manières vivre passé briquetier
VIKADJE DO PASSÉ
Manières de vivre du passé
BRIKETEÛ
Briquetier
Lès briketrîyes dins l’ culture bèlje walone
Les briqueteries dans la culture belge wallonne

Plan
0. Ilustrâcions / Illustrations

(in: René-Pierre Hasquin, Les colères du Pays Noir, T1, 1972, p.56)

(p.57)

(p.58)
1. Jènèrâlités / Généralités
Jules Vandereuse, Roger Pinon, Contributions à l’Etude de la Briqueterie en Wallonie, in : Comm.R. B. de Folklore, T9-14, 1956-1961, p.322-381
INTRODUCTION GENERALE
J’ai cru devoir réserver un sort privilégié à l’inédit de Jules Vandereuse sur la fabrication des briques à la main, bien que ce fut le texte d’une conférence en dialecte.
Terminé le 12 décembre 1956, il apporte une contribution intéressante à un métier peu étudié ; en outre il est caractéristique du didactisme dialectal de notre auteur.
Plus rien d’essentiel n’a été dit de ce métier depuis le Vocabulaire du Briquetier d’Edmond Jacquemotte et Jean Lejeune (1). Certes il y a bien un article signé Sténio dans le journal La Meuse de Liège, en date du 5 juin 1907, à l’occasion de « grévelettes » des briquetiers établis dans la région. Et on ne peut négliger de signaler la publication d’un contrat de briquetiers spadois et liégeois engagés pour Demerary en Amérique du Sud (2). Seul F. Bosseaux donna récemment une description suivie du métier des briquetiers à Ham-sur-Heure (3), mais elle n’a pas la précision du texte de Jules Vandereuse. Un journaliste de Charleroi s’est intéressé en 1957 à la fabrication moderne entièrement mécanisée (4). On peut encore, en vue d’une connaissance meilleure de cette activité économique autrefois typique de notre pays, se reporter à l’article d’E[rnest] M[athieu] consacré à deux contrats conclus
(1) Bulletin de la Société liégeuise de Littérature wallonne, Xl.V, 1(HM: pp. 241-251.
(2) Albin BODY dans Le Vieux Liège, n° du 13 – III – 1907 Wallonia, XI, 1903, pp. 127-128.
(3) Folklore de mon Pays. VIII Utilités villageoises et vieilles industries disparues. Les briquetiers. «La Nouvelle Gazette » (Charleroi), n° du 2l-VI1-1956.
(4) Maurice MOREAU : Une industrie régionale en progrès. La briqueterie. « La Nouvelle Gazette » (Charleroi), n° du 8-VII-1957.
(p.323) en vue d’établir une briqueterie à Cuesmes en 1872 et une autre à Eugies en 1788 (5).
Le dernier article en date fut consacré à l’expression « faire des briques à Namur » (6). Elle nous ramène à notre point de départ : une connaissance plus approfondie du métier ne doit-elle pas contribuer à une meilleure interprétation de ce dicton ?
On ne peut, en effet nier l’importance considérable de cette petite industrie autrefois.
La toponymie permet de repérer de nombreux endroits où il y eut “des briqueteries. En voici une liste sommaire et forcément incomplète : PROVINCE DE LIEGE: Ayeneux è l’ briketérèye, (1707), Jalhay (la briquetterie, 1902), Limbourg (la Briqueterie, 1669), Remicourt (al briketrêye), Rocour (al briketrêye), Seraing (rue des Briqueteries), Sprimont (al briketrêye), Tavier-en-Condroz (pré al briketrêye), Villers-l’Êvêque (la Briqueterie, 1841 = al Briketrîye), Vottem (al briketrêye) ; — PROVINCE DE LUXEMBOURG : Neufchâteau (la bricterie ; remise en activité en 1950), Saint-Mard ; PROVINCE DE NAMUR : Durnal (Briqueterie) ; Fronville (à la brixterie, 1731 = li bric’trèye, en 3 endroits), Heure en Famenne (à la briqueterie), Jemeppe-sur-Sambre (la Bricqueterie 1535), Lessive (al briqu’trie), Oret (la Briqueterie), Rochefort (la Briqueterie), Spontin (Briqueterie), Vogenée (al Bricterie, 1617), Walcourt (Bricterie, 1598); — PROVINCE DE BRABANT: Chastre-Dame-Alerne (Briquetée), Couture-Saint-Germain (la Briqueterie), Longueville (champ de la Briqueterie), Marbais-en-Brabant (Briqueterie), Mellery (Briqueterie), Nil-Saint-Vmce.nt(al Briqiietée, la Bricterie, 1753), Nivelles (la Briqueterie), Piétrain (la Bricterie, 1770), Piétrebais (la Bricterie, 1782); – PROVINCE DE HAINAUT: Bois-cle-Lessines (la Bricterie, 1638), Braffe (dès avant 1704; la bricterie 1704, 1760; la briqueterie, 1785), Oiimay (la briqueterie; la brict(e)rie, 1530, 1554; la
(5) Dans Jadis (Soignics), VIII, 190.4, pp. 72-73.
(6) HÉRBILLON cr Alb. DOPPAGNE dans La Vie Wallonne, XXXIV, 1960, 289, pp. 52-53.
(p.324) bricquetrie, 1783), Fleurus (terre de la Bricterie, 1802), Fontaine-l’Evêque (rue de la Briqueterie, récent ?), Gerpinnes (la bricterye, 1619 ; la brictrie, 1639 ; campagne de la briqueterie, 1754 ; al brik’trîye), Ghislenghien (la Briqueterie) ; Herchies (chemin de la Briqueterie), Irchonwelz (la Vièse Briquetrie, 1482 ; couture des Bricqueteries, 1663), Landelies (al brik’trîye), Lens (Bricquetrye, 1553), Monceau-sur-Sambre (en la briqueterie, 1464; la baraque des briqueteurs, 1835), Monti-gny-le-Tilleul (la Briqueterie), Rance (Briqueterie), Thu-maide (la Bricqueterie, 1648 ; la brictry, 1726, 1750 ; la Bricquerie, 1664), Trazegnies (le paischil de la bricterye, 1682 ; chemin de la bricterie, 1750 ; chemin de la briqueterie, 1847 ; al bmtrèyé), Wiers (la Bricquetrie, 1633-34; l’ briketrie) ; — FLANDRE OCCIDENTALE : Mouscron (rue de la Briqueterie).
