Grammaire générale wallonne – Introduction

GRAMMÉRE JÈNÈRÂLE DO WALON

Grammaire générale du wallon

0. INTRODWÎJADJE

0. Introduction

Roger et Johan Viroux

Copyright 2021

Abréviations utilisées pour désigner les 4 dialectes du wallon

 

C centre-wallon (le dialecte central) (grosso modo: la province de Namur, le centre et l’est du Brabant wallon)
E est-wallon (le dialecte oriental) (g. m.: la province de Liège et le nord du Luxembourg)
O ouest-wallon (le dialecte occidental) (g. m.: le sud, l’est de la province du Hainaut)
S sud-wallon (le dialecte méridional) (g. m.: le centre de la province du Luxembourg et le sud-est de la province de Namur)

 

0.1   La langue wallonne

0.1.1   Comment le wallon est-il né?

 

Le latin a éliminé la langue que les Belges parlaient avant César. Nos ancêtres ont adopté cette langue en la modifiant. Ce n’était pas le latin classique du De Bello Gallico parlé par les hauts fonctionnaires et les officiers supérieurs que les peuples des pays occupés par les Romains ont adopté, mais le latin vulgaire. Ce dernier était parlé par les soldats romains dont les contacts avec la masse des soldats romains étaient en effet plus fréquents à cause du nombre et de la moins grande différence de rang social.

Pourquoi ont-ils adopté cette langue ? Elle leur était imposée: ils étaient administrés en latin.

Elle était également le véhicule d’une civilisation plus poussée, plus raffinée que la leur, et elle leur faisait connaître des objets dont ils ne soupçonnaient pas l’existence et pour lesquels ils n’avaient pas de mots prêts, de même que nous apprenons, de notre temps, les noms anglais de certaines choses en faisant leur connaissance. La supériorité sociologique des Romains par rapport aux Belges vaincus explique que ceux-ci ne se soient pas contentés d’emprunter du vocabulaire, mais aient changé de langue. Ce processus a d’ailleurs duré 5 siècles, et l’Eglise catholique, dont la langue véhiculaire était le latin, a consolidé cette influence en la prolongeant jusqu’il y a quelques années.

Ainsi sont nées les 9 langues romanes: le portugais, l’espagnol, l’italien, le catalan, l’occitan, le romanche, le roumain, le français et le wallon, parlé dans le sud de la Belgique (Wallonie) et en France, dans la Botte de Givet. Certains linguistes considèrent que le sarde et le corse sont aussi des langues à part entière.

0.1.2   Le wallon comprend 4 dialectes:

 

1    Le centre-wallon (la province de Namur, l’est et le centre du Brabant wallon (Jodoigne, Wavre));

2    L’est-wallon (± la province de Liège et le nord de la province du Luxembourg, mais pas les Ostkantone (Cantons de l’Est), germanophone);

3    L’ouest-wallon (l’arrondissement de Charleroi, l’ouest du Brabant wallon (Nivelles) (donc sans la région picarde (Ath, Tournai, Mouscron où on parle le rouchi (variété du picard proche du wallon);

4    Le sud-wallon (la province du Luxembourg sauf la Gaume (Virton), où on parle le gaumais, dialecte lorrain proche du wallon, et la région d’Arlon, dont la langue est le luxembourgeois).

NB    Le romanche (Suisse) est partagé en 5 dialectes dont 3 parlés par des catholiques et 2 par des protestants ! Parlé par 50.000 personnes seulement, il est enseigné depuis l’école gardienne (scolettas). Il est considéré officiellement comme la 4e langue de la Suisse. Il est vrai qu’il n’est pas confronté au français, mais à l’allemand.

0.1.3   Orthographe

 

0.1.3.0   L’orthographe de la langue wallonne est codifiée. Elle a été établie en 1900 par un philologue verviétois, Jules Feller. Elle est valable pour toutes les variétés du wallon.

Si elle est beaucoup plus rationnelle que celle du français, son créateur a eu néanmoins le souci pour ne pas dérouter les utilisateurs qui n’apprenaient à l’école à écrire et à lire que le français, de ne pas trop s’écarter de l’orthographe française, ce qui handicape celle du wallon.

 

0.1.3.1   Un exemple qui prouve la meilleure rationalité du wallon par rapport au français:

Le français a 46 orthographes possibles pour le son /o:/ (o long), le wallon n’en a plus que 8. Mais le néerlandais, par contre, n’en a que deux.

