Vikâdje à Fritchapèle èyèt dins s’ comune

Vie à Froidchapelle et dans sa commune

Viker à Èrpiyon au c’mincemint du XXe sièke  / Vie à Erpion au début du XXe siècle

(Erpion au début du 20e siècle)

Maurice Ducarme est né en 1900, à Erpion. Son père avait été nommé instituteur dans ce village en 1890. Sa mère aussi était institutrice.

Il entre dans l’école de son père vers 1906. Et «comme un fils d’instituteur» continue

ses études, il devient pensionnaire à Malonne.

« Il y avait 2 professeurs par classe, un frère et un laïc, pour les 24 heures de la journée. Il y avait au moins deux frères par dortoir, de 21 h à 5 h. La messe avait lieu à 6 h. Le titulaire venait à 6 h 30. La journée commençait par une réflexion. Après, temps libre; puis, déjeuner. Les cours débutaient à 8 h ».

En 1915, Maurice Ducarme entre à l’Ecole normale.

Il consacrera sa vie à l’enseignement

 

Maurice DUCARME (1900)

 

La vie à Erpion, au début du siècle

 

Le village

 

Les villageois possédaient souvent un potager. «Nous avions un jardin de 13 ares, près du ruisseau. On cultivait tous les légumes. Pendant la guerre 14-18, on a même cultivé du tabac».

 

Des ouvriers agricoles travaillaient dans les fermes et se louaient. Ils gagnaient 4 fr par jour; ils étaient nourris; et logés, au-dessus des étables souvent.

Des équipes fauchaient les champs, par carré.

« Comme partout au début du siècle, les ménagères cuisaient leur pain. Peu à peu, deux coopératives passèrent. Il y avait aussi quelques petits magasins, une quincaillerie ».

 

Les moyens de transport étaient fort réduits. « Les gens marchaient à pied, sur des routes en terre, étroites. Il y avait la diligence de Sivry-gare à Sivry-frontière; des chariots attelés de chevaux; et vers 1905, les premières voitures ».

 

Le téléphone, les premiers avions, le cinéma, avec les premiers Charlot, introduisent dans le village une touche de modernisme, dès 1910.

 

Le dentiste

 

«Bastien, l’instituteur qui précédait mon père, était aussi dentiste. Il arrachait les dents sans anesthésie. Dans les petits villages, beaucoup d’instituteurs étaient aussi dentistes ou vétérinaires ».

 

 

Le sabotier

 

Le travail du sabotier requérait de l’habileté. Il fallait d’abord choisir judicieusement les arbres que l’on débitait avec une scie. «Un ouvrier était dans une fosse, l’autre au-dessus. L’arbre était couché verticalement et on le débitait en tranches. On mettait alors les bois sur des chariots; c’était du saule, du hêtre, du bouleau ».

 

Les planeurs donnaient la forme extérieure du sabot. Les creuseurs utilisaient des gouges pour

enlever les copeaux de bois et affiner le sabot. Les femmes, très souvent, décoraient les

sabots: c’était un décor de fleurs, obtenu par des gouges de différents calibres; les

sabots étaient peints en noir et vernissés.

 

Le maréchal-ferrant

 

Son activité était importante dans le village: il forgeait tous les fers à cheval de tous

les chevaux. « Il fabriquait lui-même les fers au marteau, après les avoir chauffés»

Il façonnait aussi la ferrure des roues de chariot. Il prenait une bande de fer qu’il mettait

à la longueur voulue. Il tournait, à la chaleur et au marteau, les roues qui devaient encercler les roues du chariot. Il chauffait les deux extrémités et perçait des trous pour faire passer les

écrous ».