En outre les histoires locales et d’autres sources nous apprennent qu’il y eut des briqueteries en de nombreuses autres localités :
PROVINCE DE LIEGE : Amay, Ans (1), Aubel (2), Aywaille (plusieurs), Battice (12), Bovenistier (1), Chênee (XIXe-XXe s.), Clermont-sur-Berwinne (1) Borlez (plusieurs), Esneux (plusieurs), Grand-Rechain (1), Herstal (1), Jupille (1), Les Awirs, Limont (plusieurs), Oupeye (1), Racour (plusieurs), Romsée (1891), Rosoux-Creen-wick (1), Saint-Nicolas-lez-Liège (2), Stembert (plusieurs), Strée (1), Vinalmont (1) ; — PROVINCE DE NAMUR : Anseremme (2), Ciergnon (1), Ciney (1), Hour (1), Namur (6), Villers-sur-Lesse (1), Wanlin (2), Waulsort (1); — PROVINCE DE BRABANT : Baisy-Thy, Mellet, Nethen, Wavre; — PROVINCE DE HAÏNAUT : Buvrinnes (1), Charleroi (plusieurs), Chièvres (2), Cuesmes (1788), Deux-Acren (plusieurs), Eugies (1788), Ham-sur-Heure (plusieurs), La Beuverie (plusieurs), Leval-Trahegnies (plusieurs), Montigny-sur-Sambre(1737), Obaix (plusieurs), Quaregnon-Wasmuël (1788), Renaix (plusieurs), Roux (1), Saint-Symphorien (1), Sivry ; et Châtelet (voir p. 373).
Ces listes ne sont naturellement qu’exemplatives : il y eut probablement bien d’autres localisations de cette industrie.
(p.325) Presque toujours la terre à briques était extraite sur place. Cependant on a tiré de cette terre en divers endroits sans que je sache avec précision si on l’utilisa sur place. C’est le cas d’Arsimont, Auvelais, Courcelles, Ladeuze, Sars-la-Bruyère.
J’ajoute que l’on signale des briquetiers soumis à patente en Gaume en 1741 ; ils sont d’ailleurs confondus avec les tuiliers et peu nombreux, 4 en tout.
Il n’est pas sans intérêt de republier ici le contrat conclu entre le chapitre de Sainte-Waudru à Mons et l’entrepreneur Jean-Baptiste Ghislain de Jemappes en 1782. Il s’agit d’une commande de 200.000 briques à façonner à Cuesmes, sans doute en vue d’une construction projetée par le dit chapitre.
« Le soussigné Jean-Baptiste Ghislain, demeurant à Jemmappes, s’est obligé de faire au village de Cuesmes, à l’endroit qui lui sera désigné par l’illustre chapitre de Ste-Waudru, une bricterie de deux cent milles aux devises et conditions suivantes :
- L’entrepreneur doit livrer à ses frais tous ustensils nécessaires à la faction des briques et les pailles pour les couvrir.
- Il doit aussi faire à ses dépens le puit pour avoir l’eau s’il est trouvé nécessaire, livrer cordes, bourriquet et sceaux et doit livrer le charbon pour la cuisson des dittes briques et généralement tout ce qu’il conviendra, à la seule exception du sable qui devra être livré sur le lieu par le chapitre.
- Les briques devront avoir huit pouces et une ligne de longueur au moins, deux pouces d’épaisseur et quatre pouces de largeur.
- La terre à préparer pour la faction des briques devra être bien travaillée et mise à point sans être trop coulante, et les coins des briques bien remplies.
- La bricterie étant cuite et achevée, il en sera fait visite par trois experts, deux à choisir par le chapitre, le troisième pour l’entrepreneur, et s’il est trouvé quelque défaut.
(p.328) Daly a accepté et les parties se sont obligées l’une envers l’autre avec tous leurs biens, meubles et immeubles.
Fait et passé à Spa, etc…
(Protocole du notaire Gilles Lezaack)
Un grand progrès dans la cuisson des briques fut l’utilisation de la houille. L’essai de Nussdorf, à peu de distance de Vienne, vers 1796 est célèbre. On fit venir des briquetiers de Liège ; ils devaient cuire les briques en plein champ, suivant la méthode en usage dans leur pays, en ne se servant pour cette opération que du charbon de terre importé des ex-Pays-Bas. La curiosité amena beaucoup de gens de Vienne pour être témoins de cette nouvelle manière de cuire les briques, dont la supériorité fut pleinement démontrée (9).
A la fin du XIXe siècle, l’engagement de briquetiers wallons et flamands pour la Russie était chose courante. En 1897, les premiers à partir au Pays de Charleroi étaient ceux de Ransart et des environs ; 8 jours plus tard suivaient ceux de Jumet, de Montigny-sur-Sambre et du canton de Gosselies. Les engagements avaient lieu le lundi de Pâques ; les porteurs, ordinairement des enfants de 10 à 12 ans, faisaient prime. Outre le voyage payé, les briquetiers recevaient 5 frs 50 aux 1.000 briques, soit exactement le double de ce que l’on payait alors en Belgique. Un train spécial les conduisait (91). On trouve des briquetiers wallons en France, en Espagne, en Prusse et ailleurs en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse, en Italie, en Turquie.
Cet humble métier a bien mérité d’être l’objet d’une description ethnographique. Aux historiens d’en étudier le passé. Les toponymes les plus anciens qui l’évoquent sont du XVe siècle, en Hainaut (Monceau-sur-Sambre, 1464 ; Irchonwelz, 1482) ; le métier devait déjà être ancien à l’époque. Aux économistes de déterminer l’importance de cette industrie autrefois : les documents publiés ci-dessus, à défaut d’être interprétés, ne
(9) O. LAMBOT et E. CLOSE : Cil/y à travers les âges. Court-St-Etienne, Georges Chevalier, H, 1926, p. 25.
(91) Voir L’Education Populaire (Charleroi), XXI, 1897, 15, p. 4 tt 16, p. 3.
(p.329) signifient peut-être pas grand’chose. Les briques étaient payées 46 patars le mille à Eugies en 1788, soit 4 escalins 6 à 0,608 frs-or Pescalin, c-à-d. 2,80 frs-or environ ; or à Visé, en 1604, on achetait les briques à 4,05 frs-or le mille (10). Comparaison boiteuse, sans doute, mais la seule que je puisse esquisser dans l’état de ma documentation. En outre il faut compter que ces briques durent fréquemment être transportées bien que l’on allât au-devant de cet inconvénient en les fabriquant autant que possible sur place. A Nethen, Neufchâteau, à Sivry et à Ham-sur-Heure, on insiste bien que c’était pour la consommation locale. Dans ce cas il arrivait à l’industrie de la brique d’être de courte durée.
A Villers-l’Evêque (11) la briqueterie fut surtout utile pour la construction de la nouvelle église. A Couture-Saint-Germain la briqueterie produisit les briques de l’abbaye d’Aywières, dit-on (12).
L’industrialisation et l’équipement du pays en voies de communications modernes stimula la production de briques : à Montenville (Fronville), on avait déjà cuit deux fournées de briques destinées à la construction d’écluses sur le canal devant relier la Meuse au Rhin en suivant l’Ourthe, la Wiltz, la Sûre et la Moselle, quand éclata la révolution de 1830. Les briques inutilisées, furent finalement vendues à des particuliers (13). A Saint-Marc, les briqueteries travaillèrent pour la construction du chemin de fer local (14).
Même mécanisées, les briqueteries ne souffrent actuellement pas de la surproduction ; elles n’ont pas de stock (15).
(10) Abbé J. CEYSSENS : Histoire de la paroisse de Visé, « Bulletin de la Société d’Art et Histoire du Diocèse de Liège », VI, 1931, p. 192.