 

0.1.3.2   Les règles principales qui distinguent le système orthographique wallon du système français sont:

1) Quand on ne prononce qu’une seule consonne, on n’en écrit qu’une.

                 Par exemple: (F) chariot charrette (W) tchaur tchèrète

2) Un « e » prononcé porte toujours un accent. Toujours le même pour le même son.

                Par exemple: (F) les /ε/ très /ε/ chers /ε:/ frères /ε:/ (W) Dj’ a frèd mès brès; djè lès r’tchaufe.

3) Une voyelle longue est toujours surmontée d’un accent circonflexe (sauf « au »).

                Par exemple: (F) hôpital (son bref !) zone (son long !)  (W) bwâre, bîter, boû, braîre, bûre.

4) « y » rend le son /j/, alors que le français le rend par « y, hi, ll, il, ill, illi », etc.

                Par exemple: ouy, vîy, vîye, baye.

5) « g » se prononce toujours (sauf dans des mots correspondant au français : rang, song,…) et  « j » toujours comme dans « Jean », alors que le français prononce :

     a) /g/ : Gaston, gagner

     b) le « j » de « Jean » : gendre, geôle et dérivé « enjôler » de « geôle »!, etc.

 

Malheureusement l’imitation obligée du système du français handicape le wallon, par exemple:

     a) dans l’emploi de « c, ç, s et ss » pour le même son /s/;

     b) dans l’emploi de consonnes muettes, par exemple: pîd (même de consonnes muettes qui ne se justifient pas étymologiquement: pwèds).

0.1.4   Syntaxe ou l’ordre des mots

 

0.1.4.1   Différences dans la formulation de questions.

Par exemple :  

     (F) Avec qui travailles-tu? 

     (W) Avou qu’ èst-ce qui vos boutez? Qu’ èst-ce qui vos boutez avou?

 

0.1.4.2   Prépositions

Par exemple :

     (F) être fâché CONTRE (opposition)

     (N) boos zijn OP (appesantissement)

     (D) böse sein AUF (idem)

     (E) to be cross/angry WITH (échange)

     (I) essere arrabbiato CON

     (ESP) ser enfadado CON

     (W) ièsse /èsse mwaîs/måva APRES (direction) / SU (appesantissement)

            (cf : Dj’a vèyu on tél; i ‘nn aleûve après / su Nameur )

 

Parfois, le (W) fait comme le (F), alors que le (N) a une solution différente.

Par exemple :

(W)

dispûs èyîr

à timps

à vélo

au tchwès

dins iût djoûs

(F)

depuis hier

à temps

à vélo

au choix

dans huit jours

(N)

SINDS gisteren

OP tijd

MET de fiets

NAAR keuze

OVER 8 dagen

 

Parfois le (W) fait comme le (N) alors que le (F) a une autre solution.

Par exemple :

(W)

SU l’ preumî momint

do cafeu AVOU do lacia

SU l’ mârtchi

È m’ place

(N)

OP het eerste ogenblik

koffie MET melk

OP de markt

IN mijn plaats

(F)

au premier moment

du café au lait

au marché

à ma place

 

Parfois le (W) a sa solution particulière, alors que le (F) et le (N) font la même chose.

Par exemple :

(W)

di doû

su l’ gazète

(N)

IN de rouw

IN de krant

(F)

EN deuil

DANS le journal

 

Parfois les solutions du (W), du (N) et du (F) sont toutes trois différentes.

Par exemple :

(W)

À plin djoû

È scole

À ç’ momint-ci

ritche DI

È l’ maujo

DÈ l’ samwin.ne

(N)

BIJ klaarlichte dag

OP/IN school

OP dit ogenblik

rijk AAN

Thuis

IN de week

(F)

EN plein jour

A l’école

EN ce moment

riche EN

A la maison

PENDANT LA / EN semaine

 

Des verbes, transitifs dans une langue, peuvent ne pas l’être dans l’autre.

Par exemple :

(W)

cachî APRES

dimander APRES

raviser

(F)

chercher

demander

ressembler à

 

0.1.4.3 Le verbe réfléchi

Par exemple :

(F)

accoucher

(W)

1 acoûtchî

     Le docteur qui a accouché ma femme.      Li médecin qu’ a acoûtchî m’ feume.
  2 s’ acoûtchî
      Ma femme a accouché      Mi feume s’ a acoûtchî.

 

0.1.5   Sémantique

 

Des centaines d’expressions stéréotypées sont typiques du wallon.

