Chandeleur Belgique wallonne picarde gaumaise

LI TCHANDELEÛSE

La Chandeleur

Li Tchandeleûse en Bèljike walone

La Chandeleuse en Belgique wallonne

0.   Présentation / Présintâcion

La fête de la Chandeleur, la plus ancienne consacrée à la Vierge, rappelle que, se conformant à la loi juive, elle se rendit au Temple 40 jours après la Nativité, afin d’y présenter l’Enfant premier-né et d’y offrir un couple de tourterelles ou de jeunes colombes. C’est là que se situe l’épisode du vieillard Siméon, reconnaissant dans le bébé la lumière qui éclairera les nations et la gloire d’Israël. Portées en procession, les chandelles ont donné à l’événement son nom. Et les crêpes, aux premiers siècles, sont venues évoquer l’offrande aux pauvres.

in Baron de Reinsberg-Düringsfeld, Traditions et légendes de Belgique, T1, 1870

 

2 février

 

(p8.8) “la première fête de ND après la nativité de JC” (instituée en 544)

(p.89) “le pape Serge y ajouta, en 701, la bénédiction des cierges”, symboles de lumière

(p.90) à Furnes : = “Onze-Lieve-Vrouw-roert-de-Pan”; on prépare des gaufres, …

en France: cf crêpes: on les frit afin de ne pas manquer d’argent toute l’année. (p.93) Fête des chandel(ons); (p.93) les traditions w.: existent aussi en Fl.

in Candice Cibrilo, Pas de Chandeleur sans crêpes!, AO 02/02/06

 

La Chandeleur, qui se fête par tradition le 2 février, est avant tout le jour des crêpes. Des crêpes que l’on fait sauter en famille, entre amis… et qui surtout constituent un plat exemplai­re qui réunit grands et petits au moins le temps d’une fête.

Comme la plupart des festivités qui entourent la Nativité, la fête de la Chandeleur est liée à la lumière; mais aussi à la purification, la fécondité, la prospérité.

Le mot Chandeleur vient précisément de «Candela» la chandelle reprise dans l’expression «Festa candelarum» qui signifie «fête des chandelles».

A l’origine, il s’agissait d’une fête païenne en l’honneur du dieu Pan, durant laquelle cer­tains débauchés parcouraient, la nuit, les rues de Rome en agitant des flambeaux.

Pan, dieu grec de l’Antiquité, fut considéré au début de son ère comme le dieu de la fécon­dité qui veillait sur les troupeaux et les bergers. Mais, avec le temps, il devint peu à peu l’in­carnation de tout, de l’Univers. C’est pourquoi, de nombreuses fêtes lui sont rattachées.

En 472, le pape Gélase Ier décide de christianiser cette fête et d’en faire la fête de la pré­sentation de Jésus au Temple. Le nom oriental de cette fête prend alors le sens de «rencontre», celle qui eut lieu entre Jésus et le vieillard Siméon, et devient «Hypapante». Pour les autres, elle garde le sens de «lumière», Jésus étant la lumière d’Israël, lumière des Hommes. Dans les églises, les torches sont remplacées par des chandelles bénites que l’on conserve allumées, autant pour signifier la lumière que pour éloigner le malin, les orages, la mort… et invoquer les bons augures à veiller sur les semailles d’hiver qui produiront les bonnes moissons de l’été prochain.

Des processions aux chandelles sont alors organisées ce jour-là; les cierges bénits sont alors rapportés de l’église jusque dans les foyers en restant allumés, pour les protéger. Ces cierges, allumés, étaient aussi censés protéger de la foudre pendant l’orage.

Mais les crêpes dans tout cela? La survivance d’un mythe lointain se rapportant à la roue solaire expliquerait la coutume des crêpes (ou des beignets de forme ronde, dans le sud de la France) que l’on se doit de faire à cette période. Des siècles durant, les paysans pensaient que s’ils ne faisaient pas de crêpes le jour de la Chandeleur, leur blé risquait d’être carié. D’autres évoquent les premiers gâteaux de la Bible qui étaient effectivement des sortes de crêpes, cuites sur des pierres ou des tuiles brûlantes, et confectionnées sans levain comme le «zymi» pain de la Pâques juive, ou comme l’hostie chrétienne, symboles de nourriture spi­rituelle par excellence et de l’alliance entre les hommes et Dieu.

Toutefois, l’usage des crêpes à la Chandeleur ne s’est popularisé qu’au siècle dernier, peut-être à partir de la France où, selon un vieux dicton «Etrennes d’honneur durent jusqu’à la Chandeleur», la fête marquant traditionnellement l’échéance de ces cadeaux.

Et si tout le monde connaît le fameux dicton: «A la Chandeleur, l’hiver passe ou reprend vigueur», d’autres fleurissent autour de ce jour du 2 février dans diverses régions de France: Dans le Gard: Quand le soleil, à la Chandeleur, dit lanterne, quarante jours après il hiverne -Dans le Nord: Quand Notre-Dame de la Chandeleur luit, l’hiver de quarante jours s’ensuit dans les Hautes Pyrénées: Lorsqu’à la Chandeleur le temps persiste au beau, berger serre ton foin, fais paître ton troupeau – Dans le Vivarais: Quand pour la Chandeleur le soleil est brillant, il fait plus froid après qu’avant. – Au Pays Basque: À la Chandeleur verdure, à Pâques neige forte et dure.

Mais qu’en ce 2 février il fasse beau, froid, ou encore pluvieux ou neigeux, confectionner quelques crêpes, en dépit des proverbes et dictons, permettra de passer un agréable moment, tant à les faire qu’à les déguster!

Nadine Cretin & Dominique Thibault, Le livre des fêtes, éd. Gallimard, 1991, p72

 

La chandeleur

Le 2 février

 

Greffée sur une ancienne coutume celtique, la chandeleur célèbre le feu et la lumière achevant ainsi le cycle de Noël et de l’hiver.

Le nom vient des « chandelles », cierges bénits allumés lors des processions chétiennes en l’honneur de la Purification de la Vierge, quarante jours après la naissance de son fils Jésus.

Les cierges ramenés à la maison étaient censés garantir des malheurs.

A la Chandeleur, on mange des crêpes nées peut-être des oublies, gaufres rondes, que le pape aurait fait faire pour des pèlerins venus à Rome, au Ve siècle.

D.Z., Les crêpes de la Chandeleur, héritage païen ?, AL 02/02/1994

 

« La consommation des ‘vôtes’ semble remonter à la Rome païenne, où, lors des lupercales de février (fêtes dédiées en l’ honeur de faustus Lupercus, dieu des troupeaux), les Romains consommaient de galettes de céréales et s’ éclairaient de torches. »  Galettes et torches symbolisaient le soleil et la lumière.

Chandeleur < Festa Candelarum : fête des chandelles.

 

Faire des crêpes à la Chandeleur réfère à une vieille coutume païenne en l’honneur du soleil. La coutume la plus répandue était celle-ci : la maîtresse de maison déposait la première crêpe en haut de l’armoire. A la Chandeleur suivante, elle la jetait au feu et la remplaçait par une nouvelle crêpe. Ce geste était la permanence de la prospérité au foyer.

L. Marquet, Carnaval et coutumes d’autrefois à La Roche-en-Ardenne /Ma 42/, EMVW, T9, 101-104, 1061 (déjà au 17e s.)

 

TCHANDELEÛSE

do timps dè l’saîson dès chîjes trawéyes (veillée qui dure toute une nuit)

 

Tchandeleûse: = Chandeleur = Maria-Lichtmis = Candlemas

= I: Candelora = Port.: Candelaria = Esp. Candelaria = D: (Mariae) Lichtmess

 

Vôte = Crêpe = I: crêpe / crespella = pannekoek = Pfannkuchen = Esp. hojuela = pancake

 

Etym.lat. (feta) candelarum: fête des chandelles

(2 février) fête catholique de la présentation de Jésus au Temple et de la Purification de la Vierge.

 

Tchandeleû(r) / -se (E1) = -eû (E34) = c-se/candelé (O51)

= -eûse (E21) = candelé (O3)

= -eûse (O0) (-eû: Franchimont) (p.187)

= aus Tchandèles (C42)

A. Varagnac, M. Chollot-Varagnac, Les traditions populaires, PUF, 1978, p46-47

 

“Le mois de février était aussi, dès l’Antiquité, celui des purifications. Telle était la fête de la Chandeleur (2 février) qui correspond aux relevailles de la Sainte Vierge (cf Lévitique, XII, 1 à 8). Là encore, c’est une cérémonie païenne christianisée. La femme ayant accouché est impure et porte malheur. Elle subira de nombreux interdits à l’église par le prêtre.”

“L’importance de ces relevailles a perduré jusqu’au XXe siècle dans nos campagnes. A la Chandeleur, les mères de famille faisaient bénir un gros cierge qui devait, pendant un an, protéger la maison de la foudre et de l’incendie, et être allumé auprès des agonisants.

 En rentrant chez elle, la femme traçait avec ce cierge des croix blanches sur toute les couvertures extérieures de l’habitation.

Saint Blaise thaumaturge (3 février) était invoqué contre les maux de gorge, les épidémies et les épizooties.  La foule des boeufs à bénir s’assemblait ce jour-là devant le porche de l’église.”

(p.61) “L’accouchée devait être purifiée à l’église par la cérémonie des relevailles. Ses relevailles avaient lieu dès sa première sortie, sans quoi elle aurait été messagère de malheur. (…)Elle portait de la chandelle bénite à la Chandeleur, souvent accompagné de l’accoucheuse ou de la marraine.”

Bernard Louis, À l’ Tchandeleûse, in : Li Chwès, 6, 2004

 

On dit ossi “aus Tchandèles”. Rin d’ èwarant pwisqui ça vint foû do latin “Festa candelarum”, “Fièsse dès tchan­dèles”.

Li mot francès èst conu dispeûy l’ an 1119, s’ apinse Larousse.

D’ après li Lwè  da Moyîse, quarante djoûs après qui l’ prumî  dès  valèts  aveut skèpî*, si mame si d’veut présinter avou li au timpe po s’ “racheter” èt s’ “purifyî” lèye-min.me.

Nos-avans aurdé jusqu’aviè 1960 l’ ûsance do ramèssemint*, qui l’ moman s’ fieut bèni pau curé por lèy polu r’moussî è l’ èglîje. Rimârkoz qu’ è walon d’ Lîdje,  on lome èto l’ Tchandeleûse ‘Purificâcion” ou “Notru-Dame di fèvrîr”. Eûreûsemint, au djoû d’audjoûrdu, c’ èst dès vîyès matènes*.

Sint Luk nos conte qui Marîye èt Djôzèf intrèt avou one gayole èt deûs colons po l’ sacrifice. Et vo-lès-là buk à buk* avou Simèyon, on foû vî ome. Tot bènichant l’ pâpâ*, avou dès lârmes dins sès-ouys, i dit çoci:

Lumiére qui clérit po lès djins

Et glwêre da vosse peûpe, Israèl.

Asteûre, vos l ‘p’loz bin lèyî ‘nn’ alè

Vosse vî Matî-faît-tot*, Mon Diè !

Come vos m’ l’ avîz dit…

Li lèyi ‘nn’ alè binauje d’ on plin côp.

 

(Luk, 2, 29-32, rimètu è walon pa Augusse Laloux)

 

À Jérusalèm, on-z-a ataké à fièsti ç’ rèsconte-là au quatyin.me siéke.

Adonpwis, on siéke pus taurd, on-z-a faît parèy à Rome. “Lumiére qui clérit po lès djins”, bin-astoumé: dins l’ calindrî romin, au mwès d’ fèvri, on fièsticheut Lupercus èt co Prosèrpine èt Cérès. On s’ pormineut dè l’ nêt èt s’ lumer avou dès-aumerales*. Taudje, nos toûnerans ça à fièsse crétiène èt l’ afaîre sèrè dite! Lès tchandèles nos front rapinser l’ parole da Simèyon èt nos lès pwaterans come l’ Aviêrje à pwârté s’ fis. Divant l’ an mile, tote li Gaule a sû.

Li Concile do Vatican (1960) a r’mètu l’ fièsse di sqwêre avou l’ “Mistére di l’ Incarnâcion “èt l’ lomer” “Fièsse dè l’ Présintâcion do Sègneûr”.

Maugré tot, à dès places qu ‘i-gn-a, on bènit co lès tchandè­les èt min.me fé l ‘porcèssion è l’èglîje. Dins l’ timps, on-z-alumeut lès tchandèles bènîyes, quand on wiyeut lès mwârts. Mi, dj’ ènn’ èsprind co bin one quand c’ èst qui l’ bon Diè scrote sès pîds*.

Come li spot l’ dit, nos- èstans jusse inte deûs-awous’: 

Aus Tchandèles, mitan grin, mitan strin.

 

Malaujîys mots:

skèpî, naître / ramèssemint, relevailles / viyès matènes, “vieilles matines”, histoire ancienne / buk à buk, nez à nez / papa, poupon, bébé / Matî-faît-tot, “Mathieu-fait-tout”, homme sans métier précis et qui les fait tous / aumerale, torche / èsprinde, allumer / li bon Diè scrote sès pîds, “le bon Dieu décrotte ses pieds”, il tonne / grin, grain, céréales.

LA   CHANDELEUR, 2  février, in: Yernaux E., Fiévet F., Folklore montagnard, s.d., p. 163

 

La fête chrétienne des chandelles a été substituée aux anciennes lupercales au cours desquelles on promenait des flambeaux ardents dans les champs. C’est le pape Gelase Ier (492-496) qui institua la Chande­leur en souvenir de la parole du vieillard Siméon : « Seigneur, laisse maintenant s’en aller en paix ton serviteur car mes yeux ont vu la lumière qui doit éclairer les nations. »

La Chandeleur aurait précédé la fête de la Purification instituée au VIe siècle. Les cierges bénis à la Chandeleur sont particulièrement appréciés des chrétiens. On les allumait à l’occasion des fêtes familiales : naissance, bénédiction des premiers communiants, mariage et aussi pour faciliter l’agonie des mourants.

in: Maurice Piron, Anthologie de la littérature wallonne, éd. Pierre Mardaga, 1979, p.612

 

CHANDELEUR. — Célébrée le 2 février, la Chandeleur commémore la présentation de Jésus au temple de Jérusalem, le quarantième jour après sa naissance. L’évangile de la fête rappelle l’accomplissement de la prophétie faite au pieux vieillard Siméon qu’il ne mourrait pas sans avoir vu le Messie. Le nom de Chandeleur est lié à l’usage liturgique de bénir, ce jour-là, les cierges ou tchandèles dont la flamme sym­bolise la lumière nouvelle du Christ.

1.   Traditions par régions / Tradicions pa réjions

1.1   L’ouest-wallon / L’ ouwès’-walon

La Chandeleur, in: Yernaux E., Fiévet F., Folklore montagnard, s.d., p.163

 

On dit que lorsqu’il gèle à la Chandeleur, on a deux hivers :

A l’ Tchandeleûr, quand l’ soya lût su l’ auté, c’ èst qu’ l’ ivièr èrdoubèle.

A la Chandeleur, les jours sont allongés de deux heures.

On considère que l’hiver est passé.

Reinsberg dit qu’autrefois dans les diocèses de Liège et de Namur on formait des petites croix avec des grains de cire, provenant d’un cierge bénit. Ces croix étaient placées aux endroits les plus visibles de la maison et préservaient du malheur. Le pape Adrien II accorda aux habi­tants des Pays-Bas la permission de manger gras les samedis compris entre la Noël et la Chandeleur.

A Montignies, le jour de la Chandeleur, lès feumes sont mésses. Elles n’oublient jamais de le rappeler à leur mari dès le lever. Le mari, philosophe, répond : n-a rén d’ candjî, c’ èst come lès-autes djoûs.

Tongre-Notre-Dame / La nuit de la chandeleur : une tradition multiséculaire, La Province 31/01/2005

 

On y célèbre la venue de la statue miraculeuse en 1081.

Comme chaque année, dès 23 heures, le 1er février, les pèlerins courront le ‘Tour de la Vierge’. Messe à minuit.

 

 

Robert Dascotte, Le cierge bénit de la Chandeleur, EM 12/81, p.238-239

 

Le jour de la Chandeleur, au Tchandelé, fête de la Purification de la Vierge, qui vient clore le temps de Noël, on benit pendant la messe des cierges, tchandêyes, qui symbolisent Jesus presente par sa mère au Temple, à Jerusalem. Cette solennité existait déjà au IVe siècle.

Les cierges bénits sont des sacramentaux dont le but est de protéger ceux qui en font un usage pieux. Cette benediction a encore lieu dans beaucoup de communes rurales. Les fidèles reçoivent un cierge dès leur entrée à l’église. Ils sont allumés tandis que l’on chante des antiennes et des cantiques. Le célébrant s’avance entre les allées pour benir les tchandêyes en les aspergeant d’eau benite, yau d’font, à l’aide du goupillon, aspèrdjèsse.

La messe a lieu et les cierges sont eteints après la lecture de l’Evangile de saint Luc. A Jolimont (Haine-St-Paul), avant la démolition de l’église en 1974 (1), les fidèles faisaient trois fois le tour de l’église, à l’intérIeur et à l’extérieur, en tenant le cierge allumé.

On trouvera ci-dessous les divers usages du cierge bénit de la Chandeleur. Ils sont valables pour tout le Centre, sauf lorsque la localisation est indiquée :

– Pendant l’orage, on l’allume devant la porte d’entrée de la maison ; dans ce cas, on utilise parfois un cierge benit à la Saint-Donat.

– On le laisse brûler près du defunt, dans la mortuaire, et on ne l’éteint qu’après le depart du cercueil.

– Pendant l’agonie, on met parfois cette tchandêye entre les mains du moribond.

– Autrefois (jusqu’en 1958 à Thoricourt), une porteûse dè tchandêye précédait l’enterrement. Cette femme portait un cierge de la Chandeleur,

– A Piéton, jusque vers 1940, devant la maison d’un mort, on installait un autel, auté, en l’occurence une petite table couverte d’une nappe blanche sur laquelle on avait posé deux chandeliers, tchand’lés, dans lesquels brûlait un de ces cierges. Cet auté restait installé jusqu’au moment de l’enterrement.

– A Bornival, pour protéger la maison des voleurs, on place des morceaux de cierge près des portes et des fenêtres. Les fermiers font la même chose près de la porte de l’etable, de l’écurie, etc., et aussi près des barrières des prairies.

– Pour une heureuse délivrance, pendant l’accouchement, on allume cette tchandêye.

– Pendant la cerémonie des relevailles, èl ralâdje à mèsse, la jeune maman tient ce cierge en main pendant que le prêtre récite le début de l’Evangile de saint Jean après avoir pose l’etole sur la tête ou l’epaule de la femme.

– Dans tout le Centre, pendant la cerémonie du b~ptême, une petite fille et un petit garçon appeles mârène et pârain à candêye tiennent un cierge (cette coutume n’est pas observee par toute les familles). A Givry, le gamin et la filette portent une candêye du Cand’lé.

– A Bellecourt, Bray, Seneffe et Strepy-Bracquegnies (et sans doute ailleurs), pendant un vélage difficile, on l’allume dans l’étable.

– A Haine-Saint-Paul (Fond), le jour de la Chandeleur, l’apiculteur faisait le tour de son rucher en tenant une chandelle benite ce jour-là ; ce parcours marquait le territoire de ce rucher et avait pour but d’empêcher les abeilles étrangères et les insectes apivores de pénétrer dans les ruches.

 

Jusque vers 1940, le jour de la Toussaint, au Toussangn, on allumaiIt, le soir une tchandêye du Tchandelé sur les tombes ; elles brûlaient pendant une grande partie de la nuit.

Au sujet de cette dernière coutume, signalons que ” les cierges votifs semblent issus, dans l’Occident chrétien, des lampes funéraires, dont les Romains couvraient les tombes pendant la semaine de culte des ancêtres, les ” dii parentales ” de février . les chrétiens transposèrent cette coutume au culte des premiers martyrs d’ont ils honoraient les tombes, puis l’adoptèrent pour tous les morts des communautés. Ces illuminations s’accompagnaient de repas ou de libations funéraires qui firent l’objet de réticences ou d’interdictions de la part des autorités religieuses (…}, Les premières Interdictions de libations et d’illumination dans les cimetières remontent au concile d’Elvire au début du IV° siècle. Comme toutes les consignes mal appliquées, elles seront souvent répétées ; on trouve encore trace de ces coutumes funéraires dans les récits des curés de campagne au XVIlI° siècle et jusqu’au début du XXe siècle dans certains villages corses où la coutume était de déposer sur les tombes des bougies bénites qui devaient si possible brûler durant toute la nuit de la Toussaint (…) ” (2).

On connait les dictons ci-après : Tchandelé d’ayér, èl bèrdjî s’fout d’ l’ iviér; au Tchand’lé, quand l’solêy lût su les tchandêyes, c’est co pou chîs smènes d’iviér. On dit que ce sont les tchandêyes de glace, d’autres disent que ce sont celles qui se trouvent sur l’autel à l’église . En parlant de l’allongement des jours : au ou aI Tchandelé, (c’ è-st-)à tout daler . Quand on vwat’ne goute à l’ ronche au Tchandelé, c’ èst sine d’abondance ; à l’ Tchandelé, lès piètris (perdrix} couminchet’ à s’ acoupler èt l’ agace (pie) mèt l’ promiére baguète à n’nid ; à Marche-lez.Ecaussinnes (3), à l’ Candeleûse ou au Candelé, si l ‘solêy lût su les candêyes, l’ ours’ sè rmuche dèvins s’ trau pou chîs s’mènes. Le jour de la Chandeleur, on dit : les feumes sont mésses, èles font dès rèstons, elles tiennent une pièce de monnaie dans la paume en faisant sauter la crêpe, ce qui leur apportera de l’argent ; à Godarville (4), si, à la Chandeleur, la ronce est recouverte de rosée, il faut vendre le grain car il diminuera de valeur, si, au contraire, elle sèche, le grain augmentera de prix.

Robert DASCOTTE

 

(1) Jolimont est un quartier très populeux situé au point de rencontre des communes de Bois-d’Haine, Fayt-lez-Manage, Haine-Saint-Paul et Haine-Saint-Pierre. L’église Saint-Hubert, construction en briques du début de la seconde moitié du 19e siècle ne présentait aucun intérêt artistique ; elle a été démolie en 1974 car son état de délabrement offrait un réel danger pour les maisons avoisinantes.