(11) Jules HERB1LLON : Toponymie île la Hesbaye Liégeoise. Wet-tcren, De Meester, 1943, p. 121.
(12) TARLIER-WAUTERS : Géographie et Histoire des communes tflffs. Bruxelles, Decq, 1859, p. 101.
(13) Phina GAVRAY-BATY : Le Vocabulaire toponymique du Ban de Fronville. Paris, E. Droz et Liège, Université, 1944, p. 82.
(14) Edmond JACQUES : Sa’ml-Mard. Mon village. Les lieux-dits. I. St-Mard, Imp. Jean Jacques, s.-d., pp. 39-40.
(15) Maurice MORE AU, art. cit.
(p.330) Lès briketeûs
Saquants mots pou coumincî
Èl mèstî d’ brike’teû (1) n’ èst pus çu qu’ il èsteut dins 1′ timps. Dispûs qu’ on faît dès brikes à l’ prèsse, tout èst candji èyèt bénrade, les céns qu’ ont fét dès brikes à l’ mwin, surtout à l’ simpe moule, âront sèré leûs-îs pou toudi. Avant qui ç’ djoû-là n’ fuche arivè, i m’ a chènu qu’ i s’reut bon d’ rapeler çu qu’ nos tayons ont fét.
Pou d’meurer dins l’ vèrité, i m’ a chènu ètou qu’ i faleut raconter ça avou dès mots qu’ èstît bén da ieûs’. On n’ s’reut nén aussi vré en 1′ fèyant en francès.
Èl briketeû aveut in mestî d’ tchén. Di toute èl campagne (2), i n’ aveut qu’ ène idéye : gangnî 1′ pus di liârds possibe, èyèt viker au mèyeû mârtchi possibe. Ètou quand i r’vèneut d’ aus brikes, s’ il aveut 400, 500, quétecôp 600 francs dins s’ boûsse, – tout ça dèpendeut s’ il aveut ieû ‘ne sètche campagne – il èsteut span.mé ètou.
Quand lès-omes èn’ d-alît nén travayî trop lon, leûs feumes d-alît les vîr in côp au mitan d’ èl campagne. Souvint èles-èrvènèt « avou ‘ne brike dins l’ vinte », come on d’jeut (3).
(1) A remarquer que le mot a fourni un anthroponyme fréquent en Wallonie, notamment sous la forme Bricteux.
(2) La « campagne » est « le temps employé pour la fabrication des briques. Ce temps commence la semaine après Pâques et finit à ta Saint-Lambert (17 sept.) » [JACQUEMOTTE-LEJEUNE, p. 242|. En 1925 Marcel FABRY précisa, d’après une enquête aux Awirs, que la « campagne » commençait traditionnellement dans la région d’Amay, le lundi de Pâques. STEN1O prétend que c’est à la fête de Chénée que revenaient les briquetiers : celle-ci tombe à la fin de septembre.
(3) L’expression est à rapprocher des expressions liégeoises adon vos fîz co dès brikes à Nameûr « alors vous faisiez encore des briques à Namur, c.-à-d. vous n’étiez pas encore né» et èle tchèrèye ås brikes, synonyme èlle è-st-à s’ meûs « elle charroie aux briques, elle a ses mois ». L’explication de J. HERB1LLON et Alb. DOPPAGNE, lot. cit., ne me satisfait pas. La première expression, selon eux, s’expliquerait par allusion à l’industrie du la pierre typique de la région namuroise : « faire des briques » dans un pays réputé pour sa pierre, c’est faire une chose inconcevable, c’est ne pas exister, être encore à naître… Plus juste me paraît la remarque sur l’emploi de l’expression devant les enfants, afin de voiler les mystères de la conception. Mais il ne devait pas y avoir tant de délicatesse : c’était un rappel de la conception à l’occasion de la visite à l’époux au milieu de la « campagne » ou de son retour à la Saint-Pierre. Car on faisait des briques à Namur : il y en eut à La Plante, à Salzinncs, à la Gueule du I J>up ; et dans l’Entre-Sambre-et-Meuse namuroise jusque vers 1920. Ixs ouvriers venaient du pays de Namur (dixerunt N. PIRSON et Eug. DOUNAN : Les Rues de Seraing, 1952, p. 109), à Namur beaucoup d’entre eux venaient d’ailleurs, notamment du pays flamand et aussi de Huy, d’Amay ou de l’agglomération liégeoise. — Quant à la seconde expression on notera qu’elle est triviale ; mais je ne vois pas le rapport avec les briques, si ce n’est peut-être la couleur.
(p.331) LES BRIQUETIERS
Quelques mots d’introduction
Le métier de briquetier ( /) n’est plus ce qu’il était autrefois. Depuis qu’on fait des briques à la presse, tout est changé et bientôt ceux qui ont fait des briques à la main, surtout an moule simple, auront fermé les jeux pour toujours. Avant que ce jour-là ne soit arrivé, il m’a paru qu’il serait bon de rappeler ce que nos ancêtres ont fait.
Pour rester dans la vérité, il m’a paru aussi qu’il fallait raconter cela avec des mots qui étaient bien à eux. On ne serait pas aussi vrai en le faisant en français.
Le briquetier avait nu métier de chien. De toute la « campagne » (2), il n’avait qu’une idée : gagner le plus d’argent possible, tt vivre au meilleur compte possible. Aussi quand il revenait d’avoir été faire des briques, s’il avait 400, 500, parfois 600 francs [- or] dans sa bourse, — tout cela dépendait s’il avait en une « campagne » sèche — était-il épuisé.
Quand les hommes n’allaient pas travailler trop loin, leur épouse allaient leur rendre visite une fois au milieu de la campagne. Souvent elles revenaient « avec une brique dans le ventre », comme on disait (3).
(p.332) L’ iviêr, lès briketeûs fèyît dès claus. Pus tard, quand on n’ a pupont fét d’ claus à l’ mwin, nos-omes ont stî travayî au laminwêr ou à l’ fosse.
C’est surtout à Gochelî, M’tèt, Tumion, Obé, Waya, Wanjenîye, l’ Ronsaut, Coûrcèle, Trèjenî èyèt tous cès alintours-là qu’ on trouveut dès briketeûs (5) ; i d-aveut ètou à Montegnè (6).
On a fét dès brikes à l’ mwin, à l’ simpe moule, djusqu’ aviès 1880 ; après ça, ç’ a stî à l’ doube moule ; mais i gn-aveut co dès céns qui boutît à l’ simpe moule adon qu’ i gn-aveut d’s-autes qui s’ chèrvît d’ èl doube dispûs longtimps (7). C’ est bén râle quand on wèt co fé dès brikes à l’ rnwin asteûre, c’ è-st-à l’ presse qu’ on boute quasimint tous costès, èyèt à l’ prèsse élèctrike, co bén (8). Les preumiêres prèsses à l’ mwin ont couminci èviès 1900.
Ça n’ vout nén dîire qui lès brikes qu’ on fét asteûre sont mèyeûses qui lès cines di d’dins l’ timps, au contrére.