Par exemple :

(W) (F)
awè l’ finance être riche
awè s’ mwin faîte être entraîné
awè l’ plantchète être refoulé
awè one broke ne pas réussir
awè s’ pwin cût (èt sès bougnèts sètchs) être parvenu à l’aisance
ènn’ awè avant garder rancune
ènn’ awè pèsant être peiné
causer à spèsse linwe zézayer
causer doûs à flatter

 

Tout ceci vaut d’être conservé. Cela nous amène naturellement à faire appel à un enseignement organisé de notre langue.

  0.1.6  Objections à l’égard du wallon

0.1.6.1   Manque d’unité / Le wallon diffère d’un endroit à l’autre.

 

Ceci est vrai pour toutes les langues. Même là où un dialecte a écrasé tous les autres comme le Mercian (dialecte de Londres) en Angleterre, le francien (dialecte de Paris) en France, le castellano (dialecte de Madrid) en Espagne, …, partout des différences subsistent.  On ne parle pas l’espagnol à Granada comme à Séville, le français à Nancy comme à Caen. De même en Allemagne, où sont parlés 10 dialectes, bien vivants. Ainsi, le sud de ce pays vous souhaitera bonjour par un « Grüss Gott! » tandis que le reste du pays dira « Guten Tag ! »

« Même s’ils s’entendent parfaitement, les Français ne s’accordent pas, par exemple, sur la façon qui consiste à mêler la salade : les uns la touillent, d’autres la brassent ou la fatiguent. » (Henriette Walter, in: La Libre Belgique, 17/02/1999)

Il est heureux qu’une uniformisation programmée ne soit pas allée jusqu’au bout. Là où une trop grande uniformisation est atteinte, l’inhibition de création amène à la formation d’un langage parallèle, imagé mais souvent grossier, comme le cockney à Londres, l’argot à Paris, le Bargoens à Amsterdam, … Les différences ne doivent pas être exagérées : au maximum 1000 mots différent sensiblement. Par exemple, le cas extrême qu’on peut citer, mais qui est unique : pètote – canada – crompîre – truk – cârtouche pour le français pomme de terre, patate. La plupart n’ont d’ailleurs que deux formes différentes ; les apprendre revient à apprendre des synonymes. On en retient aussi en français. Par exemple: se dépêcher – se hâter – se grouiller – se presser – faire diligence – se magner. Un autre exemple: les formes indiquant un milieu : demi- (un demi-dieu, un demi-frère, …), hémi- (hémiplégie, hémisphère), mi- (mi-août ; mi-figue, mi-raisin), semi- (semi-conducteur, semi-fini).

 

Les variations d’une région à l’autre ressortent d’ailleurs la plupart du temps à un système général.

      ouest-wallon :      biau capiau

      centre-wallon :    bia tchapia

      est-wallon :           bê tchapê

 

A propos de l’unité du wallon, voici des avis de savants linguistes, dont la renommée n’est plus à faire :

« Une mosaïque n’est-elle pas transcendée dans une unité supérieure ? » (Willy Bal, in: Discours, Colloque à Huy, 10/11/1990, 1990). Comme toute langue, le wallon, composé de dialectes, eux-mêmes constitués de parlers, ne présente-t-il pas une certaine unité ?

Citons à ce sujet Louis Remacle (ULG) : « Etant donné que la syntaxe wallonne varie peu d’une région à l’ autre, il me paraît certain qu’en étudiant avec soin l’usage d’une localité wallonne, on éclaire d’une façon très satisfaisante l’usage du domaine wallon tout entier.” (1952,13). Pour Omer Bastin, nos patois (sic) tendent à s’unifier sous l’influence des grands centres proches et de la multiplication des moyens de communication qui favorisent les contacts. (1969,5)

Et le français? Dans le « Dictionnaire de la prononciation française dans son usage réel » (André Martinet), on relève sur les 50.000 mots les plus courants du français, 10.000 mots, soit 20 %, sur la prononciation desquels les dictionnaires ne sont pas d’accord! Parmi ces 20 % de mots, plus de 10 % ont deux prononciations, 4 % en ont trois et 4 % plus de trois. Et les différences à Paris même sont plus courantes qu’on ne le croit !

 

0.1.6.2   Les dialectes wallons sont des dialectes du français.

 

C’est inexact.  Ce sont des dialectes submergés par le français, mais qui forment la langue wallonne, comme les dialectes frisons forment le frison, les dialectes bretons forment le breton, les dialectes catalans forment le catalan, les dialectes occitans forment l’occitan, etc.