(2) Catalogue de l’exposition Religions et traditions populaires au Musée des Arts et Traditions populaires, du 4 décembre 1979 au 3 mars 1980, Paris, p. 131.

(3) A. Carlier, Glossaire de Marche.lez-Ecaussinnes, dans ” Bulletin de la Société de Littérature Wallonne “, t, 55, 1914, pp. 347-414.

(4) A. Harou, Le Folklore de Godarville, Anvers, 1893, p. 59.

Quelques fêtes religieuses, in : EM 2/1982, p.34-35

 

Chandeleur : au Tchandelé ou à l’ Tchandelé.

En parlant de l’allongement des jours au Tchandelé, (c’ èst) à tout dater.

Dictons : à l’ Tchandelé, quand l’ solêy lût su lès tchandêyes, c’ èst co pou chîs s’mènes d’ iviér.

On dit que ce sont les tchandêyes de glace ; d’autres disent que ce sont celles qui se trouvent sur l’autel, à l’église.

Tchandelé d’ ayér, èl bèrdjî s’ fout d’ l’ iviér ;

quand on vwat ‘ne goute à l’ ronche au Tchandelé, c’ èst sine d’ abondance ;

à l’ Tchandelé, lès piètris, perdrix, couminchetent à s’ acoupler èt l’agace, pie, mèt l’ promiére baguète à s’ nid. 

Ce jour-là, on dit : lès feumes sont mésses, èles font dès restons ; elles tiennent une pièce de monnaie dans la paume en faisant sauter la crêpe, ce qui leur apportera de l’argent.

A Godarville (1), si, à la Chandeleur, la ronce est recouverte de rosée, il faut vendre le grain car il diminuera de valeur ; si, au contraire, elle est sèche, le grain augmentera de prix.

Robert DASCOTTE (2)

 

(1) A. Harou, Le folklore de Godarville, Anvers, 1893, p. 59.

(2) Les divisions du temps, l’année traditionnelle et les phénomènes atmosphériques dans quelques communes du  Centre, dans  « Les  Dialectes Belgo-Romans », t. 22, 1965, pp. 133-182 [pp. 160, 164-165).

in: Roger Darquenne, Chapelle-lez-Herlaimont, son histoire, ses gens, 1981

Tchapèle (Chapelle-lez-Herlaimont) – Li Tchandeleûse (la Chandeleur)

 

Louvwa / Rouveroy – èl Tchandelé (la Chandeleur) (in: èl Mouchon d’ Aunia, 1985

in: El Mouchon d’ Aunia, 1986

 

Mârtche (Marche-lez-Ecaussinnes) – èl Candelé (la Chandeleur)

in VA, s.j., 01, 2013

Faurcène (farciennes) – li Tchandeleûse (la Chandeleur)

1.2   La Picardie / Li Picardîye

(co rin trové / encore rien trouvé)

1.3   Le centre-wallon / Li cente-walon

Jules Fivèz, Istwêre di Bièmeréye, èt di vint’-deûs-ôtes viladjes d’ avaurci dispûs noûf cints swèssante-quate, avou l’ concoûrs dès Bièrmèrwès, 1972, p 45-46

 

Li Tchandeleûse

 

Li 2 (deûs) d’ fèvri c’ èst l’ fièsse dè l’ Tchandeleûse… C’ è-st-ossi l’ djoû qui l’ curè bènit lès tchandèles qu’ on-alume quand i gn-a èn-oradje vraîmint pa-d’zeû, èt co pou mète addé lès mwârts tot l’ timps qu’ is sont d’ssus l’ plantche.

Ci djoû-là, dès familes qu’ i gn-a profitenut d’ l’ ocâsion pou fé dès vôtes, qui lès momans sèmenut ène miète di suke di pot d’ssus, pou bwâre li cafè, surtout si l’ fièsse tchaît in dîmègne. C’ è-st-ène saqwè d’ bon. D’ alieûrs, on ‘nn’è faît co l’ djoû d’audjoûrdu.

C’ è-st-ossi l’ prèmî djoû dès mascarâdes. Dins 1′ timps, is n’ mankint nin l’ ocâsion. I gn-aveut tofêr bran.mint èt di totes lès cougnes. Adon, on n’ waîteut nin si près pou s’ disguîji : on-aleut nin louwè dès-abîyemints, on s’ continteut di wêre di tchôse. Li principâl asteut di n’ nin ièsse riconu trop rade.

Min.me asteûre, li périôde dès mascarâdes èst todi parèy pusqui èlle èst régléye pa l’ fièsse di Pauke : si ç’tèle-ci èst timprûwe, li timps dès mascarâdes èst coût ; au contraîre, si Pauke èst taurdu, li périôde dès mascarâdes èst ralonguîye dè l’ difèrince qu’ i gn-a inte lès deûs dates. Insi, par ègzimpe, si Pauke tchaît li 26 (vint-chîj) di mârs’, dè l’ Tchandeleûse au maurdi-gras, i gn-a seûlemint 9 (noûf) djoûs d’ mascarâdes, mins si Pauke tchaît l’ 22 (vint-deûs) d’ avri, li périôde inte li Tchandeleûse èt 1′ maurdi-gras èst d’ 28 (vint-iût) djoûs pou lès mascarâdes, ci qui fait ène difèrince di 19 (dîj-noûf) djoûs. Dins cès condicions-là, i gn-aveut nin dès mascarâdes tos lès djoûs.

Li djoû d’audjoûrdu, on n’ s’ imbarasse pus fwârt dès masca­râdes. (…) C’ èst bin damadje !…

Lucien Léonard, Lexique namurois, 1969, p 595

 

A l’-, mitan grin, mitan strin:

à la chandeleur, les réserves de grain et de paille sont à demi épuisées.

 

On faît bèni l’ tchandèle:

on fait bénir la chandelle (à allumer lors des orages et des veillées mortuaires)

 

Ciêrje: < L. cereus (adj. pris substantivé de CERA (cire))

– tchandèle di cire: dins l’èglîje: riprésintâcion simbolike:

– 2 ciêrjes brûlenut su l’auté timp d’ mèsse;

– dès ciêrjes qu’on-z-alume po one cèrèmonîye rèlijieûse;

– ciêrje pontificâl: qu’on-z-alume à Rome quad l’Pâpe fét mèsse;

– ciêrje do cia qu’ faît sès (grandès) paukes;

– tinu on ciêrje à l’porcèssion;

– brûler on ciêrje à on sint (dins s’tchapèle, divant si statuwe, dé s’ fî).

> ciêrjes dè l’ tchandeleûse.

 

(boujîye: aparèy po lumer avou one mètche di cire ou di stéarine)

 

2 tchandèles d’èglîje

3 tchandèle: aparèy po lumer avou one mètche trèsséye, èwalpéye di sî (suif):

industrîye dè l’tchandèle;

do sî d’ tchandèle (suif).

 

ALW3 – Les phénomènes atmosphériques et les divisions du temps, Liège, Vaillant-Carmanne, 1955, E. Legros

(p.319) /tchandeleûse: folklôre/

“On bénit les chandelles.

“On bénit ausi des morceaux de rat-de-cave de 20 cm environ qu’on découpe pour les coller en forme de S, etc., sur le manteau de cheminée et derrière les portes, pour écarter les sorcières: = dès co(m)pèzias.

Les homes en collent aussi comme porte-bonheur dans les casquettes.

3 Tchandèle:  = (O17) candèye

_ dè comuniant: cierge de communiant (O2)

pârin à l’tchandèle (O2): gamin qui assiste au baptême d’un frère ou d’une soeur sans en être le parrain.

djaler à -s: geler au point de former des stalactites de glace au bord des toits

 

(E52) si fé mète lès _s: fait par le curé qui croise 2 cierges sur le cou des fidèles (pour bénir de saint Blaise des paroissiens, surtout les enfants, le jour de la fête de saint Blaise, à Bihain (le 3/2).

 

= (E34) su fé mète lès _ è cô (cérémonie religieuse de la Chandeleur)

 

– aus _s (C42): à la Chandeleur

(E34) Vos polez ‘nn’ aler, dju n’ a nin mèsa°he du _s: de témoins, de curieux

(O51) stalactite de glace

 

filêye (E153) = cowe di rat : bougie filée

 

coûsse à l’ _ (E57): le coureur doit arriver permier à un point déterminé d’avance, sans laiser éteindre une chandelle allumée qu’il tient à la main.

 

(O17) crasse _ (candèye): chandelle de suif

 

(C1) Quand i gn-a d’ l’ oradje, on-z-alume li tchandèle bènite. (par temps d’orage) (la bougie) (à la chandeleur)

 

Li pus grande fièsse dès tchandelîs (fém. tchandèlerèsse):

dins lès chârtes do payis d’ Lîdje:

tchandelîs = fabricants d’tchandèles, d’ôles, di savon, di gôdron, …

 

(E153) fièsse di “Notre-Dame-aux-Neiges” (p.273)

in: Jacques Thunus, Echos de la Chandeleur à Haybes, Ardenne wallonne, 65, s.p.

Haîbe (Payis d’ Djivèt) (France) (Haybes) (Pays de Givet)

Süd-wès’ dè l’ province di Namur (Sud-ouest de la province de Namur) – èl Tchandeleûse (avou lès coupèsias) (la Chandeleur avec les ‘coupèsias’)

in: Clément Dimanche, Au Pays des Rièzes et des Sarts, 80, 1979, p.686

in: Jacques Brilot, L’entité d’Yvoir au 20e siècle, 2004, s.p.

 

Uwâr (Yvoir) – li Tchandeleûse (èt l’ noûvin.ne à paurti dè l’ Sint-Timotéeye (la Chandeleur (et la neuvaine à partir de la Saint-Timothée))

p.232, in: Paul Coppe, Armand Hanet, Notes folkloriques de Rosière-Hottomont, Le Folklore brabançon, 109-110, 1939, p231 sv

 

Rosêre-Hôtômont (Rosières-Hottomont) – li Tchandeleûse (èt lès copèsias) (la Chandeleur (et les ‘copèsias’))

in: Le Folklore brabançon, 11, 1923, p.234-235

 

Payis d’ Djodogne (Pays de Jodoigne) – li Tchandeleûse èt lès copèsias (la Chandeleur et les ‘copèsias’)

1.4   L’est-wallon / L’ ès’-walon

Hacout (Haccourt) – li sabat dès macrales (le sabbat des sorcières)

Avou l’ macrê r’crèyou (Avec le sorcier qui a abjuré son erreur, qui est rentré dans le giron de l’Eglise) (< ricreûre: croire de nouveau), qui peut mettre au service du bien les pouvoirs qu’il consacrait à faire le mal.

I gn-a là on sabat dè l’ tchandeleûse. (On y voit un sabbat de la Chandeleur.)

in: Echos de Comblain, février 1990

 

ComBlin (Comblain-au-Pont) – li Tchandeleûse (la Chandeleur)

Albin Body, in: Wallonia, 1896, p.33-35

 

Spå (Spa) – li noûvin.ne dè l’ Tchandeleûse (la neuvaine de la Chandeleur)

1.5   Le sud-wallon / Li sûd-walon

in : Edmond P. Fouss, La Gaume, éd. Duculot, 1979, p.45

2 février

Chandeleur. Tout le monde sait qu’à cette fête, l’hiver passe ou reprend vigueur. Il y a mieux. A l’église de Rouvroy (Harnoncourt), lorsqu’un rayon de soleil venait éclairer la robe de la Vierge, on était sûr que l’hiver n’était pas prêt de finir.

2.   Traditions gastronomiques / Tradicions gastronomikes

dès vôtes (des crêpes)

2.0   Généralités / Jènèrâlités

Les Gaufres et les Crêpes, in : EMVW, 1924-30, p.86-90

Parmi les aliments traditionnels de Wallonie, il en est qui méritent particulièrement notre attention : ce sont ceux que l’on mange lors de certaines fêtes et qui, le plus souvent, ne le sont pas à d’autres moments de l’année.

La gaufre (w. liég. wafe, nain, waufe, ouest-wall. aufe) et la crêpe (w. liég. boûkète, nam. couquèbake, ouest-wall. raton) sont deux pâtisseries de ce genre. Elles sont généralement — et elles étaient autrefois exclusivement — préparées clans les ménages.

Li vôte / La crêpe

 

Dénominations

1) vôte (général: ouest, centre, est, sud)

     cf? vôtiadje (enroul”age”); vôtyî: rouler         en boule, pelotonner (de la laine);

     NB (C1) vôte ou coûkèbake: crêpe

2) rèston (ouest)

3) groumète (ouest: Beaumont)

 

Variantes

1) coûkèbake (centre, ouest)

2) boûkète (est, centre, ouest; boucâcouke: ouest: Mons-Borinage; bèrdèle (Semois))

3) tortia (centre)

4) couye-di-swisse (centre)

5) doûbe (ouest)

divers : vôtion: esp. de gâteau (E1)

Précisions sur les dénominations et les variantes exposées ci-dessus

Dénominations :

a) vôte

= crêpe aux oeufs et à la farine

= crêpe, galette cuite à la poêle, pâte frite (Flupevile – Gochelîye / Philippeville – Gosselies))

= espèce de crêpe, omelette non levée faite de farine, de lait et d’oeufs (Lîdje / Liège)

=  _ â matoufèt: omelette aux oeufs brouillés (ès’-walon / est-wallon)

= omelette d’oeufs battus et cuits dans la poêle avec du beurre

= crêpe à la farine de blé sarrasin (Bastogne)

= omelette (El Louviére / La Louvière)

= omelette allongée de farine (Cèrfontène / Cerfontaine)

= galette (faite de farine, lait, oeufs, parfois avec du lard) (Mâmedi / Malmedy)

Spéciâlités / Spécialités :

grosse vôte : crêpe plus épaissie, lardée de lard et de jambon

vôte (au laurd): sorte de crêpe très épaisse, la farine remplacée par 2 biscuits émiettés.

vôte lèvéye : crêpe à la levure (Frantchimont / Franchimont (Flipevile / Philippeville)), à l’chîje dou Noyé (à la veillée de Noël)

vôte (à lèveûre) = vôte (lèvéye): à la levure (Nameur / Namur)

vôte (à l’ rapéye) (= vôte (âs crompîres)): en y ajoutant les râpures de pommes de terre crues (Ârdène / Ardennes)

vôte à cèrèyaline: faite avec du maïs lamellé (Nameur / Namur)

b) rèston

(Payis d’ Châlèrwè / Pays de Charleroi) vôte = rèston: crêpe faite de farine, oeufs, lait et sucre, levure (Cerfontaine, Courcelles, Gosselies, Montignies-sur-Sambre)

(El Louviére) espèce de crêpe faite de la même pâte que lès waufes à l’ louce mais qui sont cuits dans la poêle (= la pâtisserie traditionnelle du mardi-gras)

 

c) groumète

(Thirimont (Biaumont / Beaumont) n.f. crêpe (pâtisserie) (= rèston, vôte)

 

d) bèrdèle (en Ardenne Centrale)

Variantes : 

 

a) coûkèbake (aussi: cou-)

(Payis d’ Nameur / Pays de Namur) = vôte: crêpe

(Fleûru / Fleurus) pâtisserie

(Nameur / Namur) crêpe de sarrazin arrosée de lait sucré

(Nameur / Namur) mets fait exclusivement de farine de sarrazin, pétrie à l’eau, avec levure; cuit dans la poêle (à l’huile de colza (ôle di golzau), rarement au beurre) et mangé chaud ou froid avec de la cassonade (suke di pot).

(Payis d’ Châlèrwè / Pays de Charleroi) crêpe, pâte frite à la poêle (= rèston)

 

b) boûkète (NL cf boekweit)

(Payis d’ Lîdje / Pays de Liège)

1 blé sarrasin;

2 crêpe faite avec cette farine, frite à la poêle avec du beurre ou de l’huile (on ajoute souvent à la pâte des côrintènes ou des ronds de pomme; on les mange chaudes, saupoudrées de sucre ou froides, garnies de sirôpe; mets consacré du réveillon de Noël; on les mange alors, d’ordinaire, en buvant du vin chaud.

 

(Payis d’ Nameur / Pays de Namur) farine de sarrazin

(Vèrvî / Verviers) fé dès boûkètes: vomir; såvadje boûkète: renouée liseron

(ès’-walon / est-wallon) boûkète: miel butiné par les abeilles sur la fleur de sarrazin

(Payis d’ Châlèrwè / Pays de Charleroi) crêpe faite avec cette farine (bô-/bou-/boûkète)

 

c)  tortia

(Payis d’ Nameur / Pays de Namur) tortia o l’ pêle: restes de pâte à pain cuits au lard dans la poêle comme une crêpe

 

d) couye-di-Swisse

(Payis d’ Nameur / Pays de Namur) petite boule de pâte cuite à l’eau

 

e) doûbe

(Réjion do Cente / Le Centre (EL Louviére / La Louvière, …)

pâtisserie faite à Binche: crêpe faite avec de la farine de sarrasin et fourrée de fromage gras

dès doûbes dè Binche: catrine-à-doûbes: nom donné à la spécialité

Motî / Vocabulaire

 

I faît one mawe come si l’tchèt lî aureut scrotè s’ vôte. (Il tire une mine comme si le chat lui avait volé sa crêpe.) (Nameur / Namur)

 

Il a fét ‘ne _. = Il a gâgnî l’ _. = Li tchèrêye a vêlé. (la charretée de moisson a versé) (Hèsbaye lîdjwèse / Hesbaye liégeoise)

 

rèstoner (vi): faire des crêpes (Mârciène-Docherîye /Marchienne-Docherie)

 

rèstona: seulement dans :”Sint Va Rèstona” (= rèston) (prononc. franç. pour -a (x 2) (à la fête de Saint-Vaast, des crêpes) (Sint-Va / Saint-Vaast (El Louviére / La Louvière)

 

rèstonî : faiseur de crêpes, quêteur allant de maison en maison (au carnaval de Barbençon, en chantant la complainte de ‘sint Pansau’) (Biaumont / Beaumont), pour le repas collectif du premier dimanche de Carême (in: Dictionnaire de l’ouest-wallon)

Treûs bonès boûkètes.

Tos lès djoûs å matin,

Dè l’ sirôpe, dè sayin,

Et dji rote conte li vint …

 

(in: La vie liégeoise, n°sp., Cuisine liégeoise, p.7)

B. Lg., Vaution et tarte au riz: tout est dans la manière, LS 16/08/1999

Spécialités verviétoises

 

Le vaution est fait de trois couches de pâte de tarte recouverte d’un couvercle, entre lesquelles coule un jus de beurreet de sucre bruni par la cannelle.  Des variantes existent avec des oeufs battus ou une ptite couche d’abricot.

 

Spécialités verviétoises, vaution et tarte au riz s’étalaient aux vitrines de toutes les boulangeries, avant d’être supplan­tés par d’autres pâtisseries.

Dans les années cinquante, le vaution était partout et l’on en fabriquait tous les jours. Ce n’était pas rare que l’on en ven­de quotidiennement une trentai­ne de 30 cm de diamètre, se souvient Joseph Muytjens, bou­langer-pâtissier à la retraite de­puis quatre ans. «Faire le vau­tion» signifie… se battre mais la pâtisserie est probablement née dans les fermes où tous les ingrédients étaient à portée de main. Le vaution traditionnel est fait de trois couches de pâte de tarte recouverte d’un couvercle, entre lesquelles coule un jus de beurre et de sucre bruni par la cannelle. Des variantes existent avec des œufs battus ou une petite couche d’abricot. Chacun avait sa façon de le faire et il y avait autant de vautions que de boulangers. Depuis quelques années, l’engouement n’est plus le même et désormais le vaution se vend souvent sur comman­de. Auparavant, il n’existait pas autant de variétés de pâtisserie que maintenant. Les goûts changent aussi. On préfère dé­sormais ce qui est moins sucré ou recevoir autour d’un barbe­cue plutôt qu’avec un vaution.

La saveur de la tarte au riz verviétoise est à nulle autre pareil­le. Sa différence réside dans l’un de ses ingrédients, le lait du plateau de Herve particulière­ment riche. Certains folkloristes parlent même du lait de la première traite du matin. Les ingré­dients de base sont simples, fond de pâte à tarte, lait, sucre, riz blanc, cannelle et/ou vanille (1 l de lait pour 140 g de riz et 190g de sucre) mais tout est dans la manière. Après cuisson du lait au bain-marié dans une cuve en cuivre, excellente con­ductrice de la chaleur, auquel sont ajoutés le riz puis le sucre, l’ensemble est mélangé autant que possible durant plusieurs heures pour n’être ni trop liquide ni trop dur. Cela prend du temps et maintenant on ne prend peut-être plus assez le temps. La tar­te au riz traditionnelle contient aussi des macarons (pâte d’amande, sucre, blanc d’œuf et farine) jetés au fond de la tarte dans la cité des bords de la Ves-dre mais déposés sur le dessus de la pâtisserie à Liège. Depuis 1990, la Seigneurie de la Vervî-Riz tente de faire connaître et    apprécier en Belgique et à l’étranger une «blanke dorêye», spécialité verviétoise de­puis des siècles. Avec une devi­se Jamais pour me nourrir, tou­jours pour le plaisir Magnans, Frés, fåt qu’on rêye, avou nosse blanke dorêye. A servir avec du café «pour les vîs fèmes», du pèket et du vin blanc !

Vaution ou tarte au riz, mais aussi lunettes (gâteau de Verviers en forme de croissant de lune) que les patrons tisserands offraient à leurs ouvrières le jeu­di Saint ou gaufres à la cannelle de saint Antoine qui parfument la cité le 17 janvier, autres parti­cularités verviétoises, toutes ces gâteries ont les mêmes ingrédients de base mais chaque boulanger-pâtissier a ses pro­pres recettes.

L’apprenti en michoterie y puise ce qu’il lui convient. Joseph Muytjens a appris son métier au­près de sept patrons avant de s’installer à son compte. Ses spécialités? La tarte au riz et une rombosse dans laquelle il glissait de la crème fraîche. Dans le métier, tout me plaisait! J’aimais particulièrement faire du pain. On travaille une matière vivante. Avec ses mains. Et il y a les odeurs, celle de cuisson ou celle du pain qui sort du four. Et les bruits. Le pain qui craque en refroidissant comme s’il par­lait. .. C’est un métier sensuel!

In : VW, 1978, p.161-197

 

La boûkète liégeoise et les crêpes à la farine de sarrasin en Wallonie

 

La boûkète ou crêpe à la farine de sarrasin est une crêpe dont la composante caractéristique est la farine de sarrasin.