(4) A Charnoy [le village qui précéda Charleroi, et à Jumet, « l’habitant est cloutier l’hiver et l’été briquetier, laboureur, maçon ou couvreur de paille » (d’après Jean FICHEFET dans Charleroi, Etude de Géographie urbaine. « Cercle des géographes liégeois, n° 25 des Travaux et Travaux du Séminaire de Géographie de l’Université de Liège, XLV, 1935, pp, 39-40). A Houtain-sur-Dyle, vers 1850, il y avait encore une centaine de briquetiers qui quittaient la commune en été et revenaient faire des clous en hiver (d’après TARLIER et WAUTERS. Géographie et histoire des Communes belges. Canton de Genappe. Bruxelles, Dccq, 1859, p. 50).
(5) A Trazegnies la toponymie enregistre cette migration saisonnière : le quartier de la Prusse, devenu quartier de l’Yser et la rue Ferrer, qui relie la rue de Courcelles à la rue de Gosselies, doit son premier nom aux briquetiers locaux qui allèrent en Prusse rhénane après 1870 durant plusieurs campagnes, avec l’argent gagné ils construisirent ou achetèrent presque tous une maison dans la dite rue (d’après J. DE GROUVE : Trazegnies, Histoire et géographie locales… La Louvière, Ed. Labor, 1929, pp. 54 et 57). — Les briquetiers d’Amay et d’Ampsin, comme ceux de Vottem, dans la province de Liège, allaient travailler en Allemagne, en Hollande, en France et même en Russie (d’après Philippe VANDER MAELEN et le docteur MEISSER : Dictionnaire géographique de la Province de Liège…. Bruxelles, 1832, pp. 5, 6, 231-232). A Sivry 40 à 50 familles di-briquetiers se dispersaient dans le nord de la France ; ils voisinaient souvent avec les équipes de Courcelles (d’après le Journal de Charleroi du 24-IX-1947). On se reportera, pour les engagements à l’étranger, au texte republié plus haut.. Ajoutons que l’on signale des émigrations intérieures aussi à Couture-Saint-Germain et à Sart-Dame-Aveline (TARL1ER-WAUTERS, pp. 57 et 102). A Chênée, aux XlXe-XXe s., les briquetiers étaient généralement des Hennuyers. A Quaregnon, on engageait des Flamands pour mélanger et pétrir la terre.
(p.333) En hiver, les briquetiers faisaient des clous (4). Pins tard, quand on n’a plus fait de doits à la main, nos hommes sont allés travailler au laminoir oit à la mine.
C’est surtout à Gosselies, Mellet, Thiméon, Obaix, Wayaux, Wangenies, Ransart, Courcelles, Trazegnies et dans les environs de ces communes qu’on trouvait des brique tiers (5) ; il y en avait aussi à Montigny-sur-Sambre (6).
On a fait des briques à la main, an moule simple, jusque vers 1880 ; après cela, ce fut au moule double ; mais il en y avait encore qui travaillaient au moule simple alors qu’il y en avait d’autres qui se servaient du moule double depuis longtemps (7). // est bien rare de voir faire encore des briques à la main de nos jours, c’est à la presse qu’on travaille quasiment partout, et même à la presse électrique (8). Les premières presses à la main ont commencé vers 1900.
Cela ne veut pas dire que les briques que l’on fait maintenant soient Meilleures que celles d’autrefois, au contraire.
(6) Voir JACQUEMOTTE-LEJEUNE, s. v. astok(er), bèton, clôye, côse, ferme, foûye, migna, Saint-Pire, sov’liner, foûye — Il y en avait beaucoup aussi à Chapelle-Herlaimont, voir plus haut, p. 202.
(7) Le Musée de la Vie Wallonne possède plusieurs moules simples ou doubles, et au moins une plane.
(8) Il y a aujourd’hui 3 espèces de presses mues par moteurs électriques et qui donnent 2 briques à la fois : la presse roulante Majot, rendement : 2.000 unités à l’heure ; la presse Detry (du nom d’un constructeur de Lodelinsart), rendement : 1.200 unités ; une presse hydraulique de moindre rendement, qui donne de bonnes briques. A la presse circulaire, les briques sont façonnées par le bas. Dès leur apparition sur le plateau de la machine, elles sont enlevées prestement ; puis la « table » est nettoyée avec de la sciure de bois pour éviter toute coagulation de la terre glaise. La brique est bien pressée, selon le système Detry, quand une sorte de bourrelet de terre sort de la presse. En général les briquctiers préfèrent le système latéral Detry au système circulaire Majot ; la brique est mieux pressée (d’après l’article cité de Maurice MOREAU).
(p.334) Pou-z-awè dès bounes brikes fêtes à l’ mwin, i faut èstant qu’ possibe di l’ arzîye (9) ; quand 1′ têre est trop sâbreûse, lès briques pèrcenut trop rade (10).
È patron dès briketeûs, c’ èst Piêre (11), més on n’ djoke nén d’ travayî ç’ djoû-là, surtout s’ i fét bia timps.
Dji m’ vos va raconter çu qui s’ fèyeut dins l’ timps. Ça nos f’ra comprinde in p’tit côp combén nos tayons èyèt nos ratayons ont soufru ; ça nos f’ra comprinde ètou combén no vîye est bèle asto de 1′ leûr, èyèt combén nos avons tôrt di nos plinde.
Nos chûrons nos briketeûs dispûs l’ djoû qu’ is s’ è d-alît, djusqu’au djoû qu’ is r’vènît.
L’ ègadjemint
Dins l’ timps, c’ èsteut au mârtchi du lundi d’ Pâke à l’ Vile-Haute, qui lès ègadjemints dès briketeûs s’ fèyît ; èc’ djoû-là, i gn-aveut à Chalèrwè ostant d’ djins qu’ in djoû d’ grande fwère (1). À costé dès céns qu’ avît l’ idéye d’ d-aler fé ‘ne campagne à brikes, i gn-aveut tous lès méses briketeûs qu’ avît dès entrèprîses à l’ ètranjer ou dins l’ payis.
D’ ôrdinère, c’ ît avou in mouleû qui l’ entreprèneûr fèyeut mârtchi. In contrat èsteut passé intrè ieûs’ deûs.
Quand c’ èsteut ‘ne tâbe à cénk (2), c’ èsteut d’ abitude
(9) On trouve de la terre à briques dans les terrains modernes, quatrenaires et tertiaires ; en Wallonie on en trouve à peu près partout au nord du sillon Sambre-et-Meuse et sur les plateaux de la rive droite île.’ ces rivières. En 1871 on exploita des alluvions de la Sambre à Charleroi -Bosquetville {Documents et Rapports de la Société paléontologique et archéologique de…. Charleroi, XV11, p. 332). A Ensival on convertit en briques des schistes frasniens de l’extrême pointe nord de la Heid des Fawes, d’abord disloqués et broyés ; les briques étant cuites dans les fours créés à cet effet (d’après Jules PEUTEMAN : Histoire de la commune d’Ensival, « Les Archives verviétoises », V, 1953, p. 22).
(10) Pèrcer : se tremper par la pluie ; le mot est aussi namurois.