Notre langue a sa phonétique, son vocabulaire, sa grammaire (morphologie et syntaxe) et son génie propres (proverbes, dictons, expressions). La littérature wallonne a un caractère bien particulier et le wallon est le véhicule de traditions, d’un folklore, d’un way of life qui n’appartiennent qu’à nous. Certains basent leur critique sur le fait qu’on dit « oyi » (/ « awè ») en wallon et « oui » en francais, ce qui n’est pourtant pas tout à fait la même chose. Ainsi, on dit « ja » entre autres en danois, en néerlandais et en breton.  Personne ne niera pourtant qu’il s’agit de trois langues différentes.

Au 13e siècle, les Wallons auraient, de leur plein gré, sans aucune pression politique, choisi le français comme langue de culture. Les Wallons n’ont rien choisi du tout. Se figure-t-on qu’on ait organisé un référendum auquel des manants illettrés et soumis à leur seigneur auraient participé ? En 1846, sur 4.200.000 Belges, seuls 44.000, soit 1 % avaient le droit de vote ! On se demande donc quelle poignée d’aristocrates décidaient au 13e siècle pour le peuple exploité, qui se contentait de survivre. Quand on a donné le droit de vote au peuple, après que l’industrialisation eut rendu son instruction nécessaire et que les sacrifices du peuple belge pendant la Guerre l914-l8 ne pouvaient plus différer le droit de vote, les syndicats wallons n’ont pas fait comme les syndicats tchèques et employé la langue du peuple, ils ont opté pour l’embourgeoisement.

Au 17e siècle, 1’Eglise catholique aurait pu, à l’instar de ce que l’Eglise protestante a fait dans toutes les régions néerlandophones, choisir dans toute la Wallonie le vocabulaire nécessaire à la traduction de la bible et à l’établissement d’une liturgie en langue wallonne. Elle ne l’a pas fait, parce que ses hauts dignitaires sortaient de l’aristocratie et qu’ils ont choisi la langue que celle-ci pratiquait. Alors que le néerlandais sortait de la Statenbijbel (1626-1635), l’Eglise catholique nous a imposé le français.

Il y a eu une terrible pression sociale contre la langue wallonne, avec des mesures culpabilisantes, comme l’atteste le texte suivant : « Pourquoi ne pas rappeler un souvenir d’enfance?  Vers 1920, alors que j’allais sortir de l’école primaire, l’instituteur nous défendait de parler le wallon, sous peine de pensums copieux et rebutants. Dans d’autres écoles, cette interdiction revêtait un caractère sournois et révoltant. Dès qu’un élève était surpris à prononcer un seul mot de wallon, il se voyait remettre une petite planchette, sorte de témoin d’une course de relais peu banale.  En dénonçant un condisciple, coupable lui aussi d’avoir parlé le langage maternel, on pouvait se défaire de la planchette infâmante. »  (André Paquet, L’odieuse délation, in: Nwêr Boton, 49, nov. 1975) Gare à celui qui la détenait à la fin de la leçon! Il serait sévèrement puni, tous les autres échappant au pensum par le biais d’une odieuse délation. Cette méthode qui semble machiavéliquement concertée se retrouvait en France au cours du XIXe siècle. Il suffit de lire « La vie quotidienne des Paysans de Bretagne » par Yann Brekilien (Hachette, 1966, 154) ou encore le roman « Les Noisettes sauvages » de Robert Sabatier (Albin Michel, 1974, 243) qui relatent tous deux le recours à des moyens identiques, tant en Bretagne qu’en Auvergne. Et il faut croire que bien d’autres régions n’ont pas échappé à ce pernicieux système.

On reste effaré par l’astuce de maîtres d’école dont le devoir essentiel était d’éduquer la jeunesse. Notre devoir est d’informer nos jeunes générations de ces odieuses brimades de jadis; nous devons les rappeler à tous ceux qui les ont connues: une délation néfaste pour arriver à étouffer notre langage maternel et pour détruire nos particularismes. Dans le cas de la France, Sabatier ne le dit-il pas très justement: « Il fallait faire une nation d’un seul tenant.  Et la langue des hommes, c’est leur particularité. » Chez nous, surtout dans les milieux urbains, ne disait-on pas (croyance encore bien vivace actuellement): « Le wallon n’est qu’un jargon parlé par la basse classe! »

Deux exemples à suivre. Le romanche, enseigné comme première langue dans les « scolettas » (écoles gardiennes) et le primaire, se divise en 5 dialectes. Depuis quelques années seulement, cette langue a été unifiée. C’est aussi le cas du breton et du frison, qui comptent plusieurs dialectes. Et le luxembourgeois, proche de nous, véritable moteur de l’épanouissement linguistique (le trilinguisme) et culturel de ses locuteurs.