Jean Haust, dans son Dictionnaire liégeois, 1933, p. 102b, donne du mot boûkète les deux significations que voici : 1. blé sarrasin; 2. crêpe faite avec cette farine. Il ajoute que cette crêpe est frite à la poêle avec du beurre ou de l’huile; qu’on ajoute souvent à la pâte des corintènes ou raisins secs de Corinthe, (p.162) ou des ronds de pomme. Rodolphe de Warsage, dans son Calen­drier populaire wallon, 1920, p. 158, 11° 400, dit qu’elles sont rissolées dans l’huile et saupoudrées de sucre, ce qui est insuf­fisant comme définition, puisqu’aussi bien il n’y a pas de doute qu’on les ait cuites aussi au beurre. Dans son petit livre sur La cuisine régionale wallonne, 1938, p. 20, il donne plus de détails : notamment que la boûkète est frite et sautée dans la poêle, à l’huile de colza. Sa pâte noirâtre est farcie de corintènes et la crêpe est saupoudrée de sucre blanc ou de « sucre de pot », c’est-à-dire de cassonade. Cette donnée est confirmée, avec un détail de plus, par Désiré Thomas dans Les Cahiers Wallons, 1937, 12, p. 184, qui décrit une Cîse di Noyé :

 

XIV.   C‘esteût po fé lès bonès boûkètes

Avou dès corintènes divins,

Mahèyes avou l’ ôle di navète

Èt dè fwèrt bon cognac tot plin.

 

« C’était pour faire les bonnes crêpes de sarrasin — Avec des raisins de Corinthe dedans, — Mêlés à l’huile de navette — Et de fort bon cognac tout plein ».

 

A Verviers, on passait de même les matines à faire des boûkètes : ô passe lès matènes à fé dès boûkètes, dit L’ Aurmanak du Lès Fous de 1888, p. 43; et à Hervé, selon L’Armonack dè Payès d’Hêve de 1904, p. 16, on magne lès boûkètes avant la messe de minuit. Et nul doute qu’on ne les ait mangées avec du souke di pot pour les saupoudrer, ainsi que l’attestent Jean Wisimus pour Verviers et Lambert Lemaire pour Mélen, ce dernier dans Li fis dè moûnî, 1935, p. 14.

De Warsage ajoute que c’est dans les faubourgs de Liège que l’on confectionne des boûkètes aux fruits de saison, « notamment aux cerises noires ». « Cependant, depuis quelques années, nous avons abandonné le sarrasin presque entièrement pour de la ‘farine à boûkètes’, mélange de farine [de froment] blanche et de farine de sarrasin. N’oublions pas de mettre de la levure dans cette pâte fort lourde que l’on place dans un seau, recouverte d’un lainage, à proximité du fourneau, afin de la faire lever».

Il n’est pas sans intérêt d’interroger un autre témoin de la même époque, Eugène Polain. « Comment se fait la bouquette ? », feint-il de demander. « Avec deux parties de sarrasin et une de fine farine zéro, on bat une pâte assez liquide, où l’on a mêlé à l’eau un peu d’huile d’olive et la levure nécessaire. Le récipient, une grande terrine en terre cuite d’autrefois, est placé, recouvert d’une épaisse couverture et à l’abri des courants d’air, sur un (p.163) coin de la cuisinière ou sur une chaise devant un des fours ouverts. Quand la pâte a levé au point de déborder, et que la poêle à frire a été d’abord enduite intérieurement d’huile de colza ou de navette, on y verse une cuillerée à soupe de pâte liquide, à laquelle on ajoute des raisins de Corinthe. Au préalable l’huile a recuit dans un récipient; pour la clarifier et lui enlever son goût trop fort, on y fait mijoter un croûton de pain. Souvent on ajoute à l’huile, qui a la vertu de rendre la crêpe plus cro­quante, du beurre et du saindoux. Mais c’est là un raffinement inconnu de nos pères, de même que l’emploi du lait pour le battage de la pâte, et la substitution, aux corinteunes, de fins raisins. Pour retourner la bouquette, on la fait sauter sur la poêle. Elle se mange chaude, à la veillée, avec de la cassonade et une tasse de vin chaud ; le lendemain, au déjeuner, on la mange froide avec du sirop sur une de ses faces. Jadis, chacun était tenu de faire frire lui-même au moins une bouquette, ce qui provoquait des incidents joyeux ou des croyances superstitieuses… Et l’as­sistance de rire et de plaisanter! Mais si l’on ne savait pas où la bouquette était chue, alors on ne riait plus, car on était persuadé qu’elle était ensorcelée, que le diable ou quelque sorcière l’avait attirée par la cheminée ».

C’est en référence à cette croyance que Georges Ista, auteur dialectal de mérite (Liège 1874 – Paris 1939) composa sa fameuse « Boûkète èmacralêye », poème narratif qui a quelque peu folk-lorisé. Nicolas Hoven (Liège 1829-1912) avait déjà, en 1873, composé une comédie en vers en un acte de même titre, parue dans le Bulletin de la Société liégeoise de Littérature wallonne, XIV, 3, 1876, pp. 255-289. Et pour remonter encore plus haut, je citerai aussi Alphonse Le Roy et Adolphe Picard dans le même Bulletin, II, 1859, 2, p. 56, qui disent aussi que chacun doit retourner une crêpe à la cuisson : « il y a des malins, dit-on, qui savent lancer la bouquette. jusque par-dessus le toit, à travers le tuyau tout garni de suie, et vont la rattraper dans la rue sans quelle ait souffert le moindre dommage ». Évidemment Monsieur de Crac est passé par là. (…)

Jean  Haust résume, en somme, ce que nous avons appris jusqu’ici sur la boûkète, lorsqu’il dit qu’« on les mange chaudes, saupoudrées de sucre, ou froides, garnies de sirôpe»’, en outre qu’à la Noël on les mange d’ordinaire en buvant du vin chaud, tout comme on mange les galets du nouvel an avec du vin furé ou  chaud,  selon  Henri Forir dans son Dictionnaire liégeois-français, I, 1807, p. 407b. Mais de même que Charles Semertier dans son Vocabulaire des Boulangera, Pâtissiers, Confiseurs, etc., 1894, pp. 8-9 du t.-à-p., — lequel s’inspire probablement de Forir — celui-ci ne dit mot du rite de la bénédiction de la bûche ou des cendres du foyer. Semertier, d’ailleurs, paraît bien ne connaître qu’une recette simplifiée du vin furé : li nut’ divant l’ Noyé, on magne dès boûkètes avou dè vin furé « la veille de la Noël, on mange les crêpes avec du vin chaud assaisonné de cannelle et de sucre ». Forme plus simple encore, si la description est bien complète, à  Waremme, selon Pol Sevenants dans le n° du 10 janvier 1933 des Echos de Waremmee, en la rubrique Rapwètroûles èt Sovenances : on passéve li nut’ [di Noyé] po ratinde lès matènes tot buvant dè vin tchâfé avou dè l’ canèle èt tot magnant dès boûkètes « on passait la nuit de Noël pour attendre les matines en buvant du vin chauffé avec de Ja canelle et en mangeant des crêpes ».

Emile Detaille, dans sa Contribution au folklore de la Noël parue en 1940 dans le Recueil de la Société royale Le Vieux-Liège, p. 39, est un témoin plus tardif. Il emprunte d’ailleurs plus d’un détail à Rodolphe de Warsage et à Eugène Polain, saris le dire, mais il ajoute qu’à l’époque, à Comblain, l’huile de navette était (p.165) déjà remplacée par du beurre ou de l’huile d’arachide. Il arrive aussi qu’au moment de les servir on les arrose de rhum et qu’on lasse flamber celui-ci. On les mange froides aussi, avec du sirop ou de la confiture. A Esneux, on les arrose encore de vin chaud additionné de canelle. Dans le Condroz liégeois voisin, selon A. llastir dans La Nation Belge du 26 décembre 1946, on rehausse Je goût de la boûkète avec un doigt de cognac ou de pèkèt (eau-de-vie), ce que j’ai pu observer aussi à Seraing. La maîtresse de maison les frit dans une poêle copieusement graissée de sèyin ou saindoux. La maisonnée s’en régale aux matines de Noël, en les saupoudrant de cassonade. J’ai obtenu de Mme Germaine Vroo-ineu en décembre 1971 une recette de boûkète verviétoise où il est dit qu’il faut la cuire dans du saindoux, et les réchauffer avec un peu de beurre bruni, ce qui les améliore. Ici on mange les crêpes, comme d’ailleurs actuellement aussi dans tout le pays de Liège, en buvant une tasse de bon café.

 

Voici une recette qui a perduré pendant au moins un siècle dans une famille liégeoise. La grand-mère de Georges vrancken, qui aurait eu 124 ans en 1977, née à Hautregard (La Reid) mélangeait déjà 500 gr. de farine blanche à 500 gr. de farine de sarrasin, y ajoutait une pincée de sel, environ un litre de lait, un grand verre de rhum, 60 gr. de levure fraîche, 6 œufs dont le blanc était battu en neige, et cuisait les crêpes, dont la pâte était généreusement parsemée de raisins de Corinthe, puisqu’il en fallait 2 boîtes ou un quart de kilo, avec de l’huile dont on ne m’a pas spécifié la nature. Les crêpes devaient être petites mais épaisses; on les consommait saupoudrées de cassonade et en buvant du café. On les réchauffait, éventiiellement, au beurre ou à l’huile.

 

De mon informateur Victor Lefébure, né au début de ce siècle eu Outremeuse, j’apprends que l’on travaillait la pâte dans un seau, qu’on ne mélangeait pas la farine de sarrasin à de la farine blanche, qu’on battait la farine, additionnée de levure sèche, dans de l’eau, et qu’on mettait le tout à lever près de la plate-bûse. Sa mère ne voulait même pas que l’on marchât dans la cuisine afin de ne pas courir le risque de voir la pâte retomber; elle mettait les turbulents à la porte. Pendant que la pâte levait, dans une marmite de fonte on faisait bouillir de l’huile de navette ou colza avec une croûte de pain; quand celle-ci était brune, presque noire, l’huile était à-point. C’est avec cette cûte Ole qu’on faisait frire les boûkètes, en les parsemant de neûrès corintènes, de raisins noirs de Corinthe surnommés wandions ou « punaises ». On déposait les crêpes cuites sur une cleûse ou claie, et on les (p.166) saupoudrait de souke di pot ou cassonade. « Vola lès vrèyes boûkètes di Dju-d’la-Moûse », « voilà les vraies crêpes au sarrasin d’Outremeuse ».

 

Ces deux recettes, l’une bourgeoise, l’autre populaire, mon­trent, avec les données fournies antérieurement, que la tradition de la boûkète n’est pas uniforme.

 

Léon Simon, l’érudit de Ciney, a noté que la bôkète y était d’importation namuroise et qu’on en faisait peu dans sa villette. Elle n’est rien de plus, pour lui, qu’une vôte lèvéye, « une crêpe dont la pâte est préparée au levain ». Sans doute avant de la définir telle qu’il le fait était-elle préparée à base de farine de sarrasin, et au levain pour la même raison qu’à Liège. Bôkète est bien le nom namurois (et même carolorégien) du blé, de la farine et de la crêpe de sarrasin. Charles Camberliii (Namur 1885 -Malonne 1924) dit qu’avec cette farine on fait des voûtes à l’ bôkète. A Bioul, Warnant et Annevoie, selon Lucien Léonard dans son Lexique namurois, 1969, p. 173, on dit boûkète, comme à Malmedy ; à Charleroi, on dit aussi boûkète, à Gueuzaine bûkète, à Chastre-Villeroux et à Meux, bonkète, selon des notes de la Société de Littérature wallonne; d’autres notes permettent d’as­surer que l’on dit boûkète à Verviers, boûkète parfois à Liège (déjà vers 1770) ainsi qu’à Verviers, et encore à Mélen, Battice, Pâturages, Soignies et Tournai. Valentin Van Hassel, dans Pou dire à l’Eschrienne, 1909, p. VI, indique qu’avec cette boûkète on faisait à Pâturages dèl tarte de boûkète. Jean Servais, auteur dialectal de Namur, indique qu’en cette ville on eût one platenéye d’ bokètes « on cuit un plat de crêpes à la farine de sarrasin », qu’on les saupoudre de djane suke di pot, et ce à la Toussaint (voir Les Cahiers Wallons, 1950, 8, p. 118). La bôkète se fait aussi à Perwez, selon Louis Henrard (ibidem., 1940, 30, p. 554 et 1952, 5, p. 83). Louis Delattre, dans ses Contes à Saint-Christophe, patron de mon village, qui n’est autre que Fontaine-l’JÉvêque, transpose une dénomination wallonne quand il parle de crêpes de baguette; mais celle-ci était-elle bien locale (voir p. 83)?

Il y a beaucoup d’observations justes dans ce que dit Rodolphe de Warsage : de nos jours encore on recommande de cuire à l’huile de colza si l’on veut obtenir d’authentiques boûkètes ; mais rares sont les personnes qiii acceptent de se conformer à la recommandation et même de cuire les boûkètes à partir de farine de sarrasin pure. La plupart des gens abandonnent même la farine mixte ou grise, et c’est ainsi que le mot boûkète en vient à ne plus rien désigner d’autre que la crêpe commune, mais aux (p.167) raisins de Corinthe, li boûkète ås corintènes, comme dit L. Souris dans ses Œuvres Wallonnes et Françaises, 1892, p. 149.

 

Cependant la boûkète, même à la farine de froment, ne se substitue jamais à la vôte que j’appellerai médicale, vu son emploi : celle-ci est toujours une vôte, ou plus fréquemment encore une « crêpe », en français. Rodolphe de Warsage, dans un article de La Chronique Médicale (Asnières-Seine), XLVI, 1939, 4, p. 87, sur Le Folklore wallon et la Médecine, donne la recette suivante qu’il feint d’observer : « Pour me débarrasser de la jaunisse, je ferai confectionner une crêpe, dont la farine aura été pétrie avec ma propre urine. Je l’abandonnerai sur l’appui extérieur de la croisée, et le gourmand qui en mangera aura ma jaunisse ». Louis Banneux, dans L’Ardenne Superstitieuse, 1930, p. 136, donne une recette fort semblable pour Bouillon, Lierneux et Paliseul : « Faire une crêpe et la jeter sur le chemin. Celui qui la ramasse hérite de la maladie », en l’occurence la jaunisse encore. A la page 138, il indique qu’on traite les maux de dents en main­tenant sur la joue un morceau de crêpe à la farine d’orge, et ce à Izier.

Pour Albin Body dans son Vocabulaire des Agriculteurs de l’Ardenne, du Condroz, de la Hesbaye et du pays de Hervé paru dans le Bull. Soc. Litt. Wall., XX, 1884, p. 31, la boûkète désigne aussi une crêpe faite avec de la farine de sarrasin et du miel recueilli par les abeilles sur les fleurs du blé de ce nom. Il doit s’agir d’un suprême raffinement, et je doute que les marchandes de boûkètes de Liège ou d’ailleurs, de même que la plupart des ménagères, l’ait jamais eu.

Mais qu’entendait-on par une boûkète à la fin du siècle dernier ? Le mieux, semble-t-il, est de se reporter à Charles Semertier, dont l’étude sur la boulangerie-pâtisserie liégeoise parut en 1894. Il nous apprend une série de détails importants : « Cette pré­paration wallonne se fait en rissolant du beurre seul ou un mélange d’huile de colza comestible et de beurre dans une poêle à frire, puis en y versant 5 à 6 mm de haut d’une pâte suffisam­ment levée faite par moitié de farine de froment et de farine de bouquette, additionnée de levure, d’une verre de bière ou de rhum et d’eau en quantité suffisante. D’aucuns y ajoutent des tranches de pommes, des cerises, d’autres et surtout les Flamands établis en Wallonie, y introduisent des raisins secs, surtout des raisins de Corinthe, et au lieu de saupoudrer simplement de sucre, enduisent une des faces de sirop ou de mélasse, à l’instar des koekebakken ». En 1898, au cours d’économie ménagère de l’école des Prés-Saint-Denis à Liège, on enseignait la recette (p.168) suivante d’après le cahier de feu Jeanne De jardin, à ce que rap­porte Jeau-Denys Boussart dans La Vie liégeoise, 1973, 12, pp. 7-8 : 1° Délayer la levure dans un peu d’eau tiède; 2° Mélan­ger la farine de sarrasin et de froment par moitié et y ajouter un peu de sel; 3° Verser lentement l’eau tiède et mélanger jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de grumeaux; 4° Ajouter la levure en continuant à mêler; 5° Après avoir laissé lever, faire les boûkètes comme suit : A. Mettre dans la poêle un mélange formé de beurre et de saindoux fondu préalablement; B. Y déposer une louche de pâte; G. Parsemer de corinthes; D. Retourner la crêpe; E. Saupoudrer de sucre.

Il n’est guère possible d’en connaître davantage sur ce que fut la boûkète liégeoise. Mais peut-être apprendrons-nous quelque chose en allant voir ailleurs ce que fut la crêpe au sarrasin.

 

 

Boucancoukes et coukèbakes

 

A Mons, les enfants s’intéressaient très fort à la boucâcouke (comme les petits Liégeois à la boûkète) : tel est le nom donné à la crêpe à la farine de sarrasin. La plus fameuse des marchandes du lieu, Magrosse, qui installait sa boutique de toile grise sur la Grand’ Place, attirait rarement le riche, mais bien les ouvriers et les enfants. « La première boucâcouke ne se payait pas, n’étant jamais bien réussie. Aussi les gamins se disputaient pour la pos­séder », constate Mme Nestor Slotte-De Bert dans son Folklore Montais. La Guirlande des Mois… [1935], pp. .141 et 143; à la p. 142 une illustration représente Magrosse dans son haïon : elle est occupée a frire une crêpe sur un petit poêle bas à trois ou quatre pieds; derrière elle le seau de condeûve ou pâte. (Jelle-ci se faisait aussi dans une marmite, selon L’ Vraie Ervue d’ Mons, 1883, p. 70 : « L’fîe prind ène marmite, lés farines, l’ jèt, lés œufs, infin tout ç’ qu’ i faut pou faire dés boucancoukes ou dés gaufes, éyét lé v’là ‘partie au fourni », « La fille prend une marmite, les farines (de san’asin et de froment donc), la levure, les œufs, enfin tout ce qu’il faut pour faire des crêpes au sarrasin ou des gaufres, et la voilà partie au fournil ». Hécart, dans son Dictionnaire Rouchi-Français, 18543, p. 71b, indique que d’habitude la pâtis­serie se fait en mettant une cuillerée de pâte liquide sur une plaque de fer placée au-dessus d’un réchaud; «on la fait frire avec un peu de beurre roussi, quelquefois avec de l’huile de colza ». Philibert Delmotte, clans son Essai d’un glossaire wallon (montois) qui date de 1812, mais fut publié en 1907, I, p. 85, dit de la boucacouque que c’est une « espèce de raton, ou crêpe

(p.169) faite de fleur de blé-noir ou sarrasin », fleur étant ici synonyme de farine, comme dansjleur de botchet à Tourcoing (von Wartburg, XV/1, 126, 1968, p. 173b). Il n’y a donc pas encore de mélange de farines.

Le grand intérêt des jeunes pour la boucancouke explique que les marchandes élisaient souvent domicile près des écoles, ainsi qu’on en a fait également la remarque à Liège.

Charles Letellier, dans son Vocabulaire montois-français paru dans YArmonaque dé Mans (1866, p. 75) dit que la boucancouke, boucâcouke ou boucâcouke montoise est une espèce de raton, lequel mot est un terme rouchi pour désigner la crêpe commune, mais à base de farine de sarrasin et d’eau. C’est un mets des ouvriers et des enfants; les bourgeois préfèrent le raton à la fine fleur de froment, avec des œufs, du lait et de la crème. Le mot vient du flamand boekweitkoek, selon J. Sigart, Glossaire étymologique mon­tois…, 1866, p. 93, confirmé par E. Ulrix, De Germaansche Elementen in de Romaansche Talen, 1907, p. ISb, n° 224 et repris par le Französisches etymologisckes Wörterbuch de Walther von Wartburg, XV, 1968, p. 174a. A remarquer cependant qu’éty-mologiquement la boekweitkoek n’est pas une crêpe, mais un gâteau sec.

C’est encore du flamand, mais de koekebak « crêpe » cette fois, que vient la dénomination tournaisienne pour désigner la crêpe légère faite de farine de sarrasin mélangée d’eau et de lait, comme dit Alexandre Desrousseaux dans son livre sur les Mœurs populaires de, la Flandre française, II, 1889, p. 149, pour la ville voisine de Lille, et qui se dénomme coucoubake à Tournai et couk(è)bake à Lille. On acate dè l’boukète pou fé dès coucoubakes, dit Jacques Tranquille dans Troisième Diminche, p. 38. Et Henri Georges, dans Les Infants d’ Tournai, XVII, 1970, 193, p. 4, a sauvé une description de la confection des coucoubakes de la Toussaint : on mélange de la fleur ou farine de blé à de la boukète, on ajoute ène guise de gui (une mesure de levure de bière), deûs greos-sous d’ lét-kéaud trait depuis peu, « vingt centimes de lait chaud »; le tout est pétri dans une marmite. On graissait la poêle ou étûve avec ène cwène de lard « une couenne de lard », et on mangeait les crêpes chaudes couvertes de castonade « cas­sonade » et parfois avec du beurre étendu sur la crêpe.

Le mot n’est pas inconnu, ni la chose bien entendu, ailleurs : Henri Del court indique dans .ta Vie Wallonne, II, 1922, pp. 80-86, que la coukébake athoise est une «espèce de crêpe», sans plus; Mous connaît aussi le mot : la coucabake ou coukébake est la même chose que la boucâcouke, selon Charles Letellier, Armonaque (p.170) dé Mons, 1847, p. 8; 1848, pp. 10 et 12; 1851, p. 24, lequel dit que l’on fait cette pâtisserie, ainsi que des rétons et des gaufes pendant les trois jours gras et de nouveau le dimanche du Laetare. Il préfère d’ailleurs la forme boucâcouke, à laquelle il ajoute le sens secondaire de « torgnole, gifle », et qu’il utilise aussi comme sobriquet d’un de ses personnages, blanchisseur de son état. A Mouscron, la coukebake est un palô ou crêpe de pâte légère, selon Léon Maes, dans Notre patois, [1942], pp. 33 et 34. De même la coukebake est une crêpe à Warneton, alors qu’à Comines (France et Belgique) on dit falote, à Gommes-France aussi une paleute : c’est le mets caractéristique de l’Epiphanie et de la Chandeleur, selon Henri Bourgeois, Glossaire du patois de Comines-Belgique; Pierre Allard et Charles Vermès, Glossaire du patois de Comïnes-France ; Pierre de Simpel, Glossaire du patois de Warneton, chacun dans les Mémoires de la Société d’Histoire de Comines et de la Région, III, 1973, pp. 180, 276 et 303.