(11) Saint-Pierre : selon JACQUEMOTTE-LEJEUNE, p. 249, c’est à cette date qu’on payait la première moitié de la campagne à Mons, Montignie[-sur-Sambre|, Charleroi et Amay. A cette date la fête d’Amay faisait revenir chez elles les 30 familles et plus qui émigraient dans diverses localités du pays et de l’étranger.
(1) Cf. le Journal de Charteroi du 9-IV-1860 et le Progrès de Charleroi du 30-111-1869.
(2) Une table en liégeois on d’mèy-banc ou ine dimèye-tâve) est une équipe de briquetiers commandée par un « chef de table » ; elle comprend d’habitude 5 ouvriers : l’un amène l’argile gâchée et le sable à la table (li rôleû) ; un autre emplit les moules (li mouleû ou fôrmeû) ; trois autres vont déposer les briques moulées dans un endroit bien exposé au soleil (lès pwèrteûs ou vûdieûs) (les termes dialectaux sont liégeois, voir JACQUEMOTTE-LEJEUNE, pp. 241-242 ; la description vaut pour Fronville, voir Phina GAVRAY-BATY : Le vocabulaire toponymique du ban de Fronville. Liège, l’acuité de Philosophie et Lettres, Paris, E. Droz, 1944, p. 143). Une « table entière » au pays de Liège est l’équipe nécessaire pour faire un million de briques en une saison ; il se compose d’1 bateû (d’têre) « marcheux », 2 rôleûs « vangeurs », 2 mouleûs ou fôrmeûs « mouleurs », 4 pwèrteûs ou vûd(i)eûs « porteurs », plus souvent une « ménagère » ou un sièrveû d’banc : garçon ou fille de 12 à 16 ans qui va chercher ce dont la personnel a besoin (sable, eau, denrées, etc.). Chaque « banc » pouvait façonner 13 ou 14.000 briques par jour quand on travaillait avec le moule simple et la plane. La production fut doublée avec l’invention du moule double à fond (d’après Nicolas LEQUARRE dans JACQUEMOTTE-LEJEUNE, loc.cit.). STENIO nous apprend qu’un bon mouleur, à la cache depuis 3 ou 4 h. du matin jusqu’à 8 h. du soir, peut faire de 10 à 12.000 briques par jour, rétribuées à raison de 3 frs 50 à 4 frs les mille briques prix à répartir sur tout le banc.
(p.335) Pour avoir de bonnes briques à la main, il faut autant que possible de l’argile (9) ; quand la terre est trop sablonneuse, les briques « percent » (10} trop vite.
Le patron des brique tiers est saint Pierre (11), mais on n’arrête pas de travailler ce jour-là, surtout s’il fait beau temps.
Je vais donc vous raconter ce qui se faisait anciennement. Cela nous fera comprendre un peu combien nos pères et nos aïeux ont souffert ; cela nous fera comprendre aussi combien notre vie est belle comparée à la leur, et combien nous avons tort de nous plaindre.
Nous suivrons nos briquetiers depuis le jour où ils s’en allaient jusqu’au jour où ils revenaient. L’engagement.
Autrefois c’était au marché du lundi de Pâques à la Ville-Haute (Charleroi) que les engagements des briquetiers se faisaient ; ce jour-là il y avait à Charleroi autant de gens qu’un jour de grande foire (1). A côté de ceux qui avaient l’intention d’aller faire une « campagne à briques », il y avait tous les maîtres-briquetiers qui avaient des entreprises à l’étranger ou dans le pays.
D’ordinaire c’était avec un ouvrier mouleur que l’entrepreneur faisait marché, un contrat était passé entre eux.
Quand on était une « table » à cinq (2), c’était d’habitude pour
(p.336) pou 800.000 ou 1.000.000 d’ brikes (3), surtout quand c’ ît pou l’ ètranjer. Èl pris variyeut chûvant l’ qualité des têres à travayî, d’ après 1′ longueû du vwèyâdje à fé, d’ èl facilité d’ awè dès-eûwes su l’ travau, etc… Èl pus souvint, on-aveut 3,25 à 3,50 du 1.000 brikes èyèt on d’veut payî s’ vwèyâdje li-min.me. Pacôp, lès pris èstît co bran.mint pus bas ; c’ è-st-insi qu’ en 1879, on n’ ofreut pou daler fé dès brikes en France qui 2,25 frs à 2,50 frs du mile (4).
Quétes côps ètou, on-èsteut mieus payî. I gn-a dès céns qu’ ont stî à Bilbao (Espagne), ègadjîs au pris d’ cénk francs lès mile brikes. Come èç’ payis-là èst fôrt tchaud, nos briketeûs avît l’ boune intencion di fé leûs campagnes, c’ èst-à dîre travayî tout l’ ivièr èyèt durant tout l’ èsté (5).
Souvint, lès-ègadjemints s’ fèyît pou lès-alintoûrs di Paris, lès-Ardènes, l’ Alemagne, més nos briketeûs ont djà stî travayî en Swisse, en-Italîye, en Turkîye, en-Èspagne, min.me en Russîye.
En 1896, dès briketeûs bèljes (dès Flaminds, dès céns du payis d’ Charlèrwè èyèt dès céns du payis d’ Lîdje) ont stî fé ‘ne campagne au Donetz (Russîye). Drolà, is-èstit payîs à l’ djoûrnéye (7 francs) èyèt quand is sont r’vènus, après awè discomptè tous leûs mwés frés, i d’meureut à chakin d’ ieûs’ in bénéfice de 1.000 à 1.100 francs (6).
I gn-a min.me dès Bèljes qu’ ont stî fé dès brikes en-Amèrike (7).
Èl mouleû èsteut toudi considéré come chèf di tâbe èyèt c’ èst li qui ègadjeut lès-omes èyèt lès èfants qu’ i lî faleut pou fé ‘ne tâbe ; c’ èst li ètou qui t’neut lès comptes di çu qu’ on dispinseut èyèt di çu qu’ on r’çuveut. Tous lès 15 djoûs, 1′ mésse-briketeû doneut in-n-acompte (8).
(3) Quand TARLIER-WAUTERS, op. cit., p. 35, disent qu’un fabrique chaque année près d’un million de briques à Baisy [-Thy], il ne faut donc voir qu’une « table » ou un « banc » à l’œuvre. — Le moi « table » dans son sens ici décrit subsiste dans la toponymie de Fronville : 1611 : terre gisante et située en ld en pirsaye app. ordinairement le champ de tauve ; à Marcour aussi existe un lieu-dit : devant tâve. — Phina GAVRAY-BATY, op. cit., p. 143.
(4) Gazette de Charleroi du 17-1V-1879. — Pour la stabilité relative de ces prix, se reporter à l’introduction, p. 328.
(p.337) 800.000 on 1.000.000 de briques (3) {qu’on s’engageait}, surtout quand c’était pour l’étranger. Le prix variait suivant la qualité des terres à travailler, la longueur du voyage à faire, la facilité d’obtenir de l’eau sur le chantier, etc… Le plus souvent, on recevait 3,25 frs. à 3,50 frs. {-or} aux 1.000 briques et on devait payer son voyage soi-même. Parfois les prix étaient encore beaucoup plus bas, c’est ainsi qu’en 1879 on n’offrait pour aller faire des briques en France que 2 frs. 25 à 2 frs. 50 aux 1.000 briques (4).