 

0.1.6.3   Pauvreté en vocabulaire

 

Le wallon possède bien plus de mots, dont une grande quantité de verbes et de noms abstraits, que l’on croit. Ainsi, Joseph Warland (ULg) avait estimé le vocabulaire wallon à 70.000 mots (mais une étude récente, la constitution d’un corpus en vue d’un dictionnaire général, semble dépasser le chiffre de 100.000). Le français posséderait 125.000 mots, l’anglais et l’espagnol 185.000 mots, l’allemand et le néerlandais 210.000.

La différence entre le wallon et le français peut paraître grande, mais dans les adjectifs français, beaucoup sont empruntés et non dérivés du latin. Par exemple: acétique, agricole, aqueux, auriculaire, aurifère, culinaire, cuprique, gracile, melliflue, solipède. De même, les noms abstraits sont tirés généralement par emprunt au grec ou au latin. Ainsi: calvitie, claustrophobie, ergothérapie, cuniculiculture, odontologie, otologie, capillarité, caséine. De même que de nombreux noms concrets (ex. aquarium, bibliothèque, calcéolaire, dactylographie).

 

D’autre part, si le français a en wallon, on dira
neiger nîver, nîveter, nîveloter, payeter, flotcheter, selon l’intensité ou la façon de neiger;
bouillir > ????? boûre > riboûre, caboûre, racaboûre, brotchî,

argent:   a) métal

                b) monnaie

a) l’ ârdjint

b) les caurs/les liârds

(N) a) het zilver

b) het geld

fille:     a) fils

             b) garçon

a) li fis

b) li gamin

a) de zoon

b) de jongen

geler:    a) il gèle

               b) l’eau gèle

a) i djale

b) l’ êwe èdjale

a) het vriest

b) het water bevriest

le sac:   a) contenant

               b) contenu

a) li satch

b) li satchîye

a) de zak

b) de zakvol

sans doute:   a) sûrement

b) probablement

a) sins manke

b) dandjureûs

a) zeker

b) waarschijnlijk

 

0.1.6.4   Inutilité

Dans les affaires et la science, me direz-vous bien sûr, mais dans ce cas, il ne faut plus apprendre d’autre langue que l’anglais.

 

1) L’authenticité

 

D’où résulte une créativité accrue. Celui qui fait sa culture dans sa propre langue n’est plus un nourrisson qui boit le biberon qu’on lui présente, dans lequel il n’a rien pu mettre, même s’il le trouve indigeste ou ne lui plaît pas, mais un homme conscient et libre, qui a des raisons de fierté, que l’imitation rendrait ridicules.

Connaître l’histoire sert à l’homme à se situer dans le temps, la géographie à se situer dans l’espace terrestre. La connaissance du wallon doit permettre à un wallon de se situer dans l’ensemble des cultures et d’y contribuer de façon originale, c’est-à-dire de leur apporter un enrichissement. Une espèce animale qui disparaît de notre terre est un appauvrissement. Que dire alors d’une langue?

 

2) Il y a quand même un intérêt pratique évident.

 

L’étudiant qui connaîtra le wallon apprend plus facilement le néerlandais, l’anglais, l’allemand, le latin, etc.

Par exemple :

(W) < (L)
crèche < crescere
nêvyî < navigare
reûmyî < rumigare
scoryî < corrigare
tchèryî < carricare
tinkyî < tendicare, etc

 

Il apprend aussi plus facilement l’espagnol :

Par exemple :

baño (W) lès bagnes
baston baston
caeer tchaîr
casi causu
despertar dispièrter, etc

 

l’italien:

Par exemple :

accoviciarsi (W) s’acovissî
bussare all uscio bouchî à l’uch
la costura li costeure
disdirsi si disdîre
l’estate l’èsté, etc

 

De même le français :

     a) meilleure compréhension des différences linguistiques (wallonismes, etc.)

     b) possibilité de mieux faire ressortir les limites et les possibilités d’une langue

     c) servir de référence pour expliquer les origines et le développement du français

     d) analyse d’une société

De même pour l’histoire et la toponymie: connaissance pour traiter de la Wallonie.

 

Une bonne connaissance de la langue wallonne est une aide énorme pour vaincre les difficultés du français.

a) La présence d’un « -s- » dans le wallon:

         Par exemple : baston, hospitau, rèstia/ristê, tchèstia/tchèstê, wastia/wastê, etc., dénonce celle d’un accent circonflexe en français.