Avant de passer à la Flandre française, mentionnons que le mot est aussi connu en Wallonie. Louis Loiseau a noté à Naimir que la coukebake est une crêpe à base de farine de sarrasin, et Florent Boigelot que, trempée dans du lait, elle constitue la trûléye. Fernand Danhaive, dans son petit livre sur les Mœurs et Spots du Terroir de Namur-Nord (Vie rurale), 1925, p. 45, ajoute que les coukebakes de la Toussaint sont semblables aux voûtes, mais que leur composition est différente, car elles sont à base de boûkète, et on les cuisine à l’huile de golzau ou colza, et non au beurre. Selon Désiré Martin, auteur dialectal de Namur, dans Les Cahiers Wallons, 1962, 3, p. 80, c’est dans la rue des Bourgeois que l’on pouvait le mieux sentir l’odeur des coukebakes : one inéye d’Ole di golzau si staureûve dins V remue, sortant d’èmon Seurafine qui fieûve dès crostiliyons et dès coukebakes à one çanse « un parfum d’huile de colza se répandait dans la rue, sortant de chez Séraphine qui faisait des croustillons et des crêpes à deux centimes ». Charles Camberlin, dans les mêmes Cahiers Wallons, 1958, 10, p. 172 = 1959, 2, p. 51, signale la même odeur caracté­ristique dans les villages à peu près dans les mêmes termes : Do viladje vint l’ignéye dès coukebakes Mes tchaudes; Su chaque feu, dins chaque paîle, on fait sauteler lès votes; C’est l’ Tossint…, «Du village vient l’odeur des crêpes de sarrasin toutes chaudes; — Sur chaque feu, dans chaque poêle, on fait sauter les crêpes; — C’est la Toussaint… ». A remarquer que l’emploi de vote et de coukebake montre bien que celle-ci est considérée comme une variété de la première.

A Genappe aussi la coukebake est la crêpe à la bouquette, (p.171) selon l’Atlas Linguistique de la Wallonie (ALW). Mais à Annevoie, Bioul et Warnant, elle est, comme semble le suggérer Camberlin d’ailleurs (lequel vécut non loin de là, à Malonne), la vote ordi­naire : la forme donnée par Léonard, p. 173, est coûkèbake. Jean Lejeune, le lexicographe liégeois, a entendu coûkèbake encore à Jupille au sens de « galette »; on notera que Charles Du Vivier de Streel dit de la boûkète qu’elle se dénomme koekebak à Bruxelles, en la définissant, dans son dictionnaire inédit, « petite galette ».

J’ajoute que Charles Bruneau, dans son Enquête linguistique sur les patois d’Ardenne, II, 1926, p. 97, a noté le mot coûcabake à Hargnies pour désigner la crêpe, et Albert Vauchelet, dans Tous les patois des Ardennes, 1940, p. 158, signale coûkèbake à la fron­tière belge du département des Ardennes, dont le synonyme est bake (par aphérèse du précédent?) et brake à Nouzonville (par altération du précédent?), mot qui selon Bruneau désigne une omelette à la farine à Braux et une crêpe sans œufs à Aiglemont ; à Joigny-sur-Meuse et à Neufmanil le mot n’était connu que des instituteurs.

Et venons à la Flandre française, Louis Verrnesse, dans son Dictionnaire du patois de la Flandre française ou wallonne, 1867, p. 163, explique que la coûkèbake lilloise est faite de farine de bokète et de beurre. Jeannine et René Debrie, dans leur Mœurs épulaires picardes, 1977, p. 86, disent d’après David et Lamy qu’à Lille la « conque bake est une sorte de crêpe assez légère faite de sarrasin blé noir, appelé boquette ou bouquette, de lait et d’eau ». Mais L. Debuire, dans Les Lilloises, IV, 1859, p. xxvni, écrit couk’bake, qui est le terme qu’emploie Ch. Decottignies dans ses Chansons, pasquilles, duos et scènes populaires lilloises, 1864, p. 158. Il ajoute que le dimanche, après la promenade, les jeunes aimaient aller manger des couk’bakes, dont Desrous-seaux, dans ses Chansons et Pasquilles lilloises, IV, 188l2, p. 235, dit que le démêlage ou pâte se fait à partir de fleur de bokète ; et Pierre Legrand, dans son Dictionnaire du Patois de Lille, 18562, ajoute que la marchande étend cette pâte avec une cuillère sur une plaque chauffée. Depuis 1830 environ, selon Desrous-seaux, IV, pp. 242-243, exista jusqu’en 1871 un établissement ou cabaret à l’enseigne des « Quatre Marteaux » (de tonnelier) ; par contre il ne donna pas de date pour celui d’une dame Dubois, « qui a fait sa fortune en vendant ce comestible », et qui « a eu l’honneur d’être citée dans la chanson du Filtier Lillois, dont l’auteur a gardé modestement l’anonymat] » :

II mange au moins six fois par mois

Sa fine couk’bake chez mame Dubois.

(p.172) Desrousseaux toujours, mais cette fois dans ses Mœurs populaires de la Flandre française, II, pp. 150-153, ajoute qu’Aux Quatre Marteaux la vente s’opérait de septembre à avril pendant la saison théâtrale. Le prix d’une crêpe était d’un sou pièce, sans sucre, et d’un sou et demi pour celles dites à l’anglaise,, c’est-à-dire saupoudrées de sucre blanc. On en faisait à la Chandeleur dans les familles, et à la fête paroissiale. Pierre Pierrard, La Vie. quotidienne dans le. Nord au XIXe siècle, 1976, p. 77, ajoute que la première crêpe de la Chandeleur se garde pendant toute l’année pour se protéger contre la misère; et si on la jette en haut de l’armoire — probablement en voulant la retourner sans le recours à un couvercle ou tout autre instrument — « on est sûr de ne pas manquer d’argent ». Ces détails, cependant, ne valent peut-être que pour les carpèles (littéralement « crêpettes ») de Picardie; par contre il indique que les coukêbakes sont largement saupoudrées de cassonade dans toute la Flandre.

La fête paroissiale où la crêpe au sarrasin eut le plus de vogue est la ducace dès Récolètes ou Ricolètes, qui se tenait le quatrième dimanche d’octobre sur la place Saint-Jacques à Tourcoing et dans les rues adjacentes : autrefois on n’y vendait pas autre chose le jour à couk’bakes, selon Jules Watteeuw, Chansons, Fables et Pasquilles, IV, 1902, p. 51 (pour l’indication de ce jour). Ce jour-là les faijeûs d’ couk’bakes, et la fabrique de couk’bakes étaient sur les dents (voir pp. 11 et 12). La Basse-Ville de Tour­coing avait sa marchande bien connue : c’était Louison.

A Mouscron aussi, selon Léon Maes, Folklore Mouscronnois, I, s. d., pp. 140-141, on sert des polos ou coukêbakes dans les fritures et dans les cabarets la où il y a ducace, ainsi qu’à la Chandeleur. « Dans les ménages, on en faisait toujours à la Toussaint, dans l’avant-soirée, parce que les hommes n’allaient pas au cabaret ce jour-là. On prépare une pâte liquide composée de farine de gruau, lait, œufs et beurre, qii’on verse à la louche dans la poêle graissée à l’huile mais plus souvent au moyen d’une couenne de lard. Certaines ménagères emploient aussi cette pâte pour faire des moles gofes [« gaufres molles »] dans un fer à grands carreaux. Palôs et moles gofes sont mangés chauds avec du beurre et de la cassonade. Les palôs qu’on préparait en famille le soir de la Chandeleur étaient consommés avec l’arrière-pensée d’obtenir une belle récolte de lin. Anciennement les polos étaient faits de farine de sarrasin ou blé noir ». Le rôle propitiatoire des palôn est tenu à Templeuve par la coukebake, à Pecq par la coucobake, que l’on mange pour avoir du beau lin, selon l’ALW.

Selon C.  Bodart-Timal, dans ses Évocations Roubaisiennes, (p.173) 1960, p. 48, qui dédie un poème de quatre strophes aux coiik’baJ&es, on les saupoudrait de sucre gris, chuke gris, alias cassonade. Selon un certain A. Meyfroit en 1971, on confectionne des coukebakes à partir de farine ordinaire, de lait et d’œufs que l’on mélange avec une cuillère de bois. On fait rougir le poêle, on graisse la poêle avec du lard, on verse la pâte à la louche, et on retourne la crêpe d’un coup sec. A Tourcoing la co-ukebake de fête n’était plus en général à la farine de sarrasin, si je m’en remets à la définition qu’en donne La Brouette de Jules Watteeuw en date du 28 octobre 1906, p. 4a : car c’est « une crêpe légère faite de farine mélangée d’eau et recouverte soit de sirop ou de cassonade ».

Je ne reviens pas à Tournai avant d’avoir signalé qu’à Lannoy, selon Eklitra, 1974, 8, pp. 15 et 17, la crêpe est appelée coup’bake. A Tournai, selon Jean Haust dans Le Dictionnaire Tournainien du dr Louis Sonnet (1816-1897), publié dans le Bulletin de la Commission royale de Toponymie et Dialectologie, XX, 1946, p. 253, s. v° carmiaux, au carnaval, in fét ripaille, trois jours à t’afilet : in va al tripe du visin, in minge des coucoubaques, et ce’tis’ qui veut’te faire du fiafia, i fèt’t’ dés weaufes au chuque, « on fait ripaille trois jours de suite; on va manger de la tripe au voisin, on mange des crêpes, et ceux qui veulent faire de leurs airs, ils font des gaufres au sucre ». Le jour de la Toussaint les enfants vendaient des cmicoubakes, ainsi qu’il est décrit dans mon étude sur les cris des marchands de comestibles. C’est donc que c’était le mets du jour.

 

 

Bèrdèles et ratons

 

La crêpe à la farine de sarrasin s’appelle encore bèrdèle dans la région de la Semois. Le docteur Théodule Delogne dans l’Ardenne Méridionale Belge, 1914, pp. 8, 10, 40 et 50, a noté qu’on en mangeait autrefois pendant trois ou quatre mois à défaut de pain à Allé, ainsi qu’à Frahan (Corbion) et à Petit-Fays. Elles étaient « excellentes surtout quand on pouvait les additionner d’un peu de farine de blé ». Ajoutons Laforêt à ces localisations, d’après l’ALW, ainsi que Gespunsart, où la bèrdèle est une sorte de crêpe faite de farine d’avoine ou de sarrazin, d’après Vauchelet, pp. 28 et 164, Bouillon, Gedinne, Monthermé et Charleville, où c’est une galette de sarrasin ou une crêpe sans œufs, voire une crêpe ordinaire; dans les Ardennes, la bèrdèle est une pâte presque liquide, qui ressemble à la pâte d’omelette, et dont on se sert pour faire des gaufres, selon von Wartburg, XXI, 1969, (p.174) 131, p. 481b. On peut ajouter quelques précisions d’après Charte» Bruneau : on dit bèrdéle pour « galette de sarrasin » à Louetle-Saint-Pierre; bèrdéle de sarciài aux Hautes-Rivières, Bagimont et Cons-la-Grandville; à Aiglemont la bèrdéle est une crêpe sans œufs, et à Braux une crêpe, mais les instituteurs de La Neuvillo-aux-Haies, Deville, Thilay, Les Hautes-Rivières, Neufraanil, Laval-Dieu et Phades — ces deux derniers lieux des écarts clo Monthermé — connaissaient aussi le mot dans ce sens. En résumé, selon Louis Wilmet dans L’âme de l’Ardenne, s, d., p. 99, bèrdèles ou votes à la farine de sarrasin constituaient le fond de l’alimen­tation pendant trois ou quatre mois de l’année en Ardenne.

Il est possible, néanmoins, que le mot bèrdéle soit (devenu?) une sorte de générique. Ce qui expliquerait que l’on sente le besoin de le déterminer par « de sarrasin » quand il s’agit d’une crêpe à la farine de cette céréale. Je n’ai pu découvrir l’étymologie du mot, qui paraît s’apparenter au radical berd- de bèrdèler, a. fra. bredeler, XIIIe s., « bredouiller, gronder entre ses dents », que R. Gransaignes d’Hauterive, Dictionnaire d’Ancien Français, 1947, fait venir d’une onomatopée et que le Dictionnaire étymo­logique de la langue française d’Oscar Bloch et W. von Wartburg rattache à brittus « breton », par un second emprunt de ce mot « à un moment où -t-, qui est devenu -z- en breton moderne, était arrivé à l’étape intermédiaire -d- ». Mais on ne voit pas le lien sémantique, et Walther von Wartburg, dans le Franzôsisches etymologisches Wôrterbuch a raison, XXI, 1969, 131, p. 481b, de classer la bèrdéle en tant que crêpe dans les mots d’origine inconnue.

Il en va tout autrement avec le raton montois. R. Berger a consacré une note philologique aux Crêpes et Râlons de la région artésienne dans Les Traditions populaires dans le Nord de la France, II, 1956, pp. 15-16, note qu’il est possible d’enrichir. Les attestations les plus anciennes du mot remontent au XIIIe siècle; les formes en sont raston en Hainaut et notamment à Wasmes d’après le Glossaire étymologique borain d’Emmanuel Laurent, s. d., p. 68, et à Frameries selon L’ArmonaJc Borin, 1929, p. 29, ainsi qu’en Picardie anciennement et encore au XIXe siècle, roston à Pâturages, selon Vaîentin Van Hassel dans Pou dire à l’Eschrienne, 1909, p. VIII et passïm dans ses œuvres, raton en 1485 et 1798, à Blaton selon Florent Duc, Ein d’mi siée à Blaton, 1974, p. 119 et De c’ temps-là, Julie … Juliette, 197G, pp. 186 et 187, à Mons, à Valenciennes, Cambrai (Henri Carion dans L’Arména d’ Jérôme Pleumecocq, 1840, p. 132 et Charles Lamy, Passe-Timps .Kimberlot, III, 1893, p. 23, 60 et V, p. 83), Douai (p.175) (L. Dechristé, Souv’nirs d’un homme d’ Douai…, I, 1857, pp. 236, 241-242, 243), Denain (Jules Mousseron, Tout Cafougnette, 1974, [». 154 ( = gifles), A l’ ducasse, 1976, pp. 166, 167, 200,.,, Au. Pays des Corons, pp. 45, 1-45, (…)), Lille (Vermesse, p. 435), Caudry (L. Bajart, A V coyette parmi V poêle, [1975], s. p.); Jules Corblet dans son Glossaire étymologique et comparatif du Patois Picard ancien et moderne…, 1851, p. 536, définit le raton «espèce de crêpe très renommée à Arras, Béthune et à Saint-Quentin », ce qui nous amène à citer Les parlera de la Thiérache et du Laonnois, de Jacques Chaurand, 19C8, pp. 297-298; mais il n’est pas possible d’oublier Edmond Edmont pour Saint-Pol-sur-Ternoise, E. Cochet et Le Patois de Gondecourt, 1933, p. 275a, Prisches dans l’Avesnois (d’après Claude Déparia dans Parlera et Traditions populaires de Nor­mandie, VIII, 1975, 30, pp. 242-243). On entend encore roûton à La Neuville-au-Pont, dans la Marne, selon Jean Babin, Les Parlera de l’Argonne, 1954, pp. 248 et 249, lequel à juste titre rappelle l’ancien français rouston de 1543 à Lille, que l’on doit invoquer aussi pour le roston de Pâturages ; raton à Metz et dans la région de la Nied, d’après Léo Zeliqzon, Dictionnaire des Patois romans de la Moselle, 1922, p. 5COb; réton à Mons d’après Philibert Delmotte, II, p. 98, traduit par … «raton»!, et à Hirson; rèston au pays de Charleroi et dans le Centre, ainsi qu’à Soignies (d’après Léon Delférière en 1927 et l’Armonaque dé Sougnies, 1888, p. 6, ainsi qu’Armand Dechèvre dans El Mouchon d’Aunia, 1976, 6, p. 101), à Brairie-le-Comte (voir le Glossaire en wallon de Braine-le-Comte, s. d., p. 67a), à Obaix (Armand Lambillotte, Tout boun’mint, 197.1, p. 15). Joseph Dufrane, pour Frameries, emploie raston à la p. 143 de ses Œuvres Choisies, 1898r, ce qui me permet d’élucider l’énigmatique raston : « raton » du Vocabulaire de ses œuvres annexé à l’édition de 1933 de cellesrci par son neveu Louis Dufrane, p. xxxni de l’édition de 1958. Il est vrai que raton, même à Charleroi et à Soignies, est ressenti très souvent comme étant un mot français, ce qui explique peut-être la remarque de Chaurand, selon qui raton a tendance à supplanter andimole « qui a contre lui de faire plus patois ». Charles Dausias donne, dans Un siècle d’humour wallon à Mons, [1930], p. 5a, sur la base de je ne sais quelle autorité, la forme raston comme montoise au XIVe siècle déjà.

De même qu’il y eut de célèbres confectionneuses de coukebakes à Lille, dans des caves, il y eut des confectionneuses de ratons à Douai dont le nom est venu jusqu’à nous grâce a L. Dechristé : 1-n’y-avot dins l’ temps tros faijeûses ed’ crêpes, les pus crânes ed’ Douai : premier ch’étot Cécile, de l’ rue Saint-Piêre, qu’èle (p.176) faïjot misai des boues gaufes aveu du chuke blanc dessus : ch’étot l’ coq; après i s’ trouvât gra-mêre Lamelle, (Uns V rue des Huit-Prêtres, à l’ cave Coutelot, qu’ale sèrvot après un canon d’ tiote bière pou deûs daubes pou n pwint s’étoufer ; infin, Ma Grosse, de ch’ Pont-des-Récolèts; aie arinjot cha fin bin sur un bon fu d’èscarbîyes, et i-n’y avot toudis dins s’ cave tros quate parties d’ pandoûr in train.

Pour Semertier, p. 51, le ra(s)ton hennuyer est une espèce do crêpe, mélange de fleur de farine, d’œufs, de sucre et de crème que l’on fait frire. En rouchi, c’est une pâtisserie faite de farine ordinaire, d’œnfs, de crème; à Mons, comme à Lille, en Wallonie et en Picardie et en tant d’autres endroits, c’est la crêpe ordinaire ; seul Chaurand fait observer qiie le raton est plus épais que la crêpe; à Denain, Jules Mousseron insiste sur l’emploi de levure fraîche ou de brasserie, levure èd’ brassin, et sur la qualité du sucre, qui doit être de la castonâde : on démêle la farine avec des wés et une pougnie d’ castonâde, laquelle sert aussi à saupoudrer les crêpes. A Mons, on consommait les ratons avec du chocolat. A Douai, selon L. Dechristé, l’enfant crachait dans la poêle pour avoir la première crêpe que cuisait la marchande pour une clientèle groupée et qui était gratuite. L’amour du raton était autrefois tel chez les enfants qu’il les conduisait tout droit à la goinfrerie ; L. Dechristé dit se rappeler que le tiot Mathieu avait mangé aveuc un aute galafe de s’n-âge une crêpe de douze sous (une somme élevée à l’époque) et qu’ils en avaient attrapé une forte indigestion. C’était un dimanche ou un lundi, les jours où les enfants se rendaient, le plus fréquemment aux caves pour s’en faire servir.

Hécart signale qu’à Valenciennes « on a vu de temps en temps de terribles mangeurs. Un ouvrier sellier a mangé à lui seul un dîner préparé pour douze personnes», dans lequel rie manquait certainement pas les ratons. Il cite un passage des Faictz et dictz de Molinet (1435-1507) qui traduit cette goinfrerie, qui a donc acquis une sorte de tradition dont le raton est l’objet privilégié, probablement d’ailleurs avec d’autres mets :

J’ai vu clerc de village

Manger un gros raton,

Une poule voilage,

Ung quartier de mouton,

Du pain plein une mande

Bouler en ses boyaulx;

Ne sçay comme la paivce

Ne luy rompt de morceaulx.

 

(p.177) Le sens de crêpe ne fut pas toujours celui du mot raton : dans le Vimeu. le raton est un « gâteau battu dont la pâte se fait dans la proportion de une livre de farine, une livre de beurre et un quarteron d’œufs », selon Gaston Vasseur, Dictionnaire des Par­lers Picards du  Vimeu (Somme), avec considération spéciale du dialecte de Nibas, 1963, p. 569, ainsi que Jeannine et René Debrie, Mœurs épulaires picardes, dans Picardie Information, 1973, 9, p. 44b. R. Berger, en outre, nous apprend que le raton fut à l’origine une tarte faite de farine, beurre, œufs et fromage, si l’on se reporte au dictionnaire de Cotgrave, qui date de 1611; le Dictionnaire de Trévoux, de 1721, précise que le raton est une espèce de pâtisserie plate faite de pâte avec du fromage ou de la crème cuite dont les enfants sont très friands. Le Dictionnaire de rAcadémie, au début du XIXe siècle, dans sa sixième édition, dit que c’est une petite pièce de pâtisserie faite avec du fromage en forme de tarte. Roger Vaultier, Le Folklore pendant la guerre de Cent Ans d’après les Lettres de Rémission du Trésor des Chartres…, 1965, pp. 117-118 et note p. 118, indique, d’après L. Dechristé, que les ratons, à Noyon aux XIVe et XVe siècles, se consom­maient à la Chandeleur : « le rnayeur et les compagnons man­geaient des ratons, c’est-à-dire une pâte mêlée à du fromage ou à de la crème cuite et ayant la forme d’un petit rat », assure l’érudit La Fons Melicocq, ce qui est amusant. Hécart rappelle que « Boiste explique ce mot par pâtisserie de fromage mou », et il avoue ne pas savoir ce que c’est, « à moins qu’il ne veuille parler de la golden’, qui est une pièce de four », alors que le raton est une friture. Dechristé dit clairement que les ratons sont des crêpes, et en décrit la cuisson : « èle [une vieille] avot un grand diable èd poêle aveu eune couverture corne e.une rêve d’ bèniau, et après qu’a l’avot bin graissée aveu du bure dins un mord au d’ papier, aie fajot couler si condeufe tout qu’au fond de s’ couverture, si bin qu’ ch’étot épais corne min poche, d’ manière qu quand vos avalote deûs ratons corne cha, vos rèstote aveu vo bouke ouverte corne ch’s-ojiaus in plein solel ». Pour ce qui est de la pâte, Dechristé fournit quelques informations qui enlèvent tout carac­tère idéaliste à la crêpe de .Douai : « On vos flanquât là un morciau d’ pâte qu’un avot fait simblant d’ mète un œu(f) d’dins, mais qu’ ch’étot pus d’in mitan d’iau, et pis un méchant morciau d’ castonade pa-d’sus (d’ chèle à vos faire atraper la ftvâre du premier cop), et vos croquote cha corne du chuke. L’ pus biau d’ tout ch’ étot incore d’ cèrtènes famés qu’ales fabricoltê cha aveu un nez à tabac et des mains corne si aies v’notte d’ tamijer leûs chindes, si bin qu’ leû cachet il étot marqué su tous chés crêpes; n’importe, ch’étot bon tout d’ même, et un féjot eune chère à s’ pourlèker ».

