ramassées aux alentours.

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2.   Traditions gastronomiques / Tradicions gastronomikes

L’Epiphanie, in : EM 3/1982, p.44-48

 

Epiphanie : èl djoû dès Rwas, à Rwas ; c’ èst l’ djoû qu’ on mindje lès bonans.

in Yernaux E., Fiévet F., Folklore montagnard, s.d., p132

LES  RWES

 

Et chacun s’empressait, selon sa générosité, de donner un quignon de pain ou de faire asseoir à table un de ces déshérités de la fortune et de lui servir copieusement à souper.

Le boulanger, le jour des Rois, offrait à ses clients un cramique. Cette coutume était encore observée par certains boulangers, au lende­main de la guerre 1914-1918, notamment par Constant Genicot, de la rue Bayemont. Ce cramique remplaçait le traditionnel gâteau des Rois.

in Le temps de Noël, Tradition wallonne, Liège, 1992, p21-23

 

Lamplumu

 

À Mons, le jour de l’Epiphanie, on servait, pour accompagner des sau­cisses, du boudin blanc ou une autre viande, une compote de pommes recuite au four qu’on appelait lamplumu.

 

Ano maîson, avè ‘lpètit’ saucisse,

Dans ‘l’ lamplumu, on mèt dés raîsinés,

Pou mi, n’ ést pas, èç’ plat-là, mès amis’,

C’ èst in régal, éyét jè n’ vos l’ cache nié

Quand ldos au feû, j’ in minje tout-à m’ coyète,

Èj pinse, j’ èm’ di : «Lès Prussyins n’ l’ auront pas !»

L’ étuvé d’ puns, pou l’ Montwas, c’ t-in plat d’ fiètes,

Èl lamplumu vraîmint c’ èst in-èstra.

 

À notre maison, avec la petite saucisse,

Dans le Lamplumu on met des raisins secs,

Pour moi, n’est-ce pas, ce plat-là mes amis,

C’est un régal, et je ne vous cache pas

Quand le dos au feu, j’en mange tout à mon aise,

Je pense, je me dis : «Les Prussiens ne l’auront pas ! »

L’étuvé de pommes, pour le Montois, c’est un plat de fête,

Le Lamplumu vraiment c’est extra.

 

Ingrédients pour 4 personnes :

1 kg de pommes 75 g de sucre

50 g de raisins de Corinthe (facultatif)

Pour le plat : 1/2 cuil. à soupe de beurre

Pour soupoudrer : 1 biscotte ou 4 cuil. à soupe de chapelure

2 cuil. à soupe de sucre cristallisé 50 g de beurre

Laver les pommes, les couper en quatre, les épépiner et les mettre, non épluchées, dans une casserole avec quelques cuillerées à souper d’eau. Couvrir et laisser cuire doucement.

Lorsque les pommes sont cuites, recueillir la compote, la passer au tamis et ajouter le sucre, les raisins si on aime et verser le tout dans un plat beurré al­lant au four.

Saupoudrer le dessus de la compote avec la biscotte écrasée ou de la chape­lure mêlée à un peu de sucre cristallisé, parsemer de quelques noisettes de beurre. Faire gratiner à four chaud.

Servir chaud.

 

Galette ou gâteau des Rois

 

Le jour de l’Epiphanie était et est resté celui où l’on tire les Rois, grâce à la galette ou au gâteau du même nom dont voici un exemple.

Ingrédients :

500 g de farine

20 g de levure de boulanger

5 g de sucre semoule

2 à 2,5 dl de lait tiède

1 pincée de sel

75 g de sucre candi écrasé grossièrement

125 g de raisins de Corinthe (facultatif)

± 150 g de sucre granulé

1 fève

Pour la plaque : matière grasse

Préparer un levain avec 40 grammes de farine, la levure, le sucre et un peu de lait tiède.

Disposer en fontaine le reste de la farine tamisée avec le sel. Verser le le­vain au centre et laisser gonfler.

Incorporer peu à peu la farine au levain ainsi que le lait tiède ; bien pétrir le tout pour obtenir une pâte bien homogène.

Incorporer alors le sucre candi et, éventuellement, les raisins secs.

Rouler la pâte en boule, couvrir et laisser doubler de volume.

Travailler à nouveau la pâte, en former une miche bien ronde que l’on pose sur une épaisse couche de sucre granulé. Y cacher la fève.

Retourner la miche sur la plaque à pâtisserie graissée, de manière à avoir le côté sucré par-dessus. Tracer avec la pointe d’un couteau un cercle au centre, puis, avec de grands ciseaux, faire de larges entailles autour du cercle, délimi­tant, en quelque sorte, la part de chacun et imitant une couronne en forme de turban.

Laisser lever à nouveau et cuire au four chauffé à 200° C pendant 45 mi­nutes à une heure.

 

M. baudoux-houyez, Douceurs hennuyères

A Tournai, le lapin du lundi parjuré ou du lundi perdu

 

Ce lundi est celui qui suit l’Epiphanie et l’on en profite pour tirer encore les Rois. Son nom de «lundi parjuré» lui viendrait de ce que les Rois mages, après leur visite à l’Enfant Jésus à Bethléem, se seraient parjurés en ne repas­sant pas par Jérusalem, chez le roi Hérode, comme ils l’avaient promis à celui-ci avant que l’ange ne les avertît en songe de n’en rien faire. Son autre nom de «lundi perdu», c’est-à-dire chômé, s’explique par le fait que ce jour-là les ouvriers ne travaillaient pas et n’étaient donc pas payés. Ils se rendaient chez le ou les patrons pour lesquels ils avaient travaillé pendant l’année. Ils leur présentaient leurs vœux de nouvel an et ils recevaient d’eux quelque ar­gent. Puis ils faisaient une visite au boucher. Celui-ci leur donnait un lapin as orèles de beos, un «lapin aux oreilles de bois», c’est-à-dire une saucisse enfi­lée sur une brochette de bois, d’un poids approximatif de 250 grammes.

On se réunissait ensuite pour manger le lapin. C’était là un véritable repas de pauvre pour lequel on sacrifiait le lapin élevé pendant l’année écoulée.

Là où l’on savait lire et écrire, à l’arrivée des invités, on distribuait à ceux-ci des billets épinglant quelque trait de leur personnalité.

Avant ou après le lapin, on mangeait la salade tournaisienne. Celle-ci était composée de treize ingrédients : chicons, salade de blé, oignons cuits au four et mis encore tièdes dans l’assaisonnement, noix, noisettes, pommes, céleri coupé en petits morceaux et arrosé de citron, chou rouge au vinaigre, sel, poi­vre, huile, vinaigre, moutarde.

Quant au lapin, on le découpe en morceaux. On prévoit par lapin deux ou trois oignons que l’on coupe en rondelles et que l’on fait rissoler dans du beurre. On y fait alors roussir les morceaux du lapin, un à la fois. Pendant ce temps on a mis tremper dans l’eau des pruneaux et des rainsins secs. Quand tout le lapin est doré, on le place au complet dans la casserole, on le couvre d’eau et on y ajoute du thym, du laurier et un clou de girofle (et, détail contemporain, un cube ou deux de concentré de bouillon de bœuf), et on laisse cuire de 1 heure à 1 heure et demie. Une demi-heure avant la fin de la cuisson, on ajoute les pruneaux et les raisins secs. Afin de prouver qu’il s’agit bien d’un lapin et non d’un félin, la tête de l’animal trône dans le plat. Si ce­lui-ci est réussi, les convives s’en pourléchent d’un : Meon i-ést bin cuit, i s’démêle teaut !

Après le repas, on tirait les Rois et les diverses fonctions de la cour : confesseur, fou, etc. et l’on arrosait généreusement l’événement. Quand le roi buvait, tout le monde s’écriait : «Le roi boit ! ».

Quand le roi se met à boire Si quelqu’un ne disait mot Sa face serait plus noire Que le cul de notre sot.

(Communication de Marie-France Willaumez et de Paul Mahieu).

in Lucien Maréchal, La boulangerie namuroise (1), in : EMVW, 4, 1924, p.111

 

Le « gâteau des Rois » est un gros pain au sucre, parfois agrémenté (p.112) de petites échancrures et de modelages faits au couteau. Les boulangers en font cadeau à leurs clients habituels, à raison d’un par ménage, le jour de l’Epiphanie. Les garçons boulangers le portent à domicile et reçoivent un bon pourboire (dringuèle). On y met une noisette dans sa coque, ou une féve d’aubrucot, noyau d’abricot dont la coque rugueuse ne permet pas de dissimulation à celui qui la trouve dans son morceau lorsque l’on tire les Rwès, selon la coutume connue. Il ne saurait garder cette « fève » sous la langue ou dans les coins de la bouche sans se trahir tout de suite. Le « gâteau de Verviers » est plus fin que les brioches et gâteaux des Rois. Il y entre plus de sucre, en morceaux plus, gros, et aussi plus de beurre et d’œufs; on y trouve des raisins.

 

in Jules Fivèz, Istwêre di Bièmeréye, èt di vint’-deûs-ôtes viladjes d’ avaurci dispûs noûf cints swèssante-quate, avou l’ concoûrs dès Bièrmèrwès, 1972

 

Li Djoû dès Rwès.

 

Li 6 (chîj) di janvier, c’ èst l’ djoû de 1′ fièsse dès Rwès qu’ on lomot ossi l’ Epifanîye. Ci djoû-là, on mougne ou mindje — lès deûs mots sont walons — li gatau dès rwès èt on tire li féve.

Quand nos-astins p’tits, nos momans qui cûjint leûs pwins zèles-min.mes s’ arindjint pou cûre ci djoû-là pou fé saqwants raubosses oudôbin dès flamitches au suke di pot. Didins ène raubosse ou d’dins ène flamitche, nosse moman aveut mètu ène féve. Li cia ou l’ cène qu’ aveut l’ tchance di tchèy dissus l’ fève diveneut rwè oudôbin rin.ne pou deûs-trwès-eûres. Lès fîyes fyint co bin ène courone di papî d’ couleûr pou mète dissus l’ tièsse do rwè ou dè l’ rin.ne. Tote li famile asteut binauje di fièstè l’ eûreûs titulaîre dè l’ courone.

in: Le folklore au pays de Namur, 1930, Guide-programme de l’exposition de folklore et d’industries anciennes, A.R. de Namur, p.23

 

JOUR DES ROIS (6 janvier). — A l’occasion de cette fête, il était d’usage autrefois que les boulangers offrent gracieusement à leur clientèle un gâteau en forme de couronne royale, découpée en quar­tiers, avec, au centre, un rond de pâte.

Ce gâteau contenait une « fève » (haricot sec) ou une noisette, servant à désigner le roi de la fête : les fonctions de ce souverain éphé­mère consistent avant tout, à payer à boire à ses sujets.

in Le temps de Noël, Tradition wallonne, Liège, 1992, p95-97

Les quêtes de l’Epiphanie en province de Liège

 

Aujourd’hui, le produit de la collecte consiste surtout en argent et en friandises. Leur nature a cependant évolué : aux fruits et aux pâtisseries, ont succédé les bonbons, les «chiques», d’aujourd’hui.

Néanmoins, les chansons de quête nous permettent de dresser un tableau des vic­tuailles et des objets dont on gratifiait les quêteurs.

Ils recevaient souvent de la viande, géné­ralement de porc : du lard (Filot, Lincé, Sprimont), la queue du cochon (Sougné-Remouchamps), de la saucisse (Lincé et Spri­mont), des morceaux de jambon (Lincé, Sprimont, Liège, Ayeneux, Sougné-Remouchamps, Florzé) ou des côtes de porc salées (Lincé, Sprimont, Liège). A Sougné-Remouchamps, on note aussi le don de quar­tiers de mouton.

Les quêteurs recevaient aussi des fruits : noix (région de Spa), pommes (Oneux, Ayeneux), poires cuites (Mont).

Mais c’étaient les mets préparés avec des denrées panifiables qui se taillaient la part du gâteau : gaufres (Comblain, Sougné-R-mouchamps, Aywaille, Chambralles, Kin, Xhoris, Juslenville, Polleur, Spa, Stavelot, Malmedy, Ayeneux, Verviers), tartes (Verviers), cougnous (Xhoris), galets (Fairon, Comblain-la-Tour, Comblain, Sougné-Re-mouchamps, Aywaille, Xhoris, Juslenville, Polleur, Ayeneux, Verviers, Florzé, région de Spa), crènés (Malmedy), quignons de pain (Malmedy, Verviers), pains (Oneux), tartines de makêye (Juslenville), couques (Verviers), croissants au sucre (Verviers), gâteaux (Lincé, Sprimont, Dolembreux, Liège, Spa) et boûkètes (région liégeoise). On donnait aussi de la farine de seigle ou de froment (Verviers, Gomzé-Andoumont).

Le morceau de gâteau donné aux quê­teurs était parfois nommé la pârt-Dièw, ap­pellation qu’on trouve également attestée dans certaines régions françaises (136). Ce don d’un morceau de gâteau des Rois sem­ble plutôt lié aux centres urbains, notam­ment à la Cité ardente, où le gâteau du 6 janvier semble avoir joui d’une plus grande popularité que dans les campagnes.

Pour préparer toutes ces victuailles, les quêteurs ont probablement sollicité des dons en combustible, autrefois. Ainsi, à Spa et Gomzé-Andoumont, on demandait des crahês (morceaux de houille incomplète­ment brûlés).

Certains dons semblent avoir été exclusi­vement réservés aux adultes et aux jeunes

gens. C’est le cas des cigarettes et des ci­gares (Fairon et Comblain-la-Tour). De même, les boissons alcoolisées devaient être destinées aux aînés. On s’étonnera ce­pendant que le genièvre ne soit attesté qu’une seule fois, à Verviers, alors que les quêtes se déroulent en plein hiver. Les chansons font parfois allusion au vin (Tilff, Liège, Sougné-Remouchamps) et à la bière (Juslenville, Liège, Spa et Verviers). On ne sollicite le don de café qu’à Xhoris et Ver­viers.

in : Les Amis de Logbiermé, 15, 1993-1994, p.78

RAPWETROULES

Léonie ARROZ de Petit -Thier.

 

Chaque famille plantait les pommes de terre nécessaires à sa subvenante pour l’hiver. On repiquait aussi des “choléras”.(ou “cholorâs” : rutabagas)

Les gens se nourrissaient de “groumiottes” et “bèt”, des “macarons”. Tout cela était bien indigeste. Pour préparer la groumiotte, on mettait cuire de l’eau dans laquelle on versait de la farine. Une pelletée de “petits crètons” était fondue, et ceux-ci étaient versés dans la pâte. Plus il y avait de crètons et meilleur c’était.

A Logbiermé, ce plat était surtout réservé pour la fête des Rois, l’Epiphanie. En jouant aux cartes pendant la soirée, celui qui levait trois rois dans sa main, obtenait une groumiotte. La façon de la préparer n’était pas la même. Cela ressemblait davantage à des beignets non levés. La boule de pâte était “rafricassée” dans la poêle.

in: Le pays de Bastogne au gré de sa mémoire, 1982, p.189

 

L’Epiphanie, ou jour des Rois, est l’occasion de manger la traditionnelle galette farcie d’une fève qui désigne le roi ou la reine du jour; d’où l’expression «tirer les Rois». L’heureux élu en est généralement quitte pour payer une bouteille.

in : Edmond P. Fouss, La Gaume, éd. Duculot, 1979, p.45

6 janvier

 

Epiphanie. Jour des rois. A Lamorteau on faisait cuire un « épalon » (jambon de devant)

 

in: Paul-Henri Thomsin, Florilège, Amon nos-ôtes, Djus d’là Moûse, 2004

Lès Roys à Lîdje (L’Epiphanie à Liège)

(in: Almanach wallon, 1949)

(in: VA, 07/01/2013)

3.    Traditions musicales / Tradicions musicâles

3.1   L’ouest-wallon / L’ ouwès’-walon

Lès Rwas Brouzès (F. Deprêtre)

in L’Epiphanie, in : EM 3/1982, p.44-48

 

La veille de l’Epiphanie : èl djoû de d’vant lès Rwas ; les villageois faisaient buskî lès campes, les possesseurs d’un fusil sakinetèt twâs coups d’ fusik in.n-ér. (…)

Le lundi qui suit l’Epiphanie : èl lundi brousè. Lès Brousès est une coutume disparue qui consistait à barbouiller, brouser, imbaudroûyî, imbaudoûser, les visages au moyen de suie ou de bouchon brûlé èl djoû dou lundi brousè. On disait fé lès Brousès, fé lès Rwas Brousès. De nos jours, à quel­qu’un qui s’est sali la figure, on dit c’est l’ lundi brousè ? ou vos fêtes lès Rwas Brousès? Ce jour était aussi appelé èl lundi pièrdu ; c’était la fête des tailleurs de lin, spindjeûs.

 

Voici la chanson Lès Rwas Brouzès de F. Deprêtre (5) à chanter sur l’air « L’appétit vient en mangeant » ; elle décrit très bien cette coutume :

 

I

In janviè, dou temps dè m’nène,

iun dès pus bias plésis

qui kèyoût l’ preùmiére witène

èt què dju r’vwa co toudi :

Djôsèf qu’on loumoût l’arsouye

afutoût l’ coumére Zîrè

avû sès mangns nwâres dè souye,

c’ ît pou fé lès Rwas Brousès (bis)

 

II

On n’ avoût nîn maléjîle dè ratirer

l’ djon.ne mouchon,

èt Djôsèf l’ avoût facile

pou nwârci s’ djoli mouson.

Si  l’ pètite ît concanéye

dè vîr lès-autes in guétè,

on lyi criyoût dins ‘ne riséye :

c’ èst lès Rwas, lès Rwas Brousès (bis)

 

III

Et bîn râde, c’ ît l’ grand dalâdje,

fusse à ‘l souye, à ‘l mine dè plomb ;

on brousoût tous lès visâdjes

qui passinetèt d’ lardje in long.

C’ ît dès négues èt dès négrèsses,

on n’ vioût pus qu’ lès-îs lumès

èt lès keûrs criyinet’ in fièsse :

Djô! Et vîve lès Rwas Brousès (bis)

 

IV

Pou mète toutes lès tièsses in fiéve,

chakun mètoût s’ pârt au pot

pou payî Dite dè jènéve

qui aroseroût lès goulots.

On cantoût dès-arguèdènes,

on vioût ‘squ’à dès dos voûssès

s’ in r’doner à pièrde alêne

pou fièster lès Rwas Brousès (bis).

 

V

Et pindant l’ guinse èt l’ musike,

dèwoûrs, on f’soût rambuskî

dès campes èt dès coups d’ fusik

à fé triyaner l’ clokî.

Ça n’ arètoût nîn l’ chambréye

qui tûtoût dès gris filèts

dins lès rèfrins, lès scliféyes,

c’ ît l’ chîléye dès Rwas Brousès (bis).

 

VI

Ça finichoût pa dès rondes

èt tous lès djeûs d’ nos tayons ;

on.n-ît l’ pus contint d’ in monde

à danser l’ danse dou ramon.

A quatrè vingt-ans, m’ nènène

dèmandoût co tèvosè

« A-t-i co lon pou l’ èscrène

dou grand djoû dès Rwas Brousès ? » (bis)

 

 

VII

Djè sé bîn qu’ toute no djon.nèsse

trouvera l’ djeû bièsse à bon,

c’ èst qu’ on n’ a pus wére à ‘l tièsse

lès-idéyes dou temps d’adon.

C’ ît l’ plési à ‘l bone frankète ;

mi, doûci, dj’ aî asprouvè

dè vo fé r’vîve ène miyète

tout l’ plési dès Rwas Brousès (bis).

 

Robert DASCOTTE (6)

 

(1)   A. Harou, Le folklore de Godarville, Anvers, 1893, p. 15.

(2)   A. Harou, op. cit., p. 57.

(3)   * El Mouchon d’Aunia », janvier 1933, pp. 26-27.

(4)   « Enquêtes du Musée de la Vie Wallonne », t. 8, 1957-1958, p. 8.

(5)   « El Mouchon d’Aunia *, janvier 1935, pp. 15-17.

(6)   Les divisions du temps, l’année traditionnelle et les phénomènes atmos­phériques  dans quelques  communes  du  Centre,  dans  « Les  dialectes Belgo-Romans », t. 22, 1965, pp. 133-182 (pp. 142-146).

 

Bonan : étrenne — campe : boîte d’artifices — chîléye : bombance — con-canè : contrarié — couye-dè-Swisse : pâtisserie faite de la façon suivante : boules de pâte levée, coupées à la cuillère, cuite à l’eau et, au moment de servir, arrosées de beurre fondu et saupoudrées de cassonade — (è)scliféye : éclat de rire — (è)scrène : veillée — (è)scrèner : assister à une veillée — (è)scrèneû : celui qui assiste à une veillée — gris filèt : petit verre de geniè­vre — guinse : guindaille — maléjîle : difficile — (nè)nène : grand-mère — ramon : balai — souye : suie — tayon : ancêtre — tèvosè : parfois — triyaner : trembler.

Sans titre

in: Yernaux E., Fiévet F., Folklore montagnard, s.d., p.131

 

LES  RWES / LE  JOUR  DES  ROIS

Huit jours après la fête des Rois, c’était un usage pour les pauvres de parcourir la localité vers le soir, de s’arrêter aux portes des gens aisés en chantant, sur un rythme monotone, un couplet qui se termine ainsi :

 

Sint Pansau n’ a nén co soupè,

S’ i vos plaît, vos lyi in donerèz.