         Par exemple : (W) batia/batê  (F) bateau

b) Le français /ã/ écrit avec un « a » se prononce en wallon /ã/.

         Par exemple :

champ (W) tchamp
chant tchant
avant divant
quand quand

 

    Le français /ã/ écrit avec un « e » se prononce en wallon /ẽ/.

         Par exemple :

entrer (W) intrer temps (W) timps
fendre finde tenter tinter
mentir minti vent vint
pendre pinde

 

Il y a quelques exceptions et on peut préjuger des irrégularités du français, comme « vAntail »  dérivé de « vEnt ».

3) Les difficultés nombreuses résultant en français de l’homonymie sont généralement inexistantes pour qui connaît le wallon.

 Par exemple :

(F) (W) (F) (W)
ce ci …-ci, ci …-là ni ni
se si n’y n’î
       
la li peu wêre
l’a l’a peut pout; sét
       
ma mi quand quand
m’a m’a quant tant qu’
    qu’en qu’è
mon mi son si
m’ont m’ont sont sont
    etc.  

 

4) Même si on ne cherche pas de rapport entre le wallon et une autre langue, la connaissance du wallon est un atout important en ce sens que l’entraînement à passer d’une langue à l’autre, en l’occurrence du wallon au français, les décomplexe au moment de passer à une troisième, etc.

NB (Roger Viroux) « Ceci n’est pas de la théorie, mais une expérience vécue avec mes propres enfants. Ceux-ci n’avaient, à leur entrée à l’école gardienne à 3 ans, jamais parlé que wallon, et le wallon est encore leur unique langue pratiquée en famille, ce qui ne les empêche pas, au contraire, de parler français aussi bien que d’autres, et de parler néerlandais et anglais avec grande facilité. » 

(Johan Viroux) « J’ai vécu une expérience similaire dans une famille composée de parents dont le père parle wallon et la maman français. En ajoutant aux deux langues germaniques précitées l’apprentissage assez aisé de l’allemand et du luxembourgeois. ».  Un phénomène universel malheureusement méconnu, voire méprisé dans le monde francophone…

5) Le fait de savoir que leur langue, qui n’a aucun rapport avec d’autres langues européennes, n’est ni comprise ni étudiée en dehors de leur pays, n’empêche pas les Hongrois de la pratiquer et d’en faire la base de leur culture, submergée cependant pendant longtemps par la culture allemande. On peut également prendre en exemple nos voisins luxembourgeois.

Les Bretons, les Occitans et les Catalans, … ont les mêmes revendications. On ne peut affirmer que leur culture ou leurs possibilités soient plus grandes que les nôtres. Ces revendications linguistiques modérées n’ont pas seulement un aspect culturel, mais aussi un aspect social.

6) Le wallon manque de vitalité.

Notre langue possède des qualités qu’on lui dénie, entre autres des qualités créatrices inexploitées, dont on ne lui a jamais demandé de se servir. Loin de nous l’idée de se servir du wallon pour l’enseignement des sciences, mais le wallon n’aurait-il pas pu former un vocabulaire scientifique ? Les enfants de 4e année primaire apprennent « triangle équilatéral », « triangle isocèle », « triangle scalène » et retiennent sans comprendre. Les instituteurs que j’ai interrogés à ce propos, savent expliquer « équilatéral », mais tous restent le bec dans l’eau, quand il s’agit d’expliquer pourquoi on dit « isocèle » et « scalène » !

En wallon, il y a des néologismes. Comme èpèstifèradje (de ‘èpèstifèrer’) (F) polluer ; lumes de lumer (F), feux (!) de la circulation ; plake-tot-seû (de ‘plaker’: (F) autocollant).

 

7) Grossièreté

Il n’y a pas de grossière langue, il n’y a que des gens grossiers. On ne peut prétendre que la proportion de grossières gens soit plus petite en France ou ailleurs que chez nous. Toutes les langues sont parlées grossièrement par une certaine catégorie de gens. Chaque langue met la limite entre la politesse et la familiarité, entre la familiarité et la grossièreté à un endroit différent. Ceci apparaît dans l’emploi des pronoms de la 2e personne, où le wallon est plus sévère et plus nuancé que le français, ou encore dans l’emploi de noms et de verbes réservés aux gens ou aux animaux.