(p.178) A Valenciennes la recette est plus noble : pour Hécart, pp. 39Ib, le raton est une « sorte de pâtisserie faite de farine, d’œuf et de crème »; « on fait de ce mélange un pâté fort liquide dont on hâte la fermentation par un peu de levure; on l’expose à une chaleur douce, et quand la fermentation est au point qu’on la désire, on en prend une certaine quantité avec la puisète, on la met dans une poêle plate dans laquelle on a fait roussir du beurre en quantité suffisante. Quand le raton est cuit d’un côté, on le retourne en frappant un coup sur le manche de la poêle, et on sert après avoir inspergé (sic!) de sucre en poudre ».

Par contre, à Antoing, selon Jean Dambrain à la Société de Littérature wallonne, le ratinon est une tarte aux pommes ou aux poires coupées en petits morceaux; à Genappe, le rèston est une omelette, comme l’est la boûkète verviétoise dans Mélusine (Paris), IV, col. 353; mais il faudrait savoir le sens précis donné par les notateurs à « omelette », celui-ci pouvant n’être axitre que « crêpe ». A Paris, Victor Fournel dans son étude sur Les Cris de Paris. Types et Physionomies d’autrefois, 1887, p. 21, avalise l’opinion que le raton du XVIIe siècle « représentait grossière­ment un rat » et assure qu’il se vendait deux liards sur les foires et dans les grandes réunions en plein air. Hécart rappelle qu’à la scène 2 du premier acte de La foire Saint-Germain, on peut lire le dialogue suivant : « Ce sont des ratons tout chauds, qui sont bons, Monsieur. — Les vends-tu à la douzaine? — Oui, Monsieur ».

Mais plus plaisante encore est l’étymologie rapportée par J. Corblet, p. 536 : selon un manuscrit de la Bibliothèque de l’Arsenal à Paris relatant des Anecdotes de la Ville d’Arras et de la province d’Artois, « l’an 893, Dodilo, évêque, alla accompagné des religieux de Saint-Vaast, jusqu’à Beauvais où avait été transporté le corps de saint Vaast seize ans auparavant pour le ravage des Normands, et fut rapporté à Arias par l’évêque, avec affluence de peuple, lequel montra grand signe d’allégresse et de dévotion, remerciant Dieu qui leur avait rendu ce précieux trésor sain et entier. Ce fut alors que le peuple en réjouissance inventa une espèce de pâte composée d’oeufs, de pain et de lait dont ils se régalèrent, ce que depuis lors on a continué de faire tous les ans, le jour de la fête du saint, dans ladite abbaye et dans la plus grande partie du peuple, même jusqu’aujourd’hui, ce que l’on a nommé raton, parce que le peuple, allant au-devant du saint, s’écriait le ra-t-on’t le ra-t-onl, voulant dire : l’a-t-on retrouvé » ?

L’étymologie savante du même Corblet reprend celle de Du (p.179) Gange et de Ménage : ce serait un latin tardif crato, lui-même venu de l’allemand grapfen « espèce de gâteau », qui paraît bien être un mirage. Quant à Laurent, il postule le néerlandais rate « gaufre de miel » (sic ! ; lire mat « rayon de miel »), qui ne peut ni phonétiquement ni sémantiquement c xpliquer les formes en -s-.

Pour Walther von Wartburg, approuvé par Jacqueline Picoche dans Un vocabulaire picard d’autrefois. Le Parler d’Etelfay (Somme). Étude lexicologique, et Glossaire étymologique, 1909, p. 200, et contre l’avis de R. Berger, qui postulait une origine flamande du mot, raton, ancien picard raston, vient du latin *rasitoria (avec changement de suffixe?), et il aurait signifié au point de départ une pâtisserie pour laquelle il faut étendre une mesure rase de pâte; c’est, en effet, un dérivé de rodere « raser ».

Il n’est cependant pas impossible, à mes yeux, comme le suggère Babin, que les formes en -o- et -ou- (roston, rouston, roûtori) n’ait subi l’influence de rôtir.

La forme rèston n’est pas connue qu’à La Louvière et à Jamioulx, comme l’indique von Wartburg, X, 1960, 73-74, p. 90b ; elle est attestée là où je l’ai déjà indiqué plus haut, ainsi qu’à Philippeville, selon Mme Josée Spinosa-Mathot ; à Montignies-sur-Sambre, il est le mets de la Toussaint, comme d’ailleurs dans le bassin de Charleroi (voir E. Yernaux et F. Fiévet : Folklore wallon, 1956, pp. 324-325) : El djoû du Toussint, écrit In Houyeû du Sârt, de Lodelinsart donc, dans L’ Coq d’Awous’, III, 1908, 45, p. 353,

Pou passer l’ swèréye, in famîye,

On fét dès waufes ou dès rèstons.

« Pour passer la soirée, en famille, — On fait des gaufres et des crêpes ».

Mais à Pâturages, Valentin Van Hassel, dans Volez co des Istoires? In via, s. d., p. 23, parle de rasions d’ carnavay et à Longuevillette, selon René Debrie dans son Lexique picard des parlers ouest-amiénois, on ramassait des ratons le jour du mardi-gras (voir p. 94), alors qu’à Fieffés (voir p. 337) c’est à la Chande­leur qu’o fivét dés ratons pour en’ été min je à moucrons « on fait des crêpes pour lie pas être mangé des moucherons ». A Ham-sur-Heure, selon Fernand Bosseaux, dans El Bourdon d’ Châlèrwè èco d’ayeurs, VIII, 1956, 80, p. 131 — où figure une recette — le reston est le mets du mercredi des Cendres. A Nivelles l’Armonack des bouns Aclots de 1891, p. 13, signale les restons au grand feu du Quadragésime : on r’vènoût mindjî à V méso d’ leûs parints; on tuoût l’ deuxième pourcha, « on revenait manger à la maison (p.180) (= chez) ses parents; on tuait le deuxième cochon ». De Warsage les donne en outre, p. 424, n° 1468 de son Calendrier, comme inets de la Toussaint, avec les gaufres. C’est au carnaval aussi que l’on consommait les ratons à Denain. A La Louvière, Flori. Deprêtre situe la consommation des restons et des aujlètes au mois de mars, dans In bâtant l’ sèmèle, 1973, p. 12. A Soignies, selon VArmonaque déjà cité, c’est le lundi perdu, djoû dès crocheûs, qu’on fait lès au/es et lès restons; mais selon L. Delférière on en faisait aussi, d’une manière plus générale, « à la Chande­leur », au Candelé. C’est la date fournie aussi par Cl. Déparia pour Prisches, avec la curieuse justification que c’est pou n’ pas pisser cron « pour ne pas pisser tordu », par L. Bajart pour Caudry, par P. Pierrard pour Arras et le pays minier, avec en outre la date du 6 février, fête de Saint-Vaast. A Thulin, selon l’ALW, le raton de la Chandeleur, qui est fait de farine, de beurre et d’œufs, ne peut se donner aux étrangers, car cela porte mal­heur.

En moyen-français le réton est une « grosse erreur », à Mouscron, Lille et Valenciennes, une « gifle », un « soufflet », voire des « coups de poing » dans Vermesse citant un texte de Saint-Arnaud. Emplois métaphoriques, évidemment.

En conclusion, si la bèrdèle semble bien être une crêpe sinon toujours, du moins souvent, à la farine de sarrasin, le raton ne l’est presque jamais, puisque seuls Arille Carlier dans son Glossaire de Marche-lez-Écaussinnes (Bull. Soc. Litt. Wall., LV, 2, 1913, p. 356) et Léon Delférière pour Soignies, 1927, notent que l’on fait des restons avec de la boukète; par là le raton s’oppose à la coukebake et à la boucâcouke. Les données historiques, trop maigres pour qu’on en puisse tirer une conclusion solide, semblent engager les chercheurs à penser que le mets au sarrasin est d’in­troduction plus récente en Picardie en en Wallonie que le raton.

 

 

Les doûbes

 

Il est visible que l’on a tenté d’améliorer de nombreuses façons la crêpe à la farine de sarrasin : en la baignant dans du beurre, en y ajoutant des raisins secs, des tranches de pommes, des cerises, en la consommant avec du sirop ou de la confiture, en l’aromatisant avec de la liqueur — pour ne citer que des procédés liégeois, et sans oublier le mélange avec de la farine de froment. Mais c’est aussi une amélioration de la recette que de la consom­mer avec du sucre, d’humidifier la farine avec du lait plutôt qu’avec de l’eau, d’y introduire des œufs, d’y mettre de la levure (p.181) fraîche plutôt que du levain. Et c’est ainsi que d’amélioration en amélioration on a fait d’un mets d’infortune plutôt insipide et lourd une friandise moderne très appréciée.

Dans une petite région qui va de Bînche à Nivelles on retrouve le fromage du raton français. Flori. Deprêtre et Raoul Nopère disent dans leur Dictionnaire du wallon du Centre, 1942, p. lOla, que la doûbe (« double » littéralement) est une espèce de crêpe faite avec de la farine de sarrasin et fourrée de fromage gras. Catrine-à-doûbes en était la spécialiste à Binche. C’est d’elle, précisément, que parle René Légaux dans son T’avau Binche, 19422, pp. 35-36 : elle était installée, avant 1914, dans un vieux cabaret à feu ouvert ; là elle vendait des daubes au bure « doubles au beurre » à 3 mastokes (= 15 centimes), des èspéciales à 2 gros-sous (=  20 centimes) et des doûbes au froumâje «doubles au fromage » aussi pour 2 gros-sous. L’èspéciale se servait avec une bonne torkète « torchette », c’est-à-dire avec un bon morceau de beurre en plus. On consommait ces crêpes en buvant de la bière. Catrine en confectionnait de septembre jusqu’au Jeudi Saint. Par contre, à Nivelles, 011 en faisait du dimanche qui suit la foire d’octobre ou du dimanche avant la Toussaint jusqu’à la Passion, d’après Georges Willame dans Wallonia, I, 1893, p. 27. Mais il convient d’ajouter qu’on en consommait aussi lors du tour sainte Gertrude, la veille de la saint-Michel le 28   septembre,   selon Michel-C. Renard dans les notes à L’Argayon, èl Géant d’ Nivelles, 1893, p. 121. C’est un mets plus bourgeois qu’à Binche. Pour le faire, on délaie de la farine de sarrasin dans de l’eau tiède, à raison d’un litre et demi d’eau par kilo de farine; on ajoute de la levure comme pour faire des crêpes ordinaires, et deux œufs facultativement. On bat le tout jusqu’à ce que l’on obtienne une pâte homogène. Puis on fait revenir près du feu. Une demi-heure après on engraisse la poêle avec une couenne de lard frais. Ou encore on fait cuire sur une platine beurrée. On cuit de la sorte deux fines crêpes; alors on met une bonne bètchéye ou boulette de fromage gras sur la première crêpe, on pose la seconde sur la première, non sans y ajouter un morceau de beurre. On peut remplacer la bètchéye par du fromage d’Edam. On les conserve chaudes au four, et on les mange en famille arrosées de vin de Bordeaux. Vers 1893 on pouvait en manger dans deux estaminets et dans une maison particulière. « Pendant de longues années, les doubles on fait la gloire d’une … Lalie, trépassée depuis long­temps, mais dont le souvenir et la réputation d’habileté ne sont pas près de s’éteindre à Nivelles ». (…)

 

La boûkète de Noël

(…) (p.185) Camille Socquet, dans Nwêr Boton de 1973, 10, p. 79, fournit une notation brabançonne, qui vaut pour Archennes : A Noyé, së on mindje lë cougnou së l’ pîre dë l’ ëch, on mindjerè lès-oûs d’ Pauke au këlot dè fè « à la Noël, si on mange le cougnou sur le seuil de la porte, on mangera les œufs de Pâques au coin du feu. Robert Boxus, p. 125, a de plus publié en français deux notations, qui cependant doivent être des traductions : Quand on mange les cougnous au soleil, on mange les cocagnes derrière le poêle. — Bra, La Gleize, Stavelot; en fait, il semble qu’il emprunte cette formulation, mais en remplaçant œufs de Pâques par cocagnes, à Louis Banneux, L’Ardenne superstitieuse, 1930, p. 44, lequel localise à Bra, Chêne-al-Pierre, Chevron, Fanzel, La Gleize, Malempré, Nisramont, Odeigne, Ortho, Régné, Rogery et Stavelot; cf. en outre la notation de Ferrières. = Si, à la Noël, on mange le gâteau au chaud, on casse les œufs derrière le four­neau. — Nivelles.

Le plus curieux, néanmoins, est de retrouver le dicton de Nivelles en Franche-Comté, ce qui peut inciter à penser ou bien que Boxus l’a tiré d’une source impure, comme un almanach, ou bien que le dicton a réellement existé en français, ou encore les deux choses à la fois. Le voici, patoisé, tel que Charles Beauquier l’a noté dans La Cuisine Populaire de Franche-Comté parue dans la Revue des Traditions Populaires de Paris, XXV, 1910, p. 345 : Si, à Noël, on minge lou kaigneu au chaudeau, on casse les œufs derrie le fouene.au. — Le Sauget. = Et si l’on remplace le cougnou wallon par son synonyme picard, on n’est pas étonné de lire qu’à Tourcoing aussi existe le même dicton : Tchand qu’in minje de l’cotchile de Noé su l’ seu de s’ porte, in minje l’s-œufs [lire eus?] d’ Pâques au tcheun du feu, << au coin du feu ».

Bien entendu, le dicton au cougnou a pu survivre à la tradition du gâteau comme mets calendaire de la Noël. On en voit une indication dans l’altération de Voroux-Goreux; l’ALW dit d’ail­leurs clairement que la boûkète y est maintenant l’usage établi. Le même atlas dit aussi qu’à Sprimont la boûkète était au moment de l’enquête d’introduction récente. Indication identique pour Robertville, non loin de Mahnedy. Par contre, pour Huy et Ampsin, l’ALW rie fournit aucun détail de la sorte : la boûkète (p.186) a supplanté totalement le cougnou dans l’usage coututnier. Mais l’ALW confirme aussi l’usage du cougnou ealendaire, même à Liège : l’informatrice, Mlle Alice Gobiet, en avait entendu parler par sa grand-mère; à Malmcdy, où il est donné comme disparu plus ou moins récemment; à Sprimont, à Huy, où il s’appelle cognou, à Ampsin, à Marchin, à Ambresin, à Couthuin. D’ailleurs le cougnou reste de tradition dans de nombreux endroits de la province de Liège, outre ceux qui ont été indiqués déjà : à Esneux, Comblain-au-Pont, Jupille (disparu plus ou moins récem­ment), Hognoul (idem), pour l’arrondissement de Liège; Verviers (encore?), Petit-Rechain (mais à l’Epiphanie), Polleur, Jalhay, Sart-lez-Spa, Francorchamps, Stoumont, La Gleize, Stavelot-Francheville, Chevron, Rahier, Wanne (les neuf dernières loca­lisations confirment le dicton des Ardennes, ainsi que ceux de Spa, La Gleize, Stavelot, Chevron) pour l’arrondissement de Verviers; Malmedy, Xhoffraix (Bévercé), Robertville, Bellevaux-Ligneuville et Faymonville pour la Wallonie malmédienne (mais dans ces deux régions la situation est complexe, le mot survivant dans des expressions ou pour désigner un gâteau qui n’est pas nécessairement le cougnou connu plus à l’ouest) ; Les Waleffes, Warnant-Drèye, Jehay-Bodegnée, Bas-Oha, Vierset-Barse, Man­drin, Tavier, Bois-et-Borsu (noté en 1971), Ellemelle, Xhoris (au nouvel-an), Harzé (dans une expression), Faillie, Hamoir, Ben-Ahin, Neuville-sous-Huy, Strée pour l’arrondissement de Huy; Pellaines, Bertrée, Crehen, pour l’arrondissement de Waremme, ville où le cougnou est donné comme disparu. En somme, plus on s’éloigne de Liège vers le sud et vers l’ouest, plus le cougnou résiste; mais ailleurs, la boûkète l’emporte. On trouve des signes de résistance du cougnou dans quelques indications sur la boûkète, qui est donnée comme tradition vieillie à Hamoir, comme dis­parue à Bertrée et à Haiieffe (où je ne sais si le cougnou s’est maintenu). A Sart-lez-Spa, par contre, la boûkète est donnée comme récente, ainsi qu’à Robertville; à Stavelot, si le cougnou est encore vivace au hameau de Francheville, en ville on fait la boûkète.

Celle-ci est donnée positivement comme le mets de Noël à Liège, Eben-Emael, Roclenge-sur-Geer, Bassenge, ainsi que Wonck, Glons, Haccourt et Hermée d’après Franchie Tasset en 1973, pp. 39-42; par contre le mot cougnong à Haneffe est d’im­portation récente ; continuons par Heure-le-Romain, Argenteau, Dalhem, Hognoul Liera, Trernbleur, Saint-André, Voroux-Goreux, Bierset, etc. dans l’arrondissement de Liège, où il convient d’ajouter Melen, Les Awirs, Louveigné, Sprimont, etc.; (p.187) Verviers, Neufchâteau, Aubel, Julémont, Charneux, Thimister, Bolland, Petit-Rechain, Limbourg, Cornesse, Polleur (d’intro­duction récente?), Jalhay (idem?), Theux, Sart-lez-Spa, Spa (voir Henri George, Folklore Spadois. Vie et Mœurs d’Autrefois, 1935, p. 10), Stavelot, Robertville, pour l’arrondissement de Verviers; Vielsalm, Borlon et Dochamps dans le Luxembourg proche; Huy, Jehay-Bodegnée (en concurrence avec le cougnou), Ampsin (idem), Amay, Tavier (au réveillon de minuit seulement), Xhoris (en concurrence avec le cougnou), Harzé (idem), Hamoir, pour l’arrondissement de Huy; Warernme, Oleye, Bergilers, Oreye, Odeur, Remicourt, Kemexhe dans l’arrondissement de Waremme. La forme du mot est bôkète à Visé et Warsage. La coukèbake à Genappe et la bèrdète à Laforêt sont de même des mets traditionnels de la Noël.

La boûkète s’allie très bien à la célébration de la fête de Noël en famille. Un fragment de ce qui peut être un noël dialectal moderne, noté à Hollogne-aux-Pierres par Charles Radoux-Rogier, exprime bien la simplicité de cette célébration en famille :

N-a l’ vîle mére qu’ bate lès boûkètes

Èt l’ vî ome qu’ a l’ cou toûrné;

Lès djônès fèyes djowèt à rèspounète :

Volà l’ plêsîr dè l’ nut’ dè Noyé!

« Il y a la vieille mère qui bat les crêpes au sarrasin — Et le vieil homme qui a le dos tourné; — Les jeunes filles jouent à cache-cache : — Voilà le plaisir de la nuit de Noël » ! C’est pendant les matines que l’on battait les boûkètes, selon Edouard Doneux dans le Bull. Soc. liég. Litt. wall., XXXV, 1894, p. 143.

Un autre aspect de cette simplicité est révélé par une attrape coutumière notée par Albert Momart à Stockay-Saint-Georges : on confectionnait des boûkètes avec du fil blanc, des boutons blancs ou des morceaux de saucisse à l’intérieur de la pâte. Je vis faire vers 1950 une crêpe au fil blanc à Seraing; mais au pays de Charleroi, quand on fait des gaufres (dites de Bruxelles), on confectionne généralement une gaufre au fil blanc. Karel-C. Peeters, dans Eigen Aard. Grepen uit de Vlaamse Folklore, 19472, p. 438, décrit une farce semblable, en Campine, à l’occasion du battage du sarrasin. J’ajoute encore le boudin à la filasse de Raymond Doussinet, Le Paysan saintongeaits « dans ses bots », 1963, p. 202. A La Louvière, la gaufre à la trame de fil est appelée waufe au filet, d’après El Mouchon d’Aunias, XXI, 1932, p. 18.

 

 

(p.188) La boûkète-récompense

 

A la gloire de la boûkète comme mets de Noël, il faut ajouter celle d’avoir contribué à l’émulation scolaire. Au XIXe siècle eu effet on encourageait les écoliers en leur promettant de faire des crêpes : Qwand vos toûnerez lfoyou, nos f’rans lès boûkètes « quand vous tournerez la première page de votre abécédaire, nous ferons les crêpes au sarrasin»! Cet encouragement, qui remonte au XVIIIe siècle finissant, n’était pas sans ironie, car il fallait, paraît-il, presque deux années d’exercice pour pouvoir lire cette page d’une manière satisfaisante, à entendre Henri Forir, 1, p. 382b et note, repris par Seniertier; Du Vivier de Streel note la même promesse à un petit détail près (v’s au lieu de vos) dans son dictionnaire wallon-français de vers 1850. Mais en fait, l’usage de récompenser l’enfant qui sait lire sa première page doit être plus ancien : car un dicton flamand inspiré d’un français, qui lui-même est traduit de l’italien, dit en date de 1549 : Tourne le feuillet, keert d’ bladt om, dicton que l’on retrouve plus récem­ment encore dans l’ensemble du domaine néerlandais, si je me reporte à G. G. Kloeke : Uitgave van « Seer Schoone Spreekwoorden / oft Proverbia (in Franse en Vlaamse Taal). In 1549 te Antwerpen verschenen…, 1902, p. 48, n° 803. Une note du Bulletin de la Société liégeoise de Littérature wallonne, XLI.ll, 1903, p. 188, indique que tourner l’foyou se disait quand l’enfant connaissait enfin les vingt-six lettres de la première partie de la croisette ou abécédaire, creûhète,. Et si j’en crois une certaine Pervenche, dans une coupure d’un journal libéral de vers 1881 déposée à la Société de Littérature wallonne, c’est en chantant que les enfants venaient dire à leurs parents : Dj’a toûrné l’ foyou! «j’ai tourné la page»!