Coumincemint dè XXe sièke – Fabricâcion dès chabots à Boussu, Èrpiyon èyèt Fritchapèle 

Début du XXe siècle – Fabrication des sabots à Boussu-lez-Walcourt, Erpion et Froidchapelle

Georges Ducarme, La fabrication des sabots, in : EMVW, 11-12, 1926, p.337-366

 

 

(p.339) 1 L’atelier du Sabotier, XIXe siècle

L’atelier  du sabotier est généralement construit près de sa demeure; presque toujours, il est très bas et percé de minuscules fenêtres. Mais il y a, une soixantaine, d’années, la saboterie avait conservé son caractère primitif d’industrie forestière ; le voiturage des arbres étant rendu très difficile par ta rnauvais état des routes, les équipes de sabotiers se transportaient au cœur de la forêt, dans des coupes (lès tayes) et y  construiraient des huttes (iutes), au moyen de branchages, de terre et de gazon, comme en font encore nos ouvriers forestiers. (Note de M. G. Ducarme, Région de Beaumont, Fig. 1 et 2)          

(p.340) Ces huttes forestières, que les sabotiers quittaient seulement le dimanche pour regagner leur village, ne se rencontrent plus en Ardenne. Les ateliers sont, de nos jours, concentrés dans les agglo­mérations. Parfois, plusieurs familles travaillent en commun dans _ un local unique. L’atelier comporte généralement deux parties : la barake, où se font les principales opérations; le carin, sorte de hutte ou hangar, se trouvant près de la baraque, et où l’on ébauche les sabots. (Note de M. le notaire H. Bourguignon, à Aye. Ré­gion de Laneuville-au-Bois. Fig, 3, 4 et 5.)                       

 

  1. — Enquête dans le canton de Beaumont, XIX’ siècle. Localités et origine.

Dans le canton de Beaumont, la saboterie (chaboterîe)  avait jadis un centre important à Sivry. Cette commune possède encore un petit nombre de sabotiers (chabotîs) travaillant à la main. Leur travail est réputé et le sabot (chabot) genre de Sivry est recherché. On trouve également quelques saboteries traditionnelles à Boussu-lez-Walcourt, Erpion, Froidchapelle et Solre-St-Géry. Quelques (p.341) sabotiers travaillant isolément à Rance, Montbliart et Fourbechies. Quand cette industrie «’est-elle implantée dans, la région ?  Il est difficile de le préciser. Les monographies régionales que nous avons consultées sont muettes à ce sujet. (1)     

 

(1) M. Feller, se fondant sur les noms des outils et les autres termes du métier, pense que notre saboterie est d’origine française.  (M. V. W.)      

 

(p.342) Les bois

 

Les patrons sabotiers utilisent pour la confection de leurs sabots des arbres dits « bois blancs »   (bosblancs),  tels que bouleau (boulî),  tremble (triyane), aulne (agnau), hêtre (fau), platane (plane), saule (sau),  etc.  Ils se les procurent tantôt aux ventes publiques (martiaus)  des bois communaux ou domaniaux, qui se font généralement en octobre; tantôt en les achetant à des proprié­taires particuliers ou à des marchands de bois.

Pour les estimations ou les acquisitions, le cubage des bois de saboterie se fait aujourd’hui suivant le système métrique. Il n’est cependant entré en usage que depuis quelques années, les sabotiers ayant continué longtemps à cuber en « solives » (7 solives 24 for­mant mètre cube). La « solive » se divisait en 6 pieds cubes.

Les maîtres sabotiers font amener leurs arbres par l’intermédiaire de voituriers (tchèrons), aux abords de leurs saboteries. Ils les font décharger sur des traverses faites avec des coupètes (parties extrêmes (p.343) des troncs) et placées au-dessus du fossé, bordant la route.

En attendant leur utilisation et pour éviter un séchage prématuré (ce bois devant se travailler, vert), ils les recouvrent de gazons (wazons) ou de branchages (ramîs). Par ce moyen on évite que le bois ne se « craquelle » inconvénient appelé sbîlâdje.

 

Les ouvriers

 

Il existe deux catégories bien distinctes d’ouvriers sabotiers (fig.6): les planeurs (planeûs) et les creuseurs (creûseûs). Il est rare qu’un sabotier sache les deux métiers. Celui de planeur est plus estimé; il nécessite un apprentissage (apruntissâdje) d’au moins un an, tandis qu’on peut devenir bon creuseur au bout de trois mois. La distribution du travail dans une saboterie se combine donc par couple d’ouvriers; mais le creuseur pouvant donner un rendement un peu supérieur, un atelier bien organisé comporte un planeur supplémentaire par trois ou quatre couples.