Parfois aussi on était mieux payé. Il y a des briquetiers qui sont allés à Bilbao en Espagne, engagés au prix de 5 frs. les 1.000 briques. Comme ce pays-là est fort chaud, nos briquetiers avaient la bonne intention de faire deux campagnes, c.-à-d. de travailler tout l’hiver et durant tout l’été (5).
Souvent les engagements se faisaient pour les environs de Paris, les Ardennes, l’Allemagne, mais nos briquetiers sont aussi allés travailler en Suisse, en Italie, en Turquie, en Espagne et même en Russie.
En 1896, des briquetiers belges (des Flamands, des gens du pays de Cbarleroi et d’autres du pays de Liège) sont allés faire une campagne au Donetz (Russie}. Là on les payait à la jour née (7 frs.) et quand ils sont revenus, après avoir décompté tous leurs frais, il restait à chacun d’eux un bénéfice de 1.000 à 1.100 frs. (6).
Il j a même des Belges qui sont allés faire des briques en Amérique (7).
Le mouleur était toujours considéré comme chef de table, et c’est lui qui engageait les hommes et les enfants qu’il lui fallait pour faire une table ; c ‘est lui aussi qui tenait les comptes de ce qu’on dépensait et de ce qu’on recevait. Tous les 15jours le maître briquetier donnait un acompte (#).
(5) Journal de Cbarleroi du 20-X-1883.
(6) Education populaire du 7-V-1896 et du 28-1-1897.
(7) Voir l’introduction, le contrat signé avec le sieur Daly.
(8) Au pays de Liège le maître briquetier s’appelait lîvrèhåye [celui qui livre-en-haie]. Selon Nicolas LEQUARRE, « d’ordinaire la fabrication des briques (jusqu’au séchage en haie inclusivement) et la cuisson forment deux entreprises séparées » (JACQUEMOTTE-LEJEUNE, p. 247). — Dans le Centre une tâbe se composait d’ 1 moleû, d’1 bateû d’ têre et de 2 porteûs d’ brikes.
(p.338) Quand l’ mouleû èsteut ‘ne feume, c’ èsteut s’n-ome (disbateû ou bèrwèteû) qu’ ît chèf di tâbe.
Dins lès tabès à cénk, i gn-aveut in mouleû (ome ou feume), in disbateû (ome), in bèrwèteû (ome), in kèrtcheû (ome) èyèt deûs pôrteûs (èfants : gamins ou fîyes). Nos virons t’t-à-l’eûre qwè-ce qui chakin d’ ieûs’ aveut à fé. Èl kèrtcheû compteut pou 1′ mitan d’ in-n-ome èyèt chakin dès pôrteûs pou in quârt, ça fét qu’ au momint d’ fé lès comptes à l’fin dè l’ campagne après awè discomptè çu qu’ on aveut dispinsé pou viker : boulis, canadas, sé, etc…, on fieut quate pârts avou çu qui d’meureut : ieune pou l’ mouleû, ieune pou 1′ bèrwèteû, ieune pou 1′ disbateû ; dè l’ quatyin.me, èl kèrtcheû d-aveut 1′ mitan èyèt lès pôrteûs chakin in quârt.
Il ariveut quékes côps qu’ lès gamins èstît ègadjîs à l’ campagne. Dins ç’ cas-là, is-avît 80 ou 100 francs en dèwôrs di leû nouritûre.
Quand c’ èsteut ’ne tâbe à quate, i-gn-aveut in mouleû, in disbateû, in kèrtcheû èyèt deûs pôrteûs.
I gn-aveut pont d’ âdje pou comincî à daler as brikes. Souvint, c’ ît après awè fét sès pâkes, mès dji dè conès pus d’ iun èt pus d’ ieune qu’ ont coûminci à 7 èyèt 8 ans (9).
C’ è-st-aute tchôse qui d’ daler à scole djusqu’à 16 ans come asteûre ! Èt on s’ plint co !
I gn-a qu’ ène swèssantène d’ anéyes qu’ on-a fét ‘ne lwè disfindant d’ fé travayi trop djon.nes lès p’tits-èfants.
(9) Marie-Josèphe Purnode, plus connue sous le sobriquet ik « Mardjo fifi », qui a été la marraine du « Bourdon d’ Chàlèrwè », avait commencé à aller « faire des briques », en France, à l’âge de 9 ans. Comme il n’y avait pas de chemin de fer en ce temps-là, clic faisait la route péniblement, sans chaussure, à raison de 10 heures de marche par jour; elle arrivait à destination, les pieds en sang, neuf jours après. La saison finie, elle revenait de la même façon. Cela ne l’a pas empêchée de vivre jusqu’à 106 ans : née le 3 juin 1843, elle est décédée le 8 novembre 1949. Spiridon Hulin, de Horrues, né en 1856, vécut plus de 100 ans. En 1956, on mit sur pied un cortège folklorique évoquant sa vie (Èl Mouchon d’Aunia, 1956, p. 135).
(p.339) Quand le mouleur était une femme, c’était son mari (le marcheux ou vangeur) qui était le chef de table.
Dans les tables à cinq, il y avait un mouleur (homme on femme), un marcheux [littéralement « débatteur »] (homme), un brouetteur (homme), un vangeur [littéralement « chargeur } (homme) et deux porteurs (des enfants : garçons ou filles). Nous verrons tantôt ce que chacun d’entre-eux avait à faire.
Le vangeur comptait pour la moitié d’un homme et chacun des porteurs pour un quart, cela fait qu’au moment de faire les comptes à la fin de la campagne après avoir décompté ce qu’on avait dépensé pour vivre : bouillis, pommes de terre, sel, etc…, on faisait quatre parts de ce qui restait, une pour le mouleur, une pour le brouetteur, une pour le marcheux ; de la quatrième, le vangeur en avait la moitié et les porteurs chacun un quart.
Il arrivait parfois que les gamins étaient engagés à la campagne. Dans ce cas-là, ils recevaient 80 ou 100 fr. en plus de leur nourriture.
Quand c’était une table à quatre, il y avait un mouleur, un marcheux, un vangeur et deux porteurs.
Il n’y avait pas d’âge pour commencer à se rendre aux briques. Souvent c’était après avoir fait sa première communion, mais j’en connais plus d’un et plus d’une qui ont commencé à 7 et 8 ans (9).
C’est autre chose que d’aller à l’école jusqu’à 16 ans comme aujourd’hui ! Et dire qu’on se plaint !
Il n’y a qu’une soixantaine d’années qu’on a fait une loi défendant de faire travailler les trop jeunes (10).
(10) Dans les briqueteries, la durée du travail effectif des enfants de 12 à 14 ans et des filles île 14 à 16 ans, ne peut dépasser H heures pur jour pendant toute l’année.
