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CIMINTIƉRES

CimetiĆØres

Warmifontin.ne (Warmifontaine) - crwĆØs di scaye (croix en schiste ardoisier)

(s.r.)

Jean-Marie Doucet, Un art populaire : le schiste sculpté, VA, 10/01/1994

 

De Vielsalm Ć  Herbeumont, de Spa Ć  Gedinne, nos vieux cimetiĆØres conservent encore des centaines de croix en schiste sculptĆ©, tĆ©moignages d’un art populaire typiquement ardennais. Un superbe ouvrage, Ā« Schiste, Pierre d’Ardenne Ā», signĆ© par Carlo Kockerols et Tjienke Dagnelie, vient d’ĆŖtre consacrĆ© Ć  ce patrimoine encore trop mĆ©connu.

 

Depuis de nombreuses annĆ©es, ces Ardennais d’adoption visitent en amateurs d’art nombre de cimetiĆØres des provinces de LiĆØge, Luxembourg et Namur. Dans le vaste domaine ardennais, qui va de Spa Ć  Herbeumont et de Bastogne Ć  Gedinne, ils ont dĆ©couvert des centaines de vieilles croix en schiste sculptĆ©, un trĆ©sor artistique souvent Ć  l’abandon mais d’une richesse exceptionnelle. Richesse par le nombre de monuments encore conservĆ©s. Richesse aussi par la qualitĆ© expressive de cet art funĆ©raire qui connut son apogĆ©e au XIXe siĆØcle, avant de disparaĆ®tre totalement.

 

Pierres ciselƩes et bavardes

 

On peut ici parler d’art populaire car les croix de schiste – elles peuplent surtout les humbles cimetiĆØres villageois – furent pour la plupart taillĆ©es par de modestes artisans. Ceux-ci Ć©taient trĆØs proches de la culture et des convictions religieuses de leur clientĆØle. Aussi trouve-t-on sur leurs monuments funĆ©raires tout un langage populaire, toute une symbolique souvent naĆÆve et savoureuse, qui exprime avec justesse et profondeur le vigoureux credo de la paysannerie ardennaise de jadis. Car les tombes de nos ancĆŖtres n’Ć©taient pas muettes. Elles Ć©taient bavardes au contraire. Par le texte gravĆ© et l’allĆ©gorie sculptĆ©e, elles aimaient Ć  dĆ©livrer aux vivants l’ultime message du dĆ©funt.

Les anciennes croix et stĆØles funĆ©raires d’Ardenne se signalent aussi par les particularitĆ©s de leurs techniques de taille et de sculpture, lesquelles dĆ©coulent directement du matĆ©riau utilisĆ© : le schiste ardoisier.

Comme l’Ć©crit Carlo Kockerols, la nature mĆŖme de ce matĆ©riau, fissile et doux Ć  la taille, fixe aux artisans les limites et les possibilitĆ©s de leur art. Les monuments de schiste se caractĆ©risent dĆØs lors par leur petite envergure, leur peu de relief mais aussi par l’extrĆŖme finesse de leur exĆ©cution. Leurs motifs dĆ©coratifs, trĆØs abondants, sont parfois davantage ciselĆ©s que sculptĆ©s. C’est ce qui fait l’attachante et singuliĆØre beautĆ© de ces monuments de pierre frustes, au-delĆ  de certaines maladresses et naĆÆvetĆ©s de style.

 

L’Ardenne possĆ©dait, avec son schiste ardoisier, un matĆ©riau qui lui Ć©tait propre : ses artisans

ont su admirablement l’utiliser pour, durant deux siĆØcles (XVIIIe et XIXe ) crĆ©er un art

original (…). C’est avec pertinence que les auteurs analysent l’histoire du schiste sculptĆ© ardennais, dont la pĆ©riode la plus crĆ©ative s’Ć©tend de 1750 Ć  1850. Ils nous prĆ©sentent ainsi les principaux centres de travail du schiste : Spa, Recht, OttrĆ©, Vielsalm, Bastogne, Martelange, Herbeumont, NeufchĆ¢teau, Florenville et Gedinne.

Sont Ć©voquĆ©es Ć©galement les caractĆ©ristiques techniques et stylistiques de chacun de ces ateliers de taille qui ont produit essentiellement des croix et des stĆØles de cimetiĆØre, et beaucoup plus rarement des croix de chemin ou des Ć©lĆ©ments d’architecture. Enfin, un chapitre particuliĆØrement fouillĆ©e explore et inventorie l’abondante iconographie des croix de schiste, reflet d’une culture populaire et d’un monde complexe de symboles et d’allĆ©gories aujourd’hui presque indĆ©chiffrables pour le profane.

 

Nos plus modestes cimetiĆØres sont aussi, quelquefois, de trĆØs intĆ©ressants musĆ©es d’art populaire. On ne le sait pas assez.

crwĆØs di scaye (croix en schiste)

(AV, 10/01/1994)

(ibid.)

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