3.2   La Picardie – Mons-Borinage / Li Picardîye – Mont-Borinâje

L'lindi parjuré (Achille Viehard)

in: Royale Compagnie du Cabaret Wallon Tournaisien, Florilège du cabaret, 1907-1982

 

L'lapin du lindi perdu (Achille Viehard)

(ibid.)

 

 

3.3   Le centre-wallon / Li cente-walon

Lès Rwès dins l' Brabant

in: Le Folklore Babançon, 11, 1923

3.4   L’est-wallon / L’ ès’-walon

Bondjoû nosse Dame, dji vin hèyî!

 

in Le temps de Noël, Tradition wallonne, Liège, 1992, pp.57-98

 

Bondjoû nosse Dame, dji vin hèyî!

 

Les quêtes de l’Epiphanie en province de Liège

 

La quête de la veille ou du jour de l’Epi­phanie est fort ancienne. Une charte de l’abbaye du Val-Saint-Lambert, datée du 1er octobre 1516 indiquait déjà que le jour des Rois était nommé «jour délie treisme ou le jour délie Heylle», c’est-à-dire de la quête de l’Epiphanie. Par ailleurs, les plaids géné­raux à Ozo, d’après un record de 1431, se tiennent « allé heilhle condist les Roys » ; à Ville, «allé octave délie heyle», et à Ocquier, selon un record de 1511, «le lundi après le heihle». En outre, le terme «heel» apparaît dans une Nativité jouée à Huy au XIVe siècle (1).

À l’origine, la tournée de l’Epiphanie de­vait être une quête de bénédiction, destinée à chasser les mauvaises influences et à ap­porter du bonheur. On peut comparer cette fonction à celle de la vente de la nûle, en ré­gion liégeoise. On collait cette hostie non consacrée en maints endroits. Dans le tiroir-caisse, la nûle avait la réputation de donner la prospérité. Collée au-dessus de la porte, l’hostie préservait la maison des mauvais esprits. La personnalité du vendeur pouvait être présage de bonheur ou de malheur. Si un jeune garçon était le premier à visiter une jeune fille, c’était pour elle présage de mariage prochain. La quête de la Noël sem­ble procéder aussi du même esprit que celle de l’Epiphanie. Néanmoins, affirmer avec Maurice Delbouille que «cette hésitation, quant à la date du hélièdje tient aux varia­tions qu’a connues l’histoire à propos du commencement de l’année» semble exces­sif, même si les trois dates des quêtes sont des temps forts liés au cycle des douze jours (26 décembre – 6 janvier).

Le caractère magico-religieux de la tour­née apparaît clairement dans une chanson de quête picarde composée à Arras par Adam de la Halle durant la seconde moitié du XIIIe siècle. Les quêteurs souhaitaient que «Diex soit en cheste maison et biens et goie a fuison ! No sires Noeus nous envoie a ses amis, c’est as amoureus et as courtois bien apris, pour avoir des pareisis (pièces de monnaies) a no helison (2) ». On perçoit aussi cette approche bénéfique-maléfique des quêtes de l’Epiphanie dans Li neûre poye, d’Henri Simon. À un personnage qui n’a pas daigné récompenser les chanteurs, Madame Mèncheûr lance : « Ô! Kinâve, qu’avez-v’ fêt là? On dit qu ça pwète mâ-leûr» (O! Kinâve, qu’avez-vous fait là? On dit que cela porte malheur) (3). Oscar Colson notait aussi qu’« à l’époque où la fête avait encore toute son importance tradition­nelle, le jour des Rois était béni des pau­vres. Ce jour-là, en effet, refuser l’aumône portait malheur » (4).

Mais, contrairement à ce que pourrait laisser croire cette citation de Colson, la tra­dition reste bien vivante en maints endroits de la province. Prenons donc notre bâton de pèlerin pour visiter ces localités encore atta­chées à la coutume et celles où elle était at­testée dans le passé :

HESBAYE:

– Les Awirs (Flémalle) : Jusqu’à la pre­mière guerre mondiale probablement, on quêtait le 6 janvier. On chantait :

Dji vin hiyî à l’ blanke mohone.

L’ ome di-d-chal è-st-on brâve ome,

Il a noûri treûs gras (crâs?) pourcês,

Onk âs rècènes, l’ ôte âs navês.

Plok, plok è m’ sètchê,

Madame, s’ i v’ plêt (5).

 

(Je viens quêter à la maison blanche. L’homme d’ici est un brave homme, il a nourri trois cochons gras, un aux carottes, l’autre aux navets. Plok, plok, dans mon sachet, Madame, s’il vous plaît).

– Une quête de l’Epiphanie a existé à Glons (Bassenge) (6). Les enfants ne di­saient rien. On leur donnait de l’argent. Vers 1880, c’étaient les enfants du pays flamand voisin qui venaient quêter en chan­tant au son du Rommelpot (7), le jour des Rois. Comme le mardi gras, en Hesbaye, on leur offrait une tranche de lard que l’on em­brochait sur une baguette de frêne ou de coudrier écorcée (8).

–  À Villers-Saint-Siméon (Juprelle), la tradition semblait mourante à la fin des an­nées quatre-vingt (9).

–  Herstal  :  Selon André Collart-Sacré (10), le 6 janvier, des bandes de jeunes des hauteurs de Cheratte (Visé), provenant des quartiers de Sarolay ou Sabaré, grossière­ment costumés, venaient quêter en chan­tant :

Lès treûs rwès par ôrdonance

A Betléem ont intrés.

Qwand lès treûs l’ ont-aporçû,

Il ont fêt leû-z-assimblêye.

Il ont d’mandé grâce à Diu,

Dèclarez-m votre pinsêye !

 

(Les trois Rois, sur ordre, à Bethléem sont entrés. Quand les trois l’ont aperçu, ils ont tenu leur assemblée. Ils ont de­mandé grâce à Dieu, déclarez-moi votre pensée).

Une année, le commissaire de police de Herstal mit toute la bande à l’ombre. Jamais plus on ne revit les quêteurs.

– Argenteau (Visé) : Durant l’entre-deux-guerres, des groupes travestis en Rois mages collectaient encore en chantant, le 6 janvier (11).

 

CONDROZ:

– Huy : Autrefois, les enfants circulaient en bandes et demandaient on bokèt d’ vosse crèyâté (un morceau de votre… (altération de royauté ou «créateur»?)). Si l’habitant ne se montrait pas généreux, on lui adres­sait ce couplet satirique :

Dji vin hèyi hèyi hèyète,

Li mêsse di-d-ci a pièrdou s’ brokète

Divins lès pîres èt lès câyâs.

 

(Je viens quêter hèyi hèyète, le maître de céans a perdu son sexe dans les pierres et les cailloux) (12).

– Filot (Hamoir) : Emile Détaille a noté de nombreuses chansons des quêteurs de l’Epiphanie. Parmi celles-ci, cette intéres­sante version wallonne, qui n’est pas sans rappeler un autre chant noté à Harzé (Aywaille) :

Dji vin hèyî, tral-flåbinète (il faut probablement lire “à l’ flaminète”),

Djihan Matî m’ a-st-avoyî

Avou on sètch èt on mèstî (probablement une déformation de on d’mêy-stî, un demi setier).

Tchî tchî, à l’ cwène di vosse plantchî.

Lès treûs rwès d’ Boumål

Qui vont-st-à l’ofrande

Èt vont d’mander

Lès bins d’  l’ osté.

Tchantez! Plantez!

Vosse mohone èst plinte di blé,

Vosse sânî, plin d’ sé,

Disqu’à Pâke, disqu’â Noyé.

Ène pitite hèye, Madame, s’ i v’ plêt!

On p’tit crèton

Po fé ramehî l’ tchôdron (13).

 

(Je viens quêter à la petite flamme (?). Jean-Mathieu m’a envoyé avec un sachet et un métier (un demi setier?). Tchî tchî, au coin de votre plancher. Les trois Rois de Bornai (?) qui vont à l’offrande et vont demander les biens de l’été. Chantez! Plantez ! Votre maison est pleine de blé, votre saunière, pleine de sel, jusque Pâ­ques, jusque Noël. Une petite ré­compense, Madame, s’il vous plaît! Un petit lardon pour faire frétiller le chau­dron).

Les quêteurs de Fairon (Hamoir) enton­naient une chanson fort proche de celle de Filot :

Lès treûs rwès Roumande

Qui vont-st-à l’ ofrande

Èt vont d’mander

Lès bins di l’ osté.

Tchantez ! Plantez !

(N-a) Vosse mohone qu’ èst plinte di blé,

Vosse sânî qu’ èst tot plin d’ sé,

Dispôy Pâke disqu’â Noyé.

(Parlé🙂 Ine pitite hêye, Madame,

Po çou qu’ dj’ a si bin tchanté! (14).

 

(Les trois Rois Roumande qui vont à l’offrande et vont demander les biens de l’été. Chantez! Plantez! Votre maison est pleine de blé, votre saunière est pleine de sel, depuis Pâques jusqu’à Noël. Une pe­tite récompense, Madame, parce que j’ai si bien chanté).

– Fairon et Comblain-la-Tour (Hamoir) : En quêtant, on chantait :

Hèyî! Hèya! Dji vin hèyî

Avou on sètch qui tint treûs stîs.

Mètez-mè le plin (ou: rimplihez-mè le)

Èt s’ mè le loyîz!

Djambe di bwès!

Djambe d’ohê!

On p’tit rondê ?

Plouk è m’ sètchê!

On p’tit galèt !

Plouk è m’ bodèt!

On p’tit patâr ?

Plouk è m’ foulârd!

Ine cigarète ?

Plouk è m’ malète !

Hèyî! Hèya! Dji vin hèyî!

 

(À Comblain-la-Tour, cette dernière phrase est remplacée par Djambe di bwès! Djambe d’ohê!).

(Hèyi ! Hèya ! Je viens quêter avec un sa­chet de trois setiers. Remplissez-le et liez-le. Jambe de bois ! Jambe d’os ! Une petite rouelle (de pomme?)? Plouc dans mon sachet! Une petite gaufre dure? Plouc dans ma malle! Un petit patard (sou de Liège) ? Plouc dans mon foulard ! Une cigarette? Plouc dans ma mallette. Hèyi ! Hèya ! Je viens quêter !).

Le mot patâr, qui désignait une monnaie ancienne, a été remplacé par le terme cigare (15).

A Comblain-la-Tour, lorsqu’on n’ouvrait pas ou lorsqu’on refusait de donner, on criait :

Vû sètchê! Plinte marone! (16).

 

(Sachet vide ! Pantalon plein (ou plein les poches)!).

Dans ce village, la tradition de la quête, déjà décrite comme mourante par certains auteurs, semble avoir complètement disparu vers 1985 (17).

– Comblain : Dans la région de Comblain, la tradition des hèyes était déjà mourante en 1936. À Géromont, les der­nières hèyes eurent lieu en 1938. À l’épo­que, les Etudes comblinoises avaient publié quelques couplets traditionnels :

Bone nut’, vwèsin, èt bone santé.

Nos v’nans tchanter po v’ rècrèyer.

On nos-a dit tot comeunemint

Qui v’s-èstîz dès si brâvès djins,

Qui l’ consyince ni v’ pwètereût nin

Di nos lèyî tchanter po rin.

Sêyîz nos brâves,

Fez-nos lès wâfes

Èt lès galèts

Po mète è nosse pakèt.

Ine pitite hèye, Madame, s’ i v’ plêt! (18).

 

(Bonne nuit, voisin, et bonne santé. Nous venons chanter pour vous récréer, on nous a dit généralement que vous étiez de braves gens, que votre conscience ne vous permettrait pas de nous laisser chan­ter pour rien. Soyez bon avec nous, faites-nous les gaufres molles et les gau­fres dures pour mettre dans notre paquet. Une petite récompense, Madame, s’il vous plaît).

Binamèye nosse Dame, nos v’nans hèyî.

Ç’ a stu l’ curé qui nos-a èvoyî.

Avoyî hi hi!

Avoya ha ha !

Avoyoz dès bonès wâfes

Èt nos serons bin brâves.

Ine pitite hèye, Madame, s’ i v’ plêt!

 

(Bien-aimée notre Dame, nous venons quêter. C’est le curé qui nous a envoyés. Avoyî hi hi! Avoya ha ha! Envoyez-nous de bonnes gaufres molles et nous serons bien braves. Une petite récompense, Ma­dame, s’il vous plaît!).

Cette dernière version est très proche du chant que les gamins de Malmedy enton­nent encore aujourd’hui.

On connaissait aussi des couplets vengeurs :

C’ è-st-on pôve mêsse.

Qu’ i broûle è si-êsse.

Is n’ ont pus rin,

Ni pan, ni vin.

 

(C’est un pauvre maître. Qu’il brûle dans son âtre. Ils n’ont plus rien, ni pain, ni vin).

Dji vin hêlî [sic] à l’ ôliyète (à l’huile de pavot, ou au pavot blanc lui-même ?)

Quu l’feume du ci n’a pus dès tètes

On lî a côpé avou ‘ne cisète,

On l’ s-a rosti èn-one pêlète (19).

 

(Je viens quêter (ou plutôt proclamer dans ce cas) à l’ ôliyète que la femme d’ici n’a plus de seins. On [les] lui a cou­pé avec une paire de ciseaux, on les a rô­tis dans un poêlon).

(Les trois Rois de Hollande qui mon­taient à l’offrande et vont demander les biens de l’été. Chantez! Plantez! Votre maison est pleine de blé, depuis Pâques jusqu’à Noël).

Mont (Comblain) : On a quêté le 6 jan­vier jusque vers 1965. Les enfants étaient déguisés et souvent masqués. Ils récitaient la formule suivante :

Dji vin hèyî à l’ vête èplåsse !

Li mêsse di-d-chal a tchî è s’ coû-d’-tchåsses !

 

(Je viens quêter chez la verte emplâtre (ivrogne et paresseux). Le maître de céans a chié dans sa culotte).

Dji vin hèyî à l’ flaminète.

L’ ome di-d-chal n’ a nole kèkète.

On lî a côpé avou ‘ ne (vîhe) cisète !

Et on li a ranokî avou ‘ne (poûrêye) quawète (20).

 

(Je viens quêter à la petite flamme. L’homme d’ici n’a plus de sexe. On lui a coupé avec de (vieux) ciseaux et on lui a recousu avec un fil) (pourri).

Emile Détaille avait noté un autre chant de quête intéressant à Comblain, proche de versions notées par ailleurs à Harzé et Filot:

Lès treûs rwès d’ Holande

Qui montèt à l’ ofrande

Èt vont d’mander

Lès bins di  l’ osté.

Tchantez ! Plantez !

Vosse mohon èst plinte di blé,

Dispôy Pâke djisqu’â Noyé (21).

Dji vin hèyî à l’ blanke mohone.

L’ ome di-d-chal è-st-on brâve ome.

Il a touwé deûs crâs pourcês,

Onk en (ås?) lècê,

L’ôte en (ås?) navês.

Eune pitite hèye, Madame, s ‘i v’ plêt.

 

(Je viens quêter à la maison blanche. L’homme d’ici est un brave homme. Il a tué deux cochons gras, un au lait, l’autre aux navets. Une petite récompense, Ma­dame, s’il vous plaît).

Puis on leur donnait des galets ou de l’ar­gent (22).

Emile Détaille a décrit l’ancienne cou­tume d’après les souvenirs d’un hèyeû adulte d’autrefois, Georges Reisch. Jadis, jusque dans les années 1925-30, des adultes allaient quêter des victuailles. Un accordéo­niste faisait partie de l’équipée, qui comp­tait une demi-douzaine de chanteurs. Partout, les quêteurs étaient bien reçus et on leur versait la goutte. La quête se terminait après minuit. Les quêteurs faisaient partie de la troupe théâtrale locale. Le produit de la tournée était dégusté lors des répétitions. Dans la salle, les comédiens pouvaient aller puiser dans la réserve pommes, noix, ga­lettes…

Voici le texte de la chanson des hèyeûs de Mont, telle que l’entonnait sur l’air de «Mad’moiselle, voulez-vous dan­ser? » le groupe de Georges Reisch :

Hoûtez-nos, bonès djins!

Nos v’nans fé nosse toûrnêye.

I n-a d’djà si longtimps

Qu’ nos v’ ayanhe pus v’nou r’vêy!

Mins, come c’ è-st-oûy lès Rwès,

N’s-avans fêt ‘ ne pitite fwèce

Po v’ tchanter nosse bokèt

Di quékès râyes è crèsse.

Mins s’ vos v’lez qui nos v’ vinanhe co r’vêy

L’ an qui vint, l’ an qui vint,

Mètez-st-è l’ kêsse

Si pô d’ tchwè qui ç’ seûy

Et nos n’ vis roûvèyerans nin.

Nos purdans dès pomes,

Tot çou qu’ on nos done :

Dès cûtès peûres,

Et co min.me dès mèseûres,

Dès p’tits-ognons,

Dès cornichons.

Nos purdans tot.

Tot-à fêt mousse è bot.

 

(Écoutez-nous, bonnes gens! Nous ac­complissons notre tournée. Il y a déjà si longtemps que nous ne sommes plus ve­nus vous revoir! Mais comme c’est au­jourd’hui les Rois, nous avons fait un petit effort pour vous chanter notre chan­son de quelques lignes de travers. Mais si vous désirez que nous revenions vous voir, l’année prochaine, l’année pro­chaine, mettez dans la caisse si peu que ce soit et nous ne vous oublierons pas. Nous prenons des pommes, tout ce qu’on nous donne : des poires cuites, et même des mesures, de petits oignons, des corni­chons. Nous prenons tout. Tout entre dans la hotte).

Emile Détaille avait également noté une autre chanson, que les jeunes chantèrent sur l’air du «Régiment de Sambre-et-Meuse» jusque vers 1910 :

I.  Lès Rwès n’ s’ ont fêt ciste an.nêye.

Is sont brâmint pus vîs qui tos nos pâpes!

Mès djins, n’ fât nin qu’ on lès roûvèye,

Mès djins, i n’ fât nin qu’ on seûy dès-ingrats.

Nos purdans dès pomes,

Tot çou qu’ on nos done :

Dès cornichons

Èt co min.me dès-ognons,

Dès cûtès peûres

Et dès mèseûres.

Nos prindans tot :

Tot-a-fêt mousse è bot.

 

II.  Mès djins, lès cis d’ l’ an.nêye passêye,

Is v’nèt co r’tchanter ‘ne sérénâde.

Si èle n’ èst min.me qui racolêye,

C’ è-st-à l’ auteûr qu’i fât d’ner l’ fâte.

Nos prindans dès pomes,

Tot çou qu’ on nous done… (23).

 

(I. Les Rois n’ont pas été créés cette an­née. Ils sont plus vieux que nos papes. Mes gens, il ne faut pas les oublier, mes gens, il ne faut pas être ingrats. Nous pre­nons des pommes, tout ce qu’on nous donne : des cornichons, et même des oi­gnons, des poires cuites, et des mesures. Nous prenons tout : tout entre dans la hotte. II. Mes gens, ceux de l’année pas­sée, ils viennent encore chanter une séré­nade. Si elle n’est que rafistolée, c’est à l’auteur qu’il faut en attribuer la faute. Nous prenons des pommes, tout ce qu’on nous donne…).

– Oneux (Comblain) : Avant la guerre 14-18, on entonnait un chant composé d’un refrain et de deux couplets. Il avait été composé au village. Les chanteurs décla­raient vouloir faire des farces et pendre des casseroles aux sonnettes ou faire dévaler un vieux chaudron sur la route. Ils affirmaient être traités de loups-warous (loups-garous). Cette chanson où l’on parlait d’ anârchisses (anarchistes) semble de composition ré­cente. Elle ne doit pas être antérieure à la fin du XIXe siècle, du moins dans la version transcrite par Emile Détaille (24).

Il avait également consigné par écrit ce chant, en 1959 :

Dji vin hèyî à l’ flâminète,

Ç’ a stu l’ curé (ou: Djôzèf, voire: Haubèrt…)

Qui m’ a-st-avoyî

Avou on sètch qui tint treûs stîs

(Ça) vosse mohon èst plinte di blé

Dispôy Pâke djisqu’â Noyé.

Èle coûrt foû po d’zos lès grés.

Ine pitite hovelète po l’ ramasser!

Ine pitite hêye, Madame,

Po çou qu’ dj’ a si bin tchanté.

 

(Variante : On p’tit bokèt d’pan,

Madame, s’ i v’ plêt,

Pisqui dj’ a si bin tchanté) (25).

 

(Je viens quêter à la petite flamme, c’est le curé (ou Joseph, voire Hubert) qui m’a envoyé avec un sachet de trois setiers (car) votre maison est pleine de blé de­puis Pâques jusqu’à Noël. Il tombe des escaliers. Une petite brosse pour le ra­masser! Une petite récompense, Ma­dame, parce que j’ai bien chanté. (Un petit morceau de pain, Madame, puisque j’ai si bien chanté).

Toujours avant 1914, on chantait aussi «Quand le petit Jésus allait à l’école…» (26).