La durée du travail effectif des garçons de plus de 14 et de moins de 16 ans, ainsi que des filles et des femmes âgées de plus de 16 ans et de moins de 21 ans, ne peut dépasser 12 heures par jour, du 1er avril au 30 septembre, et 8 heures du 1er octobre au 31 mars (Arrêtés royaux en date ilu 26 décembre 1892 pris conformément à l’art. 8 de la loi du 13 décembre (…) portant réglementation, du travail des femmes, des adolescents cl îles enfants dans les établissements industriels).
(p.340) Èl dèpârt
Insi qu’ nos 1′ avons vu, c’ ît souvint bén lon qu’ nos briketeûs dalît fé leû campagne. Asteûre ci n’ èst pus rén d’ fé dès voyes parêyes, èl trin vos mwin.ne, insi qu’ vos bagâdjes, mès avant qu’ i gn-avuche dès tch’mins d’ fiêr, i faleut fé lès voyes à pîd pou daler èyèt pou r’vènu avou s’ baluchon èyèt sès-ostis à s’ dos. On m’ d’ a cité dès céns qu’ ont stî à pîd dîj eûres pus lon qu’ Paris.
Souvint ètou l’ briketeû du payis d’ Chalèrwè pèrdeut avou li s’ pinson (1) ou bén s’ tchén, tandis qui 1′ cén dè l’ province di Lîdje s’ è daleut avou s’ cok din-n-in tchèna (2) ; pou iun come pou l’ aute, c’ èsteut ‘ne petite compagnîye qui leû rapeleut leû vilâdje èyèt leû famîye.
D’ abitude, on pârteut fin mârs’ ou au coumincemint d’ avri, pou n’ rintrer qu’ en sètembe on octôbe, chûvant ç’ qu’ on d’ veut fé, èyèt chûvant l’ timps qu’ on-aveut ieû.
Èl nombe dès céns qui dalît à brikes èsteut toudi grand. Èv’ci çu qu’ nos lîjons din-n-ène gazète d’ i gn-a 90 ans (3) :
« Depuis quelques temps, notre gare est chaque jour » encombrée par de nombreuses bandes d’ouvriers » briquetiers engagés par des entrepreneurs étrangers » et qui vont travailler en France, en Suisse, en Italie et » même en Russie. Les trains spéciaux de la Compagnie » du Nord emportent ces braves et courageux ouvriers » vers leurs lointaines destinations. Depuis longtemps, le » nombre de ces émigrants n’avait été aussi considérable » que cette année et on peut sans nulle exagération évaluer » à plus d’un tiers de la population ouvrière de nos environs le » nombre de briquetiers partis et qui, presque tous, sont » des communes de Jumet, Ransart, Dampremy, » Montigny-sur-Sambre, Roux et Courcelles… ».
(1) Selon F. BOSSEAUX, à Ham-sur-Heure, «dès le beau temps [s’amenait] la petite colonie de briquetiers avec tout un baluchon lié dans une nappe à carreaux bleus et blancs, divers outils, un accordéon une cage avec un canari…..». — Loc. cit.
(p.341) Le départ
Ainsi que nous l’avons vu, c’était souvent bien loin que nos briqtietiers allaient faire leur campagne. Aujourd’hui ce n’est plus rien de faire de semblables chemins, le train vous y conduit ainsi que vos bagages, mais avant qu’il n’y eût des chemins de fer, il fallait faire le trajet à pied pour aller et pour revenir, avec son baluchon et ses outils au dos. On m’a cité des gens qui sont allés à pied dix heures plus loin que Paris.
Souvent aussi le briquetier du pays de Charleroi prenait avec lui son pinson (?) ou bien son chien, tandis que celui du pays de Liège s’en allait avec son coq dans un panier (2). Pour l’un comme pour l’autre c’était une petite compagnie qui leur rappelait leur village et leur famille.
Habituellement on partait à la fin mars ou au commencement d’avril, pour ne rentrer qu’en septembre ou en octobre, suivant ce qu’on devait faire et suivant le temps qu’on avait eu.
Le nombre de ceux qui allaient aux briques était toujours élevé. Voici ce que nous lisons dans un journal d’il y a 90 ans (3) :
« Depuis quelques temps, notre gare est chaque jour » encombrée par de nombreuses bandes d’ouvriers briquetiers » engagés par des entrepreneurs étrangers et qui vont travailler » en France, en Suisse, en Italie et même en Russie. Les trains » spéciaux de la Compagnie du Nord emportent ces braves et » courageux ouvriers vers leurs lointaines destinations. Depuis » longtemps, le nombre de ces émigrants n’avait été aussi considèrable que cette année et on peut sans nulle exagération évaluer » à plus d’un tiers de la population ouvrière de nos » environs le nombre de briquetiers partis et qui, presque tous, » sont des communes de Jumet, Ransart, Dampremy, Montigny-surr-Sambre, Roux et Courcelles… ».
(2) Journal de Charleroi du 3-1X-1874.
(3) Le Progrès de Charleroi du 22-IV-1869.
(p.342) En 1873, ène gazète dit qui durant bén dès djoùs, il a passé à Lîdje dins lès coutoûs di 800 omes, feumes èyèt èfants vènant d’ Djumèt, Gochelî, Courcèle, Pont-à-Cèle, Vîvèle et Manâdjje s’ rindant à Hambourg (Allemagne) min.nés pa in entreupreuneûr bèlje qui d’veut fourni 4.500 briketeûs pou fé 150 milions d’ brikes (4).
« Ce qui caractérisait ce départ, dit l’ gazète en question, c’étaient les enfants de l’âge de 8 à 10 ans, » qui étaient extrêmement nombreux et qui voyagaient » très gaiement, fumant presque tous la pipe ».
On a circulé qu’ en twès djoûs, en 1861, il est parti dès stacions d’ Gochelî, du Roû, d’ Marciène èyèt d’ Chalèrwè au moins 2.000 briketeûs pou difèrents payis (5).
(à complèter / à compléter)
Jules Vandereuse, Roger Pinon, Contributions à l’étude de la briqueterie en Wallonie, Comm. Roy. B. de Folklore, T9-14, 1956-1961, p.322-381
Où? Prov. Li/Lux/Na/Brab/Hainaut
(p.328) Des BRIKETEÛS flamands et wallons furent engagés pour la Russie (fin du 19e s.) (d’était courant) (on les trouve aussi en F, ESP, Prusse, D, Ch, I, Turquie).
(p.334) Leur patron: St Pierre
(p.342) Des enfants de 8 à 11 ans suivaient ceux qui partaient de la sorte pour être des manoeuvres et ils fumaient presque tous la pipe.
Les femmes partaient avec leur mari (ex. à Hambourg en 1873) (de mars/avril à sep./oct.)
(p.343-344) Arrivés sur place, ils se faisaient encore une petite baraque en brique.