La coutume de récompenser l’écolier qui a franchi cette étape n’est pas propre à la province de Liège, puisque Charles Wérotte (Namur 1795-1870), dans son Ch’oix di Ch’ansons et otres poésies wallonnes, 18103, pp. 36 et 108, la chante deux fois : mais ici ce sont des galettes que la mère fait à son enfant :

 

Quand nos saurons spèli,

Nosse maman frè lès galètes.

 

« Quand nous saurons épeler, — Notre maman fera des galettes ».

 

Dj’ a, d’peûs longtimps toûrné l’ fouya :

Mi moman a faît lès galètes.

 

« J’ai depuis longtemps tourné la page : — M’a maman a fait les galettes ».

 

(p.189) Mais ces écoliers n’étaient pas les seuls que récompensait la boûkète traditionnelle : il en était de même au bassin de natation de l’île de Malte (à Liège!), où un certain Jacques Delval pro­mettait aux apprentis-nageurs dès boûkètes ås cèlîhes à l’ fièsse dè l’ porotche « des crêpes de sarrasin aux cerises à la fête de la paroisse de Saint-Pholien » s’ils parvenaient à bien se comporter dans le grand bassin. « La promesse était tenue », assure Semertier, p. 8.

 

 

La boûkète de fête paroissiale

 

Ce n’est donc pas sans antécédent que la boûkète soit encore à l’honneur à la grande fête de l’Assomption en Outremeuse de nos jours. Dans la rue Roture, notamment, de nombreuses maisons ouvrent leurs portes aux passants, et on y consomme des boûkètes que l’on offre contre paiement.

Mais ce n’est pas qu’à Liège que la crêpe au sarrasin est devenue un mets de fête : en 1972 les journaux ont annoncé la « Cinquième fête de la bouquette » organisée à Hervé le dimanche 23 juillet par la République libre de la rue Haute. Il peut, et même il doit, s’agir d’une contagion à partir de Liège, où c’est la République libre d’Outremeuse, fondée en 1927, qui organise les fêtes mentionnées plus haut. Comme à Liège, il y a dégustation de la friandise.

 

 

La boûkète dans les comparaisons

 

Un autre indice, plus mince, du pouvoir expansif de la boûkète, est la substitution de ce mot à vote, dans certaines comparaisons : plat ou raplati come ine boûkète, qu’il convient de comparer au raplati corne ène coucoubake à Tournai : je les cite d’après Joseph Defrecheux, Recueil de comparaisons populaires wallonnes, 1886, p. 170, n° 807 et p. 191, n° 967; Georges Alexis dans Les Cahiers Wallons, 1956, 1, p. 6; Auguste Leroy dans Les Etrennes Tour-naisiennes, 1884, p. 50 = Adolphe Wattiez dans La Revue Tournaisienne, 1907, p. 60. A Tournai la comparaison prend le sens moral d’ « être anéanti par suite d’infortune » ; — ritoûrner come ine boûkète « retourner comme une crêpe », c’est-à-dire prestement ; lésser tchère come ène coup’bake « laisser tomber comme une crêpe» (Lannoy), sans trop se soucier; — scwater corne ène boucancouke « écraser comme une crêpe », noté à Mons dans Auguste Fourmy, Gille dé Chin, saint Georges montois, s. d., p. 17; — div’ni come ine boûkète «devenir comme une crêpe», c’est-à-dire très maigre, d’après Li Coq Walon, n° 3 (note de la (p.190) Soc. Litt. Wall.); — avwâr in visaje come ène boucâcouke «avoir un visage comme une crêpe au sarrasin », c’est-à-dire trop plat, selon Mme Slotte-De Bert; — être ène boucancoûke, «être un lâche », d’après Fourmy, p. 27 ; — on tchapê come ine boûkète « un chapeau comme une crêpe », très bas de forme, qu’il convient do comparer au tournaisien d’après Arthur Hespel, L’Armoire d’Albertine, 1909, p. 4b : on.n-aréot dit ène coucoubuke su s’ tiète « on aurait dit qu’il avait une crêpe sur la tête », il avait une coiffure très plate; — ci-chal sofèle come s’ il âreût magni dès boukètes « celui-ci souffle comme s’il avait mangé des crêpes au sarrasin », probablement en dialecte d’Abée-Scry (Arthur Xhignesse, Bull. Soc. liég. Litt. wall., XLII, 1901, p. 25) : ce qui laisse supposer que l’on se gavait volontiers de crêpes de ce genre au point d’avoir quelque difficulté à respirer; — il in rèst’tèt come quate vrées coûcoubakes Dè sésissemint « ils en restent comme quatre vraies crêpes de saissement », Mons, Auguste Fourmy, p. 32; — fé dès boûkètes « vomir », considéré par Jean Wisimus dans son Dictionnaire populaire wallon-français, 1947, p. 58a, comme tri­vial à Verviers.

 

 

Historique du blé noir

 

Eugène Polain fait venir l’usage de la crêpe à la farine de sarrasin du pays de Looz et des environs de Tongres, sans démon­trer la pertinence de son affirmation. Il se base probablement sur l’étyrnologie flamande du mot : boûkète est la forme liégeoise de boektveit, mot néerlandais qui a son équivalent dans l’anglais buckwheat, l’allemand Buchweizen et le suédois boyhvete. Étymolo-giquernent ce mot signifie « froment de hêtre », car cette céréale a la forme d’une faîne et le goût du froment, selon J. Vercoullie, Beknopt Etymologisch Woordenboekder Nederlandsche Taal, 19253, p. 42b et Jan De Vries, Etymologisch woordenboek, 1961, p. 298b, lequel, cependant, ne retient que le première raison.

Le mot sarrasin, qui couvre presque tout le territoire gallo-roman, est dû à la couleur noire de la graine de cette plante; de là aussi le nom de blé noir donné à cette céréale. Cependant la notation la plus ancienne est en latin : on relève en 1460 en Normandie frumentum sarracenorum « froment des Sarrasins », qui a tout l’air d’indiquer une provenance, bien que Lucien Guyot dans son petit livre sur L’Origine des plantes cultivées, 1949, pp. 72-73 (= Lucien Guyot et Pierre Gibassier, Les noms des plantes, 1960, p. 57) dise que «le sarrasin est arrivé en Europe, au moyen âge par la Tartarie et la Russie. Sa culture a pris un (p.191) certain développement en Russie et en Pologne, dans les landes des Pays-Bas et du Nord-Ouest de l’Allemagne, en France enfin : Normandie et Bretagne, où les bouillies, galettes et crêpes sont encore fort appréciées de nos jours ». « On a parfois exprimé l’opinion que le sarrasin devait son nom à ce qu’il a été com­muniqué à la France par les Maures ou Sarrasins d’Espagne; l’histoire de son passé montre qu’il n’en est rien. On admet plutôt que l’emploi figuré du mot sarrazin est en rapport avec la couleur noire du grain; emprunté du latin de basse époque sarracenus, nom désignant une peuplade (Sarakin) de l’Arabie et lui-même tiré de l’arabe charqiyin (pluriel de charqi « oriental »), le mot sarrasin s’appliquait au moyen âge aux peuples non chrétiens de l’Espagne, de l’Afrique et de l’Orient » (Guyot-Gibassier, p. 08). Cet argument, cependant, — à savoir que « les Égyptiens, Grecs et Romains ne connaissaient pas cette plante », selon Guyot, — n’empêche pas von Wartburg d’estimer que le sarrasin est arrivé en France par deux voies : du Nord par voie de terre jusqu’en Picardie, et du sud, par voie de mer, c’est-à-dire par la Méditerranée. De là la double répartition des dénominations à la céréale : d’origine germanique, de la Picardie à la Romandie, et sarrasin de la Normandie et de la Lorraine à l’extrême sud. Sarrasin apparaît pour la première fois au sens de «blé noir » chez le Breton Noël du Fail, qui affirme en 1585 qu’il « nous est venu depuis soixante ans ».

 

Le mot boekweit, par contre, est apparu en néerlandais dès le XVe siècle, selon Vercoullie, ainsi que le Groot Woordenboek der Nederlandse Ta al de Van Dale et Kruyskamp, 19709, p. 293a. L’allemand Buchweizen viendrait du bas-allemand bokwe.le, selon Gerhard Wahrig, Deutsches Wôrterbuch, 1971, col. 779, et von Wartburg, XI, 1962, 82, pp. 217-220, résumé par Elisée Legros, 1966, p. 283, indique que le Mecklembourg connaissait le sarrasin depuis 1436. Quant à l’anglais buckwheat, il est attesté depuis 1548, à ce qu’assuré The Shorter Oxford Enylish Dictionary on Historical Principles de C. T. unions, 19723, p. 230b. Sarrasin fut précédé de millet sarrasin chez Olivier de Serres et de blé sarrasin à partir de 1.547. Boekweit donna bouckaie à Valeiiciennes dès le XVe siècle, et Olivier de Serres lui-même emploie aussi boucail, mot qui survit en Ouest-Arniénois, puisque René Debrie, dans son Lexique des parlers ouest-amiénois, 1975, p. 69, a noté bucaye à Vignacourt, Beaucourt-sur-1’Hallue et Naours; la forme est brucaye à Fieffés et bucwa à L’Étoile, Flixecourt, Vignacourt et La Chaussée-Tiraiicourt. Cette dernière notation n’est pas sans rappeler la forme boccoie de la Description de tous les Pays-Bas…(p.192) due à Messire Ludovieo Guicciardini en 1567 et que cite Albin Body, Vocabulaire défi agriculteurs, p. 31 : « 11 est vrai qu’ils [les habitants du pays] ont une autre espèce de semence et légume qu’ils nomment boccoie qui, en la couleur et grandeur, se rapporte aux pois chiques; bien que soit de figure triangulaire et de meil­leure substance : de laquelle ils sèment en grande quantité pour la nourriture des bestes et de la poulaille : bien qu’à une néces­sité on pourroit s’en servir à faire du pain et de la bière; d’autant que la farine de cette Boccoie est si blanche que bien souvent ils la meslent avec celle de bon bled ».

 

 

Origine de la boûkète liégeoise

 

Il est plus intéressant encore de noter que si l’allemand connaît la Buchweizengrütze « gruau de sarrasin », qui équivaut au néer­landais boekweitgort (dont une variété appelée boekweitgrutten se prépare au babeurre), il ne semble connaître ni le boekweitbrood « pain de sarrasin », ni le boekweitflensje « crêpe de sarrasin », ni le boekweitbrij « bouillie de sarrasin », ni le boekweitkoeken des Néerlandophones. Si le boekweitbrij n’est pas cuit, il est iine boekweitpap.

On pourrait inférer de ces données générales : le cheminement de la plante depuis l’Asie centrale jusqu’à nous par le nord de l’Europe, l’abondance et la variété de l’utilisation de cette céréale en pays néerlandophones, la proximité de ces pays et de l’Allemagne et quelques autres indications dont il sera question plus loin, que la boûkète en tant que crêpe est d’origine flamande ou néerlandaise, voire allemande. Et d’ailleurs, comment ne pas être impressionné par la pénétration de la crêpe flamande le long et au-delà de la frontière linguistique : la coucoubake tournai-siemie, la coûkèbake lilloise, la coûkèbake namuroise, qui a pénétré jusque dans le département des Ardennes, la coucabake montoise, la coûkèbake de Jupille ? Et la boekweitkoek flamande devenue la boucâcouke montoise, n’est-ce qu’un indice négligeable de cette influence ? A vrai dire, on aimerait posséder quelques données chronologiques sur l’apparition de ces mots, et de ce ou ces mets qu’ils désignent, afin d’y voir plus clair. Charles Du Vivier de Streel et Charles Semertier pensent que les koekebakken sont flamandes, et le premier désigne Bruxelles comme centre d’ir­radiation de leur faveur, probablement relativement récente. Mais ce n’est guère plus qu’une intuition à laquelle manque toute preuve.

Par contre Maurice Piron a relevé dans La Gazette de Liège des (p.193) 24 décembre 1788 et 23 décembre 1780 deux annonces d’impor­tation de farine de sarrasin : « André Thyse, en Begge [= è Bètch, en Outremeuse] … vend de la très bonne farine dite de Bouquette, de Maastricht, à H. 8 et 15 sols le cent ». — « On vend, chez Colard, au Lion d’or, sur Meuse, de la véritable amie de Bouquette de Maastricht ».

« On remarquera tout d’abord que ces annonces paraissent la veille ou le jour de Noël. 11 est hors de doute que l’emploi de la boûkète est lié ici à un usage qui commence à s’implanter : celui de confectionner, à la Noël, des crêpes faites à la ‘bouquette’, autrement dit des boûkètes » (Piron, 1947, p. 139).

On touche du doigt comment s’est fait l’emprunt de la boûkète : pour confectionner une vôte — ce que l’on faisait depuis long­temps — d’un goût nouveau, on importa de la farine de bouquette de Maastricht, peut-être aussi d’ailleurs (mais nous n’en avons pas la preuve) au nord de la région liégeoise. Et l’on obtenait des vôtes à l’ boûkète, ce dernier mot ayant d’abord pénétré pour désigner la céréale, et ensuite la farine qu’on en tirait, selon l’usage du mot flamand boekweit. C’est d’ailleurs vote à l’ boûkète que l’on trouve dans le noël du XVIIIe siècle à Vervicrs, ainsi qu’il a été rapporté plus haut.

J. Martin Lobet, dans son Dictionnaire wallon-français… de 1854, p. 111, avait donc raison de distinguer trois sens au mot boûkète : 1. blé sarrasin; 2. crêpe : pâte frite; 3. corps mou sans ressort, sans vigueur; mais il oublie le sens intermédiaire entre 1 et 2, celui de farine, ce qui amène à distinguer quatre significa­tions. La première a été notée pour la forme bôkète à Namur, Fosses-la-ville, Cerfontaine (on dit farine de bôkète), Neufchâteau, Bastogne et Lorcy, ainsi qu’au pays de Charleroi; sous la forme bôkète à Lille et en Flandre française, boûkète à Hasrion dans l’arrondissement de Valenciennes (voir Gaby Dubuis, Lexique dît, patois d’Hasnon…, 19C8, p. 23), bûkète à Gueuzaine, bonkète à Meux, boûkète en Ardenne et à Malmedy déjà en 1793 chez Villers. Boûkète, qui est verviétois, liégeois, nivellois, athois, montois et tournaisien, et qui est attesté à Bra en 1752 et à Marche-lez-Éeaussinnes, désigne le plus souvent et la graine et la farine, parfois la farine seulement comme c’est le cas à Stave, Sirault et Marche-lez-Écaussinnes, Soignies. Par contre à Chastre-Villeroux Armand Jadin note bonkète au sens de blé sarrasin (donné comme servant de fourrage vert) et désigne la farine par/«râ?e de bonkète. A Visé, Warsage et Namur, bôkète signifie farine et crêpe de sar­rasin; mais on remarquera qu’à Namur, selon Gambcrlin, la crêpe (p.194) appris à Liège pour le XVIIIe siècle, doit s’interpréter comme un archaïsme. Quant aux significations métaphoriques, elles ne se limitent pas à celle que rapporte Lobet ci-dessus; le mémo lexicographe indique que chez les puddleurs liégeois, la boûkètc était un « ébauché rond de faible épaisseur en fine terre noire ».

Le texte de Guicciardini nous apprend en outre une chose importante : on ne tira pas d’abord profit de la culture du sarrasin pour en faire de la farine, si ce n’est en cas de nécessité, du moins dans les Pays-Bas en son temps, mais bien pour nourrir le bétail et la volaille. Jacques Breuer, dans Namurcum, XXXIII, 1959, 2, pp. 28-31, signale aussi qu’on utilisait la paille de cette céréale : en 1735 il fut interdit d’exporter cette paille de «blecl-sarazin, dit bouquette », que l’on jetait auparavant comme n’ayant aucune valeur, les gousses de « cette paille de néant » étant désormais utilisées pour chauffer les fours d’un porcelainier de Namur.

Il fallait naturellement moudre la graine à un moulin. Etienne Hélin, 19GO, p. 283, a trouvé mention en 175-4 à Liège d’un moulin à farine de bouquette construit par Lambert Painsmay et consorts sur le Foulon à Liège : « ils laisseront suivre depuis les 10 heures du matin jusqu’à 12 et depuis 2 heures jusqu’à 4 heures après-midi les susdites boûqueltes en très-belle farine au prix d’un sol la livre argent comptant, et pas moins de 50 livres à la fois ». Il n’était donc pas toujours obligatoire d’importer cette farine de Maestricht.

En 1778, d’ailleurs, La Gazette de Liège annonce en date du 9 novembre : « Un bon moulin à bouquelte à vendre. Les amateurs pourront s’adresser chez le sieur Bouquette, au Jambon, derrière l’hôtel de ville, à Liège ».

Le sieur Bouquette avait-il reçu ce nom en sobriquet parce qu’il détenait ledit moulin ? C’est possible mais non assuré. Car le nom de famille Bouquette est ancien à Liège, attesté, selon Hélin, depuis 1625 (Barthélémy Bouquett) et encore en 1049 (Gertrude et Jacquemin Bouquette), en 1051 (Jacquemin Boue-ketto, Piron Bouckette, Maroye Bouckette, lean Piron Bouc-kette, tous de la paroisse de Sainte-Foy). Maurice Piron cite un sieur Bouquette, marchand au Jambon, peut-être le même que celui qui vendait le moulin : voir 1947, p. 139. En outre Rodolphe de Warsage a une note sur Le, citoyen Bouquette dans le Bull. Soc. roy. Le Vieux-Liège, 1935, 20, p. 413; selon Théodore Gobert, Liège à travers les âges. Les rues de Liège, V, 1928, p. 450a, un certain Bouquette, estimeur, occupait la maison A la Vierge Marie, rue des Tourneurs.

(p.195) Ce nom ne vient-il pas d’un nom de lieu ? se demande Hélin; et il attire l’attention sur La Bouquette de Heusy. Jules Herbillon. p. 283, indique en plus La Bouquette à Fraipoat, aujc Bouquettes à Mortroux, «/ BoûkitÉ à Polleur, La Bouquette à Stembert et

un curtil le Bouquette en Thiérache. On ajoutera le molègn Boûkète à Vottem, d’après Edgard Renard dans sa Toponymie de Vottem et de Rocourt-lez-Liège, 1934, pp. 48 et 68-69, pour lequel un texte de 1706 établit qu’un certain Gille Bouquette possédait des biens à cet endroit.

Elisée Legros et Jules Herbillon font des réserves « bien justi­fiées » dit le second, sans expliquer par quoi, sur le rapport à établir entre l’anthroponyme et les toponyrnes d’une part, et le nom commun d’autre part (voir La Vie Wallonne, 1959, p. 128 et 1966, p. 283). Je ne pense pas, pour ma part, qu’il a ait un rapport à établir avec la bouquette au sens de «crêpe»; mais pourquoi pas avec la graine, que l’on cultive (en terrain pauvre, lequel devait d’abord être essarté) et que l’on moud ?

Car la marchande de boûkètes apparaît tardivement à Liège. C’est à Etienne Hélin que l’on doit de connaître Elisabeth, fille de Henri Donnay, « faiseuse de Bouquette » : elle habitait « une misérable chambre d’un immeuble actuellement démoli et situé derrière l’hôtel de ville ». « Nous pouvons… supposer que, comme beaucoup de gagne-petit des paroisses Sainte-Marie-Madeleine, Saint-André et Saint-Jean-Baptiste, elle travaillait pour le compte des cabaretiers et aubergistes jadis nombreux en Hors-Château, en Féronsfcrée et sur la Batte. Peut-être aussi tenait-elle une échoppe en plein air, sur le Marché, comme les nombreuses « harengères », « verdurières » et « marchandes de pommes » que la capitation recense dans le même quartier » (Hélin, 1948, p. 47).

On doit à Georges Remy, dans un de ses billets Ici Wallonie de La Wallonie, n° du 20 décembre .1962, dont je n’ai pu découvrir la source, la révélation d’une marchande plus ancienne. Selon lui un acte de la paroisse Saint-André daté de 1763 mentionne « sur les Aires» un certain «Mathieu Toussaint, ouvrier mandelier, pauvre soub l’aumône, et sa femme faiseuse de bouquettes ». C’est donc un commerce d’appoint.

On trouve en 1749 mention, d’après Maurice Ponthir dans les Enquêtes du Musée de la Vie Wallonne, VII, 1955, p. 212 (= Le­gros, 1959, p. 128), d’un acompte consistant notamment en « six livres de farine de bouquette à six liards la livre ». Donnée écono­mique qui n’est pas dépourvue d’intérêt. Il n’y eut d’ailleurs pas qu’un commerce des crêpes au sarrasin, mais encore un autre (…) (p.196) florissant au XIXe siècle : Emile Gérard, dans La Meuse du 24 décembre 1908, insiste d’ailleurs sur l’obsession de la boûkète à Liège à cette époque de l’année quand il remarque qu’on exhibait au siècle dernier aux vitrines de milliers de boutiques des pancartes portant en grandes lettres : « Farine de bouquette(s) ». Ce qui a fait dire à d’aucuns que la nuit de Noël est li mit’ as boûkètes « la nuit aux crêpes de sarrasin ». Et ce n’est pas sans fondement que N. Lévêque, dans l’Armonack dè Payis d’Hêve de 1906, p. 42, raconte la facétie suivante : À Catrusème. Li curé : « Dihéz-me on pô, vos, li p’tit Popol, kimint qu’ on fièstèye li nut’ dè Noyé » ? Li p’tit : « Tot magnant dès boûkètes, moncheû l’ curé ». « Au Catéchisme. — Le curé : ‘Dites-moi un peu, vous, Léopold, comment fête-t-on la nuit de Noël’ ? — Le petit : ‘En mangeant des crêpes au sarrasin, monsieur le curé ».