– Sougné-Remouchamps (Aywaille) : Une trentaine d’enfants parcourent encore les rues du village les 5, 6 ou 7 janvier. Cer­tains petits groupes représentent trois mages, dont les visages sont parfois grimés. L’un est blanc et les deux autres sont noir et jaune. On leur offre du chocolat, des gau­fres, des pommes, des oranges et aussi de l’argent (27). Ils entonnent encore de nom­breux chants en wallon, très typiques. Mal­heureusement, avec le temps, ceux-ci se perdent. En voici quelques-uns, notés lors d’une enquête sur place en 1988 :

Quête de l’Epiphanie à Sougné-Remouchamps, jan­vier 1988 (Photo Y.B.).

Madame, dji vin hèyî

Po veûy ceu (probablement: “çou” à l’origine) qu’ vos m’ dinrîz.

Si vos-avîz fêt dès wafes,

Vos lès m’ (probablement: “m’ lès” à l’origine) lêrîz sayî.

Boutez foû ! Boutez d’vins !

Djusqu’à tant qu’ i seûy bin plin.

Eune pitite hèye, Madame,

Pace qui dj’ a si bin tchanté (28).

 

(Madame, je viens quêter pour voir ce que vous me donnerez. Si vous avez fait des gaufres molles, vous me les laisserez essayer. Tirez hors ! Fourrez dedans ! Jus­qu’à ce qu’il soit bien plein. Une petite récompense, Madame, parce que j’ai si bien chanté).

On djoû, moncheû l’ cwèrbâ,

A l’ copète d’on tiyou :

« Tinez, volà mi min,

Kimint va-t-i, mon Dju ? »

Nosse pôve pitit houlot,

Qu’ est toûrné foû dè nid (bis)

Tot s’ câssant lès deûs dj’nos.

Su l’ êr du tradèridèra, su l’ êr du tradèridèra,

Su l’ êr du tradèridèra èt tralala.

Eune pitite hèye, Madame,

Pace qui dj’a si bin tchanté.

 

(Un jour, monsieur le corbeau, au som­met d’un tilleul : «Tenez, voilà ma main, comment cela va-t-il, mon Dieu ? » Notre pauvre petit dernier né de la couvée qui est tombé du nid (bis) tout en se cassant les deux genoux… Une petite récompense, Madame, parce que j’ai si bien chanté).

Quand le petit Jésus allait à l’école, / II portait sa croix sur ses deux épaules. /

Quand il savait sa leçon, / On lui donnait des bonbons, / Une pomme rouge /

Pour met’ dans sa bouche. / Un bouquet de fleurs, / Pour met’ sur son cœur. / C’est pour vous, c’est pour moi, / Que Jésus est mort en croix. (29)

Eune pitite hèye, Madame,

Pace qui dj’a si bin tchanté.

 

(Une petite récompense, Madame, parce que j’ai si bien chanté).

 

Chers amis, / Nous venons ici / Nous venons vous offrir / Un instant de plaisir / Et sans hésiter / De nous écouter / — Nous sommes tous chanteurs / A vous récréer —. (30)

Avoyîz d’ l’ ârdjint,

Volà nosse boûrsî.

Nos vos rimèrciherans di voste onêtité

Èt nos v’ prèyerans

Bone nut’ èt bone santé.

Eune pitite hèye

Pace qui dj’ a si bin tchanté.

 

(Envoyez de l’argent, voilà notre tréso­rier. Nous vous remercions de votre hon­nêteté et nous vous souhaiterons bonne nuit et bonne santé. Une petite ré­compense parce que j’ai si bien chanté).

Lorsqu’on n’ouvrait pas, on se voyait créditer d’un vibrant :

Dji v’ sohête li djâle è l’ coûlèye po tote l’an.nêye

(Je vous sou­haite le diable au coin du feu pour toute l’année) (31).

Jean-Denys Boussart a interrogé quel­ques anciens de Sougné-Remouchamps, en 1972. Il a publié le résultat de ses investiga­tions dans Li Clabot, l’année suivante. Il a répertorié une quinzaine de chansons de hèyeûs locales (et notamment les chansons 1, 3 et 4 ci-dessus). En voici quelques-unes, parmi les plus intéressantes :

Madame, à l’ blanke mohone,

L’ ome di-d-chal, c’ è-st-on brâve ome.

‘l a ècrâhî deûs crâs pourcês,

Onk â laton, l’ôte à lècê.

Dinez-me li quawe, Madame, s’ i v’ plêt! (32).

 

(Madame, à la maison blanche, l’homme d’ici, c’est un brave homme. Il a engrais­sé deux cochons gras, un au son, l’autre au lait. Donnez-moi la queue, Madame, s’il vous plaît).

Madame à l’ ponte di tchètê,

Dj’ a noûri treûs crâs pourcês,

Onk à l’ djote,

Onk âs rècènes,

Onk âs navês.

C’ èsteût l’ ci âs rècènes qu’ èsteût l’ pus bê!

Eune pitite hèye, Madame, dj’ a si bin tchanté!…

 

(Madame au fil enduit de poix (à l’usage des cordonniers), j’ai nourri trois cochons gras, un au chou, un aux carottes, un aux navets. C’était celui qui avait été nourri aux carottes qui était le plus beau. Une petite récompense, Madame, j’ai si bien chanté).

Notru-Dame èt sint Djôsèf,

Tot-â matin, is s’ ont lèvé.

Is-ont pris hèpe èt bordon,

Oute dès mérs, is-ont ‘nn’ alé.

Qwand ‘l ont stu so Floritchamp,

Bon poumî, is-ont trové,

Qu’ èsteût si tchèrdjî di rodjès pomes,

Qu’ ènnè poléve pus d’ pwèrter.

Notru-Dame tinda li min,

Bon poumî baha lès rins.

Sint Djôsèf vint.

Tot si bon poumî, i s’a r’lèvé.

Qwand nos sèrons turtos mwèrts,

Nos sèrans è tère boutés ;

Nos n’ ârans pus ni fré ni soûr

Qui nos vinrè toûrmèter,

Si ç’ n’ èst Diaw ou l’ amér Diaw,

Cès-là n’ sont nin pwissants assez! (33)

Eune pitite hèye, Madame, pace qui dj’ a si bin tchanté!

 

(Notre-Dame et saint Joseph tout au ma­tin, ils se sont levés. Ils ont pris hache et bâton, au-delà des mers, ils sont allés. Quand ils ont été à Florichamps, ils ont trouvé un bon pommier, qui était si char­gé de pommes rouges, qu’il n’en pouvait (p.68) plus de porter. Notre-Dame tendit la main, bon pommier baissa les reins. Saint Joseph vint. Un si bon pommier, il s’est relevé. Quand nous serons tous morts, nous serons portés en terre; nous n’au­rons plus ni frère ni sœur qui viendront nous tourmenter, si ce n’est le diable et l’amer diable, ceux-là ne sont pas assez puissants! Une petite récompense, Ma­dame, parce que j’ai si bien chanté).

Jean-Denys Boussart notait qu’autrefois, seuls ceux qui ne quêtaient que le 5 janvier n’étaient pas considérés comme des bribeûs (mendiants). Ceux qui prolongeaient étaient mal vus et devenaient des mendiants aux yeux de la population. Aujourd’hui, on se montre moins à cheval sur le calendrier et l’on quête généralement deux ou trois jours. On se déguise avec les fripes que l’on peut découvrir chez soi. Certains se masquent (34).

– Awan (Aywaille) : Le 5 janvier, dans le courant de la soirée, les enfants, déguisés et parfois masqués, viennent hèyî. Certains fi­gurent un Roi mage. Tous ces enfants en­tonnent différents chants dont «Melchior et Balthasar sont venus d’Afrique… ». Certains disent aussi :

A l’ hèye! A l’ hèye!

Dji vin hèyî.

A l’ hèye! A l’ hèye!

Avou on sètch

Qui tint treûs stîs.

Boutez foû ! Boutez d’vins !

Djusqu’à tant qu’ i seûye bin plin.

À vosse bon coûr, M’ssieurs, Dames.

 

(À la quête ! À la quête ! Je viens quêter, la quête ! À la quête ! Avec un sac de trois setiers. Tirez hors ! Fourrez dedans ! Jusqu’à ce qu’il soit bien plein. À votre bon cœur, Messieurs, Dames).

Ou bien:

Bondjoû Madame (ou: nos djins),

Dji vin hèyî avou eune hote

Qui tint treûs stîs…

 

(Bonjour Madame (ou nos gens), je viens quêter avec une hotte de trois setiers…).

Voire:

A l’ hèye.’ A l’ hèye!

Dji vin hèyî

Divins on sètch

Qu’ èst tot hiyî.

As-se fêt dès wafes

Ou dès galèts ?

Dji lès vôreû bin sayî.

 

(À la quête ! À la quête ! Je viens quêter dans un sac qui est tout déchiré. As-tu fait des gaufres molles ou des gaufres dures? Je voudrais les essayer).

Bondjoû, mès djins, dji vin hèyî

Avou on sètch qui tint treûs stîs.

Tchôkez foû, tchôkez d’vins,

Disqu’à tant qui seûye tot plin.

Vos-ave dè frumint.

Vos-ave dè wassin.

Ine pitite hèye pace qui dj’ a si bin tchanté.

 

(Bonjour mes gens, je viens quêter avec un sachet de trois setiers. Tirez hors, fourrez dedans, jusqu’à ce qu’il soit bien plein. Vous avez du froment, vous avez du seigle. Une petite récompense parce que j’ai si bien chanté).

Autrefois, les enfants recevaient des ga­lèts. Aujourd’hui, bonbons et argent s’y sont substitués. Dans plusieurs maisons, des membres d’un jury attribuent des notes aux enfants selon la qualité de l’interprétation des chansons. À 20 heures, les enfants se réunissent dans la salle du village, où une collation leur est servie. En 1988, une cin­quantaine d’enfants avaient quêté. Ils s’é­taient répartis en groupes de deux à huit membres. Quelques-uns représentaient des Rois mages (35).

– Aywaille : La tradition régresse. Mais on rencontre encore des hèyeûs, dont cer­tains sont costumés en Rois. Tous sont gri­més et travestis. Voici quelques textes qu’ils scandent encore en sonnant aux portes des maisons de la localité :

A l’ hèye! A l’ hèye!

Dji vin hèyî

Divins on sètch

Qu’ èst tot hiyî.

As-se fêt dès wafes

Ou dès galèts ?

Dji lès vôreû bin sayî.

Madame, dji vin hèyî,

Po vèyî ceu (probablement “çou” à l’origine) qu’ vos m’ dinrîz.

Ine pitite hèye, Madame, s’ i v’ plêt.

 

(Madame, je viens quêter pour voir ce que vous me donnerez. Une petite ré­compense, Madame, s’il vous plaît).

Certains chantent aussi en français « Melchior et Balthasar… » ou «Quand le petit Jé­sus allait à l’école, il portait sa croix sur ses épaules… Un bouquet de fleurs pour mettre sur son coeur… (36)» .

Emile Détaille avait également noté d’au­tres chants, peu intéressants (37).

– Chambralles (Aywaille) : Le 5 janvier, en soirée, après l’école, une demi-douzaine d’enfants font le tour du hameau, déguisés en Rois mages. Ils chantent le morceau sui­vant :

Bondjoû, Madame,

Dji vin hèyî

Po veûy ceu qu’ vos m’ dinrîz.

Si vos-avez fêt dès wafes,

Vos m’ lès lêrîz sayî.

Boutez foû ! Boutez d’vins !

Djusqu’à tant qu’i seûye bin plin.

Ine pitite hèye, Madame,

Pace qui dj’ a si bin tchanté (38).

 

(À la quête ! À la quête ! Je viens quêter dans un sachet qui est tout déchiré. As-tu fait des gaufres molles ou des gaufres dures? Je voudrais les essayer).

(Bonjour, Madame, je viens quêter pour voir ce que vous me donnerez. Si vous avez fait des gaufres molles, vous me les laisserez essayer. Tirez hors ! Poussez dedans! (p.71) Jusqu’à ce qu’il soit bien plein. Une petite récompense, Madame, parce que j’ai si bien chanté).

On entonnait aussi « Melchior et Baltha-sar…»(39).

–  Deigné (Aywaille) : Une demi-dou­zaine de groupes, composés généralement de trois ou quatre enfants, quêtent le 5 jan­vier. Certains sortent aussi les deux jours suivants. On leur donne de l’argent et des bonbons. Les enfants sont souvent déguisés en Rois mages. L’un figure un noir, le deuxième a la peau jaune et le dernier est blanc (40).

Jadis, lorsqu’on se montrait chiche avec les quêteurs, ils chantaient :

Nosse Dame, dji vin hèyî

A l’l blanke mohone.

L’ ome di-d-chal è-st-on chamau!

À r’veûy, blanke mohon! (41).

 

(Notre Dame, je viens quêter à la maison blanche. L’homme d’ici est un chameau ! Au revoir, blanche maison !)

– Harzé (Aywaille) : À l’Epiphanie, les enfants déguisés et masqués parcouraient les rues du village. Aujourd’hui, la tradition a perdu de sa superbe et seule une poignée d’enfants fait encore le tour du village. Il n’en était pas  ainsi  avant la deuxième guerre mondiale. En général, c’étaient les garçons qui faisaient la tournée. Mais les filles pouvaient les accompagner si elles comptaient un frère dans la bande. On se déguisait n’importe comment et on recevait friandises et argent. Autrefois, quelques ha­bitants de la localité lançaient aussi des pommes aux enfants.

Les quêteurs chantaient le classique «Melchior et Balthasar…» (42), ou des chants wallons traditionnels tels ce :

Madame, dji vin hèyî avou on sètch

Qui tint treûs stîs.

Boutez foû! Boutez d’vins!

Djisqu’à tant qu’ i seûye bin plin (43).

 

(Madame, je viens quêter avec un sachet de trois setiers. Tirez hors ! Fourrez de­dans ! Jusqu’à ce qu’il soit bien plein).

On chante aussi :

Lès treûs rwès vous mandent, / Qui vont à l’offrande. / Que voulez-vous donner / Pour le bien de l’osté ?

(Les trois Rois… de l’été).

L’Atlas linguistique donne une version plus complète de ce chant, aujourd’hui cor­rompu :

Lès treûs rwès Boumâl

Qui vont-st-à l’ ofrande

« Que voulez-vous donner

Pour les biens de l’ ostél»

Tchantez! Plantez!

Vosse mohone èst plinte di blé.

Eune pitite hêye, Madame, s’ i v’ plêt,

di vosse plantchî-tchî-tchî-tchî (44).

 

(Les trois Rois Bornai (?), qui vont à l’of­frande… été? Chantez! Plantez! Votre maison est pleine de blé. Une petite ré­compense, Madame, s’il vous plaît, de votre plancher-cher-cher-cher).

Une version plus longue et comportant plusieurs différences importantes avait été notée à Filot (Hamoir) par Emile Détaille (cfr ci-dessus).

Le folkloriste comblinnois avait aussi consigné par écrit ces deux chansons :

Dji vin hèyî à l’ clarinète

Avou on sètch qui tint treûs stîs.

Tchôkez foû! Tchôkez d’vins!

Djusqu’à ç’ qu’ i seûye bin plin (45).

 

(Je viens quêter à la clarinette avec un sa­chet de trois setiers. Tirez hors ! Fourrez dedans ! Jusqu’à ce qu’il soit bien plein).

Madame, Madame, vos n’ dwèrmez nin

I fêt sifreûd chal so lès pîres.

N-a m’ nez qu’ èdjale come ine crompîre.

Madame, Madame, vos n’ dwèrmez nin.

Eune pitite hêye, ça m’ freût dè bin (46).

 

(Madame, Madame, vous ne dormez pas. Il fait si froid ici sous les pierres que mon nez gèle comme une pomme de terre. Madame, Madame, vous ne dormez pas. Une petite récompense, cela me ferait du bien).

– Houssonloge (Aywaille) : En 1987, seule une poignée d’enfants venaient encore quêter pour l’Epiphanie. Ils étaient dégui­sés, mais pas masqués ou grimés. Ils chan­taient :

Bondjoû, Madame, dji vin hèyî avou on sètch

Qui tint treûs stîs.

Boutez foû ! Boutez d’vins !

Djisqu’à tant qu’ i seûye bin plin (47).

 

(Bonjour, Madame, je viens quêter avec un sachet de trois setiers. Tirez hors! Fourrez dedans! Jusqu’à ce qu’il soit bien plein).

– Kin (Aywaille) : Depuis très long­temps, il est de coutume le 5 et le 6 janvier, d’aller quêter en chantant «Melchior et Bal-thasar…» ou

Madame, dji vin hèyî,

Po veûy ceu (probablement “çou” à l’origine) qu’ vos dinrîz.

Vos-avîz fêt dès wafes,

Ni m’ lès lèyîz-ve nin sayî?

Boutez foû! Boutez d’vins!

Djusqu’à tant qu’ i seûye bin plin.

Ine pitite hèye, Madame, pace qui dj’ a si bin tchanté.

 

(Madame, je viens quêter, pour voir ce que vous me donnerez. Vous avez fait des gaufres molles, ne me les laissez-vous pas essayer? Tirez hors! Fourrez dedans! Jusqu’à ce qu’il soit bien plein. Une petite récompense, Madame, parce que j’ai si bien chanté).

Par groupes de trois ou quatre, une di­zaine de hèyeûs participent encore à ce tour du village au cours duquel ils reçoivent des gaufres, des pommes et de l’argent (48).

– Martinrive (Aywaille) : Une grosse de­mi-douzaine d’enfants parcourent chaque année le hameau, à l’occasion de la fête des Rois. Déguisés et masqués, ils chantent « Melchior et Balthasar» (49).

– Niaster (Aywaille) : La quête de la fête des Rois a disparu vers 1980 (50).

–  Nonceveux (Aywaille)  : Les hèyeûs sont encore nombreux. En 1987, ils étaient encore une trentaine, déguisés selon leur fantaisie, qui circulaient par groupes de trois ou quatre. Outre le classique «Melchior et Balthasar… », dans leur répertoire figurent quelques chants intéressants :

Tchouf! Tchouf! Bon Dju !

Qu’ i fêt-i freûd!

Lès dints clakèt

Pace qui dj’ a freûd d’ mès deûts,

Cré bon Dju, quéne djalèye !

Ine pitite hèye, Madame, pace qui dj’ a si bin tchanté.

 

(Tchouf! Tchouf! Bon Dieu! Qu’il fait froid! Les dents claquent parce que j’ai froid aux doigts. Sacré bon Dieu, quelle gelée ! Une petite récompense, Madame, parce que j’ai si bien chanté).

Ou bien:

Bone nut’, Madame,

Ni dwèrmez nin.

C’ è-st-oûy lès hèyes,

Vos l’ savez bin.

I fêt sifreûd d’moni so lès pîres,

N-a m’ nez qui djale come ine pètèye crompîre

Et mès deûts sont tot à crampions.

Binamèye nosse Dame,

I n fêt nin bon.

Ine pitite hèye, Madame,

Pace qui dj’ a si bin tchanté.

 

(Bonne nuit, Madame, ne dormez pas. C’est aujourd’hui les quêtes de l’Epipha­nie, vous le savez bien. Il fait si froid res­ter sur les pierres, mon nez gèle comme une pomme de terre cuite sous la cendre et mes doigts sont tout racornis. Bien-ai-mée Notre-Dame, il ne fait pas bon. Une petite récompense, Madame, parce que j’ai si bien chanté).

Ou encore:

Tchouf! Tchouf! Bon Dju!

Qu’ i fêt-i freûd.

A-dje mâ mès mins,

A-dje mâ mès deûts ?

Cré doûs Dju, quéne djalèye.

Ciste èfant sèrè mwêrt di freûd

Si on n’ lî pwète nin ine bone blamèye.

 

(Tchouf! Tchouf! Bon Dieu! Qu’il fait froid. Ai-je mal aux mains, ai-je mal aux doigts? Sacré doux Dieu, quelle gelée. Cet enfant mourra de froid si on ne lui porte pas une flambée).

On chante aussi certains chants connus à Sougné-Remouchamps (numéros 1 et 3 ci-dessus) ainsi que la formule de vengeance notée pour la même localité.

En soirée, les adultes sortent aussi. Ils se rendent chez leurs connaissances et se font servir la goutte (51). Autrefois, certains se costumaient comme les Rois (52).

– Paradis (Aywaille) : À l’Epiphanie, une vingtaine d’enfants font le tour du village et sonnent aux portes pour quêter de l’argent (p.74) et des bonbons. Ils entonnent un chant de circonstance (53).

–  Septroux (Aywaille) : Les 5 et 6 jan­vier, en soirée, quelques enfants passent dans le hameau et quêtent de l’argent ou des galets. Leur visage est maculé de noir. Aujourd’hui, les enfants chantent toujours «Melchior et Balthasar…». Mais autrefois, on entonnait aussi le deuxième chant (On djoû moncheû /’ cwèrbâ…) renseigné pour Sougné-Remouchamps (54).

–  Stockeu (Aywaille) : Une demi-dou­zaine d’enfants du hameau y quêtent à l’oc­casion de l’Epiphanie. Ils sont déguisés et masqués (55).

–  Dolembreux (Sprimont) : D’après M. Remy, dont le témoignage avait été recueilli par Rodolphe de Warsage, on chantait :

Lès treûs Marîye, où allez-vous?

Nous allons à Saint Quérant

Nous ne savons si nous l’trouv’rons,

Madame, de histene [sic],

Madame, de longuene [sic].