 

Les phases du travail

 

Voici comment la besogne se répartit traditionnellement (2) :

1 Préparation de l’outillage (afutâdje dès-ostis). — Le lundi

 

(2) Les noms des outils m’ont été signalés par M. Camille Balle, ancien maître sabotier à Rance, actuellement chef de fabrication à la Saboterie méca­nique Saint-Joseph, à   Cerfontaine. M. Louis Lefranc, de Froidchapelle, ancien sabotier, m’a  renseigné sur les mesures  usitées  autrefois en saboterie, ainsi que sur la classification des sabots et la rémunération ancienne des sabotiers. (G. duCaRme)                

 

(p.344) matin, les creuseurs et les planeurs mettent respectivement leur outil­lage en état, car il est indispensable, pour faire de la bonne besogne, que les outils soient bien tranchants (à tayant). Suivant le genre d’outil, on burine, on rûje (affile) ou on lime.

 

  1. Préparation des bois. — Tous les jours, vers 16 heures, les planeurs et les creuseurs se mettent deux à deux pour préparer le bois nécessaire au travail d’une journée. Ils installent deux chevalets (baudèts) sur le bord de la route, ils y hissent un tronc d’arbre (tronce) et, avec une scie, dite èrcèprèce ou grande sôye, ils découpent (èrcèpetèt) des tronçons (plotes) à la longueur des sabots à façonner (fig. 7).

 

3 Fendage, des tronçons (findâdje dès plotes). — Ensemble encore, les ouvriers fendent (findetèt) les plotes à l’aide d’un gros maillet (massuwe) et d’une hache (hatche), de manière à obtenir le plus grand nombre possible de petits blocs (quartîs) de la gros­seur des sabots à façonner. Les déchets du fendage se nomment méfintes (fig. 8).

 

  1. Dégrossissage (ablokâdje). — Le planeur reprend les quartîs et, sur un bloc (blo), fait d’une culée montée sur trois pales, il lès dégrossit (abloke) grossièrement, par paire, au moyen d’une hachette (hatchète). Il donne alors un coup de brakèt (petite scie) pour limiter le talon, qu’il forme ensuite à l’aide du oyau (hoyau). Les déchets de l’ ablokâdje s’appellent des skètes dè chabotî (fig. 9 et 10).

 

(p.345) 5. Planage (planâdje)- Ce même ouvrier porte les sabots ablokès sur son établi (cape) et les plane à l’aide d’une longue lame tranchante retenue à la cape par un crochet (agnau)

(p.346) fixé à son extrémité. Cette lame se manie à l’aide d’une poignée en bois (pognîe) placée à l’autre extrémité (fig. l1 et 12). Il forme ensuite les talons au moyen d’une talonière dè planeû, fixée de la même manière. Il les achève en se servant d’un canif à manche ferme et d’un scrèpwè (grattoir). Les déchets (planûres) qui res­tent sur la cape appartiennent au planeur.

 

(p.347) 6.; Creusage (creûsâdje) – Les sabots planés passent alors au creuseur, qui les cale (acoch’te) par paire sur sa coche, à l’aide de cales (fig. 13). Il creuse (gouchète) la partie découverte du sabot au moyen d’une gouge (goûdje) en fer qu’il enfonce dans le bois à coups de maillet (mayèt) (fig. 14). Ensuite il talone, en  se ser­vant d’une talonière dè creûseû (fig. 15), puis il évide la partie couverte du sabot à l’aide, d’un tèréle (tarière) (fig. 16) et d’une culière (cuillère). Enfin, il nettoie (rassonre) les sabots avec une graterèce, puis achève le talon au boutwè et à la rwine (3), outils qui enlèvent les dernières aspérités (fig.17 et 18). Les déchets (creûsures) qui restent sur la coche sont abandonnés au creuseur. (fig. 19):

 

  1. Débordâdje,dérètâdje – Le planeur reprend une pile de sabots, s’assied sur un chame (trépied) et rabat les bordures extérieures à l’aide du canif. C’est le débordâdje. Pendant ce temps, le creuseur, opérant de même, rabat les bordures intérieures. C’estle dérètâdje. Il fait un trou de viyète sur le côté de chaque sabot

 

(3) On dit eune rwine, mais l’ èrwine.