Tout ce que l’on sait donc de la boûkète. permet d’infirmer catégoriquement l’opinion d’Eugène Polain selon laquelle l’ha­bitude de manger des crêpes au sarrasin en buvant du vin à la veillée de Noël serait un rite du culte des morts. A minuit, à ce qu’il affirme, on prie pour les morts : mais je ne trouve pas de confirmation du fait chez d’autres auteurs. Il considère que le vin versé sur la bûche ou les cendres du foyer ouvert est une liba­tion : mais une libation est-elle toujours associée à un culte des morts ? De toute manière, manger une crêpe, ici au sarrasin, s’est substituée à la consommation d’un autre gâteau, le cougnou’, or mille part Maurice Arnould, dans sa belle étude sur Les gâteaux de Noël et leur décoration en Hainaut, parue dans les Enq. Musée Vie Wall., VII, 1954, pp. 1-74, 1 carte h. t. et nombr. ill., n’a découvert que ce gâteau était associé à un quel­conque rite funéraire.

On ne peut donc expliquer la vogue de la boûkète que par une mode. Une mode durable, certes, mais une mode, qui a peut-être une base économique. Est-elle née à Liège, ou fut-elle importée de régions néerlandophones voisines? La seconde hypothèse ne me paraît pas probable. L’article de K. Ter Laaii dans son Folkloristisch Woordenboek van Nederland en Vlaams België, 1949, p. 39, ne fournit aucun document qui permette d’étayer l’hypo­thèse de l’origine germanique de l’usage liégeois. On ne mangeait, semble-t-il, de crêpe aii sarrasin qxie le jour où l’on battait la graine de ce nom. Je ne trouve rien non plus dans Eigen Aard de Karel-C. Peeters, qui consacre cependant une page à la boek-weit, la page 438. En me reportant au Woordenboek of Diksjonaer van ‘t Mestrecchs de H. J. E. Endepols, 1955, p. 42a, j’apprends que l’on ne mangeait des boekendekoeken ou boekweitkoeken qu’en (p.197) automne, avec du sirop, ainsi que le dit un proverbe : alles op z’ne tied en boekendekoek in d’n herrefs « tout en son temps et le gâteau de sarrasin en automne ».

Il ne reste donc qu’à conclure, sous réserve d’une documenta­tion plus riche qui vienne infirmer cette opinion, au développe­ment purement liégeois de la coutume de la boûkète de Noël.

 

Roger Pinon

(in: EMVW, 1924-1930, p.87)

2.1   L’ouest-wallon / L’ ouwès’-walon

Lès rèstons, in: Yernaux E., Fiévet F., Folklore montagnard, s.d.

On les appelait aussi les vôtes. C’était le gâteau traditionnel de la Toussaint.

Un demi-litre de lait tiède, dans lequel on fait fondre un quart de saindoux. Une tasse avec un peu d’eau dans laquelle on délaye de la levure.

On bat trois œufs qu’on ajoute petit à petit à la farine, environ une livre. On y ajoute successivement le lait, puis la levure jusqu’à ce qu’on obtienne une pâte pas trop épaisse.

Cuire au beurre ou au saindoux.

in: El Mouchon d’ Aunia, 1985

réjion do Centre (région du Centre) – lès rèstons (les crêpes)

2.2   La Picardie – Mons-Borinage / Li Picardîye – Mont-Borinâje

Lisa Dujardin (Wame / Wasmes), in : MA, 1, 2010, p.10-12

Lès rastons

 

NOÉ, èl longueûr d’ é solé

Nouvèl an, èl pas d’ é sèrdgent

Ayèt à 1′ Candelée, on lèye tout-aler…

Pace què éne miète pus târd, èl salau s’ in va s’ coûkier,

les djoûs sont pus longs

on couminche à vî clér à sès pièds…

À l’ Candelée, on fét dès rastons:

éne pièche chon francs dins éne mégne,

dins l’ aute èl manche dè 1′ payèle.

Quand d’ ée costé, il èst cwit à pwégn,

Fé èrdjiboter èl prumier raston,

dè 1′ quèyance, c’ e-st-asseûré,

t’t-au lon d’  l’ anée à vou méson…

Mès d’vant dè 1′ sè fé r’djiboter, lès rastons,

dè 1′ pâte, il in faut toûyer…

Rade, fèl, abîe à vou calpégn, à vou croyon…

 

 

Tou çou qu’ i faut pou éne dèmi-lîve dè farène

 

Éne péchîe d’ sé , deûs-oûs, cékante grames dè chuke in poûre, éne dèmi-péte dè lachau, éne demi-péte dè bière dè ménâje (èl lachau ayèt l’ bière à température ambiante), é filé d’ wile à l’ salâde.

 

Tout quand qu’ i faut fé

 

Sans lèyé quèyî dès morchaus d’ èscafotes, èskètez 1’s-oûs dins é saladier. In.ne amelète, vous 1’s-è débatez. Tout-in continwant à dèbate (au fwèt, à l’ èspatule ou bié au mixer) fèt-à-fèt’, clikiez èl lachau, èl bière dè ménâje, èl filé d’ wile à 1′ salâde, èl chuke in poûre, èl farène avè èl péchîe d’ sé. Toûyez dusqu’adon qu’ èl pâte seûsse bié lisse ayèt fine. Lèyez-le èrpouser éne anvée (dî minutes, é quart-d’ eûre). Dins éne payèle, lèyez fonde éne neûsète dè bûre ayèt clikiez éne louche dè pâte (i n’faut nié qu’ lès rastons seûssetèt trop spès). Lèyez-le cwîre come si sarot éne amelète.

Quand 1′ pâte èst prîse d’ é costé, c’ è-st-adon qu’ on 1′ fét r’dji­boter, èl raston (n’ obliez nié lès chon francs dins éne mégne, asteûre, én-eûro fra l’ afaîre).

Amagne! Vu l’ éportance dè l’ étèrvincion, n’ iôrdissez nié 1′ plafond ou bié su vou tiète n’ afikiez nié 1′ raston.

Au Borinâje, é raston, i s’ minje caud, saupoûré d’ castonâde (d’ èl rousse, èle èst mèyeûse)

 

É consèy d’ amis’

 

Wardez in-eugn… Intourpinez dins dou papier doré, su l’ dèzeûr dè

vou gardeu-rôbe, vous l’ mètrez in pakus’. L’ anée qui vièt, vous l’ dèstourpinerez… Ayèt vous virrez:

I n’ sara nié boudjé!

Bon-apétit! À l’ Candelée qui vièt!

2.3   Le centre-wallon / Li cente-walon

Huberte Thérasse-Brichard

One ricète : Lès vôtes do Grand Feu

 

Lévèye à l ‘pikète do djoû, mi ma­rine loyeûve si blanc d’vantrin à bavète et prinde su l’ halî s’ pus grande têle vêrnîye di djane en d’dins, si fonde qu’ on n’ vèyeûve pus qui l ‘mitan d’ses brès.

Èlle î macheûve dè 1′ farène, dès djanes d’ ous, do lacia, dè 1′ canèle (djusse assez po qu’ on nè l’ sinte nin). Au dêrin momint, èle trèmacheûve lès blancs d’ ous batus à nîve. Si prustichadje achevé, èle dispindeûve si pus grande pêle, stramer one cawéye di sayin, li fé fonde èt staurer s’ pausse avou one loce.

Achîde dilé 1′ bûse, li momint qui dj’ ratindeûve, c’ èsteûve l’ hapéye qui vèyeûve èvoler l’ vôte, tapeye è l’aîr d’on-adrèt côp d’ pougnèt èt qui r’tchèyeûve, ritoûrnéye, à plin mitan dè l’ pêle… Djè l’ âreûve tant v’lu vôy ritchaîr su l’tièsse do tchèt… !

One après l’ ôte, lès vôtes èstin.n rascouviètes di suke di pot èt èpiléyes à grossès platenéyes.

 

à l’ pikète do djoû : à pwin.ne qui l’ djoû comince

l’ halî : li sgotwè.

trèmachî : machî come i faut

stramer : staurer long èt laudje.

l’ hapéye : li coût momint.

2.4   L’est-wallon / L’ ès’-walon

Marie-Hélène Dourte, Guy Vanderheyden, Cuisine traditionnelle du terroir (2), ASBL  Val du Glain, Terre de Salm, 2001

 

La crêpe au sucre fin / vôte â souke

 

Ingrédients : 3 oeufs de ferme extra-frais, 250 gr de farine, 1/2 de lait, une petite cuiller à soupe d’huile, l pincée de sel, sucre fin.

Dans un saladier, casser trois œufs entiers. Ajouter le lait, l’huile et la farine. Bien mélanger de façon à ce qu’il n’y ait pas de grumeaux. La pâte doit être fluide. Déposer une noix de margarine dans une poêle et une petite louche de pâte. Laisser cuire les deux faces en retournnnt la crêpe lorsqu’elle est dorée d’un côté (faire glisser la crêpe sur un couvercle et retourner celui-ci dans la poêle). Lorsque ta crêpe est bien dorée, la disposer dans une assiette et parsemer ae sucre fin. Déguster bien chaud.

 

Variante salée : la crêpe au lard : faire rissoler quelques lardons. Egoutter ceux-ci. Les placer dans une poêle et recouvrir ae pâte à crêpe non salée. Faire cuire de la même manière que les crêpes au sucre.

LU VÔTE ÂS TCHIN-TCHINS  (La crêpe aux airelles)

 

Ingrédients

 

250 gr.de farine – 3 oeufs – 1/2 litre de lait -une pincée ,de sel – une cuillère à café de sucre.

 

Préparation

 

Séparez les blancs des jaunes d’oeufs. Dans un plat, mettez la farine et incorporez-y les jaunes d’oeufs.

Mélangez le tout en versant le lait pour obtenir une pâte lisse. Ajoutez sel et sucre.

Ajoutez les blancs d’oeufs battus en neige assez ferme.

Laissez reposer jusqu’au lendemain. Faites les crêpes et mettez-y la confiture d’ai­relles préalablement chauffée.

Jeannine Lemaître

Lès boûkètes

 

Martchandèyes

 

500 g d’ farène di frumint

500 g d’ farène di sarazin

50 g di lèveûre

500 g di corintènes

500 g di fin souke

1,5 lite di tiène èwe

1 bon hèna d’ rom’

dè l’ némoscâde

dè sé, dè sayin ou dè boûre.

 

Ricète

 

Fez trimper l’ lèveûre divins on pô d’ tiène êwe.

Mahîz lès farènes èssonle, mètez ‘ne picêye di sé èt d’ némoscâde.

Fez on pus’ è mitan, mètez-î l’ lèveûre, li rom’, adon-pwis li rèsse di tiène êwe.

Kimahîz bin disqu’a tant qu’ i n’ âye pus nole groumiote.

Lèyîz r’pwèzer à pô près ine eûre à l’ tcholeûr dè l’ plèce.

Divins ‘ne pêle, mètez ine nokète di boûre ou d’ sayin. Mètez-î ine

locêye di lawèt, kissèmez dès côrintènes.

Cûhez èt chèrvez avou dè blanc souke ou dè souke di pot.

Marie-Hélène Dourte, Guy Vanderheyden, Cuisine traditionnelle du terroir (1), ASBL  Val du Glain, Terre de Salm, 2001

 

Lès vôtes à l’ rapèye  (crêpes aux pommes de terre râpées)

 

Ce mets encore fort apprécié Je nos jours par les Ardennais est surtout connu dans la région de Lierneux.   Des ingrédients très simples entrent dans sa composition et il en est de même pour tous les anciens plats de la région.

 

Pour une dizaine de grandes crêpes :

 

–   2 kg de pommes de terre râpées (type bintje)

–    200 grs de farine

–    4 œufs

–    1/3L de lait

–    une pincée de sel

–    500 grs de lard salé

–    saindoux ou autre matière grasse

 

Couper le lard en dés et le laisser fondre sur jeu modéré. Lorsqu il est

fondu, lui ajouter une noix de matière grasse.

Eplucher les pommes de terre et les râper.

Ajouter la farine, les œufs et le lait. Mélanger le tout de manière

homogène. Ajouter un peu de sel mais pas trop car le lard est déjà salé.

Dans une poêle à feu vif, verser une bonne cuiller de graisse chaude avec

lardons et une louche de ta préparation. Etaler le tout uniformément de

manière à obtenir une crêpe un peu épaisse.

Laisser cuire le premier doté jusqu’à l’obtention dune belle couleur aorée.

Retourner ta crêpe et procéder de même pour l’autre côté.   Procéder de

même pour les autres votes.

 

NB : Ce plat se prépare à l’avance car les crêpes sont bien meilleures lorsqu’elles sont réchauffées au moment de les manger (et sans nouvelle adjonction de matière grasse).

2.5   Le sud-wallon / Li sûd-walon

VÔTES ou BÈRDÈLES

 

Pour une vôte : 1 œuf entier, 1 grosse cuillère à soupe de farine, une pincée de sel, 4 cuillères à soupe de lait.

Battre l’œuf, y ajouter progressivement la farine et le lait. Saler.

Graisser légèrement une poêle, y couler le mélange et faire cuire à feu doux. Lorsque la vôte prend et glisse, retourner jusqu’à cuisson.

On peut également faire cuire de petits cretons de lard qui remplaceront alors le beurre ou le saindoux servant à graisser la poêle.

3.   Traditions musicales / Tradicions musicâles

Tchandeleû (Chandeleur) (Edgard Lambillon / Amand Sauvage)

in: Edgard Lambillon, Blanchès tchapèles, 1942

A l' tchandeleûr n'èraloz nin (Arthur Schmitz)

Arthur Schmitz, Vîyes tchansons walones, in : Coutcouloudjoû, 84-85, 2003, p.15

Dji f’jans dès vôtes,

dji f’jans dès yôtes.

A l’ tchandleûr, n’ èraloz nin

Dj’ ons fét brâmint do côrin.

 

Dji f’jans dès yôtes,

dji f’jans dès vôtes.

A l’ tchandleûr, n’ èraloz nin,

Vos poûroz è mougni brâmint.

4.   Traditions ludiques / Tradicions dès djeûs

En cours

5.   Littérature / Scrîjadjes

5.1   L’ouest-wallon / L’ ouwès’-walon

Tchandeleûse (Robert Mayence)

Robert Mayence (Djumèt / Jumet), in : EB, 443, 1992, p.8

Dèspûs m’n-èfance, quand c’ ît l’ Tchandeleûse,

Dj’ aveu m’ pléji d’ vos vîr eûreûse.

L’ soya lû’eut toudi dins m’ keûr,

L’ iviêr pouveut co r’prinde vigueûr (1)

Ou bén moustrer qu’il-èsteut woute,

En lèyant pinde, d’ssus l’ ronche, ène goute. (2)

Dins l’ maujo, vos stîz l’ mésse adon (3)

Et vos m’ fèyîz dès bons rèstons!

Et vos riyîz, maugré vos pwènes,

En mè rwétant m ‘rimpli l’ boudène.

Dji vos vwè co, l’ loucète à l’ mwin,

Èstinde vo pausse dèlicatemint

Èt l’ disclaper pou qu’ èle sautèle,

Avant d’ èl rascoude dins l’ payèle.

Tout tchauds, moman, qu’ is-èstîne bons,

Dins m’ bouche, dj’ é co l’ goût d’ vos rèstons.

Vos-avîz co l’ nayive cwèyance

Qui, pou l’anéye, ça pôrteut chance

D’ rafârdèlér dins du papî,

In bleu biyèt clapè au drî,

Çu qu’ dj’ é r’trouvè, muchi dins ‘ne bwèsse,

Tout-à ‘l coupète di vo vîye drèsse!

Dji n’ sâreu nén m’ dè fé  ‘ne réson,

C’ èsteut l’ dérin di vos rèstons!

 

Pou m’ rapéjî di mès brèyâdjes,

Vos-avîz fét l’ pèlèrinâdje,

Vos souvenéz bén, au Sint-Brèyaud? (4)

Mins dji su r’tcheût dins lès min.mes maus.

Gn-a dès couléyes t’t-avau m’ visâdje,

Quand dji r’pinse à vo doûce imâdje

Et, qu’ audjoûrdu, ça m’ chènera long

Di n’ pus sayî, man, vos rèstons!

Vos n’ macherèz pus lès-oûs, l’ farène,

En mè rwétant, fiêre èt contène!

Vos stèz pârtîye in gris matin,

Lèyant mèrseû vo pauve gamin.

Mins, l’ djoû qui dji f’rè ‘l grand vwèyâdje

Pour mi r’trouvér vos bras au lâdje,

Au paradis, èchène pou d’ bon,

Vos m’ de f’rèz co, man, dès rèstons?

Tchandeleû (Edgard Lambillon)

in : Blanchès tchapèles, 1942

L’ djoû dèl Tchand’Ieû,

dèdins  I’ clére  freudeû,

on-a béni  dès basses  tchandèles ;

dèlé l’auté, on vwèt fafloter

leûs tènès  names,  p’titès-èstwèles

lumant  a  sclats Notre-Dame aus vwèles bleus…

Et djè sondje, mi ètou, aus blanches  tchapèles yu ç’  que lès  tchandèles lum’neut  ‘squ’  au  fin  d bout…

Asglignis,  d’vant  I’  Sainte-Vièrje rôs’lante et   florîye,

nos stampons l’boujîye et,  I   priyêre   finîye,

nos rintrons dins  I’  vîye,

timps  qu’   brûle  toudi  I’  tchandèle…

 

No-n-âme ètou, ratindant  l’ Grand Djoû,

dèvreut brûler tout corne ène tchandèle:

Vikî, mori,

gâgnî s’  Paradis,

bin qu’  nos-apèle

1′  monde qui  pèstèle…

 

Vikî,  mori

come ène tchandèle qui  finit…

Tchandeleûse (Henri Van Cutsem)

in: Tchabaréyes, Couillet, 1936

— « É là, vî stoumak, mi di)st-èle,

— èm’ feume, en m’ sukant au matin

— dins m’ dos!…  « Luvèz-vous, il est timps !

— abîye ! ou bén…   dji vos bèrdèle  !… >

 

— « Qwè-ce qu’ i vos prind ?… » — « Qué djoû èsto-ne ?

— riprind-èle. N’ èst-ce nén l’ deûs d’ fèvri,

— l’ Tchandeleûse ?…  Vos v’là bén mau apris  :

— c’ èst mi qu’ èst mésse ; qu’ i nîve, qu’ i tone… »

 

Dji m’ luve donc, pusqui c’ èst rime-rame ;

dji fé l’ feu, l’ cafeu, lès solés,

èt dji porte min.me ène jate,

dins s’ lét, à m’ chér keûr,

qui djoûwe à l’ madame.

 

—  « Bravô ! » di-st-èle en fiant d’ sès-érs.

—  Come lès feumes sont mésses audjoûrdu,

—  dji fré lès vautes ; èt min.me dipus.

—  Dj’ é dins m’ satch ène quénte di Djeu l’ pére !…

—  Li v’ci : quand vos s’rèz à l’ ouvrâdje,

—  dj’ é bén l’ invîye d’ è profiter,

—  di m’ fé bèle, di m’ ratchitchoter !

—  Dj’ èspêre di n’ pont awè d’ ramâdje… »

—  « Lès mésses, c’ èst lès mésses, di-dje mu rade;

—  Mi, come d’ abitude, dji m’ è va,

—  musète à m’dos, bidon d’zosu m’bras ;

—  èt nos stons tout l’ min.me camarâdes… »

 

Après m’ djoûrnéye, gn-aveut dès vautes ;

mins gn-aveut pont d’ feume à l’ maujo!…

Dîj eûres!… Onze eûres!… Vè-le-là!… Dj’ fé l’ sot,

èle a dè l’ fîve, èle est riyaude !…

 

… Dispûs, quand dj’ bwè in vêre, ène goute,

qui dj’ rintère bèrzénke ou d’ triviès,

dji lyi rèpète :  «…Chake ès’ toûr, qwè !…

— N’ rouvions nén qui l’ Tchandeleûse èst woute ! »

Tchandeleûr (Gérard Baudrez)

(Wègnîye / Oignies)

No vî clotchi waîte seu l’ vilâdje.

C’ è-st-in culot dè l’ Walonîye.

aveu sès bos èt s’ payisâdje.

Tout racwati, c’ èst là Wègnîye.

 

Èt su lès tris, dins lès fènasses,

an pôse leu pîd en rastrindant.

L’ iviêr èst woute. Gn-è co dès basses.

Dè m’ î pourmwin.ne en chouflotant.

 

Dèdins lès tchamps, tous lès buchans,

aveu leûs cwèches, dansèt doûcemint.

Lès p’tits mouchans, tout tchipiyant,

s’ vèyèt voltî dins tous lès cwins.

 

Aveu l ‘solia, lès teuts d’ Wègnîye,

à breus deu tch’mîje, sant à purète.

I fwaît r’glati toutes leûs broderîyes

aveu leûs scayes couleûr violète.

Tchandeleûse (Fédora)

in: EB, 443, 1992

Pour mi, li deûs d’ fèvri, ç’ n’ èst qu’ dès bèlès souvenances qu’ aboulenut dins m’ tièsse.

Dji nos r’wè co èfants, tèrtous achîds autoû dè l’ tâbe, li quénkèt lûjant en plin mitan, ène bwèsse di suke èt in pot di djèléye di chake costès, lès-assiètes pa-d’vant nos-autes.

Mémére aveut d’vant d’ lèye, in grand plat avou dè l’ pausse bé lèvéye, ène louce didins, ène pèle èt, asto, ène coyène di lârd pou l’ ècrachî.

Mi frére èyèt mi, nos blèfîs d’dja d’ avance quand m’ vî mononke lyî d’mandeut: “Qu’ alôz fé, man?” Èle rèspondeut paujêremint: “Bé, vos savôz bé qu’ audjoûrdu, après ‘ne boune jate di soupe, nos mindjerons dès cus d’ culote, dès fondemints d’ bribeû, dès rèstons qwè! Mins, clognant d’ l’ oûy, èle nos dijeut: “… dès vôtes»

Mi, dji m’ dimandeu pouqwè-ce qu’ èle dit toutes sôtes di nos à s’ fis, èyèt à  nos-autes dès vôtes? Asteûre, dji pinse qui cès nos-là v’nît di s’ vilâdje di Torèbây.

En mindjant, no popa nos raconteut lès vîs “dit-st-on” di sès tayons.

Dj’ é rastènu ç’ti-ci: “À l’ Tchand’leûse, lès agaces coumincenut leû nid”.