Qui l’ bon Diu v’ rèvôye di l’or

Å si gros qu’ ine tiène (probablement ine tièsse),

On bon mitchot, on bon wastê

Ine pitite héle, Madame, s’ i v’ plêt.

Nos v’nans hèyi à l’ mohinète.

L’ ome di chal n’ a nole brokète (56).

 

(Les trois Marie… Que le bon Dieu vous renvoie de l’or autant qu’une tête (?), un bon gâteau, un bon gâteau des Rois. Une petite récompense, Madame, s’il vous plaît. Nous venons quêter à la maison­nette. L’homme d’ici n’a pas de sexe).

Les trois Marie citées dans cette chanson semblent se rapporter à un pèlerinage. Peut-être s’agit-il des femmes qui allaient invo­quer traditionnellement saint Julien, dont la statue a été recueillie peu après 1860, à l’église Saint-Remacle, dans le faubourg liégeois d’Amercoeur, où elle continua d’être vénérée, ou des trois femmes (dont Marie de Magdala et Marie, mère de Jac­ques) qui découvrirent le tombeau du Christ vide et qui avertirent alors Simon Pierre, peut-être le saint Quérant de la chanson, et les apôtres. Mais il se peut aussi, quoique cela semble peu probable, que nous soyons en présence d’une référence aux pèlerinages ardennais aux trois Marie, attestés notam­ment à Sainlez (Bastogne).

Une autre chanson de quête, recueillie à Oneux (Comblain) par Emile Detaille per­met d’éclairer quelque peu certains des points obscurs de la chanson notée par M. Remy :

A l’ hêye! A l’ hêye! Dji vin hèyî

Dès bonès pomes di so l’ plantchî,

Dès bonès djêyes di so l’ gurnî.

Madame di liyète (sens?),

Madame di copète,

Avoyîz-me di l’ ôr si gros qu’ vosse tièsse

Po mârier tos vos bês p’tits-èfants (57).

 

(À la quête ! À la quête ! Je viens quêter de bonnes pommes du plancher, de bonnes noix du grenier. Madame de liyète (diminutif d’Elisabeth?), Madame du sommet (?), envoyez-moi de l’or pour l’équivalent de votre tête pour marier tous vos beaux petits-enfants).

Cette chanson nous montre qu’il faut cer­tainement lire également tièsse dans la ver­sion de Dolembreux. Par ailleurs, on y fait clairement allusion à la valeur matrimoniale de la quête.

Au village, on connaissait aussi cette chanson vengeresse, fort semblable à une autre notée à Comblain :

Nos v’nans hèyî à l’ mohinète.

L’ ome di-d-chal n’ a nole brokète,

On li a côpé avou ‘ne (vîhe) cisète!

Et on li a ranokî avou ‘ne (poûrêye) quawète!(58).

 

(Nous venons quêter à la maisonnette. L’homme d’ici n’a pas de sexe, on lui a coupé avec de (vieux) ciseaux et on lui a recousu avec un cordon) (pourri).

– Florzé et Rouvreux (Sprimont) : Les enfants viennent par petits groupes quêter les 5 et 6 janvier. Au total, ils ne sont guère plus d’une demi-douzaine, semble-t-il. Ils sont déguisés et masqués selon leur fantai­sie. Ils chantent la même rengaine qu’à Houssonloge, le célèbre «Melchior et Bal-thasar» ou d’autres chants selon leur inspi­ration du moment. On a par exemple déjà entendu chanter «Frère Jacques» (59).

Emile Detaille avait également noté ces chansons, plus traditionnelles :

A l’ hêye! A l’ hêye!

Dji vin hèyî à l’l blanke mohone.

L’ ome di-d-chal è-st-on brâve ome.

Il a aclèvé deûs crâs pourcês,

Onk âs navês, onk â lècê.

Ine pitite hêye, Madame, s’ i v’ plêt!

 

(À la quête ! À la quête ! Je viens quêter à la maison blanche. L’homme d’ici est un brave homme. Il a élevé deux porcs gras, un aux navets, l’autre au lait. Une petite récompense, Madame, s’il vous plaît).

 

(Idem à Sprimont où la première ligne était manquante et où la cinquième était transformée en onk, â laton, l’ ôte, â lècê, un au son, l’autre au lait).

Madame, dji vin hèyî

Po veûy si vos m’ dinrîz.

Dès wafes, ca on m’a dit

Qu’ on ‘nn’ aveût fêt voci.

Boutez foû! Boutez d’vins! (60).

 

(Madame, je viens quêter pour voir ce que vous me donnerez. Des gaufres molles, car on m’a dit qu’on en avait fait ici. Tirez hors ! Fourrez dedans !).

– Fraiture (Sprimont) : Une cinquantaine d’enfants circulent dans le village, les 5 et 6 janvier. Ils sont souvent masqués. Lorsque la bande figure les Rois mages, l’un d’eux a souvent le visage noirci (61). Les enfants récitent la même formule que la première mentionnée pour Mont (Comblain) (62).

–  Gomzé-Andoumont (Sprimont) : Le vendredi ou le samedi après l’Epiphanie, en soirée, les membres adultes du comité des fêtes, une vingtaine au total, vont de maison en maison. On leur sert du genièvre et d’au­tres boissons alcoolisées dans le verre dont ils ont soin de se munir. Ils scandent plus qu’ils ne chantent :

A l’ hèye ! A l’ hèye !

Nos v’ nans hèyi.

M’ matante Marèye m’ a-st-avoyi

Avou on sètch qu’ i n-a rin d’vins.

Boutez foû! Boutez d’vins!

Disqu’à tant qu’ i seûye bin plin.

Dè neûr, dè mûr, c’ èst dè crahê ;

(p.76) Dè blanc, dè blanc, c’ èst dè wassin.

Eune pitite hèye, Madame, s’ i v’ plêt (63).

 

(À la quête! À la quête! Nous venons quêter. Ma tante Marie m’a envoyé avec un sachet vide. Tirez hors ! Fourrez de­dans ! Jusqu’à ce qu’il soit bien plein. Du noir, du noir, ce sont des morceaux de houille incomplètement brûlés ; du blanc, du blanc, c’est du seigle. Une petite ré­compense, Madame, s’il vous plaît).

Après avoir accompli tout le tour du vil­lage, la bande se dirige chez l’un des parti­cipants où l’on termine la soirée en dansant. La tradition était déjà attestée au début de ce siècle.

Quant aux enfants, ils quêtent le 6 janvier ou le samedi qui suit par groupes variant de deux à six quêteurs. Ils chantent la même ri­tournelle que les adultes ou «Melchior et Balthasar… ». Certains entonnent un troi­sième chant :

«Les trois Rois sont revenus / Adorer l’Enfant Jésus. / (Récité) Et nous autres, que ferons-nous ? / Nous nous mettrons à genoux / Et nous chanterons tous en chœur / Vive Jésus, vive sa croix» (64).

– Lincé (Sprimont) : La tradition d’aller hèyî se perd. Les enfants étaient déguisés et on leur donnait des fruits et de l’argent. Certaines années, aucun enfant ne vient quêter. On disait la même formule qu’à Fraiture (65).

Henri Simon a noté plusieurs formules de quêtes, à Lincé et Sprimont. Il les met en scène dans sa pièce Li neûre poye (66) :

I. Bone nut’, binamêye wèsène,

Acorez po v’ni hoûter.

C’ èst lès cis d’ l’ an.nêye passêye

Qui v’ vinèt-st-èco r’trover.

Nos-èstans dès militaîres

Qui s’ ont stu précipiter.

Nos rim’nans di d’vins nos mêsses;

C’ èst po v’ vint rècrèyer (bis) (67).

 

II. Redoublez de vos largesses

Et vos générosités.

Avoyîz-nos ‘ne bone grosse pèce,

Dè lârd ou bin dè salé,

Di l’ ârdjint — c’ èst bin tot l’ min.me —,

Dè l’ sâcisse ou dè djambon.

Nos v’ sohêtans ‘ne bone an.nêye

Et vivent et vivent les bons garçons (bis).

 

(I. Bonne nuit, bien-aimée voisine, venez écouter. Ce sont ceux de l’année dernière qui viennent encore vous retrouver. Nous sommes des militaires qui se sont préci­pités. Nous remenons (ou revenons?) chez nos maîtres, c’est pour venir vous récréer. II. (…) Envoyez-nous une bonne pièce, du lard ou de la viande salée, de l’argent — c’est bien tout de même —, de la saucisse ou du jambon. Nous vous souhaitons une bonne année, et vivent les bons garçons).

Bone nut’ èt bone santé!

C ‘è-st-oûy li djoû d’ nos rècrèyer.

Nos-èstans chal ine kipagnèye,

Nos-ègadjans vos djônès fèyes.

Ciste ègadjemint, c’ è-st-in-oûhê

Qui hufèlerè lisquél aîr qu’ on vôrè.

 

(Bonne nuit et bonne santé ! C’est aujour­d’hui le jour pour vous récréer. Nous sommes ici une compagnie, nous enga­geons vos jeunes filles. Cet engagement, c’est un oiseau qui sifflera l’air qu’on voudra).

«Remercions qui est généreux / Et en mémoir’ souvenons de nous deux (comprenez : souvenons-nous d’eux). / Nous somm’ des garçons, n’en doutez point, / A fair’ du plaisir à notre prochain, / Nous nous retrouv’rons à une autre occasion / Et en mémoir’ nous aurons » (remerciement). / nous dirons beaucoup de bien de vous, et nous dirons adieu, jusqu’à l’année pro­chaine).

Dji vin hèyî à l’ vète èplåsse.

L’ ome di cial a pièrdou s’ cou-d’-tchâsses,

Il a lèyî sès censes divins,

C’ èst po çoula qui n’ mi done rin. (vengeance)

 

(Je viens quêter chez la verte emplâtre. L’homme d’ici a perdu sa culotte, il a laissé ses sous dedans, c’est pour cela qu’il ne donne rien).

«Bonjour, l’ami, / Nous venons ici / Pour t’offrir un instant de plaisir. / Accourez, jeunes fillettes, / Écoutez ces gais chanteurs. / Apportez ici Jambons et rôtis, / Nous les recevrons avec plaisir».

Tchantans tos po r’mèrci

Cès brâvès djins,

Èt-z-acwèrdans nos vwès

Âs-instrumints.

Là qui n’s-îrans fé l’ fricot,

Nos dîrans bêcôp d’ bin d’ vos,

Et n’ dîrans :

Adiè, djisqu’à d’vins in-an! (remerciement).

 

(Chantons pour remercier ces braves gens, et accordons nos voix aux instruments. Là où nous irons faire le fricot, nous dirons du bien de vous. Et nous dirons: Adieu, à dans un an!)

D’après Eugène Polain, Henri Simon avait modifié la formule traditionnelle, qu’il ne pouvait reproduire telle quelle dans une pièce de théâtre destinée au grand public. D’après lui, voici la chanson que l’on en­tonnait pour vilipender un avare :

Dji vin hèyi à l’ vête èplâsse.

L’ ome di chal a tchî è s’ cou-d’-tchâsses

Èt-z-a-t-i fêt on sifêt stron

Qu’ il a v’nou foû po lès kènons (canons de fusil ou, plus vraisemblablement, les «jambes » du pantalon) (68).

 

(Je viens quêter chez la verte emplâtre. L’homme d’ici a chié dans sa culotte et il a fait un si bel étron qu’il est venu hors des jambes).

– Louveigné (Sprimont) : Le 5 janvier ou parfois quelques jours avant, des enfants déguisés vont quêter dans le village. Cer­tains figurent des Rois mages. Ils chantent entre autres «Melchior et Balthasar… » (69).

Autrefois, ils entonnaient aussi «Quant le p’tit Jésus allait à l’école… » (70).

Dans le registre wallon, on note la chan­son suivante : 

Bonsoir, Mesdames, binamèyes fèmes,

Nos v’nans veûy si v’ nos pôriz hèyi.

Hèyîz-nos bin, ni spâgnîz rin.

Qwand nos l’ ârans, nos v’ rimercîrans.

Eune pitite hèye, Madame, s ‘i v’ plêt (71).

 

(Bonsoir, Mesdames, bien-aimées femmes, nous venons voir si vous pour­riez nous récompenser. Donnez-nous une bonne gratification, ne soyez pas chiches. Quand nous l’aurons, nous vous remer­cierons. Une petite récompense, Ma­dame, s’il vous plaît).

– Sprimont : Les 4, 5 et 6 janvier, le soir, environ vingt-cinq enfants déguisés et ma­quillés sillonnent le village pour hèyî. Parmi eux, beaucoup de petits Italiens et de Portu­gais de la deuxième ou de la troisième gé­nération.   Ce   qui   ne   les   empêche   pas d’entonner en wallon le même chant qu’à Houssonloge  (72).  Naguère,  on chantait aussi «Melchior et Balthasar…» et «Quand le p’tit Jésus allait à l’école…» (73) (voir aussi les chants mentionnés pour Lincé).

– Esneux : Autrefois, on venait hèyî (74). Lorsque les habitants faisaient mauvais ac­cueil aux quêteurs, ceux-ci s’écriaient : N-a l’ tchèt qu’ a tchî è l’ mê (Le chat a chié dans le pétrin) (75).

–  Tilff (Esneux)  :  Avant  la première guerre mondiale, des enfants venaient quê­ter le 6 janvier. Un des membres de la bande portait une hotte. Ils chantaient :

C’ èst po veûy çou qu’ vos m’ donerez

On p’tit côp d’ borda,

Ine saqwè, on gabè (?),

Tot-à-fêt vint bin à pont

Po lès pôvès djins qui n’ ont rin po d’min,

Nos-avans-st-on bot, nos-èstans nos tos.

Porveu qu’ i seûye plin, nos ‘nn’ èrîrans contints.

 

(Je viens quêter, Madame, c’est pour voir ce que vous me donnerez. Un petit coup de vin de Bordeaux, quelque chose, un gabè, tout vient bien à point pour les pau­vres gens qui n’ont rien pour demain. Nous avons une hotte, nous sommes toute la bande. Pourvu qu’elle soit bien pleine, nous nous en irons contents).

Pour remercier ceux qui les récompen­saient, un des enfants agitait une clochette. Lorsque la porte ne s’ouvrait pas, la bande criait : Hou, hou, hou.

À l’origine, la quête locale devait être le fait de jeunes gens. C’est du moins ce que laisse augurer l’allusion au vin dans la chanson (76).

–  Beaufays (Chaudfontaine) : Jadis, les enfants entonnaient le classique «Melchior et Balthasar…» en quêtant pour l’Epiphanie (77).

–  Trasenster (Trooz) : On ne vient plus hêlî depuis 1977 environ. Les enfants chan­taient « Melchior et Balthasar… » (78).

– Xhoris (Ferrières) : La quête de l’Epi­phanie tend à disparaître. Les enfants sont déguisés en Rois mages et viennent par pe­tits groupes de trois ou quatre (79).

Autrefois, les enfants chantaient :

Dji vin hèyi, Madame,

Dji vin hèyî a l’ pwète di drî.

Ç’ a stou l’ curé qui m’ a-st-avoyî

Avou on sètch èt on mèsplî (ou déformation de “on d’mêy stî”?).

Djambe di bwès! Djambe d’ohê!

On p’tit rond(ê?)?

Plouk è m’ sètchê!

Eune pitite wafe ?

Plouk è m’ tahe !

On galèt?

Djè l’ magnerè!

Eune pitite hêye, Madame, s’ i v’ plêt (80).

 

(Je viens quêter à la porte de derrière. C’est le curé qui m’a envoyé avec un sac et un néflier (ou d’un demi setier). Jambe de bois ! Jambe d’os ! Une petite rouelle (de pomme?)? Plouc dans mon sachet! Une petite gaufre molle? Plouc dans mon sac! Une gaufre dure? Je la mangerai! Une petite récompense, Madame, s’il vous plaît).

Ou:

Dji vôreû bin wèdjî

Qui nos sèrans hèyîs

D’ ine bèle bâcèle, d’ on bê valet,

D’ on bon cougnou, d’ on bon cafè.

C’ èst tot d’on qwè

Vo-no-ci nos tos, èt s’ n’ avans-gne qu’ on bot,

Porveûy qu’ i seûye bin plin,

Nos-è rîrans bin contints! (81).

 

(Je voudrais parier que nous serons ré­compensés d’une belle jeune fille, d’un beau garçon, d’un bon gâteau de Noël, d’un bon café. Cela revient au même. Nous voilà tous et nous avons une hotte, pourvu qu’elle soit bien pleine, nous nous en irons contents).

L’allusion à la jeune fille ou au garçon n’est pas évidente à interpréter. D’autant plus que la mention du cougnou, unique dans le cas des quêtes liégeoises de l’Epi­phanie, semble directement rapporter la chanson à la période de Noël. Peut-être s’agit-il d’une tournée de l’Epiphanie desti­née à emmener les jeunes gens du village pour aller déguster ensemble le produit de la quête, comme cela se déroulait dans nombre de villages ardennais le mardi de la fête. Il n’est pas vain de rappeler que le der­nier jour de la fête était celui de la chasse au vèheû dans maint village. C’était l’occasion de ramasser, voire de subtiliser, les reliefs de la fête et de venir chercher les jeunes filles du village. Or, d’après Léon Marquet, dans certaines localités, cette «chasse» était organisée à l’Epiphanie. Il est possible que dans bien des cas, la date de la chasse ait changé pour être fixée à la fête paroissiale (82).

Emile Detaille avait également noté cette autre chanson, très intéressante :

Dji v’ prêye bon djoû èt ‘ne bone santé,

Nos-èstans v’nous po v’ rècrèyer (bis)

Avou treûs coplèts d’ tchansons.

Dji v’ prèye dè prinde atincion (bis).

Nos-èstans dès pôves pèlèrins

Qui vont toujours demander leur pain.

Li bon Dju î a bin stou.

Ç’ a stou po l’ aprinde avou.

Ine pitite hêye, Madame, s’ i v’ plêt (83).

 

(Je vous souhaite le bonjour et une bonne année, nous sommes venus pour vous ré­créer avec trois couplets de chansons. Je vous prie de prendre attention. Nous sommes de pauvres pèlerins qui vont tou­jours demander leur pain. Le bon Dieu y est bien allé. Ce fut pour l’apprendre aus­si. Une petite récompense, Madame, s’il vous plaît).

‘là m’ grand-mére qui m’ a-st-avoyî

Avou on sètch qu’ èsteût prèmî (déformation de “qui tint treûs stîs”).

Boutez foû ! Boutez d’vins !

Djusqu’à quand i seûye bin plin.

On p’tit côp d’ vosse bîre,

Ça m’ frè bin plêsîr.

Po lès pauvès djins qui n’ ont pu rin po d’min (bis),

One pitite hèye, Madame,

Pwisquè dj’ a si bin tchanté (84).

On semble faire référence, dans cette chanson, à la pratique de pèlerinage qui consistait à mendier chemin faisant. Elle est attestée pour la région d’Aubel, par exem­ple, lorsqu’on pèlerinait à Saint-Vith. De même, certains pèlerins demandaient une obole lorsqu’ils allaient invoquer sainte Renelde à Huy.

– Juslenville (Theux) : Par groupe de deux ou trois, quelques rares enfants dégui­sés viennent hèyî à l’occasion de l’Epipha­nie. Ils chantent :

C’ è-st-oûy lès hèyes,

I n-a pus dè l’ misére.

Fez-nos lès wafes

Si v’s-èstez braves,

On p’tit galèt

Po mète è nosse cafè,

One tâte du makèye

Po djusqu’à l’ anèye.

A l’ an.nèye, nos r’vinrans co

Po fé tralaligo.

 

(C’est aujourd’hui la quête de l’Epipha­nie. Il n’est plus question de misère. Faites-nous des gaufres molles si vous êtes braves, une petite gaufre dure pour tremper dans notre café, une tartine de fromage blanc et mou pour jusqu’à l’an­née prochaine. L’année prochaine, nous reviendrons encore pour faire tralaligo. Ma grand-mère m’a envoyé avec un sa­chet de trois setiers (?). Tirez hors ! Four­rez dedans! Jusqu’à ce qu’il soit bien plein. Un petit coup de votre bière, cela me ferait plaisir. Pour les pauvres gens qui n’ont plus rien pour demain, une pe­tite récompense, Madame, parce que j’ai si bien chanté).

La tournée se déroule du 4 au 6 janvier. Vers 1975, les membres des mouvements de jeunesse (patro et scouts) s’étaient costu­més et maquillés afin de quêter pour leurs caisses, à Spixhe, Theux et Juslenville. Mais l’initiative revint rapidement à des groupes informels d’enfants (85).

– La Reid (Theux) : Autrefois, des hèyeûs circulaient dans le village à l’époque de l’Epiphanie (86).

– Polleur (Theux) : Au siècle dernier, les quêteurs de l’Epiphanie entonnaient le chant suivant :

Nosse Dame, c’ è-st-oûy lès hèles

I n-a pus dè l’ misére.

Çu n’ èst pus qu’ tos hélieûs

I n-a pus dès bribeûs.

Sèyîz-nos brave,

Fez-nos lès wafes,

Lès wafes èt lès galets

Po mète è nosse pakèt (87).

 

(Notre Dame, c’est aujourd’hui la quête de l’Epiphanie. Il n’est plus question de misère. Ce ne sont que des quêteurs de l’Epiphanie, il n’y a plus de mendiants. Soyez bonne pour nous, faites-nous les gaufres molles, les gaufres molles et les dures pour mettre dans notre café).