Robert Arcq, Lès briketeûs (4), in : EB, 443, 1992, p.26
La cuisson
Les briques sont enfin sèches et la campagne tire à sa fin. Il est possible maintenant de passer à la phase finale: on va cûre lès brikes, on va cuire les briques. C’est généralement un spécialiste, èl cûjeû, le cuiseur, qui dirige les opérations et aprèsse èl fournéye, prépare les briques pour la cuisson et dirige celle-ci. Le cuiseur doit d’abord estimer le volume à cuire et trace sur le sol le plan de base en rapport avec ce volume, pou n’ nin vèsse oblidji d’ monter l’ fournéye trop waut, pour ne pas être obligé de donner une trop grande hauteur au massif de briques à cuire. Les premières couches de briques, lès preumîs tas, sont formés de briques déjà cuites qui vont constituer la sole du four et qui ne peuvent pas s’écraser sous le poids énorme qu’elles vont supporter. On monte ainsi les six premiers tas en y ménageant des sortes de tunnels horizontaux communiquant à des puits verticaux de la largeur d’une brique. Ces puits seront ensuite remplis de charbon fin. Le sixième tas est recouvert de charbon fin sur toute sa surface. Au moyen de fagots enfoncés dans les tunnels on peut maintenant mettre le feu au four en veillant à ce qu’il se répartisse régulièrement. Pendant ce temps, lès bèrwèteûs amènent des briques crues au cûjeû qui les étale côte à côte sur le charbon fin. Toutes ces briques sont posées sur chant afin que le feu puisse agir plus facilement sur elles. Tous les trois tas, on étale une couche de charbon fin que l’on apporte dans dès mandes a tchèrbon, sorte di p’titès mandèrlètes d’ osiér’, des petites mannes à charbon, sortes de petits paniers d’osier qui se passent de main en main depuis l’ kèrdjeû qui les remplit au tas, jusqu’en haut de la fournée. Tous les soirs, on plake èl toûr dès tas qu’ on-a mîs deu l’ djoûrnéye aveu d’ l’ ârzîye machîye aveu du strin hatchi, on crépit la face extérieure des tas qu’on a posés de la journée avec de l’argile mélangée à de la paille hachée. La chaleur est ainsi maintenue à l’intérieur du massif et les briques extérieures sont elles aussi bien cuites. Grâce à la paille hachée, le mortier ne se gerce pas. Pendant ce travail, le feu monte lentement de tas en tas. Il faudra veiller à ce qu’il ne monte pas trop vite, car il deviendrait impossible de se tenir sur la fournée. Le réglage se fait en bouchant ou en ouvrant les tunnels d’amenée d’air au pied du massif. Si le vent s’élève, on fét in ravint aveu dès gluwères pou garanti l’ fournéye, on fait un pare-vent avec des paillassons pour protéger la fournée.
Il arrive un moment où la fournée devient si haute qu’il devient trop difficile et trop fatiguant d’y jeter les briques et le charbon depuis le sol jusqu’aux ouvriers perchés sur le sommet. Aussi établit-on un échafaudage, èl pont, constitué de planches posées sur dès crampes, barres de fer assujetties dans la masse de briques. Les ouvriers juchés sur ces planches travaillent à pont et reçoivent les briques ou les paniers de charbon qu’ils relancent à ceux qui les disposent sur le dessus de la fournée.
Quand l’ fournéye è-st-a wauteû, lorsque la fournée est achevée, on l’ ascrouve, on la couvre d’une épaisse couche de cendrée ou de sable afin d’isoler complètement le feu et le forcer à couver. La réussite de la fournée dépend en grande partie du cuiseur, qui doit non seulement min.ner s’ feu, conduire son feu, mais aussi éviter les affaissements dans la masse de briques, affaissements qui pourraient survenir à la suite de la plus grande activité du feu à l’intérieur de la masse que sur les parements. Il réduit cet inconvénient en ravalant lès bordures, en abaissant les bordures, c’est-à-dire en plaçant les briques à plat au lieu de les mettre sur chant sur le tour de la fournée. De même il veillera à serrer un peu plus les briques des tas qui vont recevoir le charbon afin d’éviter que celui-ci ne coule vers le bas, qui n’ chite. La cuisson d’une fournée dure près d’un mois et il arrive souvent que lorsqu’on disfourne, qu’on détourne la masse après refroidissement, le centre du massif soit encore rouge.
2. Lès briketerîyes pa réjion / Les briqueteries par région

Tchèslèt (Châtelet) - briketrîye / briqueterie
(in: Marcel Nihoul, et alii, Physionomie du passé économique au pays de Châtelet, Société d’ histoire “Le vieux Châtelet”, 2006)
(à complèter / à compléter)
3. Scrîjadjes / Littérature
En cours…
4. Varia
En cours…
manières vivre passé briquetier manières vivre passé briquetier manières vivre passé briquetier
manières vivre passé briquetier manières vivre passé briquetier manières vivre passé briquetier
Arlon (Arel en arlonais1 et en allemandn 1) est une ville francophone de Belgique située en Wallonie. Il s’agit du chef-lieu de la province belge de Luxembourg, elle est également chef-lieu de son arrondissement administratif. L’ancienneté de la ville remonte à la période gallo-romaine. La langue luxembourgeoise y a longtemps été traditionnelle2,3. La ville est aujourd’hui un grand centre administratif et commercial dans la région. C’est l’agglomération la plus peuplée du Pays d’Arlon. Le secteur tertiaire, notamment l’enseignement, y développe ses activités (faculté universitaire et enseignement secondaire). Arlon (Arel en arlonais1 et en allemandn 1) est une ville francophone de Belgique située en Wallonie. Il s’agit du chef-lieu de la province belge de Luxembourg, elle est également chef-lieu de son arrondissement administratif. L’ancienneté de la ville remonte à la période gallo-romaine. La langue luxembourgeoise y a longtemps été traditionnelle2,3. La ville est aujourd’hui un grand centre administratif et commercial dans la région. C’est l’agglomération la plus peuplée du Pays d’Arlon. Le secteur tertiaire, notamment l’enseignement, y développe ses activités (faculté universitaire et enseignement secondaire). Arlon (Arel en arlonais1 et en allemandn 1) est une ville francophone de Belgique située en Wallonie. Il s’agit du chef-lieu de la province belge de Luxembourg, elle est également chef-lieu de son arrondissement administratif. L’ancienneté de la ville remonte à la période gallo-romaine. La langue luxembourgeoise y a longtemps été traditionnelle2,3. La ville est aujourd’hui un grand centre administratif et commercial dans la région. C’est l’agglomération la plus peuplée du Pays d’Arlon. Le secteur tertiaire, notamment l’enseignement, y développe ses activités (faculté universitaire et enseignement secondaire). Arlon (Arel en arlonais1 et en allemandn 1) est une ville francophone de Belgique située en Wallonie. Il s’agit du chef-lieu de la province belge de Luxembourg, elle est également chef-lieu de son arrondissement administratif. L’ancienneté de la ville remonte à la période gallo-romaine. La langue luxembourgeoise y a longtemps été traditionnelle2,3. La ville est aujourd’hui un grand centre administratif et commercial dans la région. C’est l’agglomération la plus peuplée du Pays d’Arlon. Le secteur tertiaire, notamment l’enseignement, y développe ses activités (faculté universitaire et enseignement secondaire).