Nos f’yîs chènance dè l’ choûter, mins nos n’ pinsîs qu’ à r’lètchî nos dwèts plins d’ suke fondu.

Ré qu’ d’ î sondjî, i m’ chène qui ça glète co su m’ minton…

Godome…, pouqwè n’ aveut-i né deûs, twès tchandeleûses su l’ anéye?

Nos vôtes, nos lès mindjîs bé tchaudes, au fur èy’ à mèseure qui l’ vîye djin lès fieut sauteler èn-ér’.

Nos l’ wétîs fé, en pinsant tout bas: “Pourvu qu’ èle ni tchèye né su l’  pavemint, ça s’reut co iène pou l’ tchèt!”

Nos n’ crankyîs né ç’ djoû-là, pace qui, au matin, no mame qu’ aveut dit d’ in drôle d’ ér: “Aujoûrdu, c’ èst lès feumes qui sont mésses!” èt come èle aveut l’ mwin lèdjîre, nos-avîs peû d’ awè ène pète su l’ nez, èyèt co d’pus, di n’ pont awè d’ vôtes.

In côp fini, nos-alîs lâver nos mwins pou lès r’choûrbu au bleuw drap qui pindeut su l’ baguète di l’ istûve.

Adon, l’ vinte bé rimpli, nos tchèyîs èdwârmu su no tchèyêre, èyèt popa nos monteut coûtchî. Bé seûr, pour nos, c’ èsteut l’ bon timps.

(…)

Tchandelé (Henri Duval)

in: El Mouchon d’ Aunia, 1972

 

(Marlan.wè / Morlanwelz) 

Tchandelé (Oscardy)

(Djolimont / Jolimont)

in: MA, 1974

 

5.2   La Picardie / Li Picardîye

Lés coucoubakes (Adolphe Frayez)

Maurice Piron, Anthologie de la littérature wallonne, éd. Pierre Mardaga, 1979

 

LES CREPES. — L’usage de faire des crêpes à la Toussaint est une tradition tournaisienne. Elle s’accompagnait, chez les enfants, de la coutume des « encensoirs » évoquée également dans la chanson de Frayez et comparable à la fête des « alumoires » et des « cafotins » dans la région voisine, en Flandre wallonne (EMVW, 2, 298 ss.).

 

ADOLPHE FRAYEZ  (1883-1917)

 

Lés coucoubakes

 

Quand vyint l’ Toussint, dins no bèone vile,

ch’ èst la môde qu’on fét d’pwis tout temps,

dés coucoubakes dins lés familes :

4 cha fé tant plésîr aus-infants !

Ch’ èst-aussi l’ moumint pou lés gosses,

d’ faire balancher leû pat-à-fleurs;

is sèont fin contints, cès p’tites rosses,

8 acoutez-lés canter d’ in bèon keur :

 

(p.393) Orfrin

A ! lés coucoubakes, lés coucoubakes toutes kéodes,

qu’ on f’ra pour nous-éôtes !

A ! lés coucoubakes, lés coucoubakes toutes kéodes,

12 queu bèone chère on f’ra,

quand on lés minjera !

 

A toûr deu bras, mamêre, avite,

siteot qu’ on-a fini d’ dinner,

16 deot récurer l’ pus grande marmite :

l’ swar két vite, i n’  féôt pos trin.ner !

Pindint ç’  temps, mi, avec in.ne pwinte,

j’ fé dés trèos dins in pat-à-fleurs;

20 j’ cache in fil deu fièr pour mi l’ pinde,

èt d’ssus l’ rue j’ minkeur come in voleur.

Alèons, mamêre, i-èst temps qu’ on wève.

Aveu l’ fleur, dé l’ gui et du lét,

24 flik, flak, flik, flak, fêtes vo candwève,

tapez d’dins, pour bin l’ démèler…

Ch’ èst po cha, mi, qui m’ entérêsse;

vous n’ voulez pos m’ doner du beos :

28 j’ trouveré bin mwayin d’ faire dés braises

in cassant èl dessus n’ mès chabeots !

 

Vlà qu’ èle meu dit d’ aler li quêre

dè l’ castonâde et du gras d’ lard;

32 « Va vite surtout, tache dé n’ pos kêre

èt su l’ route èn’ pèrd pos tés liards ! ».

Come i-orvèneot tout juste in.ne cens’,

èle m’ a dit queu j’ pouveo l’ warder,

36  ch’ éteot bone-bèonê pou d’  l’ incens’,

j’ é keuru bin vite in-n-acater!…

Quand 1′ feu s’ra clér, èle prindra s’ louche.

Tout n’ min.me êj’ voudro bin savwar

qui ç’ qui ara ceule première couche :

on va disputer pour l’ avwar !…

Mès r’wètiéz m’n-èome avec ès’ bwate,

come i va d’ in-n-ér décidé !…

44 Atindez, vous vèrez qu’ ch’ èst chwate,

j’ swi bin sûr queu 1′ cu va s’ dèssouder!…

 

Et cèle odeur d’ incens’ et d’ graisse

dins 1′ ciel gris, montant sans-éfort,

48 va révèlier come in.ne carèsse

l’ âme deu nos parints qui sèont morts…

Acoutez bin l’ vint qui chufièle,

ch’ èst eus’ qui vyin.n autour deu nous

52 répéter l’ orfrin qu’ on bèrièle,

come in sourdine, tout dous, tout dous…

 

A ! lés coucoubakes, lés coucoubakes toutes kéodes,

qu’ on fét pour lés-éôtes !

56 A ! lés coucoubakes, lés coucoubakes

toutes kéodes, damadje qu’ on n’ d-a pas, d’u ç’ qu’ on èst là-bas !…

 

29 novembre 1910

 

Remarques:

 

6. pat-à-fleurs, pot à fleurs, ici figurant un encensoir suivant l’habitude qu’avaient les petits Tournaisiens « de remplir de braises recouvertes d’encens ou de résine une simple boîte percée de trous, plus souvent un pot à fleurs. En balançant comme un encensoir leur pot suspendu à des fils de fer ou d’archal, ils se rendaient de porte en porte et sollicitaient, des personnes qui les accueillaient, des Coucoubakes toutes kéôdes ou In.née cens’ (pièce) pou la Vièrje » (M. Hanart, op. cit., p. 211).

9. Reprise de la première des deux formulettes de quête citées ci-dessus.

14. avite, vite. Jusqu’au v. 45, c’est le gamin de Tournai qui parle. — 18. pwinte, clou. — 20. je cherche…

22. … il est temps qu’on travaille. — 23. Avec de la fleur [de farine], de la levure et du lait. — 24. candwève, pâte.

30. èle désigne la mère du gamin; elle le charge d’aller lui chercher, pour la préparation des crêpes, de la cassonade et du lard gras (v. 31). — 36. bone-bèonê, la bonne aubaine.

40. ceule, cette (v. 46 : cèle). — 42. Mais regardez mon bonhomme avec sa boîte. Le gamin change tout à coup de sujet pour narguer un rival trop fier de sa boîte à braises !

50. … le vent qui siffle. — 52. bèrler, crier, pleurer en gémissant.

5.3   Le centre wallon / Li cente-walon

Lë tchandelé (Djan mon l' Clerc)

in : Lë Sauvèrdia, 284, 2011

 

À l’ tchandelé, maman fieûve dès vôtes :

One tradëcion dès vîs parints.

C’ èsteût-st-on sëgne, quë, por nos-ôtes,

Tote l’ an.néye, on mindjereut à s’ fwin.

 

C’ èsteût ossë, po nosse parwèsse,

Lë grande fièsse dë l’Adorâcion.

Tos lès kërés, après grand-mèsse,

Dins l’ këre, fyine glèter l’ minton.

 

On v’neûve à mèsse èvou s’ boujîye,

Qu’ on fieûve bènë d’vant d’ èraler            

Po n’ nén qu’on tchaîye en-n-astaurdjîye           

Et tot ç’ qu’ ë pourot arëver.

 

À l’ tchandelé, m’ grand-maman më d’jeûve :

« Së l’ solia lût dëssës l’auté,

L’ ëvièr èst là po chis samin.nes,

Mins, së ça vos pout consoler,

Lès djous crèchenèt, ça fait dè bén ! »

 

Djan mon l’ Clerc   (Oupâye)

 

 

tchandelé ‘chandeleur’ 

Tchandeleû (Andre Henin)

in: Maurice Piron, Anthologie de la littérature wallonne, éd. Pierre Mardaga, 1979, p.612-613

 

(Han / Han-sur-Lesse)

Ça fêt tant dès-ans qui l’ vî Simèyon

si lève divant 1′ djoû, qu’ i pleuve ou qu ‘i bîje,

arive en soflant, ployi su s’ baston,

ratinde li curé su l’ uch di l’ èglîje.

 

Tot do long do l’ vôye, i sème sès pâtêrs. …

I faut bin priyi po totes sôtes di djins,

i faut bin tchantè avou tote li têre

po lès cis qu’ dwârmèt èt qui n’ ont nin l’ timps.

 

Ascropu su s’ banc, li calote au gngno,

i sgote si tchapelèt dins sès crawieûs deuts,

tot binauje di vèy, quand i r’lève si dos,

li tchandèle bènite blametè su l’ auteu.

 

« Au djoû do 1′ Tchandeleû, n’ pinserîz nin, Sègneûr,

à lèyi rintrè vosse vî parwassyin ?

Dj ‘aî passè l’ iviêr, dji sé bin qu’ asteûre

li pus lêd èst iute, dj’ alans su l’ bon timps… »

 

I n’ a nin paupyi quand mèsse a stî faîte,

i s’ a raguêyi en r’waîtant d’ asto,

au mitan dès sints, dès-andjes, dès profétes,

li Bon Diè qu’ passot — èt qu’ l’ a pris au mot.

 

Str. 4. Ici et plus loin, on remarquera l’anachronisme qui fait le charme naïf de la pièce.

Str. 9. ascropu, recroquevillé; gngno, genou. —

Str.10. I sgote, il égrène; crawieûs, noueux, rabougri. —

Str. 12. blametè, luire; auteu, autel.

 

 

Tchansons po l’iviêr, p. 12.

 

Tchandèles (Andrée Flesch)

in : Lë Sauvèrdia, 273, 2010

C’ èst lès Tchandèles*, on faît dès vôtes,

Faut nén rater on djou come ça !

Dè timps què nos-èstines crapôdes,

Marëne è fieûve on gros moncia.

 

Adon, tortos, achis à l’ tauve,

Nos lès scrotines* one après l’ ôte…

Lès vis, zèls, racontine dès fauves…

On-èstot bén amon nos-ôtes !

 

Èoù èstoz, vôtes da grand-mére ?…

Vos sintiz bon, v’ saviz nos plaîre !

 

C’ èst lès Tchandèles, on faît dès vôtes.

Autou d’ nos, n-a lès p’tëts-èfants

Qu’ lès scafîyenët one après l’ ôte,

Come dins 1′ bon timps da grand-man.man.

 

*

Tchandèles, Chandeleur 

scroter, dévorer

Tchandeleûse (Bernard Louis)

(Namètche / Namêche), in : CW, 5, 1998, p.86

È faut-i dès tchandèles,

Po lumer noste andèle

Pa tos costés !

Po garanti d’ l’ oradje,

Quand l’ ciél èst si sauvadje,

Si ènûlé ;

Et wiyî come on mwârt,

Nosse monde qu’ aureut co l’ dâr

Di s’ palanter.

Tchandeleû

Ça fait tant dès-ans qui l’vî Siméyon

Si lève divant 1′ djoû, qu’i pleuve ou qu’i bîje,

Arive en soflant, ployi su s’ baston,

Ratinde li curé su l’uch di l’èglîje.

Tôt do long do 1′ vôye, i sème ses Pâtèrs

-1 faut bin priyi po totes sôtes du djins

I faut bin tenante avou tote li têre

Po lès cis gu’ dwârmèt et qui n’ont nin 1′ timps —

Ascropu su s’ banc, li calote au gngno,

I sgote si tchapelèt dins ses crawieûs deugts

Tôt binauje di véy quand i r’iève si dos

Li tchandèle bénite blametè su l’auteu.

 

« Au djoû do l’Tchandeleû, n’ pinserîz nin, Sègneûr

A lèyi rintrè vosse vî parwassyin

Dj’aî passé l’iviêr. Dji sais bin qu’asteûre

Li pus laid est iute, dj’alans su 1′ bon timps”.

Li Tchandeleûse (Auguste Laloux)

(Dorène / Dorinne), in: CW, 1, 2013

Li mwès dèmare avou one bêle fièsse : li Tchandeleûse et one chîléye di spots…

Et ç’ sèrè corne tos l’s-ans, on n’ vièrè nin 1′ djoû d’ timps insi audjoûrdu. On s’ rafûrléye ; frèd s’ coyène ; timprus qu’ nn-èstins po potchi fou do lèt et v’nu à messe. Dji n’ ti ses nin quéne lostrîye qu’i va tchaîr. Avou lès r ‘manants d’iviêr qui brôtchint cor èyîr à 1′ net. Li ronche gote-t-èle ? Ou Tous’ va-t-i r’moussi è s’ trau po chîs samwin.nes ?

Nos n’èstans qu’ nos saqwant’ po-z-alè qwêre nosse tchandèle bénite. Trwès, quate vis droumezins qu’i gn-a pus dandji à 1′ sogne. Corne on te 1′ tape à l’avant asteûre. Aye et vole. One diméye dozin.nes di toûrpènes ossi, à bachète et di sclimbwagne… Plie, ploc, dès lumerotes qui carotenut avau l’ èglîje:

Lumière qui clérit po lès djins

Et glwêre da vosse peûpe, Israël.

Asteûre, vos V p’ioz bin lèyi ‘nn’alè

Vosse vî matî-faî-tot, Mon Die !

Corne vos m’l’avîz dit…

Li lèyi ‘nn’alè binauje d’on plin côp.

Ça mès-ouy ont vèyu

Li salut qu’ vos nos spaurgnîz,

À nos-ôtes tortos su Y têre.

Lumière qui clérit po lès djins

Et glwêre da vosse peûpe, Israël…

I n’ mi faut nin biacôp po lès trèveûy, à 1′ prumîre Tchandeleûse : la Viêje sère si p’tit sur lèye ; sint Josèf tint s’ gayole et deûs blancs colons. Li vî Simèyon tenante li Nunc dimittis d’on cœur, mes djins ! Et pus lon, di d’pus Ion, là qu’arive Ane… Corne su l’tâblau qu’one binin.méye djin a faît por mi…

Dès spots gn-a-t-i po ç’ djoû-là ! I faît bon et lûre li solia : mauvaise ! Si l’aulouwète monte wôt è l’aîr et tchantè à 1′ Tchandeleûse, èle rid’tchind po chîs samwin.nes. S’i ploût ou fè minâbe : l’iviêr est iute.

À l’Tchandeleûse, mitan grin, mitan strin.

I faut ièsse à mitan di ç’ qu’on-z-a po passé l’iviêr. I gn-a co Ion d’vant d’alè aus tchamps.

Chandeleur derrière, je me fiche de l’hiver, d’djeut-i l’vî bièrdjî ; on d’sêrteû français. Et boure et boure, lès mèlon.nes qu’il aveut po sogni. Lès bèrbis n’ mougnint qu’ lès pautes. Ayi, mins bin binauje on-ome d’alè r’qwêre au mars’ lès eus d’ ses djaubes qu’il aveut cayi su 1′ costè po fè d’l’ancène.

 

in : Aurmonak po 1969, in Les Cahiers wallons 1968 / 11

 

R(i)manant : restant, reste

droumezin : ronchonneur

li tapé à l’avant : bâcler le travail

toûrpène (ici) : personne désagréable

carotè : aller et venir

matî-faî-tot : touche-à-tout, bricoleur

mèlon.nes : mélange d’avoine et de luzerne.

Tchandeleûr

in : Lë Sauvèrdia, 264, 2009

…au lon, on-ètind on-ëch quë r’clape.*…

Ë djale à pîre finde. L’ ëvièr sint bén qu’ ël èst së s’ dëfén. Avou 1′ bîje, ës mauveléyenèt* on daîrén côp. Ës tapenèt leûs dêrënès fwaces po-z-ataker lès-aubes, leûzi rauyi lès saquants fouyas rovis së lès cochètes, lès-aclaper à l’ têre dë râje.

…au lon, l’ ëch dë lë stauve dès pourcias rëdagne* së 1′ mëraye. Lès-èfants l’ aront co mau r’ssèré…

Prandjêre : on vént d’ achèver nosse dîiner. Lë pot d’ lë stûve a tchaufé à blanc. Lë stoumak rimplë jësqu’aus ra.ausses*, drâné*, cové, rapauji*, djë sin mès-ouys së r’ssèrer. Djë n’ ètind pës lès-èfants laweter*. Tote lë maujonéye prind one astaudje*. Lë tchèt racrapoté è foume, dame së l’ tablète dè l’ fënièsse. Stauréye à mès pids, Diane a stindë s’ mëson së 1′ careladje, sès-ouys vont d’ onk à l’ôte à l ‘pës tène* dè brut.

Achide au d’bout dè 1′ grande tauve dë tchin.ne, dj’ a clinci* m’ tièsse së 1′ ployûre dë m’ brès : 1′ djoûrnéye sèrè co longue, lë besogne ne ratind ni. Djë soketéye*..

Lë bon timps sèrè co rade là; faurè drovë lès têres, lès-aprèster…

Dë l’ ôte costé dè 1′ cujëne, astampéye lë kë tourné à lë stûve dë Lovin, ployîye së lë p’tëte tauve, n-a pës qu’ Marte qu’ arnache* sins motë*.

 

Elle a cassé dès-ous, dëspaurtë* lès blancs dès djènes, lès fé monter. Së l’ ôte cwane : dè l’ farëne, one miète dë guèsse*, trwès p’tëts satchots d’ fén sëke, dè bûre, dè lacia, one botâye dë brëne bîre dë min.nadje.

Elle a comachi tot ça èchone. Rëvûdi one lampéye dë lacia, èt trèmachi avou l’ nîve dë blanc d’ous.

Lë pausse* a prins dè l’ sëpècheûr, one bèle djène coleûr. Èle l’a trèvûdi dins-one grande tèrëne à sayé*, rascouvrë lë d’zeû avou one sëtramëne*, rabatë l’ ëch dè l’ cofe, èt 1′ mète à l’ tchaleûr po l’ fé lèver…

Mins à qwè-ce qu’ èle boute co ? Faut todë qu’ èle nache* ! Në sarot-èle ni së r’pwâser come nos-ôtes tortos !?…

On p’tët brut ! Dè bûre quë chîle* dins-one pêle*…Ça m’ a dëspièrté sër on nëk dë fèstë*. Combén d’timps a-dje soketé ?…

Èlle a d’djà vûdi one locîye dë pausse dins 1′ pêle. Lë crin.me së stind, prind foûme. Èle lë laît cûre d’ on costé, èt pwis : op ! èle faît sauteler l’ vôte* po lë r’toûrner èt cûre l’ ôte costé à bon…

« È bén qwè, çapa ! N’ èstans-ne* ni à l’ tchandeleûr ? N’ avoz ni one pëtëte pîce ! A vosse tour, asteûre ! Èt d’ one mwin, don, së vos v’loz fé l’ plin d dinréyes* cëte anéye-cë. » On quârt d’ eûre, èt lès vôtes grëpenèt one së l’ ôte, avou dè sëke dë pot* stauré inte chake.

Bënaujes, lès-èfants sont d’djà atauvelés d’vant one vote rëcroléye së dè l’ confëtëre aus cèrîjes, leûs massales machëréyes, fenès rodjes, jësqu’aus orâyes…     

arnachi chipoter en remuant   
astaudje pause 
chîler grésiller
clinci pencher 
dëspaurtë séparer  
dinréyes récoltes
drâné épuisé sous la charge 
guèsse levure   
laweter railler
mauveler > së _ se fâcher  
motë > sins _ sans dire mot
nachi fureter 
pausse pâte   
pêle poêle
r(i)claper reclaquer  
ra.ausse dispositif pour agrandir la capacité d’un véhicule
rapauji apaisé    
rëdagni cogner
s(ë)tramëne étamine 

sayé

saindoux

sëke dë pot cassonade
sër on nëk de fèstë en un rien de temps  
soketer sommeiller
tène ténu 
vôte crêpe 

5.4   L’est-wallon / L’ ès’-walon

En cours

5.5  Le sud-wallon / Li sûd-walon 

Tchandeleûr (Paul Jean)

(Lèglîje), in : AL, 05/02/1985

R’vlà la Tchandeleûr, à la bone eûre !

La nèdje a va, lès vautes sant là !

Dju v’ros tant aleumè ène tchandèye

—  Pou lès cés qui sant raclôs dins lu spès mantê d’ la neûtie,

—  Pou lès cés qui morant, putète quu is vèyant pus clêr quu nous,

—  Pou leumer lès sîses grîjes dès cés qu’ ant trimé, soufri,

—  Pou rachandi, neûri, moustri, mais ni sblawi lès prîjeniès, lès-èscoliès, lès vîes, lès-estropiès, lès-afamès, lès-awarès, lès mau-aboutchès, lès-achôrès, lès nichereûs, lès nareûs, lès morveûs, lès grandiveûs,

—  Pou quu leû vouyète suche pus drwète,

—  Pou quu leû cosse suche mwins rève.

—  Pou qu’ an bènichuche des tchandèyes pou tourtous, partout,

—  Pou qu’ an z-a baye aus-cés qu’ apèrnant leû catissime,

—  Pou qu’ an-aleume ène tchandèye dins l’ confèsional qui n’ èst ni î tribunal,

—  Pou mi, dj’ é byin du mau du cheûre lu drwèt tch’mi dins l’ brouyârd d’ aneût, dju m’ buke à l’ injustice, à l’ misêre quu dju vôro byin chouvi au lon,

–    Pou Lèglîje, mu preumiè payis, pour sa vièye églîje qu’ è-st-en trin du camousser èt du si sclèyi !

6.   Ailleurs en Belgique, … / Ôte paut en Bèljike, …

Hoogstade / Maria-lichtmis

(2010)

Lëtzebuerg / Luxemburg - Liichtmëss

(in: Luxemburger Wort, 01/02/2014)

France / Chandeleur à Marseille

Italia / Roma - Santa Maria Maggiore

USA / Candlemas in Berlin (New Jersey)

7.   Divers / Ôtès-afaîres

En cours

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