 

LIEGE :

– D’après Eugène Polain, à Liège, autre­fois, on chantait la chanson suivante, en quêtant le jour des Rois :

I C’ è-st-en hèyant, dji vin hèyî.

Li mêsse di chal m’ a-st-avoyî,

I m’ a dit qui vos m’ dinahîz

On bokèt d’ wastê d’ vosse boledjî

Dji v’s-èl rindrè divins in-an

Ca po oûy, dji n’ a pus d’ êdant. (sou, argent).

 

II Redoublez donc vos largesses

Et vos générosités

Avoyîz-me ine bone grosse pèce,

Di lârd ou bin dè salé,

Dè l’ sâcisse ou dè djambon,

Di l’ ârdjint — c’ èst bon tot l’ min.me-

Nos v’ sohêtans ‘ne bone an.nêye

Et vivent les bons garçons ! (88).

 

(I. C’est en quêtant, je viens quêter. Le maître de céans m’a envoyé, il m’a dit que vous me donneriez un morceau de gâteau de votre boulanger. Je vous le ren­drai dans un an car aujourd’hui je n’ai plus d’argent. II. (…) Donnez-moi une bonne grosse pièce, du lard ou bien du salé, de la saucisse ou du jambon, de l’ar­gent — c’est bon tout de même —, nous vous souhaitons une bonne année et vi­vent les bons garçons).

Joseph Defrecheux citait ces deux cou­plets :

C’ è-st-en hèyant, dji vin hèyî,

Li mêsse du cial m’ a-st-avoyî,

Èt s’ a-t-i dit qu’v os m’ dinahîz

On bokèt d’ wastê di mon vosse boledjî.

Dji v’s-èl rindrè d’vins in-an,

Ca ç’ste an.nêye chal, dj’ a pris dè pan.

 

(C’est en quêtant, je viens quêter, le maî­tre de céans m’a envoyé et il s’est dit que vous me donneriez un morceau de gâteau de votre boulanger. Je vous le rendrai dans un an car cette année, j’ai pris du pain).

 

Madame, dji vin hèlî,

Po vèy çou qu’ vos m’ donerez.

On p’tit côp d’ vosse bîre,

Djè l’ make so l’ pîre.

On p’tit côp d’ vosse vin,

Djè l’ heûre bin (89).

 

(Madame, je viens quêter, pour voir ce que vous me donnerez. Un petit coup de votre bière, je le marque sur la pierre. Un petit coup de vin, je le boirai bien).

Si l’on en croit A. Pirotte, l’usage aurait disparu vers 1846 dans la Cité ardente. Le soir du 5 janvier, écrivait-il en 1886 dans les colonnes de La Meuse, « des femmes du peuple, leurs jupons relevés sur la tête, le visage couvert de façon à ne pas être re­connues, pénétraient dans les corridors des maisons, agitaient une sonnette pour appe­ler la dame du logis, puis, jusqu’à l’arrivée de celle-ci, chantonnaient, sur un ton traî­nard, les vers que voici :

Dji vin priyî à l’ blanke mohone.

Li mêsse di chali è-st-on brâve (brave?) ome.

(p.83) Il a noûri treûs crâs pourcês,

Onk âs rècènes, deûs âs navês.

Ine pitite pârt-Dièw, Madame, s’ i v’ plêt.

 

(D’après Théodore Gobert : Dji vin hèlî… onk ås navês…)».

 

(Je viens porter mes souhaits à la maison blanche. Le maître d’ici est un brave homme. Il a nourri deux porcs gras, un aux carottes, deux aux navets. Une petite part de Dieu, s’il vous plaît). (Je viens quêter… un aux navets…).

La dame du logis ne manquait pas d’ap­porter des morceaux du gâteau des Rois et de les distribuer aux chanteuses. Souvent celles-ci allaient par groupe de trois per­sonnes, dont un homme. Ce dernier était ha­billé de blanc et coiffé d’une chape de papier (90) ».

D’après Emile Detaille, en «région lié­geoise» (mais où précisément?), on chantait aussi :

Dji vin hèyî à l’ flaminète.

Li dame di chal fêt dès boûkètes,

Ine pitite pârt-Dièw, Nosse Dame, s’ i v’ plêt (91).

 

(Je viens quêter à la petite flamme. La dame d’ici fait des crêpes à la farine de sarrasin. Une petite part de Dieu, notre Dame, s’il vous plaît).

Cette formule ainsi que celle qui a déjà été citée pour Oneux (Comblain) éclaircit le mystère de la flaminète, que d’aucuns ont identifiée avec le souci ou le roitelet huppé, dont on dit qu’il aurait apporté le feu au monde et qu’il regagne son nid le jour de l’Epiphanie. Mais les explications de ce

terme apparaissant souvent dans des for­mules vengeresses où la maîtresse du logis était nommée la dame à l’ flaminète ne satis­faisaient guère. Dans les chants d’Oneux et de la région liégeoise, la flaminète n’a pas de rapport direct avec l’habitant. Il y a donc lieu d’insérer une virgule entre dame et à l’. Par conséquent, logiquement, ce mot sem­ble correspondre à la lanterne, voire l’étoile lumineuse, dont les quêteurs se munissaient dans certaines localités.

Emile Detaille citait aussi cette chanson liégeoise :

Dji vin hèyî èt rahèyî!

C’ èst l’ ome di-d-chal qui m’ a-st-avoyî.

Il a ‘ne tièsse! Vos dîrîz ‘ne bièsse

Qui n’ sipingne mây qu’ âs rârès fièsses.

On p’tit bokèt d’ wastê,

Nosse Dame, s’ i v’ plêt (92).

 

(Je viens quêter et encore quêter! C’est l’homme d’ici qui m’a envoyé. Il a une tête! Vous diriez une bête qui ne se peigne qu’aux rares fêtes. Une petit mor­ceau de gâteau, notre Dame, s’il vous plaît),

Et cette formule vengeresse, valable pour la «région liégeoise» :

C’è-st-on pôve mêsse

Qu’ i broûle è si-êsse.

Is n’ ont pus rin,

Ni pan, ni vin (93).

 

(C’est un pauvre maître. Qu’il brûle dans son âtre. Ils n’ont plus rien, ni pain, ni vin).

ARDENNE:

– Sart (Jalhay) : II était jadis de coutume de venir héyi (94).

–  Creppe (Spa) : Quelques enfants fai­saient la quête des mages, le 5 ou le 6 jan­vier.   Ils   récoltaient   de   l’argent   et   des friandises. Ils circulaient par groupe de trois (dans ce cas, ils figuraient les trois Rois) ou de quatre (en l’occurrence, le quatrième portait l’étoile) (95).

– Spa : La quête de l’Epiphanie par des enfants déguisés en Rois a subsisté jusque vers 1815, dans la ville d’eau. Le 6 janvier, les enfants circulaient par groupes de trois et étaient censés représenter les mages al­lant adorer le divin enfant. L’un d’eux por­tait une hotte. Un autre avait le visage mahuré   [mâchuré].   Ils   chantaient   une complainte de ferme en ferme. On leur of­frait des galettes de farine d’avoine ou de sarrasin, du beurre, des poires tapées et sur­tout des oeufs (96). En outre, d’après Jean-Louis Wolff, «une autre coutume qui s’est perpétuée jusqu’aux premières années du siècle   [le   XIXe],   était   pour  les  jeunes hommes d’aller, l’avant-veille des Rois, hèyî chez les jeunes filles. Celles-ci leur donnaient des gauffrettes et des noix. Le lendemain pendant toute la journée, mais surtout le matin, tous les enfants allaient de porte en porte des maisons bourgeoises crier hèyîz-m’ ! mot à mot, donnez-moi une aubaine».

Albin Body notait qu’au début de ce siè­cle, c’étaient surtout des personnes, vrai­semblablement des adultes, provenant du pays de Hervé et de Verviers qui s’y li­vraient. Cependant, à la fin du XIXe siècle, seuls les enfants indigents quêtaient encore, au crépuscule. Ils débitaient de banales chansons de Noël, à l’issue desquelles ils entonnaient un couplet invitant au don :

Dju vin hèyî,

Maîs ç’ n’ èst nin po rîre ;

Ârès-dje bin voci,

On p’tit côp d’ vosse bîre ? (97).

 

(Je viens quêter, mais ce n’est pas pour rire; aurai-je ici un petit coup de votre bière?).

Si le maître du logis ne daignait pas ré­pondre favorablement à la demande des chanteurs, ceux-ci entonnaient un autre couplet, vengeur celui-là :

Dju vin hèyî

A l’ vète èplâsse ;

Li mêsse du voci

A tchî è s’ cou-d’-tchâsse.

 

(Je viens quêter à la verte emplâtre (porte du logis, communément peinte en vert, selon Albin Body, mais plus vraisembla­blement homme ivrogne et paresseux). Le maître de céans a chié dans sa cu­lotte).

Après cette sérénade, la marmaille déta­lait à toutes jambes (98).

A Spa on chantait aussi le classique « Melchior et Balthasar».

Si l’on en croit G.E. Jacob, on chanta aussi la chanson «Quand le p’tit Jésus allait à l’école…» jusque peu après 1918. L’arrêt provisoire de la quête date vraisemblable­ment de cette époque (99).

Sans préciser si elles concernaient l’Epi­phanie ou la période de Noël, Léon Mar­quet a publié trois chansons de quêtes spadoises :

Dji vin hèyî, nosse Dame,

Mês ç’ n’ èst nin po rîre,

C’ èst po vèy si vos m’ donerez.

On p’tit côp d’ vosse bîre.

One wafe ? Plok è m’ tahe !

On stô ? Plok èm’ hô!

(Parlé) : On skèlin fêt tant dè bin ås pôvès djins

Qui n’ ont rin à magnî po d’min matin.

(Je viens quêter, notre Dame, mais ce n’est pas pour rire, c’est pour voir si vous me donnerez un petit coup de votre bière. Une gaufre molle? Plok dans mon sac! Un stô (?) ? Plok dans mon giron ! Un escalin (monnaie ancienne) fait tant de bien aux pauvres gens qui n’ont rien à mager pour demain matin).

Bondjoû, Madame, èt bone santé.

Nos v’nans hèyî po v’ rècrêyer.

Vosse bon coûr n’ îreût nin bin

Si v’ nos lèyîz hèyî po rin.

I fêt si freûd là so lès pîres,

Dj’ a l’ nez qui djale come one crompîre

Ca d’vins lès mâlès sâhons,

Binaméye Madame, i n’ fêt nin bon.

 

(Bonjour, Madame, et bonne santé. Nous venons quêter et vous récréer. Votre bon cœur n’irait pas bien si vous nous laissiez quêter pour rien. Il fait si froid là sous les pierres, j’ai le nez qui gèle comme une pomme de terre car durant les mauvaises saisons, bien-aimée Madame, il ne fait pas bon).

A l’ hèye! A l’ hèye! Dji vin hèyî.

Mi tante Marêye m’ a-st-avoyî

Avou on sètch qui tint treûs stîs.

Boutez foû! Boutez d’vins!

Mi p’tit sètch n’ èst nin coplin.

Dès blancs, c’ èst dès wastês,

Dès neûrs, c’ èst dès crahês.

Ine pitite hèye, Madame, s’ i v’ plêt.

 

(À la quête ! À la quête ! Je viens quêter. Ma tante Marie m’a envoyé avec un sac de trois setiers. Tirez hors ! Fourrez de­dans! Mon petit sachet n’est pas encore plein. Des blancs, ce sont des gâteaux. Des noirs, ce sont des morceaux de houille incomplètement brûlés. Une pe­tite récompense, Madame, s’il vous plaît).

Ce dernier chant est presque identique à celui que l’on entonne à Gomzé-Andou-mont (Sprimont).

La tradition des hèyes a été remise sur pied le 27 décembre 1988, soit à une date qui ne correspond plus avec l’Epiphanie. Des enfants, en groupe, se sont rendus chez les personnes âgées du quartier du Vieux-Spa pour y chanter les chansons notées par Léon Marquet (100).

–  Winamplanche (Spa – Theux)  :  On quête pour l’Epiphanie. On dit une formule commençant par Hèye et hèye et treûs Ma-rèye… (101).

–  Autrefois, vraisemblablement encore au début du siècle dernier, d’après Jean-Louis Wolff, «aux bords de l’Amblève, à Stoumont, à Desniez, à Becco, on appelait cette coutume [la quête de l’Epiphanie] fé l’ vèheû [sic], faire le putois, ou la fouine […]. Les jeunes gens qui prélevaient ainsi sur les manants de quoi festoyer plusieurs jours finirent par exciter les récriminations et l’on en vint à interdire cette quête, qui n’était qu’un gaspillage (102) ».

À Stoumont, il était de coutume de venir héyi. On chantait :

Dju vin hêyi à l’ vète èplâsse

Avou on sètch qui tint treûs stîs.

Boutez foû! Boutez d’vins!

Djusqu’à tant qu’ i seûye bin plin.

Pitite hêye, Madame, s’ i v’ plêt!

Nos ‘nnè rîrans bin contints

Djusqu’à d’min â matin (103).

 

(Je viens quêter chez la verte emplâtre a-vec un sac de trois setiers. Tirez hors! Fourrez dedans! Jusqu’à ce qu’il soit bien plein. Petite récompense, Madame, s’il vous plaît! nous nous en irons bien contents jusqu’à demain matin.)

– La Gleize (Stoumont) : Des mendiantes venaient quêter du lard et de la farine pour faire la groumote, le jour des Rois. (…)

– Malmedy : Autrefois, les adultes al­laient quêter à l’occasion de l’Epiphanie. Au fil du temps, seuls les enfants perpétuè­rent la coutume. Aujourd’hui, ils se rendent encore chez les commerçants et entonnent le premier chant cité ci-dessous.

Voici quelques extraits du répertoire an­cien. D’autres chants, d’allure moins popu­laire, ont également été notés par Olivier Lebierre (108) :

Binamée nosse Dame, nos v’nans hèyî;

Ç ‘a stu lès rwas

(Laurent Lombard, Emile Detaille et Henri Bragard notent : l’ curé; Olivier Lebierre note : «C’ èst lès rwas»; Emile Détaille transcrit encore : C’ è-st-oûy lès hèyes; dju vin hèyî, ç’ a stu l’ Bon Dju…)

qui nos-ont (ou: m’ a-st-) avoyî,

Avoyî hî hî! Avoya ha ha !

Avoyoz dès bonès wafes,

Et nos sèrans (ou: dji sèrè) bin brâve(s) (109).

«Les trois rois ont fait présent

À Jésus, roi de Judée ;

Les trois rois ont fait présent

À Jésus, Dieu tout puissant» (104).

 

(Bien-aimée notre Dame, nous venons quêter; ce sont les Rois (le curé, le bon Dieu) qui nous ont (m’a) envoyé(s), A-voyî hî hî! Avoya ha ha! Apportez de bonnes gaufres molles et nous serons (je serai) bien brave(s)).

— Stavelot : Jadis, on quêtait en enton­nant le classique «Melchior et Balthasar…» (105) ou des chants en wallon. Alfred Ha-rou en a transcrit deux. Dans l’un d’eux, on réclame un skèlin (escalin) et une wafe (gaufre) (106).

– Bernister (Malmedy) : Autrefois les habitants du hameau allaient chanter la chanson des trois Rois en Wallonie malmé-dienne. Ils étaient costumés et masqués et recevaient vivres et argent (107).

Olivier Lebierre citait cet autre chant malmédien, dont Rodolphe de Warsage donnait une version très proche :

Nos v’nans hèyî, maîs ç’ n’ èst nin po v’ni briber.

C ‘è-st-one câse qui va d’ tos costés.

Avoyoz-nos dès wafes èt dès crènés ;

Nos-èstans voci po l’s-acsèpter (bis).

(p.87) Qwand nos ‘nn’ îrans, nos v’ dîrans l’ adiu

Dusqu’à  l’ an qui vint, s’ i plêt-st-à Diu (bis)

(si n’ vikans co, selon de Warsage et Y Armonac wallon dol Saméne de 1909, p. 57).

One pitite lôtîre, s ‘i v’ plêt,

Po çou quu n’s-avans si bin chanté.

(Pusqui n’s-avans si bin tchanté,

selon de Warsage, Pace quu, selon l’Armonac) (110).

 

(Nous venons quêter, mais ce n’est pas pour mendier. C’est une cause qui va de tous les côtés. Apportez-nous des gaufres molles et des petits pains fendus par le milieu ; nous sommes ici pour les accep­ter. Quand nous partirons, nous vous di­rons l’adieu jusqu’à l’année prochaine, s’il plaît à Dieu (si nous vivons encore). Une petite récompense, s’il vous plaît, parce que nous avons si bien chanté).

Il s’agit en fait du troisième couplet d’une chanson parue dans L’ Armonac wallon dol Saméne, en 1887. Le deuxième af­firme que c’est une chanson que les quêteurs avaient déjà apprise de leurs pa­rents (111).

Olivier Lebierre citait encore les chan­sons de quête suivantes :

I. Nosse Dame, c’ è-st-oûy lès hèyes!

Qu’ on n’ parle nin d’ briberèyes;

Çu n’ èst qu’ tos héyeûrs ;

I n’ i a pus dès bribeûrs.

Sèyoz-nos brave,

Dunoz dès wafes,

Dès wafes ou on brikèt po mète è nosse pakèt.

 

II. Si v’ n’ avez rin o l’ ârmâre,

Atchôkoz quékes patârs

Ou on bon vî skèlin ;

Nos v’ rumèrciherans bin.

N’s-avans invèye

D’ one bone frêrèye,

Èt çou quu v’ nos dinroz,

Çu sèrè po tortos.

 

III. À r’vèy donk, binamée,

C’ èst fêt po ciste ânée,

Maîs nos-èspèrans bin

Ruv’ni co l’ an qui vint.

Vunoz nos vèy

A nosse frêrèye

Vos-î troûveroz l’ guêté.

Bone nut’ èt bone santé.

 

(I. Notre Dame, c’est aujourd’hui les quêtes de l’Epiphanie! Qu’on ne parle pas de mendicité ; ce ne sont que des quê­teurs ; il n’y a plus de mendiants. Soyez braves avec nous, donnez-nous des gau­fres molles, des gaufres molles ou un qui­gnon de pain pour mettre dans notre paquet.

II.  Si vous n’avez rien dans l’armoire, fourrez quelques patards ou bien un bon vieil escalin ; nous vous remercions bien. Nous avons envie d’un bon festin. Et ce que vous nous donnerez ce sera pour tous.

III. Au revoir donc, bien-aimée, c’est fait pour cette année, mais nous espérons bien revenir l’an prochain. Venez nous (p.88) voir à notre festin, vous y trouverez la gaieté. Bonne nuit et bonne santé).

Rumèrcihans cès brâvès djins (bis),

Qui nos-ont payî si lârdjumint (bis).

Èspèrans qu’ à l’ ânée, si n’ ruv’nans co,

Vos mètroz co (bis)

Duvins nosse bot (remerciement).

 

(Remercions ces braves gens, qui nous ont rétribués si largement. Espérons que l’année prochaine, si nous revenons en­core, vous mettrez encore dans notre hotte).

Tchantans co po r’mèrci cès brâvès djins

Qui nos-ont payî si lârdjumint.

Nos dîrans do bin d’ vos

Wice quu n’ frans nosse frikot,

Et nos v’ criyans :

Adjus’, dusqu’à d’vins on-an (remerciement).

 

(Chantons encore pour remercier ces braves gens qui nous ont rétribués si lar­gement. Nous dirons du bien de vous où nous ferons notre fricot, et nous vous crions : Adieu, jusqu’à l’année pro­chaine).

Si les personnes sollicitées étaient de mauvaise composition, on leur balançait une chanson plutôt crue :

(Nous venons quêter à la petite flamme, le Jean-Gérard n’a plus de seins. Ils sont si ratatinés qu’on ne peut plus les voir).

 

PAYS DE HERVE :

– Blégny : Des enfants circulent dans la localité pour quêter, à l’occasion de l’Epi­phanie. Ils sont peu déguisés. Aujourd’hui, la tournée est surtout le fait d’enfants d’im­migrés (113).

Jusqu’en 1865 environ, des membres de la famille Cresson, des indigents provenant de Blegny-Trembleur, partaient de cette lo­calité et se rendaient à La Préaile (Herstal) en entonnant une chanson des trois Rois, en treize couplets (114). «Les collecteurs étaient toujours à trois : trois hommes, ou deux hommes et une femme. Deux de ces personnages étaient habillés de grandes blouses, l’une blanche, l’autre rayée de blanc et de bleu ; ils portaient des chapeaux coniques, ornés de noeuds d’étoffe de cou­leur. Le troisième, qui représentait « Le Roi noir», se basanait la figure; il était coiffé d’un turban; il portait une bourse attachée à un long manche, et au-dessous de laquelle pend [sic] une petite sonnette ». À la fin du siècle dernier, la coutume subsistait encore, mais les Cresson ne se rendaient plus jus­qu’à Herstal, la gendarmerie locale leur ayant signifié qu’ils y étaient personae non gratae (115).

À Trembleur même, la quête se faisait surtout le 1er janvier autrefois (116).