 

(p.348) pour permettre de les lier par paire, opération qui s’appelle l’acouplâdje.     

                

  1. Atchapelâdje, èrlîvradje. — A la fin de la semaine, les sabo­tiers font l’atchapelâdje, ou mise en chapelets, des sabots pour les r’livréy au patron. Comme le travail est rémunéré d’après le nombre de paires façonnées, ils forment des tchapelèts de 13 paires, pour les sabots de mesure épurante. Les paires sont superposées, en alter­nant le sens, de pwinte à make, et liées au moyen de haurts (harts), ligatures faites de tiges de coudrier (coûre) tordues, que les ouvriers ont été préalablement couper dans les bois voisins, en vertu d’un droit que leur reconnaît un usage immémorial.

 

  1. Salaires, mesurage. — Les ouvriers font ensuite leurs comptes avec le patron sabotier. Jusqu’en 1914,  les planeurs recevaient 17 francs pour façonner une centaine de paires ou, plus exactement, 104 paires, formant 8 chapelets de  13. Les creuseurs gagnaient 15 francs pour la même quantité. Les sabots de femme (lès feumes) servaient de base pour le calcul des salaires; ils comprenaient tous les sabots, de 9 à 10, pouces. Les pètits, c’est-à-dire ceux qui mesu­raient moins de 7 pouces, étaient payés à raison de « deux pour un »; les chapelets en contenaient 26 paires. Les sabots de taille intermédiaire, c’est-à-dire de 7 à 9 pouces, s’appelaient les scolîs (écoliers) et étaient payés à raison de « trois pour deux ». Pour les sabots d’hommes de 10 pouces et plus, l’ouvrier recevait un sup­plément.

Le mesurage se faisait et, parfois, se fait encore, à l’aide d’une petite mesure (mèsure) en bois, qui n’est autre que l’ancien pied (p.349) du Hainaut (0m324) divisé en 12 pouces (0m027), le pouce en 4 points et le point en 3 lignes.

 

10 Fleûretâdje — Le travail des sabotiers étant terminé, les chapelets de sabots vont au fleûretâdje, c’est-à-dire à l’ornemen­tation. Celle-ci s’effectue à l’aide de grifèts, outils tranchants, ou par l’application de fers chauds. Suivant les localités, ce travail est fait à la saboterie même ou est confié à des femmes, qui l’effec­tuent, à domicile. Les sabots de femmes surtout sont agrémentés de jolis fleûretâdjes, dont le motif central est généralement une mar­guerite (fig. 20).

 

  1. Séchage (sètchissâdje), enfumage (afunkâdje), noircissage (machurâdje). – Les chapelets reviennent à la saboterie, où on les installe, pour sécher sur des claies (clôyes), suspendues au-dessus d’un feu ouvert entretenu par des déchets (planûres et creûsûres) qui dégagent, en brûlant, une fumée épaisse, ces déchets provenant de bois verts. Autrefois, les sabots étaient hissés dans de larges cheminées où ils étaient enfumés (afunkâdje); à présent, on se contente de les noircir (rnachurâdje) après les avoir dèstchapelés (fig.21). On les vernit, puis on les ratchapèle. Parfois, le noircissage précède l’ornementation au couteau. Depuis quelques’ (p.350) années, beaucoup de sabots de femmes sont teintés en rouge grenat et ornés de décalcomanies.

Les sabots terminés sont enfin livrés au commerce. C’est au début de l’hiver qu’a lieu la grande vente (fig, 22).    

 

1926 Georges Ducarme.

 

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