0.1.7    Le wallon reconnu comme une langue

 

Le professeur Louis Remacle (ULg) démontrait que dès le début du 13e siècle, le wallon était nettement et définitivement individualisé à l’égard du français central, du picard (rouchi) et du lorrain (gaumais). Il l’était naturellement plus encore en 1250 et en 1300. En 1890, le romaniste allemand Meyer-Lübke, dans sa « Grammaire des langues romanes » n’hésitait pas à dire qu’on pouvait considérer le wallon comme une langue romane particulière. En 1912, le philologue Jules Feller concluait que « l’ensemble des dialectes wallons forme une unité linguistique d’un ordre supérieur. On peut convenir d’appeler cette unité langue wallonne ». (in: Notes de dialectologie wallonne, 1912, Liège, p.8)

Le wallon est donc une langue soeur des autres langues romanes. Plus de 420 différences fondamentales entre le wallon et le français ont été observées, en bonne partie au niveau de la syntaxe. Le domaine linguistique permet de déterminer si on se trouve en face de deux langues et non de deux dialectes faisant partie de la même langue ou d’un dialecte et de la « langue-mère ».

Enfin, dans l’édition 2009 du Petit Robert, grâce à l’intervention du professeur Michel Francard (UCL), chargé de sa refonte dans sa composante belge, le wallon a été défini comme « langue romane en usage dans cette région [= Wallonie] ».

Dès lors, qu’est-ce qui pourrait donc empêcher le wallon (« li Bèlje », comme disent les descendants de Wallons partis au Wisconsin) d’être une langue nationale et/ou officielle?

Ce serait faire justice à toutes les personnes persécutées pour avoir parlé wallon et aux conséquences constatées par le professeur Jucquois (UCL):  « (Ainsi) les phénomènes de déculturation, étudiés jusqu’à présent essentiellement sur des populations d’Amérique du Sud mais observables également en Europe dans certaines régions telles que la Wallonie, sont aisément décelables lorsqu’ils se situent dans des régions bilingues du fait qu’ils s’accompagnent alors de la perte progressive de la langue traditionnelle. L’ évolution collective d’un unilinguisme A vers un unilinguisme B, en passant par un bilinguisme AB puis un bilinguisme BA apparaîtra donc comme un signe de déculturation et sera accompagné de phénomènes économiques (récession, sous-emploi. etc. ), sociologique (perte de l’élite, modèle social importé, etc.), et même physiologique, s’il faut admettre l’explication de la diminution des taux de natalité comme étant une des conséquences du phénomène de déculturation. » (in: Introduction à la linguistique différentielle, p-53, 1976)

Terminons par une note d’optimisme. Toujours selon Michel Francard, les résultats d’enquêtes auprès de publics très différents et en divers endroits de Wallonie soulignent que « les jeunes d’aujourd’hui ont une vision nettement plus positive que leurs aînés à l’égard du wallon. Pour ne prendre qu’un seul exemple, une enquête menée il y a quelques années auprès des étudiants de première année de philologie romane dans les universités belges francophones a fait apparaître que 74 % de cette population estiment qu’une pratique d’une langue régionale apporte un supplément de culture. Parmi ceux qui disent ne pas pratiquer une langue régionale, 25 % considèrent qu’il s’agit d’une lacune. Ces jeunes, qui entretiennent pourtant avec le français des rapports privilégiés, ont donc une opinion très largement favorable à l’égard des langues régionales. » 

Nosse langue

One langue è-st-on moyin d’ fé conèche sès-idéyes à d’s-ôtes è s’ sièrvant d’ mots ou d’ sines qui sont compris pau mimbes d ‘on groupe di djins et qu’ è-st-assez difèrint d’ on-ôte moyin dè l’ min.me sôte, qu’ on lome one langue, etc.

Po prouver qui l’ walon è-st-one langue, i gn-a qu’ à d’ner lès preuves qui l’ walon è-st-assez difèrint do francèlugrammeres, li langue què l’ r’chone li pus. Gn-a dès cis qui n’ conèchenut nin l’ walon, qui dîyenut qu’ c’ è-st-on patwès. Ci mot-là tape on lingadje à l’ abas, ca i vint do mot « pate » èt avou one pate, on n’ sét fé one ossi fine besogne qu’ avou one mwin.

Ça s’ vèt tot l’ timps qu’ dès cis qui n’ conèchenut qu’ one langue lî inventenut dès qualités, qu’ is n’ saurin.n prouver, vèyan.mint qu’ is nè l’ saurin.n rimète à d’s-ôtes.