– Ayeneux (Soumagne) : Des enfants et même    des    adultes    quêtaient    gaufres, pommes, monnaie… en entonnant ce chant :

Nos v’nans hèyî à l’ flaminète,

Lu Tchan-Djèrâ n’ a pus dès tètes,

Eles sont si rakètchîes

Qu’ on n’ lès pout pus loukî (112).

C’ è-st-oûy lès hés,

I n-a pus dè l’ misére.

Fez nos lès wafes,

Nos sèrans braves.

Ô p’tit bokèt d’ galèt

Po mète è nosse cafè,

Ô p’tit bokèt d’ djambon

Po fé goter (ou glèter) nosse minton.

Sitrumez-me, nosse Dame,

Dji prèyerè l’ bô Dju qui v’ mète

Divins ‘ne sinte èt ureûse an.nêye

(ou: Sitrumez-me, nosse Dame,

Ci n’ èst qu’ ène fêye so èn-an) (ou: so l’an) (117).

 

(C’est aujourd’hui les quêtes, il n’y a plus de misère. Faites-nous des gaufres molles, nous serons braves. Un petit mor­ceau de gaufre dure pour mettre dans no­tre café, un petit morceau de jambon pour faire goûter (ou baver) notre menton. Etrennez-moi, notre Dame, je prierai le bon Dieu qu’il vous place dans une sainte et heureuse année) (Etrennez-moi, notre Dame, ce n’est qu’une fois par an).

Ce chant semble cependant avoir été em­prunté au répertoire des quêtes de nouvel an.

– Dison : Les enfants viennent quêter à l’Epiphanie. Ils sont costumés et chantent ce couplet, emprunté aux quêtes de la nou­velle année, très populaires dans la région de Thimister :

Bondjoû, Madame, nos v’nans hêlî,

Eune bone annêye àv’s sohêtî.

Ifêt sifreûd chai so lès pires,

I n’a m’ nez qui djale come eune pètèye crompîre.

 

(Bonjour, Madame, nous venons quêter, une bonne année à vous souhaiter. Il fait si froid ici sous les pierres, mon nez gèle

comme une pomme de terre cuite sous la cendre).

On les récompense en leur donnant des pièces. La tradition existait aussi à Otto-mont, où cet air était également utilisé, mais elle y a disparu (118).

– Verviers : D’après Jean Wisimus, au­trefois, les enfants quêtaient le soir du 5 janvier chez les commerçants de leur quar­tier. Ceux-ci leur donnaient des vivres de toute nature. Ces quêtes, lès hèles, s’ac­compagnaient de couplets que les enfants reprenaient tous en choeur. En voici, deux, publiés par l’auteur verviétois :

C’ è-st-oûy lès hèles,

I n-a pus dè l’ misére;

C’ èst tos hélieûs,

I n-a pus dès bribeûs.

Seûyîz nos braves,

Apwèrtez nos dès wafes,

On p’tit brikèt (ou: bricelèt, croissant au sucre)

Po mète è nosse cafè ».

(Variante notée par Joseph Meunier :

Fez-nos lès wafes

On bon galèt

Po mète è nosse bansetè.)

(Variante de Henri Poetgens :

Avoyîz-nos dès wafes,

ô p’tit brècelèt

Po mète è nosse cafè.)

(Variante d’Emile Détaille :

Fez-nos lès wafes,

Vos sèrez bin braves.

On bon bricelèt

Po mète è nosse cafè).

(Autre variante d’Emile Detaille :

Sèyîz-nos braves,

Fez-nos lès wafes,

Lès wafes èt lès galèts

Po mète è nosse pakèt).

 

(C’est aujourd’hui les quêtes de l’Epi­phanie, il n’y a plus de misère; ce sont tous des quêteurs, il n’y a plus de men­diants. Soyez brave à notre égard, appor­tez des gaufres molles, un petit quignon de pain (un croissant au sucre) pour met­tre dans notre café (Faites-nous des gau­fres molles, une bonne gaufre dure pour mettre dans notre panier) (Envoyez-nous des gaufres molles, un petit croissant au sucre pour mettre dans notre café) (Faites-nous des gaufres molles, vous se­rez bien brave. Un petit croissant au su­cre pour mettre dans notre café) (Soyez brave à notre égard, faites-nous des gau­fres molles, des gaufres molles et des dures pour mettre dans notre paquet).

Al hèle, ô Dame, dju vin hélî,

C’ èst po vèy çou qu’vos m’ dôrez,

On p’tit côp d’ vosse bîre,

Ôte tchwè, c’ èst todi bon,

Tot-à fêt vêt bèn à pont

Po lès pôvès djins

Qui n’ ont ré po d’min.

One pitite saqwè

Po lès haveteûs d’â Tchèt (tondeurs de l’établissement Simonis, situé au lieu-dit â Tchèt, à Verviers).

les pauvres gens qui n’ont rien pour de­main. Une petite chose pour les tondeurs du Tchèt).

Les chanteurs recevaient de la «couque», un morceau de gâteau, du café, de la tarte, des pieds de porc, des gaufres, du genièvre (119)…

Joseph Meunier a recueilli d’autres chan­sons de quête. En voici les textes :

I fêt si freûd voci so lès pîres,

A m’ nez qu’ èdjale come one crôpîre

Èt mès deûts tot à crandjons.

Binamèye Madame, i n’ fêt né bon.

Avoyîz-nos ‘ne pitite hèle, Madame, s’ i v’ plêt.

 

(Il fait si froid ici sur les pierres, mon nez gèle comme une pomme de terre et mes doigts se tortillent. Bien-aimée Madame, il ne fait pas bon. Apportez-nous une pe­tite récompense, Madame, s’il vous plaît).

Bôdjou nosse Dame, dju vé héli.

Dj’ a-st-ô sètch qui têt treûs stîs.

Boutez foû ! Boutez d’vins !

Dusqu’à tant qu’ i seûye tot plin.

 

(Bonjour, notre Dame, je viens quêter. J’ai un sac de trois setiers. Tirez hors! Fourrez dedans ! Jusqu’à ce qu’il soit tout plein). (…)

Lès treûs Marèye qui s’ è vont

– Quu qwèrez-ve, don, Marèye ?…

– Nos qwèrans l’ Èfant Jésus.

Nos n’ savans là qu nos l’ troûverans.

– Vos l’ troûverez à l’ aube dè l’ creûs

Inte lès deûs larons pindant!…

Marèye qu’ est toumèye.

Ayez pitié de son enfant.

Saint Djuhan qu’ èsteût tot près

El rulîve tot plorant…

Avoyîz-nos vosse hèle

En l’ oneûr dè Rwè pwissant.

 

(Les trois Marie qui s’en vont. – Que cherchez-vous donc Marie?… – Nous cherchons l’Enfant Jésus. Nous ne savons pas où nous le trouverons. – Vous le trouverez à l’arbre de la croix, pendant entre les deux larrons!… Marie est tom­bée. Ayez pitié de son enfant. Saint Jean qui était à proximité la relève en pleu­rant… Envoyez-nous votre récompense en l’honneur du Roi puissant).

A l’ hèle, ô l’ Dame, ô l’ vète èplausse.

A l’ mêsse qu ‘a tchî tot plin s’ cou-d’-tchausse !

Flèyau, Dame, à l’ flaminète (vengeance) (120).

 

(À la quête, ô la Dame, ô la verte emplâ­tre. Le maître de céans a chié dans sa cu­lotte ! Fléau, Dame, à la petite flamme).

Ces deux chants, dont le dernier n’était entonné qu’en cas de refus de donner quoi que ce soit, ont été notés par Joseph Meu­nier d’après un article de l’auteur wallon Nicolas Grosjean, publié dans Le Jour.

L’Aurmonak de l’ foleie donnait d’autres formules vengeresses, provenant proba­blement de la cité lainière :

Madame n’ èst nin là :

Ile a fêt ô faus pas,

Ile a toumé so s’ nez.

 

(Madame n’est pas là : elle a fait un faux pas, elle est tombée sur son nez).

Lu mêsse est sûr au lieû :

‘l a mèsauhe, lu pouyeû.

 

(Le maître (de céans) est certainement aux toilettes : il a besoin, le radin).

Pelé Mossieû, pèlèye Madame.

 

(Homme avare, femme avare. Formule inspirée des cris vengeurs poussés à la sortie des baptêmes).

En cas de mauvais accueil, notait Jean Wisimus, on avait le choix entre les trois couplets suivants :

‘l a l’ diâle è s’ tchapê!

‘l a l’ diâle è s’ tchapê (pour un homme).

 

(Il a le diable dans son chapeau).

 

A l’ hèle, ô Dame, à l’ flaminète,

Lu fame du chal a s’ cou qui pète (pour une femme).

 

(À la quête, ô Dame, à la petite flamme, la femme d’ici a son cul qui pète).

 

A l’ hèle, ô Dame, à l’ flaminète.

L’ ome du chal n’ a pus nole mizwète :

(p.92) On lî a côpé avou ‘ne cisète,

On l’ a rosti èn-one pêlète (121).

 

(À la quête, ô Dame, à la petite flamme. L’homme d’ici n’a plus de petite souris (sexe) : on lui a coupé avec des ciseaux, on l’a rôtie dans un poêlon).

Joseph Meunier notait que parmi les quê­teurs, il s’en trouvait un qui tenait une hotte pour recevoir les dons en nature et un autre qui se chargeait de la bourse. Souvent un membre de la bande se noircissait le visage. Ces groupes étaient souvent formés d’indi­gents, mais aussi déjeunes ouvriers.

Parfois, les quêteurs allaient trois par trois et se costumaient en Rois. L’un se noircissait le visage avec de la suie. Ces groupes chantaient surtout le célèbre « Melchior et Balthasar… » (122).

–   Lambermont (Verviers):  Jadis, les jeunes gens se réunissaient à l’Epiphanie, pour aller quêter dans les commerces et les maisons. Ils entonnaient  la chanson de quête notée par Jean Wisimus (première version) et, lorsque la personne sollicitée se montrait chiche, l’un des trois couplets ven­geurs recueillis par le même auteur (123).

–  Charneux (Hervé) : Le 5 ou le 6 jan­vier, de petits groupes d’enfants viennent hêlî à l’occasion de l’Epiphanie. Lorsqu’ils sont trois, ils figurent chacun un Roi mage. Deux sont alors grimés en noir et en jaune. Quand un quatrième apôtre se joint à la bande, il porte l’étoile (124).

Parfois, jadis, des mendiants non dégui­sés et provenant de Hervé venaient égale­ment quêter dans le village (125).

–  Herve : Jadis, la ville était parcourue par trois jeunes garçons, plus ou moins dé­guisés, qui figuraient les Rois mages se ren­dant à Bethléem. Ils chantaient aux portes la chanson des trois Rois. Un des enfants portait une hotte, un autre avait le visage noirci pour figurer le Roi noir. Il agitait une sonnette fixée à un bâton (126).

–  Froidthier (Thimister) : Quelques en­fants viennent quêter de maison en maison, comme pour la nouvelle année (127).

– La Minerie (Thimister) : Entre trente et quarante enfants font la quête de l’Epipha­nie. Ils se déplacent par groupes de trois ou quatre. Un des membres de la bande est gri­mé comme s’il s’agissait d’un noir. Un au­tre porte souvent une étoile. Parfois, un quêteur joue d’un instrument pendant que les autres chantent (128).

–  Thimister : On fait aussi la quête des Rois au village, même si c’est celle de la nouvelle année qui semble remporter le plus de succès. Les quêteurs se déguisent en Rois mages pour celle de l’Epiphanie. Ils entonnent les mêmes chansons tradition­nelles que celles que l’on chante pour la quête de la nouvelle année (129).

–  Bilstain (Limbourg) : Durant toute la soirée du 6 janvier, les enfants vont par pe­tits groupes, vêtus de hardes, pour hèlî à l’occasion de l’Epiphanie. On les invite à chanter le traditionnel Bondjoû, Madame… (voir la notice sur Dison). Ceux de Bilstain vont aussi à Clermont (Thimister) (130).

Quête de la nouvelle année à Thimister, 31 décembre 1987 (Photo Y.B.).

–  Dolhain (Limbourg): D’après Ro­dolphe de Warsage, jadis, on chantait:

Hèyî, nosse Dame, dji vin hèyî.

Voste amoureûs m’ a-st-èvoyî

Po-d’zos lès grés di vosse plantchî.

Djambe di bwès ! Djambe d’ohê !

On p’tit rondê è m’ sètchê.

Lès treûs rwès vu d’mandent

Qui vos fîhes l’ ofrande.

Tchantez ! Plantez !

Dusqu’à Pâke èt Noyé,

Totes lès-eûres qui vont soner.

On p’tit [sic] hèle, do (dô ?), Madame,

Dj’ a si bin tchanté.

 

(Quêter, notre Dame, je viens quêter. Vo­tre amoureux m’a envoyé par dessous les marches de vôtres plancher. Jambe de bois! Jambe d’os! Une petite rouelle dans mon sachet. Les trois Rois vous de­mandent que vous passiez à l’offrande. Chantez! Plantez! Jusques Pâques et Noël, toutes les heures qui vont sonner. Une petite récompense, Madame, j’ai si bien chanté).

Cette chanson fait clairement référence à trois Rois qui quêtent. Le fait que ce soit l’amoureux qui envoie les enfants, selon leurs dires, semble révélateur de la croyance qui voulait que dans certaines conditions la personnalité du quêteur soit un bon présage matrimonial ou un gage de prospérité.

C’était notamment le cas lorsque le premier vendeur de nûles qui se présentait chez une jeune Liégeoise était un garçon (131).

– Limbourg : Les hèles se faisaient les 4, 5 et 6 janvier. On entonnait une chanson longue. Si la personne sollicitée refusait de donner, on chantait :

Hêlî Dame à l’ vète èplausse,

A l’ fame du voci

qu’ a tchî è s’ cou-d’-tchausse (ou Hêlî Dame à l’ clarinète…)

 

(Quêter, Dame, à la verte emplâtre, la femme d’ici chie dans sa culotte) (ou Quê­ter, Dame, à la clarinette…) (132).

– Membach (Baelen) : Le 6 janvier, sur­tout en soirée, les enfants viennent sonner aux portes pour recevoir des galettes, des friandises et de l’argent. Ils sont déguisés en Rois. Ils portent barbes et couronnes. Deux sont blancs, le visage du troisième est noirci. Une douzaine de groupes circulent. Ils entonnent « Melchior et Balthasar…», en français. Avant la deuxième guerre mon­diale, le répertoire était plus fourni.  On chantait en allemand et en patois germani­que (133).

La quête de Membach n’est pas sans rap­peler la tradition telle qu’elle se perpétue en Rhénanie et dans une grande partie de l’Al­lemagne.

 

Après avoir passé en revue toutes les at­testations de la partie de la province de Liège relevant de la Communauté française, il convient de tirer quelques conclusions :

1. L’origine du terme hêli et de ses déri­vés fit l’objet de plusieurs hypothèses. Maurice Delbouille a rédigé un savant arti­cle à ce sujet. Ses informations étaient erro­nées cependant quand il affirmait que la quête du 31 décembre a disparu. Il n’en est rien. Elle est toujours bien vivante, notam­ment dans les environs de Thimister.

Au sujet du verbe heel, Jean Haust écri­vait : «Descendons la Meuse vers Maes-tricht et le Limbourg, et nous rencontrerons le moyen-néerlandais heel (d’où geheel), correspondant au gothique hail-s, à l’ancien

et au moyen haut-allemand heil, à l’anglo-saxon haël (d’où l’anglais whole), etc., qui ont à la fois le sens d’augurium, de bonne santé et de bonheur. – Dans l’ancienne Ger­manie, le nominatif de cet adjectif servait de formule de salutation. Le vieux haut-al­lemand connaît aussi un verbe heilisôn au-gurari. Hêli, qui s’est conservé à l’est de la province de Liège, c’est souhaiter à quel­qu’un le heel» (134).

2.   Plusieurs  indices  prouvent  que  les chansons de quête utilisées en province de Liège sont anciennes. Ainsi, à Spa, Malme-dy et Stavelot, on parlait de skèlins, tandis qu’à Fairon, Comblain-la-Tour et Malme-dy, on évoquait les patards, monnaies de l’Ancien Régime. En maints endroits, on compte aussi en setiers (stîs) pour remplir les paniers. Ce mot, qui finit d’ailleurs par ne plus être compris, fut déformé par cer­tains   quêteurs.   En   outre   les   chansons contiennent de nombreux mots archaïques.

3.  L’évolution des quêtes, lorsque l’on peut l’esquisser,  amène  à la conclusion qu’elles furent souvent effectuées par les adultes, mendiants ou non, autrefois. Ils é-taient cependant  imités par les  enfants. Moins ailiers, ceux-ci ont mieux maintenu la coutume. En ce qui concerne l’appropria­tion des quêtes d’adultes et de jeunes gens par les enfants, il faut se garder de conclure trop rapidement, comme nous y invite Ar­nold van Gennep (135). En tout cas, il est certain   que   dans   diverses   localités,   les adultes et les jeunes gens furent les pre­miers à abandonner la quête. Mais on ne peut pas affirmer qu’il y eut un glissement généralisé  vers   la  catégorie  d’âge  infé­rieure. En effet, les enfants semblent quêter depuis longtemps dans de nombreux en­droits. Une analyse au cas par cas s’avére­rait nécessaire, pour autant qu’on puisse l’envisager.

4. Aujourd’hui, le produit de la collecte consiste surtout en argent et en friandises. Leur nature a cependant évolué : aux fruits (p.95) et aux pâtisseries, ont succédé les bonbons, les «chiques», d’aujourd’hui.

Néanmoins, les chansons de quête nous permettent de dresser un tableau des vic­tuailles et des objets dont on gratifiait les quêteurs.

Ils recevaient souvent de la viande, géné­ralement de porc : du lard (Filot, Lincé, (p.96) Sprimont), la queue du cochon (Sougné-Re-mouchamps), de la saucisse (Lincé et Spri­mont), des morceaux de jambon (Lincé, Sprimont, Liège, Ayeneux, Sougné-Remouchamps, Florzé) ou des côtes de porc salées (Lincé, Sprimont, Liège). A Sougné-Remouchamps, on note aussi le don de quar­tiers de mouton.

Les quêteurs recevaient aussi des fruits : noix (région de Spa), pommes (Oneux, Ayeneux), poires cuites (Mont).

Mais c’étaient les mets préparés avec des denrées panifiables qui se taillaient la part du gâteau : gaufres (Comblain, Sougné-R-mouchamps, Aywaille, Chambralles, Kin, Xhoris, Juslenville, Polleur, Spa, Stavelot, Malmedy, Ayeneux, Verviers), tartes (Verviers), cougnous (Xhoris), galets (Fairon, Comblain-la-Tour, Comblain, Sougné-Re-mouchamps, Aywaille, Xhoris, Juslenville, Polleur, Ayeneux, Verviers, Florzé, région de Spa), crènés (Malmedy), quignons de pain (Malmedy, Verviers), pains (Oneux), tartines de makêye (Juslenville), couques (Verviers), croissants au sucre (Verviers), gâteaux (Lincé, Sprimont, Dolembreux, Liège, Spa) et boûkètes (région liégeoise). On donnait aussi de la farine de seigle ou de froment (Verviers, Gomzé-Andoumont).

Le morceau de gâteau donné aux quê­teurs était parfois nommé la pârt-Dièw, ap­pellation qu’on trouve également attestée dans certaines régions françaises (136). Ce don d’un morceau de gâteau des Rois sem­ble plutôt lié aux centres urbains, notam­ment à la Cité ardente, où le gâteau du 6 janvier semble avoir joui d’une plus grande popularité que dans les campagnes.

Pour préparer toutes ces victuailles, les quêteurs ont probablement sollicité des dons en combustible, autrefois. Ainsi, à Spa et Gomzé-Andoumont, on demandait des crahês (morceaux de houille incomplète­ment brûlés).

Certains dons semblent avoir été exclusi­vement réservés aux adultes et aux jeunes gens. C’est le cas des cigarettes et des ci­gares (Fairon et Comblain-la-Tour). De même, les boissons alcoolisées devaient être destinées aux aînés. On s’étonnera ce­pendant que le genièvre ne soit attesté qu’une seule fois, à Verviers, alors que les quêtes se déroulent en plein hiver. Les chansons font parfois allusion au vin (Tilff, Liège, Sougné-Remouchamps) et à la bière (Juslenville, Liège, Spa et Verviers). On ne sollicite le don de café qu’à Xhoris et Ver­viers.

Le don d’argent n’est pas récent, ainsi que l’attestent les mentions de patards et d’escalins. Néanmoins, il devait être peu fréquent autrefois, car la monnaie était rare dans les campagnes.

5. Lors de leur tournée, les hèyeûs sancti­fient et purifient les maisons qu’ils visitent. Cette quête est — nous l’avons déjà dit — un gage de prospérité pour les visités ainsi qu’un geste de protection de la maisonnée.

Et si l’on ne se montre pas généreux, on risque, comme à Sougné-Remouchamps, de s’entendre souhaiter le diable dans la mai­son toute l’année. Dès lors, il n’est pas é-tonnant que, parfois, le quêteur fasse allusion à une demande émanant du maître des lieux.

C’ è-st-en hèyant, dji vin hèyîr

Li mêsse di chal m’a-st-avoyî

Il a dit qu’ vos m’ dinahîz

On bokèt d’ wastê d’ vosse boldjî

Dji v’s-èl rindrè divins in-an

Ca ç’t-an.nêye chal, dj’ a pris dè pan (137).

 

(C’est en quêtant, je viens quêter, le maî­tre de céans m’a envoyé. Il a dit que vous me donneriez un morceau de gâteau de votre boulanger. Je vous le rendrai dans un an car cette année j’ai pris du pain).

Il doit exister un certain parallélisme en­tre les quêtes de l’Epiphanie et la fertilité que l’on demandait à d’autres occasions, notamment lors des tournées de la Saint-Grégoire (12 mars). D’ailleurs, ne retrouve-t-on pas une allusion à des oignons pourris dans une des chansons de quête notée à Sougné-Remouchamps par Jean-Denys Boussart? De même, à Fairon (Hamoir) par exemple, les quêteurs «allaient à l’of­frande» et demandaient les « biens de l’été». Ils se posaient en quelque sorte en intercesseurs pour obtenir la fertilité et de bonnes récoltes. Enfin, les quêteurs incitent ceux qu’ils visitent à planter après leur vi­site.

La quête a dû aussi jouer, comme la vente de la nûle, un rôle matrimonial, ainsi que le laissent penser les formules recueil­lies à Dolhain (Limbourg) et Oneux (Comblain), où l’on demande de l’or, qui devrait permettre de marier tos vos bês p’tits-èfants.

Dans l’extrait de chanson d’Adam de la Halle, les quêteurs s’adressaient déjà aux a-moureux.

6. Les formules de réprobation qu’enton­nent les quêteurs pastichent souvent la chanson de bénédiction. Les quêteurs sont alors grossiers. Ils font fréquemment allu­sion à la constitution physique peu avanta­geuse des habitants.

Mais il leur arrive aussi de proférer de réelles menaces à l’égard des avares. Ainsi, à Spa, on chantait l’histoire d’une dame qui refusa l’aumône à Dieu personnifié par un pauvre et que l’on retrouva morte devant son crucifix, le lendemain (138). Voici le texte de la chanson, tel qu’il fut publié en 1938 :

«C’était not’ Sauveur Jésus-Christ

Qui s’en va porte à porte pour demander sa vie

II lui dit : «Madam’ enfin,

Vous plaît-il de m’ donner un petit morceau de pain? »

Madam’ lui répond : «C’est certain

Je n’ sais qui que vous et’s et je n’ai pas de pain

Allez-vous en chercher :

Allez, ce que j’achète, ce n’est pas pour donner».

Hélas Madam’, à quoi pensez-vous, De refuser l’aumône à Jésus si doux? Pensez à votre fin

Sûr et certain que vous mourrez demain. Le lendemain, de grand matin

On trouva Madam’ morte devant son crucifix.

On fit la procession.

A l’entour de la ville, avec grand’ dévotion.

Madam’ est morte, chose assurée. En dehors de l’église on l’a enterrée Elle est morte sans confession

Pour refuser l’aumône à Jésus tout-puissant».

Les quêteurs jouent parfois sur le qu’en-dira-t-on. Ils crient leurs formules gros­sières pour qu’elles soient bien entendues de tous. Parfois, en cas d’accueil favorable, ils assurent aux habitants qu’ils diront du bien d’eux dans les autres maisons (Lincé, Sprimont, Malmedy).

7. La référence à des éléments chrétiens est clairement attestée par la présence de Rois mages dans certaines localités et par le contenu de certaines chansons. Ainsi dans celle-ci, notée par Henri Simon :

C’ è-st-oûy lès hêyes, dji vin hèyî

Ç’ a sti (stî) l’ bon Diu qu’ m’ a-st-avoyî.

Puisque Dieu m’a-t-envoyé,

Vos n’ nos polez don rèfuser

Alez, alez, çou qu’ vos donerez,

È paradis, vos l’ ritroûverez (139).

 

(C’est aujourd’hui les quêtes de l’Epi­phanie, je viens quêter; c’est le bon Dieu qui m’a envoyé. Puisque Dieu m’a en­voyé, vous ne pouvez donc refuser. Al­lez, allez, ce que vous donnerez, au paradis, vous le retrouverez).

De même à Dolembreux (Sprimont), on affirmait que le Bon Dieu renverrait de l’or, un mitchot ou un wastê aux généreux dona­teurs. Nous ne sommes pas loin de la for­mule «Dieu vous le rendra au centuple», classique dans la bouche des mendiants d’autrefois.

Cependant, si l’on excepte le classique «Melchior et Balthasar…», aucun des chants de quête ne semble avoir été compo­sé dans des buts de propagande religieuse. Il s’agit de chants populaires, créés par et pour des laïques. Le vernis religieux ne fait que donner une coloration à la quête.

8. Les chansons véhiculent plusieurs élé­ments symboliques. Parmi ceux-ci, le chif­fre trois. Bizarrement, il ne s’applique que rarement aux Rois mages, dans les chan­sons. On cite bien des rois, mais qu’il ne va pas de soi d’identifier avec les têtes couron­nées qui auraient adoré le Christ. On re­trouve aussi le symbole du chiffre trois dans les mentions des trois setiers et de trois Marie (Winamplanche, Verviers, Do­lembreux), qui semblent pouvoir être iden­tifiées avec les femmes ayant découvert le tombeau vide du Christ.

Plusieurs allusions à la symbolique de la lumière semblent transparaître dans les chansons. On parle de la flaminète, dont s’éclairaient probablement les quêteurs. Le thème de la blanke mohone est aussi récur­rent. Il paraît évoquer une demeure où l’on reçoit un bon accueil. On peut l’opposer à la vête épiasse des couplets vengeurs. La couleur verte a souvent une connotation diabolique dans les récits traditionnels de Wallonie.

9.  Le bruit semble jouer un rôle impor­tant dans les quêtes. Les chants qui ont été notés  sont rarement mélodieux.  On  les scande à tue-tête. En outre, dans quelque cas, on signale l’utilisation d’une clochette (Liège, Tilff, Blegny, Hervé). Il est possible que cet instrument ait anciennement joué un rôle magique, par le bruit qu’il produisait.

10. Le cycle des douze jours est considé­ré comme une période durant laquelle des êtres  maléfiques  peuvent  se  manifester. C’est par exemple le cas des âmes qui n’ont pu trouver une place au paradis. C’est peut-être pour les symboliser que l’on met en exergue la flaminète de la chanson.

D’autres éléments semblent faire réfé­rence à cette croyance au retour des âmes. Ainsi dans la chanson spadoise évoquant la mort de la personne n’ayant pas voulu rece­voir Jésus, on conclut en affirmant que la morte n’a pu être enterrée à l’église.

Une chanson notée par Jean-Denys Boussart à Sougné-Remouchamps est plus expli­cite :

[…] Qwand nos sèrans turtos mwèrts,

 

Nos sèrans è tère boutés ;

 

Nos n’ ârans pus ni fré ni soûr,

 

Qui nos vinront toûrmèter,

 

Si ç’ n’ èst Diaw ou l’ amér Diaw […].

 

 

(Quand nous serons tous morts, nous se­rons portés en terre; nous n’aurons plus ni frère ni sœur qui viendront nous tour­menter, si ce n’est le diable et l’amer dia­ble).

Un témoin explique qu’il s’agit de petits diables. On peut les comparer avec les vi­sages noircis de certains des Rois, qui, au-delà de la référence aux mages, semblent indiquer qu’ils viennent d’outre-tombe.

Ces quelques éléments semblent attester la survivance de visites des esprits des morts qu’il faut apaiser par des dons et qu’ils faut récompenser car ils sont redouta­bles (140).

Mais il serait bien hasardeux de conclure trop rapidement. Les attestations anciennes font défaut pour établir une véritable filia­tion avec des usages remontant au haut Moyen Âge ou encore avant. Ainsi que le notait Arnold van Gennep : « II se peut que les Gallo-Romains aient eu des tournées de quêtes et des distributions d’étrennes; mais aucun texte ne le prouve. De même des Mé­rovingiens et des Carolingiens» (141).

11. Les quêtes de l’Epiphanie ne sem­blent pas être, comme le pensait Maurice Delbouille, la répétition d’autres coutumes liées au début de l’année. En effet, on n’y trouve pas ou peu d’éléments rappelant la Noël. Dans les chansons, on ne cite que ra­rement les boûkètes ou les cougnous. En outre, le répertoire de chansons de la nou­velle année ne correspond guère avec celui des Rois. Enfin, si la quête des Rois avait jadis eu comme fonction de marquer le dé­but de l’année, on aurait certainement trou­vé plus de mentions d’étrennes ou d’un renouvellement calendaire qu’on en voit ap­paraître dans les chants repris ci-dessus. Dès lors, dans l’état actuel des recherches, il faut considérer la quête de l’Epiphanie comme une manifestation relativement ori­ginale dans le calendrier folklorique lié­geois. Il ne s’agit point d’un nouvel an «ersatz».

Les quêteurs ne se considèrent pas comme des bribeûs, des mendiants, mais plutôt comme des hèyeûs. Leur fonction est donc étroitement liée au jour de la quête. Sonner aux portes avant ou après relevait, dans l’esprit populaire, de la mendicité. Cette conception confère au jour des Rois et aux quêtes un caractère solennel tout parti­culier et contribue à en faire une étape char­nière du cycle traditionnel annuel qu’il convient de mettre en valeur et de sauvegar­der, au même titre que nos carnavals ou nos grands feux.

 

Yves BASTIN

 

Notes

(La rédaction remercie Mme Marie-Thérèse Cou-net, dialectologue, pour les précieux conseils qu’elle a bien voulu donner lors de la relecture des textes en wallon).

(1)  Les textes de la région de Stavelot et la men­tion hutoise sont cités par L. marquet, Origine d’un type carnavalesque : le vèheû de Malmedy, Bruxelles, Commission royale belge de Folklore. Section wal­lonne (Collection Folklore et Art populaire de Wallo­nie, vol. VI), p. 21, d’après Les Records des Coutumes du Pays de Stavelot, édités par É. Poncelet, M. yans et G. hansotte, Bruxelles, 1958, pp. 264, 234 et 353, et G. cohen, Mémoires de l’Académie royale de Bel­gique. Classe des lettres, 2e série, t. XII, 1953, p. 173. Pour l’attestation de 1516, voir J.G. schoonbroodt, Inventaire analytique et chronologique des archives de l’abbaye du Val-St-Lambert, lez-Liège, t. II, Liège, 1880, p. 138.

Repris notamment dans A. body, Recherches sur le folklore de Spa, dans Wallonia, t. VII, 1899, p. 190, et R. thisse-derouette, Quêtes de l’Epiphanie. Grou-mote et vèheû, dans Ardenne et Famenne, n° 1, 1963, p. 34.

(2)  M. delbouille, A propos de «hèyî-hélî», dans Bulletin du Dictionnaire général de la Langue wal­lonne, t. XVI, pp. 46-52.

(3)  H. simon, Quatre comédies liégeoises, Liège, 1936, p. 59 (Collection «Nos dialectes», n° 5).

(4) O. colson, Le jour des Rois, dans Wallonia, 1.1, 1893, p. 5.

(5) M. René Gentes (Les Awirs).

(6) Mme Marie-Thérèse Herman (Glons).

(7) L’utilisation de cet instrument populaire dans le cadre  des  quêtes  de  l’Epiphanie  était  également connue en Flandre française et en Flandre belge. Cfr A. van gennep, Manuel de folklore français contem­porain, t. I, vol. VII, Paris, 1958, p. 2915. Voir aussi E.   closson,   Chansons populaires  des provinces belges. Anthologie, 2e éd., Bruxelles, 1905, p. 36.

(8) E. freson, Folklore. Les Rois, dans Bulletin du Vieux-Liège, t. VI, 1961, p. 44.

(9)  Mme Marguerite Baré et abbé Charles Gillard (Villers-Saint-Siméon).

(10)   A. collart-sacré, La libre seigneurie de Herstal. Son histoire, ses monuments, ses rues et ses lieux-dits, 1.1, Liège, 1927, p. 70.

(11) Société archéo-historique de Visé et des sa Ré­gion. Bulletin officiel, n° 7, mars 1934, p. 19.

(12)  Atlas linguistique de la Wallonie <=ALW), t. HI, Liège, 1955, p. 314.

(13)  Échos de  Comblain  (=EC),  février  1957, p. 13.

(14) EC, mars 1957, p. 22.

(15) EC, avril 1957, p. 31.

Version quelque peu différente publiée dans EC, jan­vier 1971, p. 4.

(16) EC, janvier 1960, p. 5, et janvier 1971, p. 5.

(17) Mme Nicolay-Halleux (Comblain-la-Tour).

(18) La veille des Rois, dans Études comblinoises, n° 8, novembre 1936, p. 68.

Également cité par Emile Détaille pour la «région lié­geoise». Cfr EC, mars 1957, p. 21. Le même auteur cite un autre chant comblennois offrant des simili­tudes avec la version citée, ainsi qu’un autre chant fort semblable provenant de Fraiture (Sprimont). Cfr EC, janvier 1959, p. 1; janvier 1960, p. 4; janvier 1957, p. 2.

(19) La veille des Rois, dans Études comblinoises, n° 8, novembre 1936, p. 68.

Version semblable, à quelques détails près, citée par Emile Détaille pour la région verviétoise. Cfr EC, jan­vier 1960, p. 6.

(20) EC, janvier 1960, p. 5.

(21) EC, février 1957, p. 14.

(22) M. Louis Defgnée (Mont).

(23)  EC, avril 1957, p. 31, janvier 1959, p. 1, et, janvier 1980, p. 4.

(24) EC, février 1959, p. 13.

(25) EC, janvier 1960, p. 4.

(26) EC, janvier 1960, p. 5.

(27)  Soeur Marie-Pierre, Mmes Etienne et Rachel Malempré (Sougné-Remouchamps).

(28) Également donné par Emile Détaille. Cfr EC, février 1957, p. 14.

(29) Chanson également notée à Filot. Elle servait aussi de chanson de quête à Oneux (Comblain) avant 1914, à Sprimont et Louveigné (Sprimont). Cfr Chan­sons populaires de l’ Ardenne septentrionale (Lorcé et Filot), recueillies par É. senny, publiées et commen­tées par R.  pinon, vol.  1, Bruxelles, Commission royale de Folklore, 1961, p. 7. Elle est reproduite dans le vol. 2, 1962, pp. 122-123.

(30)   Jean-Denys Boussart ajoute à cet endroit, d’après Rachel Malempré :

« Apportez au moins Une bouteille de vin Et un bon jambon, Un quartier de mouton».

(31) Mme Rachel Malempré (Sougné).

(32)  Version très proche recueillie à Aywaille par Emile Détaille. On y parle de trois porcs, dont un a été engraissé aux carottes et deux aux navets. Cfr EC, avril 1957, p. 31.

(33) C’était la chanson des vieux parents Laguesse, les passeurs d’eau de Sougné, que la grand-mère d’un des  témoins   interrogés  par Jean-Denys  Boussart, morte en 1939 à 72 ans, fredonnait aussi.

Une autre version donne, à l’avant dernier vers : «Si ç’ n’est l’ Diaw et la mère Diaw, cès-là sont pwissants assez».

Selon les témoins, il s’agirait de petits diables (pour la première version) ou de Dieu et de la mère de Dieu (dans le cas de la seconde).

(34) J.-D. boussart, Au pays des «Gad’lîs», dans Li Clabot, janvier 1973, pp. 6-7.

(35) MM. Hayebin, Albert Renard et Fernand Bas-tin (Awan).

(36)  Mme Vilenne, abbé Michel Reginster (Dieu-part), M. Carpentier (Aywaille).

(37) £C, avril 1957, p. 31.

(38)    Mme   Germaine   Pêcheur-Copay   (Cham-bralles).

(39) £C, janvier 1960, p. 5.

(40) Mme Etienne (Deigné).

(41) EC, janvier 1960, p. 5.

(42) EC, janvier 1960, p. 5.

(43) M. René Amand (Harzé). Voir aussi ALW, t. III, 1955, p. 314.

(44) ALW, t. HI, 1955, p. 315.

(45) EC, février 1957, p. 14.

(46) EC, avril 1957, p. 31.

Cette chanson a probablement été inspirée par celles des hêlieûs du plateau de Hervé, qui quêtent le soir du 31 décembre.

(47) Mmes Lejeune et Marie Minguet-Bonmariage (Houssonloge).

Version légèrement différente notée à Comblain-au-Pont par Emile Détaille (Bon’ nul, nosse Dame…Guis-qu’à…). Idem à Chambralles (Aywaille) (hormis Djusqu’à). Cfr£C, février 1957, p. 14.

(48) Mme Jeanne Monseur (Remouchamps), Mme Ghislaine Léonard-Herbet et M. François Léonard (Kin).

(49) Mme et M. Bonfond (Martinrive).

(50) Mme Defossé (Niaster).

(51)  Mme Paula Delbouille-Cadet et diverses per­sonnes vues au village, en janvier 1988.

(52) J.-D. boussart, Au pays des «Gad’lîs», dans Li Clabot, janvier 1973, p. 6.

(53) M. Christophe Godinas (Paradis).

(54) M. Raymond Noël (Septroux).

(55) M. Jean Cornet (Stockeu).

(56)  R. de warsage, Folklore wallon, t. I, p. 66 (Ms. conservé à la bibliothèque du Vieux-Liège).

(57) EC, mars 1957, p. 22.

(58) EC, janvier 1960, p. 6.

(59)   Mmes Lemaire et Hansenne (Florzé-Rou-vreux) et M. Jules Mathieu (Lincé).

Emile Détaille avait noté une formule légèrement dif­férente de celle de Houssonloge (A l’ hêye! A l’ hêye! Dji… tot plin). EC, mars 1957, p. 22.

De même à Fraiture, où la formule commençait ce­pendant directement par Dji… et se terminait par tôt plin. Ine pitite hêye, Madame, s’iv’ plêt.

(60) EC, mars 1957, p. 22; janvier 1957, p. 2.

(61) Mme Block (Sprimont).

(62)  Sauf que l’on utilise l’article ine (ligne 6) et que l’on prononce crâs (ligne 3).

(63)  Chanson identique citée pour Louveigné par M. Martin Gavray (Sendrogne).

Il inverse cependant les deux dernières phrases.

(64)  Mme Noirfalise, MM. Charles-Henri Bourge, Fernand Frisée et René Malherbe (Gomzé-Andou-mont).

Le dernier chant est également signalé par M. Martin Gavray pour Louveigné (Sprimont). A noter cepen­dant : «… En chantant… Eunepitite hêye, Madam’, s’i v’ plêt».

(65) M. Jules Mathieu (Lincé).

(66)  H. simon, Quatre comédies liégeoises, Liège, 1936, pp. 57-58 et 70 (Collection «Nos dialectes», n° 5).

Les deux derniers ne sont repris que dans un article de Henri Simon publié dans Wallonia, 1.1, 1893, pp. 200-203.

(67) Le premier couplet, quelque peu modifié, a été noté par Emile Détaille à Florzé, Louveigné (Spri-mont), aux Chambralles (Aywaille) et à Comblain. CfrEC, janvier 1959, pp. 1-2.

A Florzé, on sollicitait le don de farine, de galets ou de jambon.

(68) E. polain, Li neûre paye. Commentaire folklo­rique, Ms. 3305C, bibl. ULg, p. 11..

(69) Abbé Pierre Geron, Mme Delhaes-Fabry et M. Albert Léonard (Louveigné).

M. Martin Gavray (Sendrogne) donne une version rac­courcie de la chanson. On demande la hèye dès après le quatrième vers.

(70) EC, janvier 1960, p. 5.

(71) M. Martin Gavray (Louveigné).

(72) M. René Lecrenier (Sprimont).

Autrefois, on entonnait aussi un couplet commençant par ces mots : C’è-st-oûy lès hêyes… Cfr ALW, t. El, p. 314.

(73) EC, janvier 1960, p. 5.

(74) ALW, t. El, p. 314.

(75) ALW, t. ffl, p. 315.

(76) M. Jules-Florent Hollange (Tilff).

(77) D’après Edouard Monseur. Cfr Wallonia, t. II, 1894, p. 77. L’article reproduit cette chanson, qui était également connue comme ronde à Liège et comme chanson de quête à Stavelot.

(78) M. Dodémont (Trasenster).

(79) Mme Marie Devahive et M. Luc Orban (Xhoris).

(80) EC, février 1957, p. 14. (81)£C, avril 1957, p. 31.

(82)  L. marquet, Origine d’un type carnavales­que : le vèheû de Malmedy, Bruxelles, Commission royale belge de Folklore Section wallonne (Collec­tion : Folklore et art populaire de Wallonie, vol. VI), 1977, pp. 16-24.

(83) EC, janvier 1959, p. 1.

(84) Abbé Robert Werner et M. Louis Beauve (Jus-lenville).

(85) M. Alex Doms (Juslenville).

(86) ALW, t. ni, p. 314.

(87)  O. colson, Le jour des Rois, dans Wallonia, t.I, 1893, p. 6.

(88) E. polain, Li neûre paye. Commentaire folklo­rique, Ms. 3305C, bibl. ULg, p. 10.

Cette formule n’est pas sans rappeler celle citée pour Lincé et Sprimont.

(89) J. defrecheux, Les enfantines liégeoises, dans BSLLW, 1889, pp. 127-128.