Tot d’djant ça, is s’ cachenut one èscuse po leûs limites èt, télemint qu’ is n’ sont nin sûrs di zèls, is critikenut lès-ôtès langues è d’djant dès grosses bièstrîyes, vèyan.mint qu’ is n’ lès conèchenut nin.

0.2   La grammaire générale wallonne

 

« Toute grammaire vise à rendre compte, sous forme de règles et – à défaut – d’exceptions à celles-ci, de l’ensemble des comportements linguistiques d’une communauté déterminée. » (Guy Jucquois (UCL), in: Les modèles de l’homme, Sciences et langages, 1987, p.76)

Pourquoi une grammaire de la langue wallonne ?

Pour montrer et même démontrer que le wallon est une langue à part entière et que nos ancêtres, relayés par nos aïeux, nous ont légué un outil, support de pensée unique, nuancé et performant, dont nous n’avons pas à rougir, malgré les critiques, le mépris et les brimades scolaires.

Un autre but est de démontrer la cohésion entre les différents dialectes, cohésion qui est généralement niée par des gens qui ne connaissent le wallon que superficiellement et d’autres qui ne le connaissent même pas du tout, mais se permettent de le juger et donc de le préjuger.

C’est pourquoi nous avons pris des exemples de bons auteurs de tous les dialectes wallons, qui se rejoignent par la syntaxe et la morphologie.

Evidemment, il était primordial de s’inspirer de l’ouvrage magistral de Louis Remacle, professeur de Roger Viroux à l’ULg, la « Syntaxe du parler wallon de la Gleize » en 3 volumes (1952-1960), couvrant plus de 1100 pages. Le professeur Willy Bal (UCL) affirmait dans « Dialectologie en Wallonie » (in: CILL, 7.3-4, 1981): « Les phénomènes de syntaxe variant peu d’une région à l’autre, la description de L. Remacle, qui utilise toute la documentation disponible pour les autres régions de la Belgique romane, apporte des conclusions dont la portée dépasse souvent le wallon lui-même. »

 

Bonne lecture! Lîjoz bin!

 

Roger et Johan Viroux

Professeurs

Grammaire générale wallonne – Introduction

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Arlon (Arel en arlonais1 et en allemandn 1) est une ville francophone de Belgique située en Wallonie. Il s’agit du chef-lieu de la province belge de Luxembourg, elle est également chef-lieu de son arrondissement administratif. L’ancienneté de la ville remonte à la période gallo-romaine. La langue luxembourgeoise y a longtemps été traditionnelle2,3. La ville est aujourd’hui un grand centre administratif et commercial dans la région. C’est l’agglomération la plus peuplée du Pays d’Arlon. Le secteur tertiaire, notamment l’enseignement, y développe ses activités (faculté universitaire et enseignement secondaire). Arlon (Arel en arlonais1 et en allemandn 1) est une ville francophone de Belgique située en Wallonie. Il s’agit du chef-lieu de la province belge de Luxembourg, elle est également chef-lieu de son arrondissement administratif. L’ancienneté de la ville remonte à la période gallo-romaine. La langue luxembourgeoise y a longtemps été traditionnelle2,3. La ville est aujourd’hui un grand centre administratif et commercial dans la région. C’est l’agglomération la plus peuplée du Pays d’Arlon. Le secteur tertiaire, notamment l’enseignement, y développe ses activités (faculté universitaire et enseignement secondaire). Arlon (Arel en arlonais1 et en allemandn 1) est une ville francophone de Belgique située en Wallonie. Il s’agit du chef-lieu de la province belge de Luxembourg, elle est également chef-lieu de son arrondissement administratif. L’ancienneté de la ville remonte à la période gallo-romaine. La langue luxembourgeoise y a longtemps été traditionnelle2,3. La ville est aujourd’hui un grand centre administratif et commercial dans la région. C’est l’agglomération la plus peuplée du Pays d’Arlon. Le secteur tertiaire, notamment l’enseignement, y développe ses activités (faculté universitaire et enseignement secondaire). Arlon (Arel en arlonais1 et en allemandn 1) est une ville francophone de Belgique située en Wallonie. Il s’agit du chef-lieu de la province belge de Luxembourg, elle est également chef-lieu de son arrondissement administratif. L’ancienneté de la ville remonte à la période gallo-romaine. La langue luxembourgeoise y a longtemps été traditionnelle2,3. La ville est aujourd’hui un grand centre administratif et commercial dans la région. C’est l’agglomération la plus peuplée du Pays d’Arlon. Le secteur tertiaire, notamment l’enseignement, y développe ses activités (faculté universitaire et enseignement secondaire).

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