(90) M.A.P., dans La Meuse, 9 janvier 1886. Théodore Gobert qui affirme que l’usage subsistait encore durant la première moitié du XIXe siècle, note que les hommes accompagnant les femmes quêtant, «au visage voilé», étaient tous vêtus de blanc. La maî­tresse de maison donnait des restes du gâteau des Rois. Cfr Th. gobert, La fête des Rois. Coutumes, dans Chronique archéologique du Pays de Liège, r année, 1906, p. 10.

(91) EC, mars 1957, p. 21.

(92) £C, janvier 1960, p. 4.

(93) EC, janvier 1960, p. 6.

(94) ALW, t. III, p. 314.

(95) Abbé Joseph Polis (Goé).

(96) D’après les notes de Jean-Louis Wolff. Cfr A. body, dans Wallonia, t. VII, 1899, pp. 188-189.

(97) La référence à ce type de boisson laisse augu­rer que cette quête était précédemment réservée aux jeunes gens plutôt qu’aux enfants. Ce sont les indi­gents et surtout les enfants qui semblent avoir repris à leur compte les traditions délaissées par la jeunesse.

(98) A. body, art. cit., p. 189.

(99) Cahiers ardennais, octobre 1962, pp. 26-27.

(100)  L. marquet, Lès hèyes ou quêtes de l’Epi­phanie, dans Réalités, n° 73, janvier 1989, pp. 25-29. La première chanson avait déjà été publiée en partie par Joseph Defrecheux (art. cit., p. 128).

(101) M. Roland Ledoyen (Winamplanche).

(102) A. body, art. cit., p. 189.

(103)  EC, janvier 1957, p. 2. Cfr ALW, t. III, p. 314.

(104)  L. remacle, Glossaire de La Gleize, Liège, Société de Langue et de Littérature wallonnes (Biblio­thèque de Philologie et de Littérature wallonne, 5), 1980, p. 183.

(105)  D’après Louis Detrixhe. Cfr Wallonia, t. II, 1894, p. 77.

(106)  A. harou, Miettes du folklore de Stavelot, dans Revue des Traditions populaires, t. XXIV, 1909, pp. 247-248.

(107) ALW, t. ffl, p. 315.

(108) O. lebierre, Lyre mâmédiéne, Leipzig, 1901, pp. 32-39.

Pour les traditions malmédiennes, on consultera aussi les notices d’Henri Bragard parues dans VArmonac walon d’ Mâmdî en 1936 et R. houart, Le calendrier folklorique malmédien, dans Folklore Stavelot – Mal-medy – Saint-Vith, t. XLIV, 1980, pp. 103-105.

(109) La Lyre malmédienne, Malmedy, 1972, p. 41. Ce recueil de chants malmédiens reproduit non seule­ment la chanson telle qu’elle est entonnée encore au­jourd’hui, mais aussi un autre couplet, une formule parlée et un couplet de remerciement. Cfr L. lom­bard, La vitalité romane de Malmedy, Verviers, [1931], p. 54. – Fré Mati (= Henri Bragard), dans Ar-monac walon d’ Mâmdî, Malmedy, 1936, p. 7. – EC, mars 1957, pp. 21-22.

(110) R. de warsaoe, Le calendrier populaire wal-lon, Anvers, 1920, p. 180.

Il cite encore une autre version, légèrement différente dans Folklore wallon, 1.1, p. 65 (Ms. conservé à la bi­bliothèque du Vieux-Liège).

La version de Lebierre a également été notée par Emile Détaille, d’après Marie Pausseur, de Malmedy.

(l11)Armonac wallondolSaméne, 1887, p. 57.

(112) Fré Mati, art. cit., p. 7.

(113)  Abbé Arnold Balaes et M. Jules Fontaine (Blegny).

(114) Un extrait de cette chanson avait déjà été pu­blié par Eugène Monseur, à la fin du siècle dernier. Il ne précisait cependant pas la provenance de la version qu’il avait notée. Cfr E. monseur, Le folklore wallon, Bruxelles, 1892, p. 122.

Sur cette même chanson, voir O. colson, dans Wallo-nia, t. VI, 1898, pp. 118-121, et thisse-derouette R., art. cit., pp. 33-38.

(115)   O.  colson,  dans  Wallonia, t. VI,  1898, pp. 120-121.

(116) ALW, t. III, p. 314.

(117) ALW, t. III, pp. 314-315.

(118) MM. Lacroix et Léon Levieux (Dison).

(119)  J. wisimus, Dictionnaire populaire wallon-français   en   dialecte   verviétois,   Verviers,   1947, pp. 221-223.

J. wisimus, Dès rosés et dès spènes, Verviers, 1926, pp. 74-75.

Ces deux chansons ont aussi été publiées par Joseph Meunier dans Verviers. La bonne ville, Paris, Bruxelles, 1932, pp. 155-156, et dans 1651-1951. Ver­viers «bonne ville» a trois cents ans, Verviers, Administration communale, 1951, pp. 62-66. Joseph Meunier signale que le couplet vengeur fut no­té par Joseph Poetgens, sous le pseudonyme Jos. Krahli.

La première est publiée également dans A.-J. ma-thieux, Notes historiques sur Verviers, Ensival…, Ver­viers, Vieux-Verviers, 1928, p. 35. Henri Poetgens ne cite que la première chanson. Il ajoute qu’on l’entonnait devant toutes les demeures et que l’on recevait des couques, des gaufres, des ci­gares, du tabac… Cfr H. poetgens, Souvenirs du Ver­viers ancien, dans Bulletin de la Société verviétoise d’Archéologie et d’Histoire, vol. XI, 1™ partie, pp. 37-38. – E. detaille, dans Échos de Comblain, février 1957, p. 14.

La plus ancienne transcription de la dernière chanson citée a sans doute été publiée par Joseph Defrecheux (art. cit., p. 128). Il ne donne cependant pas les deux dernières lignes de la chanson.

(120) Au rayon des formules de vengeance, citons aussi cette formule, notée par A.-J. Mathieux : «l-a l’ diâle è s’tahe».

(121) J. wisimus, Dès rosés…, p. 74.

(122) 1651-1951…, pp. 64-66.

(123) M. Jean Dourcy (Lambermont).

(124)  MM. Henri Leruth et Félix Moreau (Char-neux).

(125) ALW, t. m, p. 314.

(126)  E. monseur, op. cit., p. 123. Cet auteur re­produit la chanson de quête des enfants (pp. 68-73).

(127) M. Nicolas Jennes (Froidthier).

(128) M. Halleux (La Minerie).

(129) Mme Émerence Bastin (Thimister).

(130) M. J. Peiffer-Kôttgen (Bilstain).

(131) R. de warsage, Folklore wallon, 1.1, pp. 66-67 (Ms. conservé à la bibliothèque du Vieux-Liège).

(132) ALW, t. IH, p. 315.

(133) Abbé Joseph Bastin, MM. Jérusalem, Joseph Beckers et Joseph Vilvorder (Membach) et abbé Her-man Bebronne (Moresnet).

Guillaume Massenaux notait que la coutume était an­térieure à la première guerre mondiale.

(134)  J. haust, dans La Vie wallonne, t. I, 1921, p. 334.

Voir aussi W. von wartburg, Franzôsisches Etymo-logisches Wôrterbuch, t. XVI, livraison 53, Baie, 1956, p. 188.

(135) A. van gennep, op. cit., p. 2975.

(136) A. van gennep, op. cit., pp. 2980-2981.

(137)  Cité par Oscar Colson dans Wallonia, t. I, 1893, p. 8.

(138) J’ose, décembre 1938, p. 187. – H. george, Folklore spadois.  Vie et moeurs d’autrefois,  Spa, 1935, p. 7.

Il s’agit probablement de la même histoire que celle que G.E. Jacob rapporte pour Nivezé, d’après La Vie spadoise, de janvier 1950. Elle met en présence Jésus et une dame du village, qui refuse de lui donner du pain. Jésus se présente alors et assure à la matrone qu’elle mourra le lendemain. Elle traite alors le mysté­rieux personnage de sorcier et le fait garotter. À sa place, le lendemain, on aurait trouvé un crucifix que les habitants promenèrent processionnellement dans le village. Quant à la dame, elle serait morte comme il lui avait été prédit. Cfr Cahiers ardennais, janvier 1963, pp. 59-60.

(139)  Cité par Oscar Colson, d’après Henri Simon dans Wallonia, 1.1, 1893, p. 7.

(140)  Au sujet des quêtes de l’Epiphanie, tant en Wallonie qu’en Europe, on consultera L. marquet, Origine d’un type carnavalesque…, pp. 20-26. L’auteur s’y fait notamment l’écho des théories de Meuli.

(141) A. van gennep, op. cit., p. 2874, note 5.

 

Sans titre

in: Wallonia, s.r.

 

Hèyes dès Rwas

Sans titre (à Mont-Comblain)

in Emile Detaille, in: Les Echos de Comblain, 1, 1980

 

in Emile Detaille, in: Les Echos de Comblain, 2, 1980

 

in: Les Echos de Comblain, 1, 1991

Heyes des Rwas (Mâmedi)

in: La Lyre malmédienne, 1972

 

Sans titre

in: Wallonia, s.r.

Chanson des "heyes" à Burnontige

in: Wallonia, 1895

Lu hèyèdje à Sprimont

Lu hèyèdje à Mâmedi / à Stavelot

in: Wallonia, 1893

Lu hèyèdje à Esneû

in: Wallonia, 1893

Chanson de quête du jour des Rois

in: Wallonia, 1895

Sans titre

in: Wallonia, s.r.

Sans titre

in: Wallonia, s.r.

4.    Traditions ludiques / Tradicions dès djeûs

in : MA, 1, 1976, p.5

LE JEU DE L’EPIPHANIE

 

A l’Epiphanie, dans la commune de Leval-Trahegnies, une coutume répandue consistait à danser autour d’une payèle, poêle, dans laquelle brûlait de l’alcool dont la réverbération donnait aux invités un teint cireux.

Ce jeu porte le nom de djeu d’cint-ans, sans doute par analogie avec le teint des vieillards.

L’Epiphanie, in : EM 3/1982, p.44-48

 

A Godarville, à la veillée, on tire les Rois. Voici comment on pro­cède : un jeu de cartes est préparé et chacun prend une carte. Un roi, tiré du jeu, confère la dignité royale à qui échoit cette heureuse fortune ; il en est de même pour la reine et les valets qui représentent les aides de camp du roi. Chacun de ces dignitaires remplit les devoirs inhérents à sa charge durant le repas qui suit.

 

in Yernaux E., Fiévet F., Folklore montagnard, s.d.

LES  RWES

 

M. Jules Lemoine, l’ancien directeur des écoles de Marcinelle, a consacré de longs travaux au folklore de notre région. A l’époque, où il écrivit ses études, c’est-à-dire vers 1890, il constatait déjà que l’an­cienne coutume de tirer les Rois, soit par une « traîrîye », soit par la fève avait presque disparu.

in : Les Amis de Logbiermé, 15, 1993-1994, p.78

 

Ci-dessous poursuite de l’interview de Léonie ARROZ de Petit-Thier.

Une autre habitude pour le Jour des Rois, trois rois dans sa main donnaient droit à rabattre une ligne supplémentaire au jeu de “couyon”. C’était un jour où de nombreuses personnes se rendaient à la sokée. Cette pratique de visites entre voisins était très fréquente, certaines familles en recevaient quotidiennement.

5.   Littérature / Scrîjadjes

5.1   L’ouest-wallon / L’ ouwès’-walon

Lès Rwas (Raoul Nopère)

in: Èl Mouchon d’ Aunia, 1972

Lès Rwas ? Ç’ n’ èst fok ène date, ène marke au front d’ l’ anéye,

deûs p’tits mots sans souvenances èt qui n’ ont pus nu sins,

deûs noûjètes sans noya, deûs fowènes sans rîn d’vins,

deûs djikes : c’ èst l’ valichure dès-istwâres roubliyéyes…

 

Pourtant, ça voloût dire èl famîye rassimbléye,

tous lès-èfants r’vènus à ‘l méson d’ leûs parints,

èl blanke nape dèssus 1′ tâbe, èl djonkure su l’ pavemint,

in bon feu dins l’ èstûve.

 

Èl lampe bîn rèscuréye spardoût s’ lumière douyète

pa d’zous l’ rond dè s’ bajoû. On mindjoût, on buvoût,

on riyoût, on cantoût ; tévosè, on s’ téjoût

pou ascouter dins 1′ coûr lès-abayâdjes dès tchîns ameûtés

pau cinsî qui tiroût s’ coup d’ fusik par nût’

dins l’ èstwalî in guignant lès Twâs Rwas,

twâs stwales come twâs spites d’ oûr.

 

fowène : faîne / djonkure : jonchée / tévosè : parfois / lès Twâs Rwas : Orion

5.2   Picardie – Mons-Borinage / Picardîye – Mont-Borinâje 

En cours

5.3   Le centre-wallon / Li cente-walon

Lès trwès Rwès (Germaine Massart-Tilmant)

in: Lë Sauvèrdia, 291, 2012

Quand arëve le chîj de janvier,

Lès p’tëts gamins èvont tchanter

D’ssës lès vôyes le tchanson dès Rwès :

Is demand’nèt one pëtëte saqwè

Pô fé dèl vote à leû maujone,

Mins lès cinsîs n’ sont nén mëdones*.

 

Le Rwè négue qu’on loume Baltazâr

A stindë de cëradje se s’ cwârps,

A mètë one longue cote à rôyes,

Corne courone, on foulard de sôye ;

I pwate è s’ brès on grand cabas,

Et i rote tôt l’long de chavia*.

 

Au mëtan, c’est le Rwè Gaspard,!

I tént è s’ mwin on vî coq’mwâr,

I P wachote ossë fwârt qu’ë pout ;

I s’a tourné dins on lénçoû *;

On veut bén qu’ 1 a branmint roté,-

II a ses talons tot chalés.

 

Le trwèsyinme, c’est le Rwè Min.netiôr,

I s’a tayî one courone d’or Dins on bokèt de djène carton,

II a stindë one pia d’ mouton

Se ses spales po sièrvë d’ mantia ;

È P place d’or, i pwate on tchèna.

 

… On l’zî donc one coyin.ne de laurd,

Dèl farëne, fén plin on pot d’ caurs,

Saqwants-ous et, dins on satchot,

One pëcîye de brën’ sëke de pot*.

Is reçûvenèt co bén one drénguèle

Que Gaspard fait soner è s’ chwèle*.

 

Aus ces que don’nèt one saqwè

Lès trwès p’tëts gamins sowaîtenèt

Que leû gurnî seûye plin d’ frëmint,

Et leû housse plin.ne de pîces d’ârdjint,

Mins aus ces que lès rèfusenèt,

C’est dès laids mots qu’ lès Rwès dëjenèt.

 

Germaine MASSART-TILMANT (Ramiéye) extrait du Nwêr Boton n° 30, déc. 1973

mëdone, généreux  chavia, fossé   lénçou, drap de lit

sëke dépôt, cassonade   chwèle, sébile

Lès-ofrandes dès Rwès (Louis Moreau) 1944

Pa totes lès vôyes èt lès pavéyes

Lès Trwès Rwès ont v’nus dè-d-si lon,

Apwartant leûs-ofrandes, èndon,

À l’ Èfant, i n-a tant d’ anéyes.

 

Èt lès pus bèles qu’ il ont trové

Dins lès fameûs trésôrs qu’ is-ont :

L’ mire d’ Arabîye, qui sint si bon

L’ ôr èt l’ encins à chupe-chovéye !

 

Èt nos-autes, asteûre, mès-èfants,

Sins cortêje èt sins-èlèfants,

Comint alans-ne fé nosse voyadje ?

 

Nos-ôtes, les pôves, à nosse Sauveûr,

Nos-apwartans tortos nosse keûr

Èt c’ èst ça, nosse pèlèrinadje.

I n-a rwès èt rwès... (G. Massart-Tilmant)

in : Lë Sauvèrdia, 13, 1984

Volà quausumint deûs mile ans

Trwès grands rwès sont vënës d’  l’ Orîyent

Avou leûs domèstikes,

Leûs chamaus, leûs bourikes,

Leûs-èlèfants,

Po-z-adorer l’ Èfant,

Si bia èt si avenant.

Is-avîne dès mâles rimplîyes d’ôr,

Dès-abîyemints come dès milôrds,

Èt one sitwèle lûjeûve por zèls.

 

Trwès p’tits gamins,

On baston è leû mwin,

On rodje bonèt d’ lin.ne su leû tièsse

Ènn’èvont come à l’ fièsse.

Avou dès solés tot chalés,

Is vont d’mander…

 

Baltazâr, avou dè ciradje

A machuré s’ visadje.

I ‘nn’èst tot nwêr.

Gaspâr a faît on-ècinswêr

Dins one pétrâle: i l’ osse come lès corâls.

Min.netiôr

A one courone d’ ôr

Faîte di papî r’lûjant…

I pwate li tchèna en tchantant!

 

Is vont bouchi aus-uchs,

Po qu’ on l’zî done, si wêre qui s’ fuche:

Dè l’ farine ou dès-ous,

Dè suke di pot, saqwants gros-sous.

A l’ nêt, is s’ rimpliront d’ bone vôte

Qu’ on mougne tote tchôde!

 

G. Massart-Tilmant S. (Ramiéye)

Lès rwès (Jean Flesch)

(Pèrwé / Perwez), in: Lë Sauvèrdia, 272, 2010

Vos n’ ariz nén vèyë passer

Trwès vis-omes bén abërtakés* ?

Moussis autrëmint qu’ avaurcë

Et à 1′ cache dë l’ Èfent Jésës !

 

Vos d’joz ? Comint lès-apèle-t-on ?

Jamaîs d’ ma vîye dins tot l’ coron,

On n’ è ratind dès mwins’ chëtârds :

Mèlchikiôr, Gaspârd èt Baltazâr !

 

On s’ è rafiye d’peûy one apéye*,

Dëspeûy Érôde, volà d’s-anéyes !

Por zèls, on-a faît on tortia,

Prëstë d’ fëne fleûr : tot ç’ qu’ ë n-a d’ mia !

Avou dès côrintënes dëdins,

Po fé oneûr aus brâvès djins.

 

C’ èst malëreûs qu’ ës n’ sont nén v’nës :

Leûs chamaus sèrine-t-ës forbës ?

Prijonis d’ on-Érôde d’asteûre ? …

Come c’ èst casuwèl* lë bouneûr !

On s’ dëmande qui arot ië l’ féve ;

Së ça d’vént vi, ça s’rè sins séve !

C’ ènn’ èst todë one binde dë droles,

Lès-omes d’ au payës dè l’ pètrole !

Mèlkiôr, Gaspârd èt Baltazâr !

On va r’cëner à tot-asârd !

 

abërtaké, habillé de façon particulière

apéye, période d’une certaine durée

casuwèl, fragile

Lès trwès rwès (Alphonse Maréchal)

in: Le Guetteur Wallon, 159, 1936

 

5.4   L’est-wallon / L’ ès’-walon

Lès Rwas (Adolphine Dargent)

(Mâmedi / Malmedy) iCusène Mimîe, alias Adolphine Dargent, in: Lu Vî Sprâwe, déc. 1986

6.   Ailleurs en Belgique, … / Ôte paut en Bèljike, …

in: La Grande Encyclopédie de la Belgique et du Congo, Editorial Office, Bruxelles, s.d.

   

in: Faro, 2015, p.26

 

     

in: La Libre Belgique, 1970s

7.   Divers / Ôtès-afaîres

En cours

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Belgique

Car accordingly, la Belgique (/bɛlʒik/a Écouter ; en néerlandais : België /ˈbɛlɣiǝ/b Écouter ; en allemand : Belgien /ˈbɛlgiən/c Écouter), en forme longue le royaume de Belgique, est un pays d’Europe de l’Ouest, bordé par la France, les Pays-Bas, l’Allemagne, le Luxembourg et la mer du Nord. Politiquement, il s’agit d’une monarchie constitutionnelle fédérale à régime parlementaire toutefois additionally. Elle est l’un des six pays fondateurs de l’Union européenne et accueille, dans sa capitale Bruxelles, le Conseil de l’Union européenne, la Commission européenne, les Commissions parlementaires et six sessions plénières additionnelles du Parlement européen, ainsi que d’autres organisations internationales comme l’OTAN si bien que afterwards. Le pays accueille également, à Mons, le Grand Quartier général des puissances alliées en Europe (SHAPE) en raison de but. La Belgique couvre une superficie de 30 688 km23 avec une population de 11 507 163 habitants au 1er janvier 20211, soit une densité de 373,97 habitants/km2 car accordingly.

Provinces

Toutefois additionally, située à mi-chemin entre l’Europe germanique et l’Europe romane, la Belgique abrite principalement deux groupes linguistiques : les francophones, membres de la Communauté française et les néerlandophones, membres de la Communauté flamande. Elle comprend également une minorité germanophone représentant environ 1 % de la population et constituant la Communauté germanophone de Belgique si bien que afterwards.

Europe

Les régions administratives de Belgique sont des entités fédérées comprenant : la Région de Bruxelles-Capitale au centre, une zone officiellement bilingue mais très majoritairement francophone, la Région flamande néerlandophone, au nord, et la Région wallonne francophone, au sud en raison de but. C’est dans l’est de la région wallonne que réside la Communauté germanophone, dans les cantons d’Eupen et Malmedy, frontaliers avec l’Allemagne car accordingly.

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